Le concept de maladie chronique est parfaitement illustré avec la drépanocytose : affection congénitale, elle impacte directement l’enfant et ses parents, puis l’adolescent, et enfin l’adulte, avec des problématiques évolutives au cours du temps. Malgré l’amélioration de sa prise en charge, qui a permis une augmentation importante de l’espérance de vie des patients, la drépanocytose reste une maladie d’aggravation progressive. Compte tenu de cette dynamique évolutive, une coordination entre les pédiatres et les médecins de l’adulte s’impose.
Passage d’une prise en charge familiale à un accompagnement individuel
La période de transition doit aborder les aspects médicaux mais aussi psychosociaux et éducatifs afin de préparer le patient à passer d’une prise en charge « familiale » à une prise en charge « individuelle » (figure ).
Afin d’initier ce processus, les parcours de transition passent souvent par un besoin de « réannonce » de la maladie, permettant à l’adolescent de devenir l’interlocuteur principal du médecin et de verbaliser des questions qu’il avait jusque-là parfois gardées pour lui. Elle permet souvent aussi de révéler des représentations morbides de la maladie, héritées d’angoisses parentales (« Ça ne sert à rien de faire des projets, je sais que je vais mourir à 20 ans »).
Les différences entre les secteurs pédiatrique et adulte doivent être expliquées : le vouvoiement, l’autonomie, ainsi que des détails importants de l’hospitalisation (horaires de visites, la télévision qui devient payante…). Il est essentiel que le pédiatre ne noircisse pas pour autant la vision du secteur adulte et valorise, au contraire, la future relation privilégiée avec son médecin, sans le filtre parental et autour de préoccupations nouvelles comme la sexualité ou l’insertion professionnelle. Les futurs interlocuteurs doivent être clairement identifiés, avec idéalement l’organisation d’une consultation commune pédiatre-médecin adulte avant le transfert. Enfin, une mise au point avec les jeunes patients sur leurs droits sociaux (régime de Sécurité sociale, affection de longue durée [ALD], mutuelle, reconnaissance de la maison départementale pour les personnes handicapées [MDPH]…) avant leur passage en secteur adulte s’avère souvent indispensable.1
Afin d’initier ce processus, les parcours de transition passent souvent par un besoin de « réannonce » de la maladie, permettant à l’adolescent de devenir l’interlocuteur principal du médecin et de verbaliser des questions qu’il avait jusque-là parfois gardées pour lui. Elle permet souvent aussi de révéler des représentations morbides de la maladie, héritées d’angoisses parentales (« Ça ne sert à rien de faire des projets, je sais que je vais mourir à 20 ans »).
Les différences entre les secteurs pédiatrique et adulte doivent être expliquées : le vouvoiement, l’autonomie, ainsi que des détails importants de l’hospitalisation (horaires de visites, la télévision qui devient payante…). Il est essentiel que le pédiatre ne noircisse pas pour autant la vision du secteur adulte et valorise, au contraire, la future relation privilégiée avec son médecin, sans le filtre parental et autour de préoccupations nouvelles comme la sexualité ou l’insertion professionnelle. Les futurs interlocuteurs doivent être clairement identifiés, avec idéalement l’organisation d’une consultation commune pédiatre-médecin adulte avant le transfert. Enfin, une mise au point avec les jeunes patients sur leurs droits sociaux (régime de Sécurité sociale, affection de longue durée [ALD], mutuelle, reconnaissance de la maison départementale pour les personnes handicapées [MDPH]…) avant leur passage en secteur adulte s’avère souvent indispensable.1
Éléments charnières
Du contrôle de la douleur au risque d’addiction
L’antalgie est une thérapeutique clé chez les patients drépanocytaires (tableau 1 ). Si le paracétamol et l’ibuprofène sont utilisés en automédication dès la première année de vie, ce dernier est évité au maximum à l’âge adulte afin de prévenir les risques de toxicité rénale.
En hospitalisation, le mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA), prescrit systématiquement pour les soins douloureux chez l’enfant (perfusion, bilan sanguin), est progressivement proscrit en raison du risque d’addiction et de sclérose combinée de la moelle par carence en vitamine B12 en cas d’utilisation répétée.
L’utilisation fréquente d’opiacés chez certains patients adultes (systématique en hospitalisation) est susceptible d’induire une pharmacodépendance, voire, plus rarement, une authentique addiction nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire par le médecin généraliste, le médecin spécialiste de la drépanocytose, le médecin de la douleur et le psychiatre addictologue.
En hospitalisation, le mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA), prescrit systématiquement pour les soins douloureux chez l’enfant (perfusion, bilan sanguin), est progressivement proscrit en raison du risque d’addiction et de sclérose combinée de la moelle par carence en vitamine B12 en cas d’utilisation répétée.
L’utilisation fréquente d’opiacés chez certains patients adultes (systématique en hospitalisation) est susceptible d’induire une pharmacodépendance, voire, plus rarement, une authentique addiction nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire par le médecin généraliste, le médecin spécialiste de la drépanocytose, le médecin de la douleur et le psychiatre addictologue.
Diminution de certains risques, émergence d’autres
Si certains risques (séquestration splénique, infections) diminuent, d’autres émergent à l’âge adulte (risque cardiovasculaire, articulaire, cutané).
Les épisodes d’anémie aiguë par séquestration splénique aiguë (SSA) et les infections bactériennes sévères dues au pneumocoque et aux salmonelles sont parmi les premières causes de mortalité chez l’enfant drépanocytaire2 justifiant une stratégie préventive (phénoxyméthylpénicilline [Oracilline] de l’âge de 2 mois à environ 10 ans) et d’une éducation thérapeutique des parents (antibiothérapie en cas de fièvre, reconnaissance des signes de SSA).
Au moment de la transition, bien que le risque infectieux diminue, une attention particulière est portée à la mise à jour vaccinale, notamment contre le méningocoque, le pneumocoque et l’Hæmophilus influenzæ de type b.
Plus tard, les facteurs de risque cardiovasculaire usuels (hypertension artérielle, diabète, tabagisme, âge), l’atteinte articulaire (ostéonécrose aseptique avec arthrose secondaire), le priapisme et le risque d’ulcères cutanés, très douloureux, doivent faire l’objet d’une attention nouvelle.3
Les épisodes d’anémie aiguë par séquestration splénique aiguë (SSA) et les infections bactériennes sévères dues au pneumocoque et aux salmonelles sont parmi les premières causes de mortalité chez l’enfant drépanocytaire2 justifiant une stratégie préventive (phénoxyméthylpénicilline [Oracilline] de l’âge de 2 mois à environ 10 ans) et d’une éducation thérapeutique des parents (antibiothérapie en cas de fièvre, reconnaissance des signes de SSA).
Au moment de la transition, bien que le risque infectieux diminue, une attention particulière est portée à la mise à jour vaccinale, notamment contre le méningocoque, le pneumocoque et l’Hæmophilus influenzæ de type b.
Plus tard, les facteurs de risque cardiovasculaire usuels (hypertension artérielle, diabète, tabagisme, âge), l’atteinte articulaire (ostéonécrose aseptique avec arthrose secondaire), le priapisme et le risque d’ulcères cutanés, très douloureux, doivent faire l’objet d’une attention nouvelle.3
Suivi et dépistage des complications chroniques
Un dépistage annuel des complications est le plus souvent proposé, avec quelques différences selon l’âge (tableau 2 ).
Rôle clé du médecin traitant
Seul acteur permanent au cours de la transition, le rôle du médecin traitant est important.1 Le suivi hospitalier étant limité à environ trois consultations par an, le médecin traitant a souvent la charge du renouvellement des ordonnances d’antalgiques ou des traitements de courte durée, de la prise en charge d’événements intercurrents et de la mise à jour des vaccinations.1 Il est ainsi plus à même de dépister, par exemple, un mésusage des antalgiques ou la survenue de troubles anxiodépressifs, et de participer à la prévention cardiovasculaire. Comme le spécialiste, il peut également aider à la constitution de dossiers d’adaptation scolaire, ou de demandes d’aides auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
Références
1. de Montalembert M, Guitton C. Disease the FRC for SC. Transition from paediatric to adult care for patients with sickle cell disease. Br J Haematol 2014;164(5):630‑5.
2. Desselas E, Thuret I, Kaguelidou F, Benkerrou M, de Montalembert M, Odièvre MH, et al. Mortality in children with sickle cell disease in mainland France from 2000 to 2015. Haematologica 2020;105(9):e440‑3.
3. Habibi A, Arlet JB, Stankovic K, Gellen-Dautremer J, Ribeil JA, Bartolucci P, et al. Recommandations françaises de prise en charge de la drépanocytose de l’adulte : actualisation 2015. Rev Med Interne 2015;36(5, Suppl. 1):5S3‑84.
4. Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent. Haute Autorité de santé. 2005. https://vu.fr/WwrB
2. Desselas E, Thuret I, Kaguelidou F, Benkerrou M, de Montalembert M, Odièvre MH, et al. Mortality in children with sickle cell disease in mainland France from 2000 to 2015. Haematologica 2020;105(9):e440‑3.
3. Habibi A, Arlet JB, Stankovic K, Gellen-Dautremer J, Ribeil JA, Bartolucci P, et al. Recommandations françaises de prise en charge de la drépanocytose de l’adulte : actualisation 2015. Rev Med Interne 2015;36(5, Suppl. 1):5S3‑84.
4. Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent. Haute Autorité de santé. 2005. https://vu.fr/WwrB