La drépanocytose est une maladie chronique souvent invalidante au cours de laquelle les patients peuvent avoir le sentiment d’être menacés de façon imprévisible par des complications possiblement sévères, appréhension qui peut les empêcher de faire des projets.1 Un cercle vicieux, « douleur-peur de la douleur », s’installe. L’incapacité à aider très efficacement leur enfant douloureux a été identifiée comme un facteur de stress post-traumatique dans une population de parents d’enfants drépanocytaires.2 La drépanocytose est donc une pathologie pour laquelle il est capital de favoriser la compréhension et l’appropriation de la maladie, ainsi que des compétences d’adaptation et d’autosoins par les patients et leur famille.

L’éducation thérapeutique se fonde sur les besoins spécifiques et priorités du patient

L’éducation thérapeutique du patient (ETP) n’est pas une vulgarisation des savoirs et des soins. Il ne s’agit pas de dispenser de simples informations et conseils aux patients mais de les aider à acquérir des compétences souvent complexes, ce qui nécessite une pédagogie spécifique.3
Selon les termes de la Haute Autorité de santé (HAS), l’ETP a pour but « d’aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique ». La qualité de vie est un élément clé. Elle suppose que les programmes soient fondés sur des besoins individuels, selon des priorités définies par le patient, et basés sur son expérience propre. Les différents aspects de sa vie sont pris en compte, ainsi que ses croyances et représentations, ses potentialités, et son projet de vie. Les priorités du patient (qualité de vie ; vies familiale, sociale, affective, sexuelle, professionnelle notamment) peuvent différer de celles envisagées par les médecins (le plus souvent : comprendre la maladie, bien prendre les traitements prescrits) et sont identifiées lors d’un entretien dédié, appelé « bilan éducatif partagé ».

Séances individuelles ou collectives sur des thèmes précis

Des séances individuelles ou collectives, ciblées sur des thèmes précis, sont ainsi proposées au patient. Des exemples de thèmes de séance autour de la drépanocytose sont présentés dans les tableaux 1 et 2.
Les séances collectives sont souvent fondées sur l’entraide, le partage d’expériences qui dépassent la simple connaissance médicale de la maladie. Chaque participant développe ses propres savoir-faire et savoir-être pour résoudre des difficultés dans sa vie quotidienne, et les mettre en commun avec les autres.
Ces rencontres aboutissent à une construction d’apprentissages entre pairs et peuvent aussi aider à rompre le sentiment d’isolement, fréquemment vécu par les sujets drépanocytaires et leur famille. L’éducation thérapeutique sort du cadre habituel des hospitalisations ou des consultations classiques : la parole en est généralement libérée et le lien soignant-soigné peut être renforcé.
La pandémie de Covid-19 a amené à développer des outils et ateliers en ligne qui ont l’avantage de supprimer le besoin de déplacement. Toutefois, l’expérience en région parisienne a révélé que certaines familles avaient un accès limité aux outils informatiques et ne pouvaient pas bénéficier de l’ETP en ligne.8

Formation indispensable des équipes pluridisciplinaires

Un minimum de formation de quarante heures est indispensable pour pouvoir animer une session d’ETP. La pluridisciplinarité des équipes d’animateurs est importante ; ils peuvent être médecins, infirmiers, psychologues, patients ou aidants ressources (formés en ETP), assistants sociaux, diététiciens, etc.
Les recommandations de la HAS de 2007 indiquent que les patients ressources ou les associations de patients doivent être « sollicités dans les phases de conception, de mise en œuvre et d’évaluation d’un programme d’ETP spécifique à une ou des pathologies chroniques ».4 Leurs interventions permettent d’adapter plus finement le programme aux besoins des patients. Grâce à l’expérience qu’ils ont de leur maladie, ils peuvent avoir des idées innovantes d’ateliers et ou d’outils pouvant aider leurs pairs.
Il peut être particulièrement intéressant d’organiser des formations conjointes en ETP soignants-patients ressources, qu’elles soient initiales ou complémentaires.6 Dans le cadre de l’ETP pour les personnes atteintes de cancer, il existe de plus en plus de patients ressources rémunérés pour leurs interventions, voire employés par des structures de soins. Ceci reste malheureusement rare dans le cas de la drépanocytose, faute de moyens alloués.

Séances dès l’âge de 6 ans, incluant l’entourage

Les séances d’ETP peuvent commencer à partir de l’âge de 6 ans. Elles doivent être adaptées à l’âge du patient, et si possible intégrer son entourage : famille, aidants, professionnels de crèche, de l’école, etc. Les besoins d’un adolescent sont considérés avec une prise de responsabilité croissante dans la gestion de la maladie et de son traitement. La préparation au passage vers le service pour adultes débute généralement entre 12 et 16 ans, selon la maturité de l’enfant. L’efficacité de l’ETP dans cette période est en cours d’évaluation dans la drépanocytose, grâce à une étude avec un bras contrôle.7
Tous les patients et les familles ne sont pas prêts à participer à des programmes d’ETP, il est important de respecter la temporalité et les souhaits de chacun en fonction de ses attentes.4

Deux structures de référence en France

En France, deux structures se sont particulièrement investies dans l’ETP des patients drépanocytaires, l’une dédiée aux enfants, le Réseau francilien de soin des enfants drépanocytaires (www.rofsed.fr) et l’autre aux adultes, « Et vivre adulte avec la drépanocytose » (https://evadrep.org/).
De nombreux outils utilisant des méthodes pédagogiques adaptées aux enfants (jeu, expérimentation…) et prenant en compte les capacités d’apprentissage en fonction de l’âge ont été spécifiquement créés pour ces patients atteints de drépanocytose (figure). Ces deux structures sont intégrées dans la filière de santé Maladies constitutionnelles rares du globule rouge et de l’érythropoïèse (MCGRE) (https://filiere-mcgre.fr/), qui anime des réunions pluriannuelles de confrontation d’expériences et d’échange d’outils en ETP.

L’ETP fait partie intégrante des soins

Il existe encore en France des besoins non couverts de mise en place de programmes d’ETP, notamment faute de temps dédié pour les équipes. La formation des équipes soignantes en ETP doit être facilitée, et du temps doit être dégagé pour permettre aux éducateurs d’organiser les sessions. L’ETP doit maintenant être considérée comme faisant partie intégrante des soins. Elle peut également apporter aux soignants une meilleure compréhension du vécu des patients, ou leur permettre de sortir de représentations parfois erronées. Cela contribue grandement à l’amélioration de leurs pratiques quotidiennes. 

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