Découverte et diagnostic du handicap chez un enfant
La découverte : les parents, l’enfant et le médecin
Pense-t-il toujours à l’expliquer également à l’enfant ? Celui-ci est pourtant le premier concerné. Si le choix des mots doit varier en fonction de son âge, de son niveau de compréhension aussi – lequel, en cas de handicap mental, est parfois difficile à appréhender –, cette information est essentielle et doit lui être donnée. Elle s’inscrit fondamentalement dans une démarche éthique de respect du principe de vérité et d’engagement du médecin aux côtés de l’enfant porteur de handicap, ainsi que de sa famille : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose ».2
Enjeux du diagnostic
La découverte d’un trouble du neurodéveloppement chez un enfant justifie une recherche systématique des différentes causes connues à ce jour. Cette recherche est aujourd’hui facilitée par l’existence de réseaux entre les structures de prise en charge de l’enfant handicapé et des « centres de référence », qui permettent de mener plus efficacement la démarche diagnostique. Quand un premier bilan n’a pas permis de retrouver une cause précise – situation qui prévaut actuellement dans 20 à 30 % des cas de déficience intellectuelle –, une nouvelle évaluation diagnostique doit être programmée dans les années suivantes, pour permettre à l’enfant et à sa famille d’avoir accès à des connaissances médicales actualisées.
Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, certaines causes de handicap de l’enfant sont accessibles à des thérapeutiques spécifiques – régime, thérapie enzymatique, greffe de cellules souches hématopoïétiques, thérapie génique… – dont l’efficacité repose essentiellement sur la précocité du diagnostic. D’où la nécessité d’une recherche étiologique d’emblée suffisamment précise pour que tous les enfants atteints de telles pathologies puissent bénéficier des traitements ad hoc dans les délais requis.
Enfin, de manière plus générale, la connaissance d’un diagnostic précis est un élément essentiel dans la construction du projet de vie de l’enfant handicapé : il est très important en effet, pour élaborer ce projet, de savoir quels peuvent être les handicaps associés et/ou les risques de survenue de complications évolutives responsables de sur-handicap.3
Phase d’annonce du diagnostic
Des « règles de bonne pratique » d’annonce ont été établies : l’annonce du diagnostic et de ses conséquences est faite par un médecin ayant l’expérience de la maladie en cause. Au cours d’un colloque singulier dans un lieu tranquille, la consultation doit se faire avec les deux parents ensemble ou en présence d’un proche, le plus précocement possible pour éviter des périodes de doute. Le langage doit être simple et accessible pour éviter la notion de filtrage sélectif, du syndrome du pas de porte (tout semble avoir été dit, compris et en partant les parents posent une question qui témoigne de la non-compréhension du discours entendu). Il faut éviter les veilles de week-end ou de vacances, des entretiens ultérieurs doivent être prévus rapidement. Des possibilités de prise en charge et de soutien dès l’annonce doivent être mises en place. Dans tous les cas, il faut savoir faire preuve d’une grande disponibilité. À l’heure d’internet, l’arrivée de nouveaux moyens d’information utilisés tant par les patients que par les médecins ne doit pas faire modifier ces « règles de bonne pratique ». Au contraire, ce type d’information peut permettre d’aborder plus largement les différents problèmes auxquels l’enfant et sa famille vont été confrontés.
Impact de la reconnaissance du handicap chez un enfant
Retentissement sur les parents
Pour autant, de très nombreuses publications témoignent du retentissement de l’annonce sur les parents. Le concept de « traumatisme psychique » est certainement le plus approprié pour définir les profonds sentiments de bascule, d’ébranlement ressentis lors de l’annonce du diagnostic. Mais cette annonce peut aussi apporter un réel soulagement, avec la réponse tant attendue à l’angoissante question « pourquoi mon enfant est-il différent ? ». L’annonce du diagnostic devient alors une confirmation du handicap, une réalité certes très difficile mais sur laquelle il est possible de construire. La rencontre avec d’autres parents au sein d’associations est ainsi souvent souhaitée par les familles.
Enfin, le diagnostic de handicap étant porté chez des enfants jeunes dont les parents ont le plus souvent l’âge et le désir de donner naissance à d’autres enfants, la connaissance précise du diagnostic constitue le prérequis indispensable à un conseil génétique le plus approprié possible.
Conséquences pour l’enfant lui-même
L’enfant handicapé pressent généralement ses limites, sa gêne, ses douleurs, sa différence. Le fait de lui expliquer avec des mots simples l’origine de ses difficultés, de lui dire que l’on a compris pourquoi il ressentait tel ou tel symptôme représente pour lui une étape fondamentale. De même, au cours de l’évolution de sa maladie, l’apparition de nouveaux signes et de leurs conséquences doit être reprise dans un échange avec l’enfant. Certaines étapes, comme la perte de la marche chez un enfant myopathe, constituent un vrai renvoi à la maladie et doivent être particulièrement accompagnées par le pédiatre.
Une recherche récente sur l’annonce aux enfants a permis de souligner le niveau de connaissance des enfants à propos de leur maladie : leur annonce a été faite de micro-annonces subies et aussi de savoir « depuis toujours » qu’ils sont malades. Ce savoir s’étant constitué au fur et à mesure.5« En consultation, j’écoute ce que les adultes disent et ensuite je pose des questions. » La maladie déclenche chez l’enfant une quête étiologique, et la question de l’origine génétique apparaît selon certains auteurs comme « un deuxième dossier que les parents ne sont pas toujours prêts à ouvrir ».6 Pour d’autres, l’annonce ne peut avoir de sens éthique et de légitimité clinique que formulée et entendue comme une double annonce : celle de la maladie, dans le respect du principe de vérité, et celle de l’engagement du médecin aux côtés de l’adolescent face à la maladie pour le meilleur et pour le pire.7 Enfin, le pédiatre doit veiller au retentissement de cette annonce sur les frères et sœurs qui sont encore trop souvent les « oubliés de l’information ».8
Enjeux pour le personnel soignant
Ainsi, l’annonce du diagnostic fait partie intégrante du dispositif de soins, elle n’a de sens que si elle se conjugue à un accompagnement.9
Accompagnement de l’enfant handicapé
Scolarisation et aides financières
Consultation plurisdisciplinaire
Transition enfant-adulte
Accompagnement de fin de vie
Évaluer précisément le trouble du développement
Comment scolariser un enfant en situation de handicap ?
Le projet personnalisé de scolarisation s’établit en lien avec l’équipe éducative, les parents, un enseignant référent de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et les équipes de soins. Ce projet est individualisé, dynamique et adapté aux besoins réels de l’enfant.
Intégration individuelle en classe scolaire
L’intégration peut se faire avec le soutien d’un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH), ce qui permet à un certain nombre d’enfants handicapés de trouver leur place dans la classe comme dans la vie de l’école, mais aussi à l’enseignant, aux camarades, à toute l’école de les accueillir dans les meilleures conditions, en facilitant les relations et la communication. Cette mesure est décidée sur étude de dossier par la commission des droits à l’autonomie de la MDPH. Enfin, tous les examens et concours organisés par l’Éducation nationale offrent des possibilités d’aménagements étendus et renforcés pour les candidats handicapés (un tiers de temps supplémentaire, assistant de secrétariat…).
Classes d’intégration collective
En primaire, les unités localisées pour l’inclusion scolaire, dites ULIS école, accueillent 12 enfants au maximum.
Au collège et au lycée, les ULIS collège et lycée assurent une continuité avec les ULIS école et accueillent 10 élèves âgés de 11 à 16 ans.
Au collège, les sections d’enseignement général et le professionnel adapté (SEGPA) accueillent les élèves ayant des difficultés d’apprentissage graves et persistantes. Il s’agit d’un enseignement adapté qui vise une qualification professionnelle. L’élève est ensuite orienté, après la classe de 3e, vers un lycée professionnel, un centre d’apprentis ou un établissement régional d’enseignement adapté (EREA).
Dispositifs d’accompagnement de la scolarisation
Plusieurs structures pluridisciplinaires définissent et mettent en œuvre pour chaque enfant un projet éducatif, pédagogique et thérapeutique en association avec les parents.
Les centres d’action médicosociale précoce (CAMSP), pour les enfants âgés de 0 à 6 ans, ont pour objet le dépistage, la cure ambulatoire et la rééducation des enfants ayant des déficits sensoriels, intellectuels ou moteurs, en vue d’une adaptation sociale et éducative dans leur milieu naturel et avec la participation de leur famille. Ils fonctionnent avec une équipe pluridisciplinaire, tant au niveau médical (pédiatres, pédopsychiatres) que paramédical (kinésithérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, psychologues, etc.). Ce type de prise en charge ne nécessite pas d’orientation par la MDPH ; l’accès y est direct, à la demande de la famille ou de médecins.
Services pouvant intervenir sans orientation par la MDPH
Sont accessibles sans passer par la MDPH :
– pour les enfants âgés de 3 à 18 ans ayant des troubles psychoaffectifs, psychomoteurs ou des troubles des apprentissages : les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ;
– pour les enfants ayant des troubles psychiques : les centres médicopsychologiques (CMP).
Des prises en charge peuvent également être réalisées en secteur libéral (séances de kinésithérapie, d’orthophonie, suivi pédopsychiatrique, neuropédiatrique, de rééducation fonctionnelle). Les frais de rééducation par des psychologues, psychomotriciens et ergothérapeutes en libéral ne sont pas pris en charge par l’Assurance maladie et peuvent être pris en compte dans le plan personnalisé de compensation (PPC) établi par la MDPH.
Services nécessitant une orientation MDPH
D’autre services médicosociaux d’accompagnement nécessitent une orientation MDPH :
– les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) pour les enfants atteints de déficiences intellectuelles et motrices, de troubles du caractère et du comportement ;
– les services de soins et d’aides à domicile (SSAD) pour les enfants ayant un polyhandicap ;
– les services d’accompagnement familial et d’éducation précoce (SAFEP) pour les enfants âgés de 0 à 3 ans ayant une déficience sensorielle ;
– les services de soutien à l’éducation familiale et à l’intégration scolaire (SSEFIS) pour les enfants déficients auditifs âgés de plus de 3 ans ;
– les services d’aide à l’acquisition de l’autonomie et à l’intégration scolaire (SAAAIS) pour les enfants déficients visuels âgés de plus de 3 ans.
Intégration en établissement médicosocial
Si tout enfant handicapé peut être inscrit dans « l’école ou l’établissement du second degré de son quartier », il peut exister des limites à cette intégration. Le médecin doit veiller à ce que l’enfant ne paye pas son adaptation scolaire à un prix méconnu : par des efforts incessants, par un sentiment de ne jamais en faire assez, et devoir en faire toujours plus. Ce sentiment risque de le conduire à une profonde dévalorisation, voire à une authentique dépression source de phobie scolaire. Dès lors, une orientation en milieu spécialisé ne doit pas être ressentie comme un échec mais comme un passage pour atteindre d’autres objectifs, mais dont la finalité est toujours la même : donner à l’enfant l’autonomie et l’intégration sociale dans les meilleures conditions possibles.
Différentes structures proposent une prise en charge au long cours de la totalité ou d’une partie des besoins de l’enfant handicapé tant au niveau éducatif que rééducatif et psychologique. L’accès se fait par l’intermédiaire de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la MDPH. Il s’agit principalement :
– des instituts médico-éducatifs (IME) pour les enfants âgés de 0 à 20 ans ayant une déficience intellectuelle isolée ou associée à un handicap moteur ;
– des instituts médico-professionnels (IMPRO) après l’âge de 14 ans afin de donner une formation professionnelle ;
– des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) pour des enfants ayant des difficultés scolaires sévères associées à des troubles du comportement ;
– des instituts d’éducation motrice (IEM) pour les enfants atteints de déficience motrice sévère.
Des aides financières et sociales sont disponibles pour les enfants en situation de handicap
La prise en charge sociale repose avant tout sur la rédaction de certificats médicaux qui doivent être précis, clairs, synthétiques et contenir des éléments pertinents (certificat MDPH et affections longue durée [ALD]). Ces certificats sont soumis au secret médical.
Les enfants handicapés bénéficient d’une exonération du ticket modérateur, avec prise en charge à 100 % des frais de santé. Cette prise en charge recouvre les soins médicamenteux et autres, les régimes spécifiques, les séjours hospitaliers, les frais de transports relatifs aux soins, les aides techniques.
L’attribution de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) relève de la compétence de la CDAPH de la MDPH. Les compléments sont attribués aux enfants dont la nature ou la gravité du handicap exige des dépenses particulièrement coûteuses ou le recours fréquent à une tierce personne. Il existe des compléments de six catégories différentes.
La carte mobilité inclusion (CMI) permet de bénéficier de certains droits notamment dans les transports. Elle comporte une ou plusieurs mentions (priorité, invalidité, stationnement). Elle relève de la compétence de la MDPH.
L’allocation journalière de présence parentale (AJPP) est attribuée lorsque l’enfant est atteint d’une maladie, d’un handicap, ou victime d’un accident rendant indispensable une présence parentale soutenue et des soins contraignants.
Des aides à domicile sont également possibles. Toute prescription de soins médicaux ou paramédicaux à domicile peut être assurée soit par des professionnels libéraux payés à l’acte, soit par des services de soins infirmiers à domicile dans les conditions habituelles de prise en charge de l’Assurance maladie.
2. Code de la santé publique, art. R4127-35.
3. Chabrol B. L’annonce du handicap chez l’enfant. Revue thématique du CREAI PACA et Corse 2016/12.
4. Le Coz P. L’éthique médicale. Approches philosophiques. Aix-en-Provence : Presses Universitaires de Provence, coll. Sciences Technologies Santé, 2018:5.
5. Poubanne F. Enjeux éthiques de la « ré-annonce » diagnostique à l’enfant dans les maladies rares et chroniques. Master 2 Éthique, santé et sciences humaines. Aix-Marseille université, faculté des sciences médicales et paramédicales, 2019.
6. Gargiulo M, Herson A, Angeard N. Annoncer une maladie génétique à l’enfant. Désir de savoir, besoin de comprendre. Enfances Psy 2014;3:77-88.
7. Alvin P. L’Annonce du handicap à l’adolescence. Paris : Éditions Vuibert, coll. Espace éthique, 2005.
8. Canaoui P. L’information de l’enfant et de sa famille : vécu des enfants et des parents. Arch Ped 2004;11:32-41.
9. Ben Soussan P. L’Annonce du handicap autour de la naissance en douze questions. Toulouse : Éditions Érès, coll. À l’aube de la vie, 2006:15-27.
10. Chabrol B, Milh M. Transition from paediatric to adult care in adolescents with neurological disease and handicap. Rev Neuro (Paris) 2019. https://doi.org/10.1016/j.neurol.2019.09.001