En France, au 31 décembre 2021, les nombres estimés de patients porteurs d’un greffon fonctionnel rénal, hépatique, cardiaque, pulmonaire et pancréatique étaient respectivement de 42 117 (619 par million d’habitants [pmh]), 14 915 (219 pmh), 5 033 (74 pmh), 2 708 (40 pmh) et 998 (15 pmh).1 Ces chiffres résultent d’une activité de prélèvement et de greffe importante en France depuis une quarantaine d’années. Le nombre de candidats à une greffe est cependant bien supérieur au nombre de greffes réalisées en France, et une des missions de l’Agence de la biomédecine est d’œuvrer auprès des professionnels de santé, en partenariat avec les experts scientifiques et médicaux et les associations, pour promouvoir le don et la greffe d’organes.2

Accroissement du nombre de candidats à une greffe d’organe

Le nombre de candidats à une greffe d’organe en attente sur liste active au 1er janvier s’est accru de plus de 50 % ces dix dernières années, pour atteindre, en 2022, 10 983 (161 pmh). Cette croissance s’explique par un nombre de greffes qui est en moyenne chaque année égal aux deux tiers seulement du nombre de nouvelles inscriptions sur liste (fig. 1, tableau). Après une chute importante en 2020, en lien avec la crise sanitaire, le nombre de nouveaux inscrits a progressé à nouveau en 2021, sans rattraper toutefois le niveau de 2019, et a atteint 8 019 (118 pmh). Parmi ces candidats, 67 % étaient en attente d’une greffe rénale, 21 % d’une greffe hépatique, 7 % d’une greffe cardiaque, 4 % d’une greffe pulmonaire et 1 % d’une greffe pancréatique.

Indications des transplantations d’organes

Les principales indications de greffe rénale sont les glomérulopathies, la polykystose rénale, la néphro-angio­sclérose et la néphropathie due à un diabète de type 2.
Le carcinome hépatocellulaire et la cirrhose alcoolique représentent à eux deux la majorité des indications de greffe hépatique.
Les pathologies qui conduisent à une inscription sur liste d’attente de greffe cardiaque sont essentiellement des cardiomyopathies dilatées et des cardiopathies ischémiques. La répartition des indications de greffe pulmonaire a évolué en 2021, avec une forte diminution de la mucoviscidose,3 une baisse de l’emphysème-bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et une hausse de la fibrose, qui devient la première indication d’inscription en liste d’attente.
Enfin, la greffe combinée rein-pancréas est indiquée en cas de diabète de type 1 avec insuffisance rénale, et la transplantation de pancréas isolée en cas de diabète de type 1 instable.

Augmentation du nombre de greffes réalisées

En 2021, 5 276 (77 pmh) greffes ont été réalisées (fig. 1) dans les équipes autorisées à la greffe chez l’adulte et/ou l’enfant (fig. 2), dont 62 % de greffes rénales, 23 % de greffes hépatiques, 8 % de greffes cardiaques, 6 % de greffes pulmonaires et 1 % de greffes pancréatiques.

Greffe d’îlots de Langerhans depuis 2021

L’activité de greffe d’îlots de Langerhans est autorisée en France depuis le 30 avril 2021.4 En 2021, 8 injections d’îlots ont été réalisées.

La France en bonne place en Europe

Sur les 28 pays de l’Union européenne, en 2019, avant la pandémie de Covid-19, la France se situait en deuxième position pour l’activité de transplantation rénale par million d’habitants, en septième position pour l’activité de greffe hépatique et de greffe cardiaque, en sixième position pour la greffe pulmonaire et en dixième position pour la greffe pancréatique.5

Près de 250 greffes en 2021 chez des patients de moins de 18 ans

En 2021, 247 greffes ont été réalisées en France pour 635 candidats inscrits sur liste d’attente avant l’âge de 18 ans (361 inscrits au 1er janvier 2021 et 274 nouvellement inscrits en 2021). La quasi-totalité de ces greffes était rénales (47 %), hépatiques (39 %) et cardiaques (12 %). Quinze greffes hépatiques et 24 greffes rénales étaient issues de donneur vivant.

Diversification des sources de greffons

Le nombre total de greffes réalisées en France s’est accru entre 2012 et 2019 à hauteur de 55 % seulement de l’augmentation du nombre de nouveaux inscrits sur la même période. La pénurie de greffons s’est donc encore accentuée. Pour enrayer cette tendance et face au ralentissement du prélèvement à partir de donneur en état de mort encéphalique, des efforts sont réalisés pour diversifier les sources de greffon.

Élargissement du prélèvement d’organes sur donneur décédé

Depuis 2005, le prélèvement d’organes sur donneur décédé après arrêt circulatoire est autorisé en France, concernant initialement les donneurs de la catégorie II de la classification de Maastricht (encadré), et depuis 2014 les donneurs décédés de la catégorie III.
Les conditions de prélèvement et de greffe font l’objet d’un protocole national coordonné par l’Agence de la biomédecine, ayant pour principal objectif de limiter le cumul des facteurs de risque, en contexte d’ischémie chaude* incontournable durant la période d’arrêt circulatoire.6-8 Environ les deux tiers de la croissance du nombre de greffes observé entre 2012 et 2019 sont liés à la greffe d’organes issus de donneurs Maastricht III. 539 de ces greffes ont été réalisées en 2021 (387 greffes rénales, 130 greffes hépatiques, 18 greffes pulmonaires et 4 greffes pancréatiques), soit 10 % de l’ensemble des greffes (fig. 3).

Croissance du nombre de greffes rénales à partir de donneur vivant

La greffe rénale à partir de donneur vivant a aussi augmenté ces dernières années, principalement avant 2017, et a participé à un cinquième de la croissance du nombre de greffes observé entre 2012 et 2019 : 502 greffes en 2021, soit 15 % des greffes rénales (fig. 3). Les résultats de ces greffes sont très bons du fait d’une sélection optimale du donneur, d’une chirurgie qui peut être programmée et d’un temps d’ischémie froide* très court.
L’activité de greffe hépatique à partir de donneur vivant est beaucoup plus restreinte, avec en moyenne 14 greffes par an entre 2012 et 2021, et concerne essentiellement des prélèvements d’hémifoie gauche à destination de jeunes enfants.

Progression plus faible du nombre de greffes à partir de donneur en état de mort encéphalique

Enfin, un autre cinquième de la croissance du nombre de greffes observé entre 2012 et 2019 est dû à la progression, plus faible (pic en 2017), du nombre de greffes à partir de donneur en état de mort encéphalique : 4 214 greffes réalisées en 2021 (fig. 3). Cette augmentation est avant tout le résultat du déploiement des coordinations hospitalières formées et expérimentées dans les hôpitaux autorisés au prélèvement d’organes. Néanmoins, ces coordinations doivent faire face à l’augmentation de la moyenne d’âge des personnes en état de mort encéphalique identifiées comme donneurs d’organes potentiels, passée de 42 ans en 2000 à 58 ans en 2021 avec, en corollaire, davantage de donneurs ayant des comorbidités, dont l’hypertension artérielle et le diabète. Aussi a-t-il été indispensable d’élargir les critères de prélevabilité des donneurs, tant sur le plan médical que sérologique. Les résultats des greffes restent satisfaisants grâce à des modalités techniques plus performantes d’évaluation de la qualité des greffons, à la baisse du délai d’ischémie froide, au recours à la perfusion des greffons9 présentant des facteurs de risque d’échec post-greffe et à un appariement optimisé entre les caractéristiques du greffon et les besoins métaboliques du receveur.

Un taux d’opposition au don d’organes plus élevé en France qu’ailleurs

Le taux d’opposition au prélèvement, qui reste très élevé en France, est un frein à l’augmentation des greffes issues de donneurs décédés, puisqu’il représente à lui seul la principale cause de perte de greffons. Il s’élève à 33,7 % des personnes en état de mort encéphalique et 37,7 % des personnes décédées après arrêt circulatoire de type Maastricht III, identifiées comme donneur d’organes potentiel en 2021. Ce taux est élevé, comparé à celui des pays européens partageant le même principe de consentement présumé, indiquant que nous sommes tous donneurs sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus d’être prélevés. Ainsi, ce taux était seulement de 30,2 % en Italie en 2020,10 17 % en Espagne en 202111 et de 13,5 % en Belgique en 2018.12

La pandémie de Covid-19 a affecté l’activité de greffe d’organes

La pandémie de Covid-19 a affecté fortement l’activité de greffes d’organes en France, malgré l’intense implication de tous les acteurs du domaine.1,13 Le nombre de personnes décédées identifiées comme donneurs d’organes potentiels a diminué de 12 % en 2020 par rapport à la moyenne des trois années précédentes, puis est resté stable en 2021. Le nombre de nouvelles inscriptions sur la liste nationale d’attente a baissé de 10 % et le nombre de greffes de 26 % en 2020 par rapport à la période 2017-2019. L’activité d’inscription et de greffe a crû à nouveau en 2021, pour atteindre 94 % et 89 % des activités observées en moyenne respectivement entre 2017 et 2019. L’incidence cumulée de décès ou de sorties de liste en raison d’une aggravation, dans les trois mois après l’inscription, des candidats à une greffe hépatique inscrits en 2020 et 2021 était significativement supérieure à celle des inscrits en 2018 et 2019. Cette hausse significative en lien avec la baisse d’activité de greffe n’a pas été observée pour les greffes rénales, cardiaques ou pulmonaires. La surveillance en continu au niveau national des échecs de greffe précoces parmi les greffes réalisées en 2020 et 2021 n’a pas mis en évidence de dégradation, quel que soit l’organe.
À la fin de l’année 2021, 1 % ou moins des candidats à une greffe et des porteurs de greffon sont décédés des suites de la pandémie de Covid-19, quel que soit l’organe considéré.

Écart conséquent entre le nombre de candidats à une greffe et le nombre de transplantations réalisées

Malgré la croissance du nombre de greffes depuis dix ans, la stabilisation du nombre de personnes en état de mort encéphalique identifiées comme donneurs d’organes potentiels et le taux d’opposition au prélèvement d’organes, qui reste élevé en France, accentuent l’écart conséquent qui existe entre les candidats à une greffe et le nombre de greffes réalisées chaque année. Le Plan pour le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus 2022-2026, rendu public le 15 mars 2022 par le ministère des Solidarités et de la Santé,14 vise à renforcer l’activité de prélèvement et de greffe via un financement spécifique intégrant en particulier une revalorisation des forfaits de prélèvement et de greffe dans un sens incitatif. La promotion du don d’organes est aussi un levier essentiel pour augmenter le nombre de greffes. Elle passe par les campagnes de communication de l’Agence de la biomédecine en faveur du don15 mais aussi par le renforcement de la formation initiale et continue des différents professionnels de santé16 qui sont autant de relais pour la sensibilisation et l’information du public à l’importance du don.
* On distingue le temps d’ischémie chaude (temps pendant lequel l’organe, non approvisionné en sang, reste à température corporelle) et le temps d’ischémie froide (temps pendant lequel l’organe, non approvisionné en sang, est refroidi). 
Encadre

Classification de Maastricht

Les donneurs décédés après arrêt circulatoire sont classés en quatre catégories selon la classification internationale de Maastricht révisée en 2013 :

– la catégorie I désigne les personnes ayant fait un arrêt circulatoire en dehors de tout contexte de prise en charge médicalisée, déclarées décédées à la prise en charge ;

– la catégorie II désigne les personnes ayant fait un arrêt circulatoire avec mise en œuvre d’un massage cardiaque et d’une ventilation mécanique efficaces, mais sans récupération d’une activité circulatoire ;

– la catégorie III désigne les personnes pour lesquelles une décision de limitation ou d’arrêt programmé des thérapeutiques est prise en raison du pronostic des pathologies ayant amené la prise en charge en réanimation ;

– la catégorie IV désigne les personnes décédées en mort encéphalique ayant fait un arrêt circulatoire irréversible au cours de la prise en charge en réanimation.

D’après l’Agence de la biomédecine, https://vu.fr/jMrG
Références
1. Agence de la biomédecine. Le rapport médical et scientifique 2021. https://rams.agence-biomedecine.fr/
2. Les missions de l’Agence de la biomédecine. Septembre 2021. https://www.agence-biomedecine.fr/Missions-934
3. Martin C, Legeai C, Regard L, Cantrelle C, Dorent R, Carlier N, et al. Major decrease in lung transplantation for patients with cystic fibrosis in France. Am J Respir Crit Care Med 2022;205(5):584-6.
4. Arrêté du 30 avril 2021 limitant la pratique de la greffe d’îlots de Langerhans à certains établissements de santé en application des dispositions de l’article L. 1151-1 du code de santé publique. Légifrance. https://vu.fr/WngsJ
5. Newsletter Transplant 2022_baja_def.pdf.
6. Antoine C, Savoye E, Gaudez F, Cheisson G, Badet L, Videcoq M, et al. Kidney transplant from uncontrolled donation after circulatory death: Contribution of normothermic regional perfusion. Transplantation 2020;104(1):130-6.
7. Savoye E, Legeai C, Branchereau J, Gay S, Riou B, Gaudez F, et al. Optimal donation of kidney transplants after controlled circulatory death. Am J Transplant 2021;21(7):2424-36.
8. Antoine C, Jasseron C, Dondero F, Savier E, French national steering committee of donors after circulatory death. Liver transplantation from controlled donors after circulatory death using normothermic regional perfusion: An initial French experience. Liver Transplant Off Publ Am Assoc Study Liver Dis Int Liver Transplant Soc 2020;26(11):1516-21.
9. Savoye E, Macher MA, Videcoq M, Gatault P, Hazzan M, Abboud I, et al. Evaluation of outcomes in renal transplantation with hypothermic machine perfusion for the preservation of kidneys from expanded criteria donors. Clin Transplant 2019;33(5):e13536.
10. Report 2020. Annual activity Italian national transplant network. https://vu.fr/aaEP
11. Balance de actividad Donación y Trasplante 2021_ONT.pdf. Accessed October 20, 2022. https://vu.fr/ZmMZ
12. bts_-_donor_and_transplant_statistics_2018.pdf. Accessed October 20, 2022.
https://vu.fr/rmrZq
13. Legeai C, Kerbaul F. Impact de la Covid-19 sur la liste d’attente de greffe et l’activité de transplantation en 2020. Mis en ligne le 30 juin 2021. https://vu.fr/cLjIB
14. Plan ministériel pour le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus 2022-2026. Ministère des Solidarités et de la Santé. https://vu.fr/xNmG
15. Don d’organes.fr. https://www.dondorganes.fr/
16. Agence de la biomédecine. Le don et la greffe d’organes. Le médecin traitant : un rôle d’information sur le don d’organes et de tissus auprès des jeunes de 16 à 25 ans. 11 avril 2012. https://vu.fr/WgcS

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Résumé

Le nombre de greffes augmente depuis dix ans. Néanmoins, la stabilisation du nombre de personnes en état de mort encéphalique identifiées comme donneurs d’organes potentiels et le taux d’opposition au prélèvement d’organes qui reste élevé accentuent l’écart conséquent existant entre les candidats à une greffe et le nombre de greffes réalisées chaque année. L’élargissement des critères de sélection des donneurs en état de mort encéphalique et l’augmentation du prélèvement chez des donneurs vivants, ou décédés après arrêt circulatoire, sont autant de stratégies mises en place pour réduire le déséquilibre entre l’offre de greffes et les besoins, déséquilibre encore majoré par la pandémie de Covid-19.