Les gammapathies monoclonales de signification indéterminée (MGUS) représentent la majorité (plus de 60 %) des cas de gammapathies monoclonales. Les gammapathies monoclonales non immunoglobulines de type M (IgM) [IgG, IgA, chaînes légères libres] sont essentiellement associées aux dyscrasies plasmo- cytaires, dont la plus fréquente est le myélome multiple. Les gammapathies monoclonales IgM sont associées aux syndromes lymphoprolifératifs, au premier rang desquels la maladie de Waldenström. Certaines pathologies non lymphoïdes ont été décrites comme favorisant l’apparition de gammapathies monoclonales. Les affections en cause sont principalement de trois types : infections, maladies auto- immunes, déficits immunitaires.
Gammapathies monoclonales de signification indéterminée
La prévalence des MGUS dans la population générale est estimée à 3,2 % au-delà de 50 ans. Elle augmente avec l’âge, allant de 1,7 % entre 50 et 59 ans à 6,6 % au-delà de 80 ans.1 Ces gammapathies doivent être considérées comme des états précancéreux. Le risque de transformation maligne (myélome) est estimé à environ 1 % par an. Le risque relatif de développer un myélome est estimé à 25, une maladie de Waldenström à 46, une amylose AL à 8,4 et un lymphome non hodgkinien à 2,4.2 Par ailleurs, 90 à 100 % des myélomes multiples sont précédés par une gammapathie monoclonale de signification indéterminée.3,4
Hémopathie maligne
Myélome multiple
L’incidence du myélome multiple est de 5 à 6/100 000 habitants en France. Environ 5 000 nouveaux cas de myélome multiple sont diagnostiqués en France chaque année. Le myélome multiple représente moins de 2 % de l’ensemble des cancers et 10 à 12 % des hémopathies malignes. L’âge médian au moment de diagnostic est de 72 ans chez les hommes et de 75 ans chez les femmes.
Plasmocytome solitaire
Les plasmocytomes solitaires sont des tumeurs plasmocytaires osseuses ou extra-osseuses isolées, sans autres critères de myélome multiple. Les plasmocytomes solitaires représentent 3 à 5 % des dyscrasies plasmocytaires. Ils sont plus fréquents chez l’homme (65 %), et l’âge médian de survenue est 55 ans. Un infiltrat plasmocytaire médullaire modéré est parfois associé mais doit être inférieur à 10 %. Les patients ayant un plasmocytome avec un envahissement médullaire supérieur à 10 % doivent être considérés comme des myélomes multiples et traités comme tels.5
Maladie de Waldenström
La maladie de Waldenström est une hémopathie lymphoïde relativement rare. Selon les dernières estimations des registres du réseau Francim, environ 1 200 nouveaux cas ont été diag- nostiqués en France en 2012 (dont 64 % chez l’homme). L’âge médian lors du diagnostic est de 73 ans chez les hommes et de 74 ans chez les femmes.
Autres hémopathies
Des cas de gammapathies monoclonales ont été décrits dans de nombreuses pathologies hématologiques :6 myélodysplasie, syndrome myélopro-
lifératif, myélofibrose… Les données disponibles ne permettent pas d’établir si la fréquence des gammapathies monoclonales est plus importante dans ces situations.
Gammapathies monoclonales associées à une pathologie non lymphoïde
Infections
Toutes les infections peuvent être associées à une gammapathie monoclonale. Les infections aiguës sont habituellement responsables de gammapathies monoclonales transitoires. Les infections chroniques s’accompagnent fréquemment d’une hypergammaglobulinémie polyclonale et peuvent parfois être responsables de gamma- pathies monoclonales transitoires ou permanentes. Elles peuvent être d’origine bactérienne (endocardite, ostéomyélite…), parasitaire et surtout virale (virus d’Epstein-Barr [EBV], cytomé- galovirus [CMV], virus de l’immuno- déficience humaine [VIH], virus des hépatites B et C…). Dans ce contexte, les gammapathies monoclonales sont le plus souvent modérées (pic < 5 g/L).
Maladies auto-immunes
Des gammapathies monoclonales ont été rapportées dans des situations pathologiques très diverses : maladie de Horton, pseudopolyarthrite rhizo- mélique, polymyosite, sarcoïdose, sclérodermie, thyroïdite de Hashimoto, fibrose pulmonaire idiopathique… Le lien entre ces maladies et les gamma- pathies monoclonales est difficile à établir. Une augmentation des gammapathies monoclonales est observée dans le syndrome de Gougerot-Sjö- gren et le lupus. Dans aucune de ces maladies il n’a été observé d’augmentation de la fréquence des myélomes multiples par rapport à la population générale.
Déficit immunitaire
Un déficit immunitaire primitif ou acquis peut être associé à une gammapathie monoclonale. Les plus habituels sont l’infection par le VIH et les transplantations d’organe ou de moelle.
L’âge, la durée et l’intensité de l’immunosuppression, des infections virales (EBV, CMV…) sont des facteurs favorisants de l’apparition d’une gammapathie monoclonale dans les suites d’une transplantation.7-11 Les gammapathies monoclonales dans ce contexte sont parfois transitoires. Leur persistance est un facteur prédictif de la survenue d’un syndrome lymphoprolifératif viro-induit.8, 10-12
Autres
La fréquence des gammapathies monoclonales est augmentée dans la maladie de Gaucher.
Cas particuliers
Gammapathies biclonales
Les gammapathies biclonales représentent environ 5 % des cas de gammapathies monoclonales diag- nostiquées. Les causes sont comparables à celles des gammapathies monoclonales avec une majorité de gammapathies biclonales de signifi- cation indéterminée (BGUS). Sur une cohorte de 539 gammapathies biclonales,13 les diagnostics retenus étaient : 393 gammapathies biclo- nales de signification indéterminée (73 %), 16 myélomes indolents (3 %), 35 myélomes multiples (6,5 %), 25 amyloses AL (4,6 %), 23 maladies de Waldenström (4,3 %), 47 autres diagnostics (8,7 %). Le risque de transformation maligne des BGUS est estimé à 1 % par an, ce qui est similaire au risque de progression décrit pour les MGUS.
Gammapathies triclonales
Les gammapathies triclonales sont plus rares et le plus souvent associées à une pathologie hématologique maligne. Dans une revue de la littérature,14 27 cas de gammapathies triclonales ont été recensés : 16 associés à une hémopathie maligne (9 lymphomes malins non hodgkiniens, 4 myélomes multiples, 2 maladies de Waldenström, 1 leucémie lymphoïde chronique), 5 associés à une pathologie autre (cancer de l’œsophage, infection par le VIH, sclérose latérale amyotrophique, syndrome de Felty et amylose), 3 cas considérés comme de signification indéterminée et 3 cas dont la patho- logie associée n’est pas précisée.
MGUS et myélomes indolents à chaînes légères
Les MGUS et les myélomes indolents à chaînes légères sont caractérisés par la présence de chaînes légères libres monoclonales sériques et/ou urinaires sans expression d’une chaîne lourde monoclonale. Ils sont rares car difficiles à diagnostiquer lorsqu’ils sont isolés.
La prévalence des MGUS à chaînes légères (plasmocytose médullaire < 10 %) est évaluée à 0,8 % chez les personnes de plus de 50 ans15 avec un taux de transformation maligne estimé à 0,3 % par an.
Les myélomes indolents à chaînes légères (plasmocytose médullaire > 10 % et chaîne légère monoclonale urinaire > 500 mg/24 h) ont été identifiés récemment et sont également rares. Le risque de progression est estimé à 5 % par an pendant les 5 premières années, puis 3 % par an pendant les 5 années suivantes.16
Gammapathie monoclonale IgD
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