Les troubles anxieux font partie des troubles mentaux les plus fréquents, ils apparaissent généralement tôt dans la vie et partagent en revanche avec les autres troubles mentaux une évolution volontiers chronique et un fort retentissement fonctionnel. Comme pour d’autres troubles mentaux, les données concernant la prévalence des troubles anxieux sont nombreuses mais souvent disparates. À l’échelle mondiale, la variabilité parfois considérable des chiffres de prévalence pourrait représenter une distribution différente des facteurs de risque de ces troubles. Néanmoins, les facteurs méthodologiques et culturels ainsi que l’évolution des critères diagnostiques au fil du temps jouent vraisemblablement un rôle important. Les résultats de l’épidémiologie sont plus cohérents en ce qui concerne les facteurs associés, notamment sociodémographiques, l’évolution ou la comorbidité, ainsi que l’ont confirmé de grands consortiums internationaux.
Prévalence des troubles anxieux
Prévalence des troubles mentaux spécifiques
Le tableau (v . p. 977 ) présente une synthèse des chiffres de prévalence des différents troubles anxieux au cours des 30 derniers jours, des 12 derniers mois ou de la vie entière dans les travaux menés par le consortium World Mental Health Survey Initiative (WMHSI) sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).1-7 Ce choix a été guidé par la qualité (échantillons représentatifs de la population générale, entretiens standardisés en face à face, etc.) et le caractère transnational des données recueillies dans 29 pays dont la France. L’échantillon d’étude complet compte plus de 150 000 participants. Toutes les enquêtes ont utilisé le même entretien standardisé fondé sur les critères diagnostiques du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e ou 5e édition (DSM-IV, DSM-5) et de la 10e édition de la Clas-sification internationale des maladies de l’OMS (CIM-10). Les publications les plus récentes permettent ainsi une synthèse des études menées avec différentes versions d’une même classification. Les cases vides correspondent à des chiffres non présentés dans les publications ad hoc.
De façon générale, la prévalence estimée des troubles anxieux est d’autant plus grande que le niveau de revenu du pays est élevé. Chez les personnes souffrant d’agoraphobie selon les critères du DSM-5 (selon lesquels la présence d’attaques de panique n’est plus nécessaire au diagnostic), 70 % seulement ont déjà eu une attaque de panique.1 La prévalence des attaques de panique sur la vie entière est estimée à 13,2 %.6 Parmi les personnes ayant eu au moins une attaque de panique au cours de leur vie, deux tiers ont des attaques de panique récurrentes mais seulement 12,8 % un trouble panique caractérisé, soit une prévalence sur la vie entière de 1,7 % (v . tableau ). En ce qui concerne les phobies spécifiques, les sous-types les plus fréquents par ordre décroissant concernent les animaux (3,8 %), le sang/les injections (3,0 %), les hauteurs (2,8 %), l’eau/les orages (2,3 %) et les vols en avion (1,3 %), ce dernier sous-type étant nettement plus prévalent dans les pays à revenu élevé. Toujours sur la vie entière, 3,4 % des personnes rapportent une phobie spécifique d’un seul sous-type, 1,8 % rapportent deux sous-types et 2,2 % plus de deux sous-types.
En ce qui concerne le trouble obsessionnel-compulsif (TOC), la WMHSI a émis des réserves sur la fiabilité des outils diagnostiques actuellement disponibles. Les enquêtes nationales représentatives menées aux États-Unis – Epidemiological Catchment Area Study et National Comorbidity Survey Replication (NCS-R) – ont suggéré une prévalence de 2,3 à 2,5 % sur la vie entière et de 1,2 % sur les 12 derniers mois.8
De façon générale, la prévalence estimée des troubles anxieux est d’autant plus grande que le niveau de revenu du pays est élevé. Chez les personnes souffrant d’agoraphobie selon les critères du DSM-5 (selon lesquels la présence d’attaques de panique n’est plus nécessaire au diagnostic), 70 % seulement ont déjà eu une attaque de panique.1 La prévalence des attaques de panique sur la vie entière est estimée à 13,2 %.6 Parmi les personnes ayant eu au moins une attaque de panique au cours de leur vie, deux tiers ont des attaques de panique récurrentes mais seulement 12,8 % un trouble panique caractérisé, soit une prévalence sur la vie entière de 1,7 % (
En ce qui concerne le trouble obsessionnel-compulsif (TOC), la WMHSI a émis des réserves sur la fiabilité des outils diagnostiques actuellement disponibles. Les enquêtes nationales représentatives menées aux États-Unis – Epidemiological Catchment Area Study et National Comorbidity Survey Replication (NCS-R) – ont suggéré une prévalence de 2,3 à 2,5 % sur la vie entière et de 1,2 % sur les 12 derniers mois.8
Caractéristiques sociodémographiques associées
Bien qu’il puisse y avoir de légères différences d’un trouble à l’autre ou en fonction du niveau de revenu du pays, les troubles anxieux sont généralement plus fréquents chez les sujets jeunes, de sexe féminin, avec un faible niveau d’éducation, sans emploi, avec un faible niveau de revenu et ne vivant pas en couple.1-7 Le TOC est également plus fréquent chez les femmes que chez les hommes en population générale mais ce déséquilibre est moins marqué dans les échantillons cliniques.8
Comorbidité psychiatrique
De façon générale, la comorbidité avec au moins un autre trouble psychiatrique est la règle plus que l’exception. Les troubles comorbides les plus fréquents sont les autres troubles anxieux, suivis des troubles de l’humeur, en particulier la dépression, des troubles de l’usage de substances et des troubles du contrôle des impulsions.1-7 Exception notable, la comorbidité psychiatrique la plus fréquente du trouble anxiété généralisée est la dépression, au point qu’une parenté nosologique est fréquemment évoquée.
En ce qui concerne l’anxiété de séparation, les travaux publiés par le consortium WMHSI ne mentionnent pas de chiffres bruts de comorbidité mais des odds ratio (OR) montrant globalement le même profil de comorbidité.3 Aux États-Unis, les données de la National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions-III montrent également une forte comorbidité sur la vie entière du trouble de stress post-traumatique avec les troubles de l’humeur (OR : 3,0), les autres troubles anxieux (OR : 2,6) et les troubles de l’usage des substances (OR : 1,5).9 Toujours aux États-Unis, dans l’étude NCS-R, 90 % des répondants ayant un TOC sur la vie entière répondaient aux critères diagnostiques d’un autre trouble psychiatrique sur la vie entière.8 Parmi ces troubles, les plus courants par ordre décroissant étaient les troubles anxieux, les troubles de l’humeur, les troubles du contrôle des impulsions et les troubles d’usage de substances.
En ce qui concerne l’anxiété de séparation, les travaux publiés par le consortium WMHSI ne mentionnent pas de chiffres bruts de comorbidité mais des odds ratio (OR) montrant globalement le même profil de comorbidité.3 Aux États-Unis, les données de la National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions-III montrent également une forte comorbidité sur la vie entière du trouble de stress post-traumatique avec les troubles de l’humeur (OR : 3,0), les autres troubles anxieux (OR : 2,6) et les troubles de l’usage des substances (OR : 1,5).9 Toujours aux États-Unis, dans l’étude NCS-R, 90 % des répondants ayant un TOC sur la vie entière répondaient aux critères diagnostiques d’un autre trouble psychiatrique sur la vie entière.8 Parmi ces troubles, les plus courants par ordre décroissant étaient les troubles anxieux, les troubles de l’humeur, les troubles du contrôle des impulsions et les troubles d’usage de substances.
Évolution des troubles anxieux
Âge de début
Si la prévalence estimée des troubles anxieux varie considérablement d’un pays à l’autre, les résultats concernant l’âge de début des troubles sont plus cohérents.1-7 Schématiquement, les troubles anxieux peuvent être séparés en deux groupes distincts : d’une part, les troubles phobiques, l’anxiété de séparation et l’anxiété sociale caractérisées par un début précoce ; d’autre part, le trouble panique, le trouble de stress post-traumatique et l’anxiété généralisée avec un âge de début plus tardif et plus variable. Par âge de début médian [intervalle interquartile] croissant en années, on trouve : les phobies spécifiques (8 ans [5-13]), avec un début plus précoce en cas de peurs multiples, l’anxiété de séparation (21 ans [11-36]), l’anxiété sociale (14 ans [9-18]), l’agoraphobie (14 ans [9-25]), le troubles de stress post-traumatique (30 ans [19-45]), le trouble panique (32 ans [20-52]) et le trouble anxiété généralisée (39 ans [25-53]). En ce qui concerne l’anxiété de séparation, elle débute dans 43 % des cas après l’âge de 18 ans.3 Globalement, le début des troubles a tendance à être plus précoce dans les pays à revenu élevé.1-7 En revanche, bien que les troubles anxieux soient plus fréquents chez les femmes, l’âge de début est généralement le même que chez les hommes.
Le TOC commence le plus souvent entre 18 et 29 ans.8 Cela dit, dans l’étude NCS-R, le TOC avait commencé avant l’âge de 10 ans chez près d’un quart des hommes. Chez les femmes, le TOC apparaît souvent à l’adolescence, bien qu’il puisse être précipité en péri-partum ou post-partum.
Le TOC commence le plus souvent entre 18 et 29 ans.8 Cela dit, dans l’étude NCS-R, le TOC avait commencé avant l’âge de 10 ans chez près d’un quart des hommes. Chez les femmes, le TOC apparaît souvent à l’adolescence, bien qu’il puisse être précipité en péri-partum ou post-partum.
Évolution
Un moyen indirect d’estimer la probabilité d’une évolution chronique dans les travaux publiés de la WMHSI est de rapporter la prévalence sur 12 mois à la prévalence sur la vie entière. Si on applique cette approche aux chiffres du tableau , il est possible de classer les troubles anxieux par probabilité croissante d’évolution chronique : anxiété de séparation (21 %), anxiété généralisée (49 %), trouble de stress post-traumatique (50 %), trouble panique (59 %), anxiété sociale (60 %), agoraphobie (67 %), phobie spécifique (74 %). Selon cette même approche, la probabilité d’une évolution chronique dans le TOC serait de 50 % mais les symptômes persistent parfois pendant des décennies.8
Les facteurs socio-économiques associés à une prévalence plus élevée des troubles anxieux sont également associés à un risque accru d’évolution chronique ainsi que l’âge de début précoce. En ce qui concerne le trouble de stress post-traumatique, les taux de rémission à 3, 6 et 24 mois après l’événement traumatique sont de 20 %, 27 % et 50 % mais avec de grandes variations d’un pays à l’autre, indépendamment de la prévalence.10 Les événements traumatiques comportant une intentionnalité (agression, attentat, etc.) sont associés à une moindre probabilité de rémission à 24 mois.
L’évolution des troubles anxieux est également marquée par un retentissement fonctionnel parfois très important et un risque accru de certaines complications parmi lesquelles les conduites addictives et suicidaires et les maladies cardiométaboliques (v. p. 979 ).
Les facteurs socio-économiques associés à une prévalence plus élevée des troubles anxieux sont également associés à un risque accru d’évolution chronique ainsi que l’âge de début précoce. En ce qui concerne le trouble de stress post-traumatique, les taux de rémission à 3, 6 et 24 mois après l’événement traumatique sont de 20 %, 27 % et 50 % mais avec de grandes variations d’un pays à l’autre, indépendamment de la prévalence.10 Les événements traumatiques comportant une intentionnalité (agression, attentat, etc.) sont associés à une moindre probabilité de rémission à 24 mois.
L’évolution des troubles anxieux est également marquée par un retentissement fonctionnel parfois très important et un risque accru de certaines complications parmi lesquelles les conduites addictives et suicidaires et les maladies cardiométaboliques (
Accès aux soins
En dépit de leur prévalence élevée en population générale et de leur retentissement potentiel (v. p. 979 ), les troubles anxieux sont sous-diagnostiqués et bénéficient rarement d’un traitement approprié. Selon les données issues de la WHMSI, dans un sous-échantillon de 51 547 participants de 17 pays différents dont la France, 9,8 % des participants répondaient aux critères d’au moins un trouble anxieux au cours des 12 derniers mois. Parmi ces participants, 41,3 % percevaient un besoin de soins mais 27,6 % seulement avaient reçu un traitement et 9,8 % seulement un traitement possiblement adéquat.11 Parmi les participants percevant un besoin de soins, deux tiers seulement avaient reçu un traitement et un tiers seulement un traitement possiblement adéquat. L’adéquation entre besoins et accès aux soins était meilleure dans les pays à revenu plus élevé. En ce qui concerne la France, 29,4 % des participants répondant aux critères d’au moins un trouble anxieux au cours des 12 derniers avaient reçu un traitement et 13,7 % un traitement possiblement adéquat, ces chiffres passant à 69,3 % et 46,4 % respectivement chez ceux percevant un besoin de soins.
Mieux les repérer, mieux les traiter
La prévalence des troubles anxieux est relativement importante en France et dans le monde même si elle varie considérablement entre les pays. Néanmoins les études issues des travaux de la WMHSI montrent certains résultats stables d’un pays à l’autre :1-7 la fréquence relative des troubles, les phobies spécifiques étant les plus fréquentes et l’agoraphobie et le trouble panique les moins fréquents ; un âge de début volontiers plus précoce que pour les autres troubles psychiatriques et une antériorité plus fréquente en cas de comorbidité psychiatrique ; une évolution souvent chronique ; des corrélats sociodémographiques identiques ; une forte comorbidité des troubles anxieux entre eux ; un taux de traitement adéquat faible. L’ensemble de ces caractéristiques justifie une meilleure formation de la population et des professionnels de santé au repérage et au traitement des troubles anxieux.
Références
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