Les cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) représentent un groupe hétérogène de tumeurs se développant au niveau des lèvres, de la cavité buccale, du pharynx, du larynx ou des cavités nasosinusiennes. Il s’agit dans plus de 90 % des cas d’un carcinome épidermoïde, mais d’autres types histologiques existent : lymphomes, carcinomes des glandes salivaires, sarcomes, etc. (tableau).

Évolution épidémiologique : moins d’hommes, plus de femmes

Avec environ 18 600 cas en 2020 (d’après l’International Agency of Research on Cancer [IARC]), les cancers des voies aérodigestives supérieures se placent au 5e rang des cancers les plus fréquents (après les cancers du sein, de la prostate, du poumon et du côlon). L’incidence chez l’homme est en baisse (13 430 cas en 2020), mais ces cancers restent chez eux à la 4e place en fréquence. À l’inverse, le nombre de cancers des VADS est en progression chez la femme, avec 4 332 cas (10e cancer le plus fréquent). Il s’agit donc d’un problème de santé publique majeur. L’âge moyen au diagnostic se situe dans la sixième décennie.

Les principaux facteurs de risque des cancers des VADS sont évitables

D’abord le tabagisme (même passif !)

La consommation de tabac (sous toutes ses formes) est le principal facteur de risque des carcinomes épidermoïdes des VADS. Le risque relatif (RR) de développer un cancer du larynx ou de l’hypopharynx est de 7 par rapport à un patient non fumeur ;1 il est de 3 à 6 pour les cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx. Le risque augmente avec la quantité de cigarettes fumées par jour, mais il semble qu’à quantité de cigarettes égale, la durée du tabagisme soit déterminante. La réduction des risques s’observe dès l’arrêt du tabagisme et devient similaire à un patient non tabagique vingt ans après l’arrêt. Le tabagisme passif entraîne un RR de 1,6.4 Le tabac à priser et le tabac à chiquer augmentent quant à eux de 1,4 les risques de cancers de la cavité buccale et du nasopharynx.5
Un sur-risque de cancer des VADS en cas de vapotage n’est pas établi, par manque de recul et d’études fiables. Certaines études semblent évoquer un moindre risque de la cigarette électronique6 quand d’autres études pointent l’oncogénicité de certains composants des liquides et le manque de recul nécessaire dans le suivi des patients.7, 8

Alcool : le risque augmente avec l’intensité de la consommation

Tous les types d’alcool induisent une augmentation du risque de cancers des VADS. L’éthanol en est le principal responsable. Ce risque s’accroît avec la dose d’alcool contenue dans la boisson et avec la quantité d’alcool ingurgitée. À l’inverse du tabac, l’intensité de la consommation (nombre de grammes d’alcool ingurgités chaque jour) a un effet plus important que la durée. Ainsi une consommation journalière de 50 g d’alcool (cinq verres) augmente le risque de cancer de la cavité buccale et du pharynx par 3 à 5. L’arrêt de la consommation d’alcool permet une baisse de ce risque mais plus tardive qu’avec le sevrage tabagique puisqu’elle ne survient qu’après vingt ans d’abstinence.

Interaction alcool-tabac synergique

La consommation conjointe d’alcool et de tabac augmente de manière synergique le risque de cancer des VADS avec un effet multiplicatif pour toutes les localisations.9

Les papillomavirus humains induisent surtout des cancers de l’oropharynx

L’infection par le papillomavirus humain (HPV) est le plus souvent asymptomatique et bénigne ; sa gravité est due au fait que certains sérotypes, notamment les 16 et 18, sont potentiellement cancérigènes. Le cancer le plus fréquemment induit par les HPV oncogènes est le cancer du col de l’utérus, mais d’autres sites anatomiques peuvent être affectés, en particulier l’oropharynx.
Environ 70 % des hommes et des femmes sexuellement actifs seront exposés aux HPV à un moment donné de leur vie, le plus souvent très tôt après le début de leur vie sexuelle. L’infection orale, fréquente, se produit par voie sexuelle lors de rapports oro-génitaux. À un instant donné, environ 10 % des hommes et 4 % des femmes ont une infection oropharyngée à HPV.10 Comme pour toute infection sexuellement transmissible (IST), le risque d’infection s’accroît avec le nombre de partenaires sexuels.
Les cancers des VADS induits par les HPV oncogènes se distinguent de ceux provoqués par le tabac et l’alcool.5 Ils se développent principalement dans l’oropharynx. La population affectée est généralement plus jeune, la consommation tabagique est faible, voire nulle, et la proportion de femmes est plus importante. Bien que l’aspect visuel de ces lésions ne permette pas de les différencier, leurs fondements biologiques sont aussi très différents. En effet, les anomalies génétiques et les dérégulations cellulaires retrouvées dans les tumeurs induites par le tabac et l’alcool sont absentes des tumeurs associées aux HPV. Enfin, celles-ci répon­dent en général mieux aux traitements et ont donc souvent un meilleur pronostic.

Action protectrice d’une alimentation équilibrée

Une consommation élevée de fruits et légumes diminue le risque de cancers aérodigestifs dans leur ensemble et en particulier de cancers des VADS.11 

Références

1. Zeka A, Gore R, Kriebel D. Effects of alcohol and tobacco on aerodigestive cancer risks: A meta-regression analysis. Cancer Causes Control 2003;14(9):897-906.
2. Lubin JH, Gaudet MM, Olshan AF, Kelsey A, Boffetta P, Brennan P. Body mass index, cigarette smoking, and alcohol consumption and cancers of the oral cavity, pharynx, and larynx: Modeling odds ratios in pooled case-control data. Am J Epidemiol 2010;171(12):1250-61.
3. Marroon M, Boffetta P, Zhang ZF, Zaridze D, Wünsch-Filho V, Winn DM. Cessation of alcohol drinking, tobacco smoking and the reversal of head and neck cancer risk. Int J Epidemiol 2010;39(1):182-96.
4. Lee YCA, Marron M, Denhamou S, Bouchardy C, Ahrens W, Pohlabeln H. Active and involuntary tobacco smoking and upper aerodigestive tract cancer risks in a multicenter case-control study. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2009;18(12):3353-61.
5. Lee PN, Hamling J. Systematic review of the relation between smokeless tobacco and cancer in Europe and North America. BMC Med 2009;7:36.
6. Cancer de l’oropharynx et papillomavirus oncogènes. Institut Gustave-Roussy. Mars 2014. 12 pages. https://vu.fr/pEme
7. Löhler J, Wollenberg B. Are electronic cigarettes a healthier alternative to conventional tobacco smoking? Eur Arch Otorhinolaryngol 2019;276(1):17-25.
8. Bracken-Clarke D, Kapoor D, Baird AM, Buchanan PJ, Gately K, Cuffe S, et al. Vaping and lung cancer. A review of current data and recommendations. Lung Cancer 2021;153:11-20.
9. Gotts JE, Jordt SE, McConnell R, Tarran R. What are the respiratory effects of e-cigarettes? BMJ 2019;366:l5275. Erratum in: BMJ 2019;367:l5980.
10. Maier H, Dietz A, Gewelke U, Heller WD, Weidauer H. Tobacco and alcohol and the risk of head and neck cancer. Clin Investig 1992;70(3-4):320-7.
11. Lewis RM, Laprise JF, Gargano JW, Unger ER, Querec TD, Chesson HW, et al. Estimated prevalence and incidence of disease-associated human papillomavirus types among 15- to 59-year-olds in the United States. Sex Transm Dis 2021;48(4):273-7.
12. World Cancer Research Fund / American Institute for Cancer Research. Food, nutrition, physical activity, and the prevention of cancer: A global perspective. Washington DC: AICR, 2018. Disponible sur www.wcrf.org

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Résumé

Avec plus de 18 000 cas annuels, les cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) se classent au 5e rang des cancers les plus fréquents en France. Il s’agit, dans 90 % des cas, de carcinomes épidermoïdes. Les cancers des VADS concernent la cavité buccale (25 % des cas), l’oropharynx (15 %), le larynx (30 %). Le nasopharynx, les sinus et les fosses nasales ne comptent que pour 2 % des situations. Le tabac et l’alcool constituent les principaux facteurs de risque. Néanmoins, une part grandissante des cancers des VADS est liée aux sérotypes oncogènes (16 et 18) du papillomavirus humain, de meilleur pronostic.