En France, l’évolution du paysage contraceptif est analysée depuis la fin des années 1970. En effet, en France, sous la conduite de l’Institut national d’études démographiques (Ined), des études réalisées à intervalles réguliers ont été menées dans ce but. Fin 2012, une jeune femme ayant eu un accident vasculaire alors qu’elle utilisait une contraception hormonale combinée de dernière génération a déclen- ché un important débat médiatique conduisant à une profonde modification des demandes des jeunes femmes françaises concernant l’utilisation des différents contraceptifs.1 En effet, malgré la suspicion de risque thromboembolique veineux supérieur avec les contra- ceptions hormonales combinées les plus récentes et ceci depuis les années 1990, leur utilisation (notamment celles de 3e génération) n’avait cessé d’augmenter jusqu’à la fin de l’année 2012. Des recommandations ont donc été émises par les autorités de santé françaises et européennes, favorisant toujours en première intention, pour les femmes souhaitant une contraception hormonale, la prescription de pilules de 2e génération. Les études menées sur la tolérance des dispositifs intra-utérins notamment chez les femmes nullipares ont modifié également les recommandations des sociétés savantes, élargissant ainsi le choix contraceptif pour toutes les femmes.
L’offre contraceptive a changé…
Contraception combinée
Initialement fortement dosée en estrogènes, la contra- ception estroprogestative a beaucoup évolué depuis son introduction au début des années 1960.2 La dose en estrogène a drastiquement baissé, passant de 150 à 30 µg d’éthinylestradiol, la plus petite dose commercialisée actuellement étant de 15 µg. Cette diminution a été rendue possible par l’émergence de nouvelles molécules progestatives, dont la puissance antigonadotrope a permis de diminuer la dose d’estrogènes associée. Des pilules contenant de l’estradiol ont été développées. Elles n’ont pas supplanté celles contenant de l’éthinylestradiol du fait d’un développement limité par la plus grande fréquence de saignements. Enfin, de nouvelles voies d’administration ont été commercialisées afin de tenter d’optimiser l’observance, espérant diminuer ainsi le taux de grossesses non désirées. Il s’agit de la voie vaginale (anneau) et la voie transdermique (patch). Cependant, ces deux voies d’administration n’ont pas montré d’impact majeur ni sur l’observance ni sur le nombre d’interruptions volontaires de grossesse. Elles ont par ailleurs les mêmes effets délétères (vasculaires) que la voie orale. De plus, en France, elles ne sont pas remboursées par l’Assurance maladie.
Contraception progestative
La molécule progestative peut suffire à elle seule pour assurer l’effet contraceptif. Son utilisation dans ces conditions est limitée du fait des impacts négatifs sur le contrôle du cycle expliquant sa plus faible utilisation comparativement à la contraception combinée. Initialement utilisée avec des molécules dérivées de la testostérone à fortes doses, ce type de schéma dit « contraception macroprogestative » est encore utilisé en France ; elle repose sur l’emploi de molécules dérivées de la progestérone. L’utilisation des macroprogestatifs est cepen- dant restreinte du fait de son absence d’autorisation de mise sur le marché dans l’indication « contraception ». Ils restent cependant utilisés lorsqu’une thérapeutique fortement antigonadotrope est recommandée, mini- misant l’imprégnation estrogénique (mastopathies bénignes, pathologies utérines, par exemple).L’utilisation d’un progestatif à très faibles doses de façon quotidienne et en continu, dite « contraception microprogestative », est utilisée depuis de longues années, notamment chez les femmes ayant une contre- indication à la contraception combinée. En effet, ce type de contraception comporte une sécurité d’emploi vis-à-vis du risque vasculaire. Comme pour la contraception macroprogestative, la tolérance du cycle menstruel est souvent assez médiocre. Le progestatif peut être délivré par voie orale, sous-cutanée (implant) ou intra- utérine (dispositif intra-utérin). Cette dernière voie d’administration a fait l’objet de nombreuses études montrant une efficacité significative en cas de saignements abondants fonctionnels ou liés à l’adénomyose, par exemple.
Dispositifs intra-utérins
Ces contraceptions ont aussi évolué à la fois dans leur forme et dans leur taille. Certains dispositifs intra- utérins qui avaient été fortement suspectés d’augmenter le risque d’infection génitale haute ont été retirés du marché. De nombreuses études ont été réalisées pour analyser ce risque ; elles ont confirmé l’innocuité des dispositifs intra-utérins actuellement utilisés.3 De nouvelles tailles de dispositifs (dits « short ») ont été développées, permettant ainsi leur utilisation chez les femmes ayant un petit utérus, notamment les femmes nullipares. Les deux types de taille (standard et mini ou short) existent à la fois pour le dispositif intra-utérin au cuivre et pour celui délivrant de petites doses de lévonorgestrel (contraception progestative).
… les parcours contraceptifs aussi
L’évolution du paysage contraceptif depuis la fin des années 1970 s’explique à la fois par l’évolution des types de contraception disponibles et de leur tolérance, mais aussi par la crise survenue fin 2012.1 Nous avons à notre disposition plusieurs études réalisées à partir de 1978 par l’Institut national d’études démographiques (Ined) et par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), puis par l’Institut de veille sanitaire (InVS).4-7 La figure 1 retrace très schématiquement la courbe d’évolution globale de l’utilisation de la pilule, des dispositifs intra-utérins et de l’absence de toute méthode contraceptive chez les femmes concernées par la contraception. Même si les données ne sont pas strictement comparables à la fois en termes d’âge avant 2010 (tranche d’âge 20-44 ans) et à partir de 2010 (tranche d’âge 15-49 ans) et en termes de type de contraception disponible (le terme « pilule » regroupe à partir de 2010 l’implant et les autres voies d’administration non orales de la pilule combinée), la tendance, après un pic d’utilisation de la contraception hormonale en 2000, tend vers une diminution, avec une augmentation progressive de l’utilisation des dispositifs intra-utérins (fig. 1). Il est intéressant de suivre l’évolution des pratiques contraceptives avant et après la crise de 2012. L’enquête Baromètre santé de 2016 apporte des informations importantes en comparant les trois dernières enquêtes de 2010, 2013 et 2016.7 La figure 2 montre l’évolution des stratégies contraceptives entre 2010 et 2016. L’utilisation des contraceptions combinées continue sa décroissance avec une augmentation parallèle de l’utilisation des dispositifs intra-utérins. L’utilisation de l’implant contraceptif progresse doucement. La figure 3 montre cette évolution pour les tranches d’âge 15-19 ans et 20-24 ans. C’est dans la tranche d’âge 20-30 ans que la progression de l’utilisation du dispositif intra-utérin semble la plus forte, confirmant la demande de nos jeunes patientes d’avoir accès à ces contraceptions, pour certaines non hormonales, alors que la demande de pilule diminue. Le schéma contraceptif, utilisation de préservatif aux premiers rapports, puis pilule, puis dispositif intra-utérin après la ou les grossesses semble donc évoluer. Enfin, l’absence de méthodes contraceptives pour les femmes à risque de grossesses semble se stabiliser, voire diminuer pour la majorité des tranches d’âge analysées (fig. 4). C’est le recours à des contraceptions de longue durée d’action réversibles, regroupant les dispositifs intra- utérins et les implants, qui progresse significativement, semblant compenser la baisse d’utilisation de la classique pilule. Cependant, l’augmentation de l’utilisation du préservatif seul pour les tranches d’âge jeunes (notamment les femmes de 20-24 ans) est préoccupante car son efficacité contraceptive est bien souvent insuffisante. Enfin, une décroissance de l’utilisation des contraceptions combinées les plus à risque a été amorcée après la crise médiatique de 2012.8 En effet, les données permettant d’évaluer l’utilisation des différentes contraceptions (hormonales ou non hormonales) des femmes françaises ont été publiées par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à partir des données de ventes. La figure 5 synthétise l’évolution de cette consommation par type de génération de contraception combinée. Elle montre que les recommandations semblent avoir été bien suivies par les praticiens puisque la consommation des contraceptions dites de nouvelles générations a diminué. Parallèlement, la consommation des contraceptions hormonales de 1re et 2e génération a augmenté ainsi que les contraceptions dites de longue durée. Une étude menée en 2014 par l’ANSM analysant les données de l’Assurance maladie a évalué l’impact des changements de consommation sur la survenue d’embolies pulmonaires chez les femmes en âge de procréer. L’évolution des prescriptions de contraception hormonale combinée semble avoir eu un effet bénéfique et immédiat puisque 341 hospita- lisations pour embolies pulmonaires auraient ainsi été évitées en 2013.9Finalement, le paysage contraceptif en France en 2016 dépend de l’âge des femmes. La figure 6 résume les données issues de l’enquête Baromètre santé de 2016.7
Plusieurs phénomènes ont contribué à l’évolution des stratégies contraceptives. Les profondes modifications des contraceptions hormonales ainsi que le développement de dispositifs intra-utérins adaptés aux différentes anatomies utérines ont permis de faire évoluer le paysage contraceptif français. La crise médiatique de 2012 a également fortement contribué à cette évolution même si certains changements étaient déjà amorcés antérieurement dans un contexte de diminution globale des thérapeutiques hormonales classiques au profit des contraceptions dites de longue durée d’action réversibles et des méthodes non hormonales.
Plusieurs phénomènes ont contribué à l’évolution des stratégies contraceptives. Les profondes modifications des contraceptions hormonales ainsi que le développement de dispositifs intra-utérins adaptés aux différentes anatomies utérines ont permis de faire évoluer le paysage contraceptif français. La crise médiatique de 2012 a également fortement contribué à cette évolution même si certains changements étaient déjà amorcés antérieurement dans un contexte de diminution globale des thérapeutiques hormonales classiques au profit des contraceptions dites de longue durée d’action réversibles et des méthodes non hormonales.
Références
1. Arie S. French doctors are told to restrict use of third and fourth generation oral contraceptives. BMJ 2013;346:f121.
2. Christin-Maitre S. History of oral contraceptive drugs and their use worldwide. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab 2013;27:3-12.
3. World Health Organization. Medical eligibility criteria for contraceptive use. WHO, Fifth edition 2015.
4. Leridon H, Oustry P, Bajos N et l’équipe Cocon. La médicalisation croissante de la contraception en France. Population et Sociétés 2002;381.
5. Rossier C, Leridon H, Équipe Cocon. Pilule et préservatif, substitution ou association ? Une analyse des biographies contraceptives des jeunes femmes en France de 1978 à 2000. Population 2004;59:449-78.
6. Bajos N, Bohet A, Le Guen M, Moreau C, Équipe Fécond. La contraception en France : nouveau contexte, nouvelles pratiques. Population et Sociétés 2012;492.
7. Rahib D, Le Guen M, Lydié N. Baromètre Santé 2016. Contraception. Quatre ans après la crise de la pilule, les évolutions se poursuivent. Saint-Maurice : Santé Publique France, 2017.
8. Agence nationale de sécurité du médicament. Évolution de l’utilisation en France des contraceptifs oraux combinés (COC) de janvier 2013 à décembre 2015. ANSM, communiqué du 7 mars 2017.
9. Tricotel A, Raguideau F, Collin C, Zureik M. Estimate of venous thromboembolism and related-deaths attributable to the use of combined oral contraceptives in France. PLoS One 2014;9:e93792.
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