La prise en charge d’une patiente consultant pour un prolapsus génital symptomatique doit être guidée par une évaluation clinique et para­clinique.1

Quelles sont les structures anatomiques impliquées ?

Il s’agit de diagnostiquer l’existence d’un prolapsus, et de rechercher une incontinence patente ou masquée associée et/ou un prolapsus rectal.
L’examen est réalisé à vessie pleine puis à vessie vide, en décubitus dorsal et en position demi-assise, puis en position debout. Cet examen est d’abord statique au repos puis dynamique, en poussée et à la toux puis en retenue. Un examen clinique négatif doit être répété.2
La manœuvre des valves du spéculum démonté permet d’apprécier les éléments prolabés, de rechercher les éléments masqués et de quantifier l’importance du prolapsus. La valve refoule le prolapsus et peut permettre de démasquer lors de la poussée une incontinence d’effort. Il est important de classifier le prolapsus pour pouvoir suivre la patiente ensuite. Plusieurs classifications ont été proposées. En pratique clinique courante la classification de Baden et Walker est suffisante (tableau 1).3
Le toucher vaginal permet d’apprécier la perméa­bilité et la mobilité vaginale ainsi que la qualité des élévateurs de l’anus (tableau 2). Il permet ainsi de dépister les inversions de commande devant faire l’objet d’une rééducation.
Le toucher rectal apprécie le tonus anal et la force de contraction du sphincter, recherche une lésion de l’ampoule rectale, un prolapsus muqueux et une rectocèle (en plaçant l’index en crochet).
Le toucher bi-digital démasque l’existence d’une élytrocèle (descente du cul-de-sac de Douglas) avec parfois la perception d’anses digestives (fig. 1).
La réalisation systématique d’un toucher rectal et bi-digital chez une patiente n’ayant aucun symptôme anorectal peut être débattue. Mais il est évident qu’un examen le plus complet possible apporte une évaluation plus précise et exhaustive du prolapsus.

Quels facteurs de risque de récidive, de difficultés et de complications postopératoires ?

L’âge réel et physiologique, les antécédents médicaux peuvent orienter, en fonction notamment des contraintes anesthésiques, vers une chirurgie par voie cœlioscopique ou vaginale.
Le tabagisme serait un facteur de risque indépendant d’exposition prothétique.
Les facteurs de contrainte périnéale chronique, facteurs professionnels, exercice physique intensif, obésité, constipation, insuffisance respiratoire chronique, doivent également être évalués.
Les antécédents chirurgicaux (risque de difficultés lors de la dissection) sont à prendre en compte également.
Les antécédents gynéco-obstétricaux, statut hormonal (ménopause), date et résultats du dernier frottis cervico-vaginal guident la réalisation d’examens complémentaires et le choix vers une chirurgie conservatrice de l’utérus ou non.

Quels retentissement ou symptômes associés ?

Symptômes associés au prolapsus

Ces symptômes (sensation de corps étranger, de « boule » extériorisée, pesanteur…) peuvent varier avec l’effort et l’orthostatisme.

Syndrome douloureux pelvien chronique, fibromyalgies, vulvodynies

Ils représentent un terrain à risque de douleurs (ou d’aggravation de ces dernières) et de complications post- opératoires. Il faut par ailleurs garder à l’esprit qu’un trouble de la statique pelvienne n’est jamais douloureux en soi. Les manifestations douloureuses ne sont pas dues au prolapsus et ne seront souvent pas améliorées par le traitement chirurgical.

Symptômes urinaires


Incontinence urinaire

La présence d’une incontinence à l’effort rapportée par la patiente (incontinence patente) est recherchée systématiquement.4
L’examen clinique s’efforce aussi de rechercher une incontinence urinaire à l’effort patente ou masquée. Il faut demander à la patiente de tousser (vessie pleine), puis de pousser afin de pouvoir retrouver les fuites. On recherche alors une hypermobilité urétrale, et on réalise les manœuvres de soutènement de l’urètre.
La patiente doit être informée que malgré la négativité de l’examen, il ne peut être exclu qu’une incontinence urinaire à l’effort se manifeste après le traitement du prolapsus.

Hyperactivité vésicale

Sa présence est souvent rapportée par les patientes ayant un prolapsus antérieur. Le traitement chirurgical a cependant beaucoup de chances de corriger ces symptômes, en améliorant la vidange vésicale. Cependant plus le prolapsus est important, plus le risque de persistance d’une incontinence urinaire par urgenturie est important.

Difficultés mictionnelles

Ces difficultés (dysurie, nécessité de réintégrer avec les doigts le prolapsus pour uriner) peuvent être en rapport avec l’obstruction provoquée par le prolapsus lui-même (effet pelote, coudure urétrale), avec dans ce cas de grandes chances d’amélioration par le traitement chirurgical, mais le risque de démasquer une incontinence urinaire. Des difficultés mictionnelles par hypo- contractilité vésicale représentent, en revanche, un risque de résidu post-mictionnel postopératoire.

Infection urinaire

Ce bilan est complété par un examen cytobactériologique des urines, une échographie (recherche d’une dilatation urétéro-pyélocalicielle) avec mesure du résidu post-mictionnel.

Symptômes anorectaux

Il convient de rechercher et évaluer les symptômes anorectaux (syndrome d’intestin irritable, d’obstruction défécatoire, incontinence anale) par l’interrogatoire et l’examen clinique à la recherche d’un prolapsus rectal, l’appréciation du tonus anal et notamment d’une béance (qui peut être un signe d’appel pour un prolapsus rectal), d’un asynchronisme sphinctérien (qui peut nécessiter une rééducation préopératoire).
En cas de trouble fonctionnel anorectal au premier plan, un bilan coloproctologique doit être réalisé.

Symptômes gynécologiques

La présence de pertes, de leucorrhées ou d'hémorragies guide l’examen clinique et justifie des examens complémentaires afin de ne pas méconnaître une pathologie utéro-annexielle associée.
Il faut s’enquérir de l’activité sexuelle de la patiente, qui peut guider le choix de la voie d’abord si une chirurgie est envisagée (chez une patiente sexuellement active, on privilégie la voie abdominale).

Questionnaires

L’établissement d’un catalogue mictionnel sur 2 ou 3 jours est un moyen objectif de recueillir les troubles urinaires subjectifs décrits par les patientes.
Beaucoup de questionnaires ont été validés pour évaluer la sévérité des symptômes préopératoires et les résultats thérapeutiques (scores ODS, PISQ-12, PFDI-20, PFQ-7, Wexner…), mais peu sont utilisés pour guider la stratégie chirurgicale.

Quel bilan paraclinique demander ?

Une imagerie est-elle nécessaire ?

Les examens d’imagerie sont un complément essentiel de l’examen physique lorsque ce dernier ne permet pas d’analyser avec précision les raisons anatomiques de la plainte fonctionnelle exprimée ou lors de la prise en charge des situations complexes.5
L’examen clinique est généralement satisfaisant pour apprécier les prolapsus de la vessie et de l’utérus, mais plus limité et souvent incomplet pour l’examen des colpocèles postérieures, en particulier les élytrocèles et la pathologie anorectale spécifique. Or la présence d’un prolapsus ou d’une pathologie méconnu(e) ou sous-estimé(e) par l’examen clinique peut conduire à une modification de l’abord chirurgical.
L’échographie offre un examen rapide et facile d’accès pour l’appréciation des organes pelviens, et des éventuelles anomalies associées. Pour l’évaluation du prolapsus, l’échographie n’est pas d’un apport majeur par rapport à l’examen clinique. Elle reste, en revanche, utile en première intention pour l’appréciation du résidu postmictionnel, le dépistage d’une dilatation pyélocalicielle (qui peut survenir dans les grandes cystocèles) et pour la réalisation du bilan utéro-annexiel.
La colpocystodéfécographie et l’imagerie par résonance magnétique dynamique (IRMd) permettent l’appréciation des prolapsus, des organes pelviens, et des éventuelles anomalies associées (fig. 2). Concernant la colpocèle antérieure, ils permettent de différencier une cystoptose d’une cervico-cystoptose, et visualisent la mobilité du col vésical ; ainsi qu’une descente du dôme vaginal ou une hystéroptose. Une élytrocèle, de diagnostic clinique souvent difficile, peut être observée ainsi que son contenu (anses grêles, sigmoïde, épiploon…). Enfin, concernant l’étage postérieur, elles mettent en évidence une possible rectocèle, dont le caractère pathologique reste parfois difficile à définir (volume, gêne fonctionnelle, défaut de vidange ?) et permettent aussi de mettre en évidence une intussuception anorectale ou prolapsus rectal interne.
Enfin l’IRMd permet l’étude des moyens de soutien du plancher pelvien dont le muscle élévateur de l’anus, et du hiatus urogénital.

Quel bilan utéro-annexiel ?

La réalisation d’une échographie pelvienne et endo­vaginale avant toute chirurgie de prolapsus est indispensable pour ne pas méconnaître une pathologie utéro-annexielle.
L’examen clinique complété au besoin par la réalisation d’un frottis cervico-vaginal, ou la vérification de la normalité d’un frottis récent, permet de ne pas méconnaître une pathologie du col utérin associée.

Un bilan urodynamique est-il recommandé ?

Son intérêt dans le cadre du bilan d’un prolapsus génital est controversé.
Le but de l’exploration urodynamique est d’aider au choix de la technique retenue pour corriger le prolapsus sans déstabiliser l’équilibre vésico-sphinctérien ou de donner des arguments pour associer à un geste urinaire, (par exemple une bandelette sous-urétrale), sans induire d’effet indésirable urinaire supplémentaire.
En l’absence de tout signe urinaire spontané ou masqué, le bilan urodynamique paraît inutile. Dans les autres cas, il participe à l’évaluation vésico-sphinctérienne en se souvenant qu’une dysurie ou une hyper­activité détrusorienne liée à un prolapsus disparaissent souvent après réduction de ce prolapsus et que le bilan urodynamique ne peut à lui seul prédire le risque d’incontinence urinaire d’effort postopératoire.
Références
1. Donon L, Warembourg S, Lapray JF, et al. Bilan avant le traitement chirurgical d’un prolapsus génital. Recommandations pour la pratique clinique. Prog Urol 2016;26:S8-S26.
2. Costa P, Bouzoubaa K, Delmas V, Haab F. Examen clinique des prolapsus. Prog Urol 2009;19:939-43.
3. Baden WF, Walker TA. Genesis of the vaginal profile: a correlated classification of vaginal relaxation. Clin Obstet Gynecol 1972;15:1048-54.
4. Cortesse A, Cardot V, Comité d’urologie et de pelvi-périnéologie de la femme Association française d’urologie. Recommandations pour l’évaluation clinique d’une incontinence urinaire féminine non neurologique. Prog Urol 2007;17:1242-51.
5. Lapray JF, Costa P, Delmas V, Haab F. Rôle de l’imagerie dans l’exploration des troubles de la statique pelvienne. Prog Urol 2009;19:953.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Résumé Examen clinique et paraclinique des prolapsus génitaux

L’évaluation clinique d’un prolapsus comporte plusieurs volets : un interrogatoire précis, un examen clinique minutieux, l’évaluation de son retentissement sur la qualité de vie. Elle doit prendre en compte les sphères urinaire, génitale et anorectale. De cette évaluation clinique dépend le choix et l’interprétation des investigations paracliniques qui peuvent être demandées. Mais les examens complémentaires ne doivent jamais remplacer l’interrogatoire et l’examen clinique. Il convient de ne traiter que les prolapsus génitaux symptomatiques.