Prédominance féminine

Les fractures de l’extrémité supérieure du fémur représentent le troisième type de fracture le plus fréquent en traumatologie (11,5 % des fractures aux urgences). Elles sont la deuxième cause d’hospitalisation chez le sujet âgé. L’incidence annuelle chez les plus de 80 ans est entre 1,3 ‰ et 11 ‰, et jusqu’à 33 ‰ chez les plus de 85 ans. Elles représentent le troisième budget dépensé par pathologie de la Sécurité sociale.
La prédominance de cette fracture est féminine (3 femmes pour 1 homme), avec un âge moyen de survenue de 80 ans, le risque augmentant de façon exponentielle avec l’âge. En France dans les années 1990, il y avait 46 000 à 51 000 cas par an. La prévision pour l’année 2050 est de 143 000 cas par an.1
Les facteurs de risque de fracture de l’extrémité supérieure du fémur sont : l’âge, le sexe féminin, l’ostéo­porose, les facteurs de risque de chute, les antécédents de chute, la perte d’autonomie, l’institutionnalisation, les antécédents de fracture de l’extrémité supérieure du fémur et l’isolement social. Près de 45 % des fractures de l’extrémité supérieure du fémur sont des fractures du col.
La prévention de ces fractures s’impose qu'elle passe par celle de l’ostéoporose. Des études ont montré qu’une alimentation équilibrée en apport phosphocalcique, l’administration quotidienne de calcium à des doses de l’ordre de 1 g/j et de vitamine D à dose de 1 000 unités/j ainsi que la prise prolongée (plus de 10 ans) d’estrogènes chez la femme, sans oublier la pratique régulière de l’exercice physique (la marche), diminuaient significativement le nombre des fractures de l’extrémité supérieure du fémur.2

Diagnostic

Le diagnostic se fait à partir des constatations cliniques à la suite d’une chute mécanique le plus souvent : douleur et impotence fonctionnelle ; rarement fracture non déplacée et engrenée avec impotence fonctionnelle partielle ; déformation classique en raccourcissement, adduction, rotation externe (mais pas de déformation en cas de faible déplacement).
Ces éléments justifient des radiographies standard, avec comme clichés :
– un bassin de face qui permet le diagnostic de la fracture et donne la morphologie de la hanche saine (fig. 1) ;
– un cliché de face centré sur la hanche fracturée ;
– un profil chirurgical.
Les radiographies suffisent dans la majorité des cas. Une tomodensitométrie de la hanche n’est réalisée qu’en cas de discordance radioclinique. L’imagerie par résonance magnétique de la hanche, qui a une sensibilité supérieure à celle de la tomodensitométrie, n’est prescrite que si un doute diagnostique persiste.
Chez la personne âgée, l’évaluation de l’autonomie fonctionnelle repose sur des critères simples tels le score de Parker.3 Les comorbidités et les traitements en cours, en particulier à visée cardiocirculatoire, influencent directement le choix et la date de la technique chirur­­gicale. Le bilan préopératoire est bref et pragmatique : il vise en premier lieu à équilibrer les comorbidités décompensées (diabète, hypocoagulation iatrogène, troubles hydroélectrolytiques, etc.) et à la prise en charge d’un foyer infectieux patent (cutané, urinaire, etc.).

Prise en charge

Non seulement du point de vue individuel mais également du point de vue socioéconomique, il est impératif que le traitement d’une fracture de hanche soit le mieux adapté possible. Ce traitement doit permettre au patient de retrouver une fonction préfracturaire et de rentrer au domicile dans le plus bref délai, et ce avec une dépendance minimale vis-à-vis de tiers.
Différentes classifications fondées sur le risque d’interruption définitive de la vascularisation intra-osseuse cervicocéphalique lié à l’importance du déplacement ont été mises en place pour guider la prise en charge thérapeutique. En effet, tout déplacement important entraîne une déchirure capsulaire, implique une interruption du réseau microcirculatoire osseux et par voie de conséquence un certain degré d’ischémie du foyer fracturaire et de la tête fémorale : le parallélisme entre l’importance du déplacement et le risque ischémique osseux générant une nécrose épiphysaire et/ou une pseudarthrose cervicale est certain.
Deux classifications sont utilisées :
– la classification de Garden4 (fig. 2), fondée sur l’orientation des travées spongieuses du col fémoral sur un cliché de face. Elle a un intérêt thérapeutique et pronostique évident. Quatre stades ont été décrits ayant une gravité croissante et un pronostic défavorable croissant :
l stade I, fracture peu déplacée avec des travées orientées en valgus, elle est dite en coxa valga ;
l stade II, fracture non déplacée, les travées sont continues ;
l stade III, fracture instable déplacée, avec des travées orientées en varus, elle est dite en coxa vara ;
l stade IV, fracture déplacée avec une perte complète de contact entre les surfaces articulaires et classiquement associée à une rotation du fragment céphalique ;
– la classification de Pauwels (fig. 3) ; Pauwels, en 1935, a opposé les fractures avec un trait relativement horizontal soumises à des contraintes en compression (favorables à la consolidation) aux fractures dont le trait était plus vertical soumises à des contraintes en cisaillement (défavorables). Trois stades ont été définis :
l stade I, avec un angle du trait de fracture de moins de 30 ° par rapport à l’horizontal ;
l stade II, avec un angle compris entre 30 ° et 50 ° ;
l stade III, avec un angle de plus de 50 °.
Néanmoins, cette classification présente des limites, avec notamment l’absence de prise en compte du profil. La reproductibilité interobservateur est limitée et elle a une mauvaise valeur prédictive des complications des fractures ostéosynthésées.5
En résumé (fig. 4), chez le sujet âgé :
– devant une fracture « instable » (Garden III et IV) : une arthroplastie est indiquée ;
– devant une fracture « stable » (Garden I et II) : une ostéosynthèse par vissage ou lame-plaque est indiquée si la qualité osseuse le permet. Si la qualité osseuse est médiocre, on privilégie l’arthroplastie d’emblée, car il existe un risque de déplacement secondaire ou d’ostéonécrose.
Chez le sujet jeune, on privilégie toujours le traitement conservateur (v. Focus p. 1129).

Arthroplastie

La question du type d’arthroplastie est très discutée. Le chirurgien a en effet le choix entre hémiarthroplastie ou arthroplastie totale. L’hémiarthroplastie correspond à un remplacement prothétique de l’extrémité supérieure du fémur uniquement, tandis que pour l’arthro­plastie totale on procède également à la mise en place d’un implant cotyloïdien.
En règle générale, il y a indication à une hémiarthroplastie chez un patient de plus de 80 ans ou un patient plus jeune ayant une autonomie limitée : en effet, on ne retrouve pas de différence significative sur le résultat fonctionnel entre les deux types de prothèse dans cette population. Les avantages de l’hémiarthroplastie sont un temps opératoire plus court et une diminution du saignement.
Chez le sujet encore très actif ou si le cartilage cotyloïdien est de mauvaise qualité, la prothèse totale donne des résultats plus fiables que l’hémiprothèse de hanche (fig. 5). Une prothèse totale évite généralement les douleurs inguinales rencontrées parfois après la pose d’une hémiprothèse. En revanche, le taux de luxation est plus élevé (2,1 % contre 10,7 %). La mortalité liée à la mise en place d’une prothèse totale et celle d’une hémiprothèse sont comparables. Toutefois, le taux de révision à 1 an et à 4 ans après prothèse totale (4 et 7 %) est inférieur à celui rencontré après hémiarthroplastie (13 %) ou ostéosynthèse (25 %).6
Concernant la tige fémorale, il existe des arguments en faveur d’une tige fémorale cimentée : faible capital osseux, moins de risque de fracture périprothétique, moins de risque d’enfoncement secondaire.
Les arguments en faveur du « sans ciment » sont : une augmentation de la morbi-mortalité, un faible pourcentage des complications cardiovasculaires (1 %) et l’absence de consensus dans la littérature scientifique, avec des divergences dans les résultats des différentes séries.
Concernant la voie d’abord, deux voies sont couramment utilisées pour la mise en place d’une prothèse à la suite d’une fracture du col fémoral : la voie antérolatérale et la voie postérieure. La voie antérolatérale a l’avantage de diminuer le nombre de luxations de près de la moitié par rapport à la voie postérieure et de diminuer la mortalité à court terme de 60 %.
Lorsqu’une arthroplastie est réalisée, l’appui postopératoire est libre en l’absence de complications. Une héparinothérapie préventive est instaurée pour une durée de six semaines.

Traitement conservateur par ostéosynthèse

Les options sont multiples : vissage, brochage, vis/lame hélicoïdale-plaque et enclouage pour certains. Il est conseillé d’utiliser une ostéosynthèse par vis lorsque le calcar est intact, ce qui permet de s’appuyer sur celui-ci afin de neutraliser la tendance à la translation verticale et d’y associer une vis postérieure dans le but de neutraliser la tendance à la rétroversion. Le calcar, ou éperon de Merkel, est une zone d’os très condensé et résistant, située au-dessus du petit trochanter ; c’est une zone clé pour la solidité d’une prothèse (ou d’une ostéosynthèse dans les fractures). Si le calcar est comminutif, une vis/lame-plaque est préférée.
Chez la personne âgée, le principe thérapeutique est de lui faire recouvrer son autonomie. Ainsi, en postopératoire, la marche doit être autorisée, et le montage utilisé adapté. Chez un patient jeune, l’objectif est la survie de la tête fémorale. Ainsi, un appui contact de 6 à 8 semaines est nécessaire. Une héparinothérapie préventive est instaurée.
Le taux de déplacement secondaire ou de pseudarthrose dans les 2 ans après ostéosynthèse d’une fracture déplacée du col fémoral est estimé entre 5 et 37 %. Il est estimé entre 5 et 15 % chez le patient jeune et entre 25 et 30 % chez le sujet de plus de 80 ans. Le taux de nécrose de la tête fémorale dans les 2 ans après ostéosynthèse d’une fracture déplacée du col fémoral est estimé entre 7 et 24 %. Une fracture instable, une réduction imparfaite, le sexe féminin, un âge inférieur à 75 ans chez la femme, un surplus pondéral et un taux d’activité préfracturaire plus élevé sont des facteurs de risque de nécrose secondaire. Le taux de réintervention, pour quelque raison que ce soit, varie entre 20 et 36 %.7
Chez le sujet âgé, si l’état général le permet, le déplacement secondaire ou la pseudarthrose ainsi que la nécrose de la tête fémorale sont généralement traités par la pose d’une prothèse de la hanche. Les résultats d’une prothèse totale de hanche réalisée dans ces conditions sont comparables à ceux de la chirurgie primaire et, à long terme, meilleurs que ceux obtenus après hémiarthroplastie céphalique primaire.
Il n’y a pas de place pour un traitement non chirurgical chez les patients pour qui la chirurgie est possible. On note, en effet, entre 14 et 66 % de déplacements secondaires en cas de fracture du col du fémur traitée fonctionnellement ou orthopédiquement (fig. 6). Par ailleurs, une étude comparant traitement chirurgical et traitement non chirurgical montrait une survie à 1 an de 87 % pour le groupe « opéré » vs 55 % pour le groupe « non opéré ».8 Les seules contre-indications à la chirurgie sont les contre-indications à l’anesthésie.

Facteurs pronostiques

Le taux de mortalité est de 15 à 58 % à 1 an, en fonction de l’âge et des comorbidités.9
Parmi les complications médicales précoces, les infections respiratoires (9 % des patients) et les défaillances cardiovasculaires (5 %) représentent 40 à 60 % des causes de décès dans les 30 jours postopératoires.
Les facteurs de risque de mortalité retrouvés sont : un âge supérieur à 90 ans, un délai opératoire de plus de 48 heures, un patient institutionnalisé, un faible niveau d’autonomie, des comorbidités cardiovasculaires, des escarres notamment talonnières, une dénutrition (albuminémie préopératoire < 35 g/dL).
En ce qui concerne la récupération fonctionnelle, 20 à 60 % des patients retournent en 1 an à leur niveau d’autonomie antérieur. Les facteurs essentiels conditionnant la récupération fonctionnelle sont une atteinte des fonctions supérieures et l’autonomie avant la chute.

Adapter le traitement

La prise en charge des fractures du col du fémur est quotidienne pour le traumatologue. Le vieillissement de la population augmente leur fréquence de façon exponentielle, entraînant un véritable problème de santé publique. L’expertise de la prise en charge chirurgicale de ces fractures est fondamentale pour la personne âgée, au même titre que la prise en charge multidisciplinaire associant les gériatres. Pour la personne âgée, l’objectif du traitement est d’obtenir une déambulation et une autonomie le plus rapidement possible tout en diminuant au maximum les complications et les décompensations médicales. Pour le patient jeune, la gravité de cette pathologie réside dans la fracture déplacée du col fémoral engageant le pronostic fonctionnel de la hanche. L’option choisie doit permettre de répondre à ces impératifs thérapeutiques. 
Références
1. Court-Brown M, Caesar B. Epidemiology of adult fracture: a review. Injury 2006;37:691-7.
2. Holbrook TL, Barrett-Connor E, Wingard DL. Dietary calcium and risk of hip fracture: 14-year prospective population study. Lancet 1988;2:1046-9.
3. Parker MJ, Palmer CR. A new mobility score for predicting mortality after hip fracture. J Bone Joint Surg Br 1993;75:797-8.
4. Garden RS. Low-angle fixation in fractures of the femoral neck. J Bone Joint Surg Br 1961;43:647-63.
5. Parker MJ, Dynan Y. Is Pauwels classification still valid Injury 1998;29:521-3.
6. Simon P, Gouin F, Veillard D, et al. Les fractures du col du fémur après 50 ans. Rev Chir Orthop 2008;94S:S108-S132.
7. Lu-Yao GL, Keller RB, Littenberg B, Wennberg JE. Outcomes after displaced fractures of the femoral neck. A meta-analysis of one hundred and six published reports. J Bone Joint Surg Am 1994;76:15-25.
8. Ishimaru D, Ogawa H, Maeda M, Shimizu K. Outcomes of elderly patients with proximal femoral fractures according to positive criteria for surgical treatment. Orthopedics 2012;35:e353-358.
9. Tanous T, Stephenson KW, Grecula MJ. Hip hemiarthroplasty after displaced femoral neck fracture: a survivorship analysis. Orthopedics 2010;33:385.

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Résumé

Les fractures de l’extrémité supérieure du fémur représentent le troisième type de fracture le plus fréquent en traumatologie. Le diagnostic repose sur la clinique et des radiographies du bassin et de la hanche. Le choix du traitement chirurgical dépend du type de fracture (avec déplacement en coxa vara, coxa valga, ou sans déplacement), de l’âge du patient, de son autonomie et de ses comorbidités. Chez des patients âgés avec une fracture déplacée en coxa vara, on privilégie l’arthroplastie, tandis que pour les fractures non déplacées ou en coxa valga, ainsi que chez les patients jeunes, une ostéosynthèse est réalisée. L’expertise de la prise en charge chirurgicale de ces fractures est fondamentale pour la personne âgée, au même titre que la prise en charge multidisciplinaire associant les gériatres. Pour la personne âgée, l’objectif du traitement est d’obtenir une déambulation et une autonomie le plus rapidement possible, tout en diminuant au maximum les complications et les décompensations médicales.