Technologies de mesure de la pression artérielle : nouveauté n’est pas synonyme de fiabilité
A contrario, il faut expliquer au patient que les nouvelles méthodes de mesure de pression artérielle n’utilisant pas de tensiomètres à « brassard » huméral ou radial (cuff-less devices) ne sont pas recommandées et qu’elles doivent donc être évitées. Il s’agit des App qui par l’intermédiaire de l’objectif électronique du smartphone utilisent la technologie d’imagerie optique digitale (méthode photopléthysmographique) ou faciale transdermique (méthode d’analyse du flux sanguin facial)4 couplée à des algorithmes dédiés et des bracelets de poignet dits « intelligents » (smart wrist watch).5 Leur évaluation, disponible sur Internet pour une vingtaine d’euros, montre leur manque de fiabilité.6 Si, à l’avenir, des progrès techniques dans ce domaine sont possibles (une première validation par la Food and Drug Administration a été communiquée le 29 août 2019 et d’autres sont attendues), il est nécessaire d’appréhender que la fiabilité d’un capteur ne constitue qu’une première étape de validation ; même si le dispositif est jugé fiable, nous manquons pour l’instant de connaissances sur l’interprétation diagnostique ou pronostique des chiffres de pression artérielle relevés en continu et en vie réelle. Le clinicien ne peut donc pas conseiller ses appareils à ses patients.
Télésurveillance : une utilité démontrée mais un bénéfice économique incertain
De nombreuses expériences de télémédecine concernant l’hypertension artérielle sont décrites dans la littérature. Il s’agit de programmes hétérogènes impliquant les patients à des degrés divers : pratique de l’automesure tensionnelle télésurveillée, mise à disposition de modules éducatifs dont l’aide à l’observance, et/ou interventions à distance de professionnels de santé (infirmières, pharmaciens ou médecins). Ces différents essais de télésurveillance ont cherché à démontrer l’obtention d’un meilleur contrôle tensionnel, voire d’une meilleure observance. Plusieurs méta-analyses ou revues montrent une diminution plus marquée de la pression artérielle (de quelques mmHg) chez les patients télésuivis par rapport aux groupes contrôles.7 Toutefois, un essai récent de grande envergure n’a pas montré de différence tensionnelle entre le groupe automesure conventionnelle sans avis médical à distance et le groupe bénéficiant du télémonitoring.8 Le bénéfice tensionnel retrouvé par les premières études avec télémonitoring serait dû à l’impact positif de la rétroaction télétransmise (feedback) sur l’observance du patient et/ou sur l’inertie thérapeutique des médecins. En d’autres termes, l’information du contrôle insuffisant de la pression artérielle motive, d’une part, le patient à être plus observant et, d’autre part, le médecin à renforcer le traitement. Il a été mis aussi en évidence le bénéfice tensionnel du « télémonitoring tensionnel avec auto-adaptation du traitement antihypertenseur » chez des hypertendus non contrôlés par rapport aux « soins courants », puis un bénéfice tensionnel encore plus grand chez des patients à haut risque (maladie cardiovasculaire, diabète ou maladie rénale chronique).9 Cependant, l’importance des moyens et du temps médical mobilisés pour cette approche rend peu claire son utilité médico-économique, si bien qu’actuellement la télésurveillance des patients hypertendus reste rarement utilisée en pratique courante.
Téléconsultation et télé-expertises : encore embryonnaires
e-santé : très utilisée par les patients mais trop peu d’applications validées
– application de préparation à la consultation pour hypertension artérielle ; cette application mise au point par le centre d’hypertension artérielle de l’HEGP permet au patient de préparer son dossier médical avant la rencontre avec le médecin ;10
– applications et objets connectés (App/Oc) dédiés à la mesure de la pression artérielle ; ils sont très nombreux mais on ne dispose que de très peu de données sur la fiabilité des algorithmes gérant les résultats de pression artérielle. Une revue systématique a identifié près de 850 applications pour smartphones en anglais consacrées à la mesure de la pression artérielle.11 L’analyse des 107 premières applications smartphone pour l’hypertension artérielle a montré que seules trois d’entre elles avaient été développées par des professionnels de santé alors que d’autres transformaient des smartphones en dispositifs médicaux sans réglementation par des autorités de santé. À ce jour, seules deux applications conçues en respect des recommandations de la Société européenne d’hypertension (ESH) et de la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) ont été présentées dans des revues à comité de lecture : ESH Care et Hy-Result. Ces outils délivrent une éducation sur les méthodes et protocoles fiables d’automesure et encouragent l’autonomisation des patients. ESH Care est une plateforme accessible aux médecins,6 Hy-Result communique aux patients (traités ou non) une interprétation automatique personnalisée de leurs résultats d’automesure de pression artérielle.12 Elles sont disponibles gratuitement sur Internet et peuvent être conseillées aux patients, bien distinctes donc des outils déconseillés (
À retenir
Télésuivi, téléconsultation et télé-expertise dédiés à la prise en charge de l’hypertension artérielle ne sont pas encore de pratique courante.
Les nouvelles technologies d’information et de communication peuvent aider les patients à gagner en autonomie avec un autosuivi au long cours de leurs automesures tensionnelles et/ou de leurs traitements.
Les professionnels de santé sont invités à guider les patients dans le choix des applications : il faut recommander en priorité les applications validées.
Les applications proposant des mesures de pression artérielle faites à l’aide d’un appareil de mesure brachiale non validé ne doivent pas être utilisées.
2. Williams B, Mancia G, Spiering W, et al. Practice guidelines for the management of arterial hypertension of the European Society of Hypertension and the European Society of Cardiology: ESH/ESC Task Force for the Management of Arterial Hypertension 2018. J Hypertens 2018;36:2284-309.
3. Société française d’hypertension artérielle. Recommandation, mesure de la pression artérielle. SFHTA, décembre 2018. http://bit.ly/2O4vvrV
4. Luo H, Yang D, Barszczyk A, et al. Smartphone-based blood pressure measurement using transdermal optical imaging technology. Circ Cardiovasc Imaging 2019;12(8):e008857.
5. Plante TB, Urrea B, MacFarlane ZT, et al. Validation of the Instant Blood Pressure Smartphone App. JAMA Intern Med 2016;176:700-2.
6. Parati G, Torlasco C, Omboni S, Pellegrini D. smartphone applications for hypertension management: a potential game-changer that needs more control. Curr Hypertens Rep 2017;19:48.
7. Omboni S, Gazzola T, Carabelli G, et al. Clinical usefulness and cost effectiveness of home blood pressure telemonitoring: meta-analysis of randomized controlled studies. J Hypertens 2013;31:455-67.
8. McManus RJ, Mant J, Franssen M, et al; TASMINH4 investigators. Efficacy of self-monitored blood pressure, with or without telemonitoring, for titration of antihypertensive medication (TASMINH4): an unmasked randomised controlled trial. Lancet 2018;391:949-59.
9. McManus RJ, Mant J, Haque MS, et al. Effect of self-monitoring and medication self-titration on systolic blood pressure in hypertensive patients at high risk of cardiovascular disease. The TASMIN-SR randomized clinical trial. JAMA 2014;312:799-808.
10. Postel-Vinay N, Bobrie N, Steichen O, Sosner P, Gosse Ph, Plouin PF. HY-Quest, standardized patient questionnaire to be completed at home before a first visit for hypertension: a validation study in specialized centres in France. J Hypertens 2014;32:693-8.
11. Kumar N, Khunger M, Gupta A, Garg N. A content analysis of smartphone-based applications for hypertension management. J Am Soc Hypertens 2015;9:130-6.
12. Postel-Vinay N, Bobrie G, Ruelland A, et al. Automated interpretation of home blood pressure assessment (Hy-Result software) versus physician’s assessment: a validation study. Blood Press Monit 2016;21:111-7.
Dans cet article
- Technologies de mesure de la pression artérielle : nouveauté n’est pas synonyme de fiabilité
- Télésurveillance : une utilité démontrée mais un bénéfice économique incertain
- Téléconsultation et télé-expertises : encore embryonnaires
- e-santé : très utilisée par les patients mais trop peu d’applications validées