Les infections sexuellement transmissibles (IST) sont un problème majeur de santé publique : les infections à VIH-sida, les hépatites virales A, B et C, la syphilis, les infections à gonocoque, Chlamydiae et papillomavirus (HPV) sont les plus fréquentes. La prévention et le dépistage de ces IST sont nécessaires à une bonne santé sexuelle.
La consultation médicale, généraliste ou spécialiste, implique non seulement d’interroger le patient sur son mode de vie, ses antécédents médicaux et chirurgicaux, ses traitements passés ou en cours, ses consommations ­d’alcool et de tabac, mais aussi d’aborder impérativement la question de la sexualité : patient célibataire ou en couple, activité sexuelle, type de sexualité, rapports exclusifs ou multipartenariats, type de pratiques. Même si le patient n’en parle pas spontanément, le médecin devrait prendre l’initiative d’aborder le sujet de l’orientation sexuelle. En effet, ces informations sont précieuses, elles peuvent orienter le diagnostic et améliorent la prise en charge médicale.
Les bénéfices sont multiples :

Contribuer à révéler l’épidémie cachée

Aborder la question de la sexualité avec les patients permet de participer à l’effort collectif de dépistage chez des individus qui ignorent leur statut vis-à-vis du VIH : on parle d’épidémie cachée.
Une étude menée en France, sous l’égide de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites, a identifié les opportunités manquées de dépistage du VIH pendant les trois ans qui précédaient le diagnostic d’une infection par le VIH, en explorant le parcours de soins et les antécédents médicaux de 994 patients (793 hommes).1 Les résultats sont alarmants : 99 % des patients avaient eu recours au moins une fois à une structure de soins (généraliste, spécialiste, hôpital, urgences) au cours des trois années précédant le diag­nostic de leur séropositivité. De plus, 30 % des patients ont été dépistés à un stade tardif de l’infection à VIH (avec des lymphocytes CD4 inférieurs à 200/mm3 ou déjà au stade sida) et plus de 1 patient sur 2 avait consulté pour une infection sexuellement ­transmissible pendant cette période, suggérant un comportement sexuel à risque.
Ces résultats ne sont pas surprenants ; une étude publiée dans le BEH en 2019, portant sur une population clé de 1 879 hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), dont 90 % avaient un médecin traitant, a montré que 42 % d’entre eux n’avaient jamais parlé de sexualité avec leur médecin.2

Favoriser le dépistage du VIH et des IST dans la population générale et en particulier dans les populations clés

On propose plus facilement un test de dépistage du VIH et des autres IST si l’on est renseigné sur la sexualité du patient et que l’on a identifié des conduites à risque.
Le dépistage des IST (gonocoque, Chlamydiae, syphilis) permet de les traiter, avec un bénéfice individuel ­(réduire le risque d’acquisition du VIH) et collectif (diminuer le risque de propagation des IST).
Aborder la sexualité permet aussi au médecin de faire le point sur les vaccinations et de les promouvoir : hépatites A, B, papillomavirus (HPV), méningocoque (la vaccination contre le méningocoque C est recommandée chez les HSH et les personnes de 25 ans et plus fréquentant des lieux de convivialité, de rencontres gays ou les personnes souhaitant se rendre à des rassemblements gays). Il peut également identifier les populations clés afin de leur proposer un dépistage plus régulier et ciblé.
Les populations clés sont : les HSH, les hétérosexuels à multipartenaires, les usagers de drogues injectables, les personnes originaires de pays à forte endémie (Afrique subsaharienne, territoires et départements français d’Amérique), les travailleurs du sexe.
Sachant que le risque de transmission du VIH est beaucoup plus élevé chez les HSH et les personnes nées à l’étranger, une attention particulière doit être portée en cas de compor­tement sexuel à risque, en proposant un test de dépistage du VIH plus ­régulièrement, ou en cas de symptômes évocateurs, notamment de ­primo-infection. Cette dernière peut se manifester par un syndrome viral aigu non spécifique (présent dans plus de 50 % des cas) ou de nombreux symptômes : fièvre, amaigrissement, éruption cutanée maculo-papuleuse, ulcérations buccales et/ou génitales, polyadénopathie, myalgies, arthralgies, pharyngite, troubles digestifs, céphalées.

Dépister et prendre en charge les addictions, facteurs de vulnérabilité psychologique et sociale

L’abus d’alcool, la consommation de drogues psychoactives à des fins récréatives ou dans le cadre de la sexualité (chemsex) ont un effet désinhibiteur (rapports sexuels non protégés plus fréquents, plus nombreux partenaires sexuels) et pour conséquence une augmentation significative du risque d’acquisition du VIH et des autres IST.3, 5

Participer à la prévention en santé sexuelle

Participer à la prévention en santé sexuelle signifie :
– mettre à jour les vaccinations ;
– dépister et traiter les IST ;
–repérer les situations favorables à la discussion sur la sexualité pour une meilleure prise en charge médicale : premiers rapports sexuels, désir de contraception ou de grossesse, ­mariage, divorce, changement de ­partenaire, dépistage d’une IST ;
– identifier les populations à risque pour les informer sur la prophylaxie préexposition (PrEP), le traitement postexposition (TPE), la prévention de la transmission mère-enfant (PTME), le traitement antirétroviral préventif (TasP).
Aborder les questions d’orientation et de santé sexuelles nécessite que les médecins soient formés à ces questions. 
Encadre

Qu’est-ce que la santé sexuelle ?

La santé sexuelle est l’intégration des aspects somatiques, émotionnels, intellectuels et sociaux du bien-être sexuel en ce qu’ils peuvent enrichir et développer la personnalité, la communication et l’amour. La notion de santé sexuelle implique une approche positive de la sexualité humaine. L’objectif de la santé sexuelle réside dans l’amélioration de la vie et des relations personnelles et pas uniquement dans le counseling et les soins concernant la procréation ou les maladies sexuellement transmissibles (OMS, 1975).

Références
1. Champenois K, Cousien A, Cuzin L, Le Vu S, Deuffic-Burban S, Lanoy E, et al. Missed opportunities for HIV testing in newly-HIV-diagnosed patients, a cross sectional study. BMC Infect Dis. 2013;13:200.
2. Potherat G, Tassel J, Epaulard O. Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et la médecine générale : mention de l’orientation sexuelle par les patients et impact sur la relation de soin (étude Homo Gen). Bull Epidemiol Hebd 2019;(12):204-10. Disponible sur : http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/12/pdf/2019_12_2.pdf
3. Fulcher JA, Hussain SK, Cook R, Li F, Tobin NH, Ragsdale A, et al. Effects of Substance Use and Sex Practices on the Intestinal Microbiome During HIV-1 Infection. J Infect Dis 2018;218(10):1560-70.
4. Ostrow DG, Plankey MW, Cox C, Li X, Shoptaw S, Jacobson LP, et al. Specific sex drug combinations contribute to the majority of recent HIV seroconversions among MSM in the MACS. J Acquir Immune Defic Syndr 2009;51(3):349-55.
5. Sewell J, Miltz A, Lampe FC, Cambiano V, Speakman A, Phillips AN, et al. Poly drug use, chemsex drug use, and associations with sexual risk behaviour in HIV-negative men who have sex with men attending sexual health clinics. Int J Drug Policy 2017;43:33-43.

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