L’insomnie affecte des millions de personnes de tous âges à travers le monde, indépendamment du niveau socio-économique ou de la situation environnementale. Il ne fait aucun doute aujourd’hui que l’insomnie représente une préoccupation majeure pour les autorités de santé publique et un fardeau économique inexploré. Elle altère, en effet, le fonctionnement quotidien et la qualité de vie de millions de femmes et hommes.
Dans le domaine du travail
L’impact de l’insomnie sur le travail est une question cruciale. Plusieurs études ont utilisé des mesures objectives de rendement au travail (absentéisme, présentéisme, limitation du travail, erreurs, promotion d’emploi, etc.) ; elles montrent par exemple en France, en Australie et en Norvège1-3 que les personnes avec insomnie chronique ont un taux d’absentéisme en moyenne deux fois plus élevé que celui des bons dormeurs. En France, une étude comparant 369 employés insomniaques à 369 employés bons dormeurs2 a montré que l’absentéisme au travail (exprimé en jours, par salarié, par an +/- intervalles de confiance [IC]) différait significativement entre les insomniaques et les bons dormeurs : 5,8 (+/- 1,1) et 2,4 (+/- 0,5), respectivement (p < 0,001). Le coût supplémentaire (+/- IC) pour l’Assurance maladie dû à l’absentéisme lié à l’insomnie a été estimé à 77 euros (+/- 39 euros) par employé et par an. Le surcoût (+/- IC) pour les employeurs a été estimé à 233 euros (+/- 101 euros) pour le remplacement du salaire et à 1 062 euros (+/- 386 euros) pour la perte de productivité. Enfin, les salariés eux-mêmes supportaient un coût (+/- IC) de 100 euros (+ / - 54 euros).
En utilisant le questionnaire de limitation du travail, plusieurs auteurs ont aussi constaté que la productivité et le présentéisme des insomniaques chroniques sont significativement réduits. En Australie, par exemple,3 l’association entre le présentéisme (oui/non, n = 5 864) et l’absentéisme (jours de congé de maladie ; n = 4 324) et les groupes mutuellement exclusifs « actifs sans insomnie », « actifs avec insomnie », « inactifs sans insomnie » et « inactifs avec insomnie » ont été évalués. Les participants « actifs avec insomnie » ou « inactifs avec insomnie » présentaient un plus grand risque de présentéisme que ceux « actifs sans insomnie » (odds ratio [OR] = 1,41 et 1,44 respectivement). Les participants « inactifs avec insomnie » présentaient une incidence d’absentéisme plus élevée que les participants « actifs sans insomnie » (rapport des taux d’incidence = 1,28). En Norvège, sur une cohorte de 6 802 sujets, l’insomnie s’est avérée être un prédicteur significatif d’arrêt maladie (OR = 2), dont l’effet est significatif tout au long des quatre années prospectives de l’étude. L’effet s’accentue avec la durée des congés maladie.4
En utilisant le questionnaire de limitation du travail, plusieurs auteurs ont aussi constaté que la productivité et le présentéisme des insomniaques chroniques sont significativement réduits. En Australie, par exemple,3 l’association entre le présentéisme (oui/non, n = 5 864) et l’absentéisme (jours de congé de maladie ; n = 4 324) et les groupes mutuellement exclusifs « actifs sans insomnie », « actifs avec insomnie », « inactifs sans insomnie » et « inactifs avec insomnie » ont été évalués. Les participants « actifs avec insomnie » ou « inactifs avec insomnie » présentaient un plus grand risque de présentéisme que ceux « actifs sans insomnie » (odds ratio [OR] = 1,41 et 1,44 respectivement). Les participants « inactifs avec insomnie » présentaient une incidence d’absentéisme plus élevée que les participants « actifs sans insomnie » (rapport des taux d’incidence = 1,28). En Norvège, sur une cohorte de 6 802 sujets, l’insomnie s’est avérée être un prédicteur significatif d’arrêt maladie (OR = 2), dont l’effet est significatif tout au long des quatre années prospectives de l’étude. L’effet s’accentue avec la durée des congés maladie.4
Risque accru d’accidents
Le risque d’accidents liés à l’insomnie est moins connu que celui lié à la somnolence ou aux apnées du sommeil. Cependant, l’insomnie peut influencer le risque accidentel automobile et au travail via trois mécanismes : la privation de sommeil, la labilité attentionnelle et les effets indésirables des hypnotiques. Ce sur-risque augmente avec la sévérité de l’insomnie.
En France,5 une étude comparant 240 insomniaques sévères (IS) à 391 bons dormeurs (BD) a retrouvé un antécédent d’accident du travail huit fois plus fréquent au cours des douze derniers mois chez les IS (8 %) que chez les BD (1 %) [p = 0,015], avec un nombre moyen de 0,07 (± 0,25) accident par IS contre 0,01 ± 0,11 par BD (p = 0,055). Il n’y avait cependant aucune différence statistique concernant les accidents de la voie publique au cours des douze derniers mois entre les groupes (9 % contre 10 %). Les auteurs ont expliqué l’écart entre accident du travail et de la voie publique par le fait que les IS auraient pu éviter de conduire ou parcourir des distances plus courtes : 65,8 % des IS contre 72,5 % des BD conduisaient une voiture (p = 0,012).
De la même façon, le taux d’accidents de la voie publique n’était pas différent au cours des six derniers mois entre les insomniaques et les bons dormeurs, dans un groupe de 930 adultes au Québec.6 Cependant, 23,5 % des conducteurs ayant déclaré un accident estimaient que l’insomnie avait joué un rôle important dans l’événement. De plus, 39,5 % des participants voyaient un lien entre leurs difficultés de sommeil et d’autres types d’accidents (p < 0,001).
Au Japon,7 une étude rassemblant les accidents du travail chez 1 298 travailleurs de petites entreprises manufacturières a constaté que les symptômes d’insomnie étaient significativement associés aux accidents du travail pour les deux sexes (OR = 1,64 ; IC à 95 % [1,23-2,18]).
En France,5 une étude comparant 240 insomniaques sévères (IS) à 391 bons dormeurs (BD) a retrouvé un antécédent d’accident du travail huit fois plus fréquent au cours des douze derniers mois chez les IS (8 %) que chez les BD (1 %) [p = 0,015], avec un nombre moyen de 0,07 (± 0,25) accident par IS contre 0,01 ± 0,11 par BD (p = 0,055). Il n’y avait cependant aucune différence statistique concernant les accidents de la voie publique au cours des douze derniers mois entre les groupes (9 % contre 10 %). Les auteurs ont expliqué l’écart entre accident du travail et de la voie publique par le fait que les IS auraient pu éviter de conduire ou parcourir des distances plus courtes : 65,8 % des IS contre 72,5 % des BD conduisaient une voiture (p = 0,012).
De la même façon, le taux d’accidents de la voie publique n’était pas différent au cours des six derniers mois entre les insomniaques et les bons dormeurs, dans un groupe de 930 adultes au Québec.6 Cependant, 23,5 % des conducteurs ayant déclaré un accident estimaient que l’insomnie avait joué un rôle important dans l’événement. De plus, 39,5 % des participants voyaient un lien entre leurs difficultés de sommeil et d’autres types d’accidents (p < 0,001).
Au Japon,7 une étude rassemblant les accidents du travail chez 1 298 travailleurs de petites entreprises manufacturières a constaté que les symptômes d’insomnie étaient significativement associés aux accidents du travail pour les deux sexes (OR = 1,64 ; IC à 95 % [1,23-2,18]).
Coût élevé de l’insomnie
Les coûts directs de l’insomnie correspondent aux frais de diagnostic et de soins médicaux ou d’autotraitement qui sont à la charge des patients, du gouvernement, des prestataires de soins de santé organisés ou des compagnies d’assurances. Ces coûts ont été estimés à 2 milliards de dollars canadiens au Canada en 2021.8
En France, les coûts directs de l’insomnie ont été estimés en 1995 (sur la base des valeurs en dollars de 1995)9 à une valeur de 2,067 milliards de dollars répartis principalement en 1,75 milliard de dollars pour les visites ambulatoires et 310,59 millions de dollars pour les médicaments de l’insomnie. Il était particulièrement intéressant de constater les faibles coûts des centres du sommeil dans cette estimation : 1,75 million de dollars.
Dans les deux estimations, le coût des ordonnances était très faible par rapport aux autres coûts. Les coûts directs liés à l’évaluation des troubles du sommeil par les praticiens semblent ne représenter qu’une petite partie du coût total de l’insomnie.
Les coûts indirects désignent les coûts supportés par les patients et les employeurs ; ils résultent de la morbidité et de la mortalité liées à l’insomnie. Au Canada toujours, ils représentaient 6 milliards de dollars canadiens en 2021.8 Mais aux États-Unis, ces coûts sont estimés à 100 milliards de dollars par an.10
En France, les coûts directs de l’insomnie ont été estimés en 1995 (sur la base des valeurs en dollars de 1995)9 à une valeur de 2,067 milliards de dollars répartis principalement en 1,75 milliard de dollars pour les visites ambulatoires et 310,59 millions de dollars pour les médicaments de l’insomnie. Il était particulièrement intéressant de constater les faibles coûts des centres du sommeil dans cette estimation : 1,75 million de dollars.
Dans les deux estimations, le coût des ordonnances était très faible par rapport aux autres coûts. Les coûts directs liés à l’évaluation des troubles du sommeil par les praticiens semblent ne représenter qu’une petite partie du coût total de l’insomnie.
Les coûts indirects désignent les coûts supportés par les patients et les employeurs ; ils résultent de la morbidité et de la mortalité liées à l’insomnie. Au Canada toujours, ils représentaient 6 milliards de dollars canadiens en 2021.8 Mais aux États-Unis, ces coûts sont estimés à 100 milliards de dollars par an.10
Références
1. Léger D, Bayon V. Societal costs of insomnia. Sleep Med Rev 2010;14(6):379-89.
2. Godet-Cayré V, Pelletier-Fleury N, Le Vaillant M, Dinet J, Massuel MA, Léger D. Insomnia and absenteeism at work. Who pays the cost? Sleep 2006;29(2):179-84.
3. Oftedal S, Fenwick MJ, Duncan MJ. The prospective association between physical activity, insomnia symptoms, and productivity in an Australian population-based cohort. J Occup Environ Med 2022;64(3):183-9.
4. Sivertsen B, Overland S, Bjorvatn B, Maeland JG, Mykletun A. Does insomnia predict sick leave? The Hordaland Health Study. J Psychosom Res 2009;66(1):67-74.
5. Léger D, Guilleminault C, Bader G, Lévy E, Paillard M. Medical and socio-professional impact of insomnia. Sleep 2002;25(6):625-9.
6. Daley M, Morin CM, Leblanc M, Grégoire JP, Savard J, Baillargeon L. Insomnia and its relationship to health-care utilization, work absenteeism, productivity and accidents. Sleep Med 2009;10:427-38.
7. Nakata A, Ikeda T, Takahashi M, Haratani T, Hojou M, Swanson NG. The prevalence and correlates of occupational injuries in small-scale manufacturing enterprises. J Occup Health 2006;48:366-76.
8. Chaput JP, Janssen I, Sampasa-Kanyinga H, Carney CE, Dang-Vu TT, Davidson JR, et al. Economic burden of insomnia symptoms in Canada. Sleep Health 2023;9(2):185-9.
9. Leger D, Levy E, Paillard M. The direct costs of insomnia in France. Sleep 1999;22 Suppl 2:S394-401.
10. Taddei-Allen P. Economic burden and managed care considerations for the treatment of insomnia. Am J Manag Care 2020;26(4 Suppl):S91-S96.
2. Godet-Cayré V, Pelletier-Fleury N, Le Vaillant M, Dinet J, Massuel MA, Léger D. Insomnia and absenteeism at work. Who pays the cost? Sleep 2006;29(2):179-84.
3. Oftedal S, Fenwick MJ, Duncan MJ. The prospective association between physical activity, insomnia symptoms, and productivity in an Australian population-based cohort. J Occup Environ Med 2022;64(3):183-9.
4. Sivertsen B, Overland S, Bjorvatn B, Maeland JG, Mykletun A. Does insomnia predict sick leave? The Hordaland Health Study. J Psychosom Res 2009;66(1):67-74.
5. Léger D, Guilleminault C, Bader G, Lévy E, Paillard M. Medical and socio-professional impact of insomnia. Sleep 2002;25(6):625-9.
6. Daley M, Morin CM, Leblanc M, Grégoire JP, Savard J, Baillargeon L. Insomnia and its relationship to health-care utilization, work absenteeism, productivity and accidents. Sleep Med 2009;10:427-38.
7. Nakata A, Ikeda T, Takahashi M, Haratani T, Hojou M, Swanson NG. The prevalence and correlates of occupational injuries in small-scale manufacturing enterprises. J Occup Health 2006;48:366-76.
8. Chaput JP, Janssen I, Sampasa-Kanyinga H, Carney CE, Dang-Vu TT, Davidson JR, et al. Economic burden of insomnia symptoms in Canada. Sleep Health 2023;9(2):185-9.
9. Leger D, Levy E, Paillard M. The direct costs of insomnia in France. Sleep 1999;22 Suppl 2:S394-401.
10. Taddei-Allen P. Economic burden and managed care considerations for the treatment of insomnia. Am J Manag Care 2020;26(4 Suppl):S91-S96.