Les infections de la main et des doigts résultent de l’inoculation d’un germe à travers la peau, par un traumatisme mineur (rongement des ongles, par exemple) ou à la suite d’un traumatisme pénétrant, comme une piqûre, une plaie profonde ou une morsure.
Ces infections touchent la main depuis les tissus superficiels (peau, hypoderme) jusqu’aux tissus plus profonds (articulations, os, tendons).

Fréquentes avec un haut potentiel de gravité

Les infections de la main sont très fréquentes et concernent tous les âges. La plus fréquente d’entre elles est le panaris. Il ne faut pas le négliger, car son potentiel de gravité est très élevé.
La prise en charge initiale doit être rapide et complète afin de contrôler l’infection, éviter une récidive et des complications graves locales ou loco-régionales du fait d’une progression vers les tissus profonds de la main et de l’avant-bras, atteignant parfois les ganglions au coude et à l’aisselle. Dans de rares cas et sur des terrains prédisposants (diabète, immunodépression), des complications systémiques allant jusqu’au choc septique peuvent être observées.1,2
Les conséquences de ces infections peuvent être d’ordre esthétique – dystrophies unguéales pour les plus bénignes –, fonctionnelles, avec une raideur des doigts, des douleurs chroniques, des déformations ou parfois des séquelles par amputation d’un doigt, de la main, voire le décès du patient en cas de choc septique incontrôlé.3

Le staphylocoque est le germe le plus fréquent

Staphylococcus aureus domine largement les germes en cause. Certains types d’inoculation donnent des infections à germe spécifique, par exemple l’infection à Pasteurella multocida dans le cas des morsures de chat et de chien.4
La plupart des germes répondent bien aux pénicillines en monothérapie. Une bi-antibiothérapie est nécessaire en cas d’infection touchant des structures profondes de la main et des doigts.5

Infections superficielles

Panaris, une évolution en trois phases

Le panaris est une infection des parties molles superficielles d’un doigt.
Staphylococcus aureus est responsable de 70 % de ces infections, les entérobactéries telles Escherichia coli et les autres bacilles à Gram négatif en représentent environ 20 %, et le streptocoque, germe le plus dangereux, est retrouvé dans environ 10 % des infections, avec un risque d’atteinte rapidement nécrotique.
Le diagnostic de panaris est souvent aisé devant une évolution en trois phases : le stade d’invasion (inoculation asymptomatique) ; le stade phlegmasique, avec une douleur périunguéale non pulsatile modérée associée à une rougeur mal limitée ; le stade collecté (fig. 1), avec une douleur digitale intense, pulsatile, insomniante associée à une petite collection purulente rénitente.
Les signes de gravité sont rares, mais doivent être recherchés : fièvre, adénopathies épitrochléennes, lymphangite.
Le stade compliqué correspond à l’évolution du panaris vers un phlegmon, une cellulite, une ostéite, une arthrite ou des complications comme une lymphangite, une adénite voire un choc septique.
Un bilan radiographique est systématique, à la recherche de corps étrangers ou de complications. Un bilan biologique inflammatoire peut être nécessaire en cas de complications régionales, systémiques ou de patients immunodéprimés.
La forme la plus fréquente est le panaris péri-unguéal et sous-unguéal, mais le panaris pulpaire, « en bouton de chemise », doit être recherché : il s’agit d’une fusée septique colonisant la pulpe, compliquant le panaris classique. Le panaris pulpaire pur, ou phlegmon pulpaire, correspond à une atteinte isolée par une inoculation traumatique de la pulpe.
Le traitement médical est réalisé en première intention au stade phlegmasique : pansements et bains antiseptiques incolores avec des produits comme la chlorhexidine ou l’hexamidine. L’utilisation de Dakin n’est pas recommandée, pour éviter les brûlures chimiques associées. Un contrôle systématique à quarante-huit heures est nécessaire.
Le traitement chirurgical doit être réalisé au stade collecté, compliqué ou en cas d’échec du traitement médical. Il est réalisé le plus souvent en ambulatoire au bloc opératoire, sous anesthésie loco-régionale. Il associe des prélèvements bactériologiques, une excision des tissus nécrosés et infectés, une ablation d’éventuels corps étrangers, un lavage et l’absence de fermeture cutanée. Devant des signes de gravité ou d’extension régionale, une antibiothérapie probabiliste efficace contre le staphylocoque, le plus souvent par une pénicilline, peut être administrée.

Abcès et lésions cutanées surinfectées

Ce sont des lésions dermo-hypodermiques faisant suite à un traumatisme souvent négligé ou punctiforme, ­associé ou non à un corps étranger. L’évaluation de la profondeur de la lésion peut nécessiter la réalisation d’une échographie. En cas de collection, le traitement est toujours chirurgical par mise à plat, comme pour le panaris.

Infections profondes

Phlegmon des parties molles

Le phlegmon des parties molles se développe à la suite de la surinfection d’une plaie. L’infection est progressive, avec une invasion des parties molles en suivant les espaces anatomiques, plutôt de façon diffuse à la face dorsale de la main et le long des pédicules collatéraux au niveau de la face palmaire des doigts.
Le traitement est obligatoirement chirurgical, avec une excision large des tissus infectés et nécrosés. Bien souvent, il persiste une perte de substance, et la fermeture par plastie cutanée n’est indiquée que si une articulation ou une région tendineuse non protégée est exposée. Une antibiothérapie, d’abord probabiliste puis adaptée aux prélèvements bactériologiques, est initiée par voie systémique et poursuivie par voie orale pour dix à vingt et un jours selon l’évolution.

Phlegmon des gaines

Il s’agit d’une infection de la gaine des tendons fléchisseurs des doigts, par une atteinte initiale préférentielle du tissu synovial. Les signes cliniques d’une infection de la gaine synoviale sont : une douleur localisée au niveau de la face palmaire du doigt jusqu’à la face palmaire de la métacarpo-phalangienne, une mobilisation digitale douloureuse avec une restriction de l’extension et l’apparition d’une douleur à l’appui au niveau du cul-de-sac situé en regard de la face palmaire de l’articulation métacarpo-phalangienne.
Le stade 1 correspond à un phlegmon inflammatoire réactionnel à une infection voisine (sécrétion synoviale abondante mais claire) sans diffusion de l’infection à l’intérieur de la gaine. La découverte d’une petite plaie parfois suintante permet d’évoquer le diagnostic et de mettre en route rapidement le traitement. À ce stade, le traitement médical est possible si l’infection voisine n’est pas collectée : antibiothérapie intraveineuse adaptée, en général, à Staphylococcus aureus. La surveillance se fait pendant quarante-huit heures maximum, délai qui doit permettre la guérison. Dans le cas contraire, la prise en charge devient obligatoirement chirurgicale. La gaine des fléchisseurs est abordée au niveau de la plaie et au niveau de chaque extrémité de la gaine pour réaliser un lavage bipolaire de la gaine après avoir réalisé des prélèvements bactériologiques. Ce traitement chirurgical est complété par une antibiothérapie adaptée.
Au stade 2, la gaine est le siège d’une collection purulente. Le traitement doit alors être rapidement chirurgical afin d’éviter une aggravation, qui peut être fulgurante et responsable de lésions tendineuses parfois irréversibles avec des séquelles fonctionnelles. L’abord chirurgical est large afin d’exposer l’ensemble de la gaine pour réaliser un lavage le plus complet possible. La fermeture se fait de façon non étanche afin de permettre un drainage et de protéger le tendon qui peut se retrouver exposé. Une antibiothérapie adaptée, initialement intraveineuse, est mise en place pour une durée adaptée à la gravité et à l’évolution, avec une surveillance régulière.
Au stade 3 (fig. 2), les tendons fléchisseurs sont atteints sévèrement, parfois nécrosés. La mobilisation du doigt est impossible. Le traitement chirurgical d’emblée est urgent. L’excision des tissus infectés et nécrotiques doit être « carcinologique » et peut conduire à ce stade à une excision tendineuse, dont les séquelles sont gravissimes, même en cas de tentative de reconstruction à distance. En cas d’évolution tardive ou défavorable, l’amputation peut s’avérer nécessaire.
Le phlegmon digito-carpien (fig. 3) est une complication d’extension régionale d’un phlegmon au canal carpien et concerne plutôt le pouce et l’auriculaire, dont les gaines synoviales des fléchisseurs ont une extension anatomique très proximale.

Infections tissulaires graves

Morsures animales

Il s’agit le plus souvent de morsures de chien. Les germes retrouvés sont habituellement des Pasteurella, des bactéries aérobies (streptocoques, Moraxella et Neisseria) et des bactéries anaérobies (Fusobacterium, Bacteroides). Pasteurella canis est la plus fréquemment rencontrée.6
Les morsures de chat sont moins fréquentes (4 %). Les germes retrouvés sont identiques avec, au premier plan, Pasteurella multocida.7 Les morsures sont souvent punctiformes, avec une inoculation profonde des germes (fig. 4).
Les morsures humaines sont plus rares et les germes diffèrent : principalement Staphylococcus aureus ainsi que des streptocoques alpha ou bêta-­hémolytiques et d’autres bactéries aérobies ou anaérobies. Les infections virales peuvent se transmettre par morsure humaine.8 Les morsures peuvent être volontaires, ou survenir à l’occasion d’un coup de poing qui s’écrase sur une des incisives supérieures : cette lésion est caractéristique, mais sa gravité est parfois méconnue. Bien souvent, la dent s’encastre dans le cartilage, entraînant une inoculation directe de ce tissu qui ne se défend pas contre l’infection. C’est un diagnostic qu’il ne faut pas ignorer : le traitement urgent doit consister d’emblée en une chirurgie pour limiter les risques d’arthrite ou d’ostéoarthrite métacarpo-phalangienne, puis en une antibiothérapie après prélèvements.
Les morsures ne sont pas fermées, en dehors de la nécessité de couverture d’une articulation.

Arthrite septique des doigts

C’est une infection aiguë d’une articulation interphalangienne ou métacarpo-phalangienne. Deux à trois jours après l’inoculation, directe le plus souvent, le tableau clinique est caractéristique, avec l’apparition de douleur, chaleur, perte de mobilité et gonflement.
Au moindre doute, le traitement est chirurgical afin d’effectuer un nettoyage de l’articulation, des prélèvements bactériologiques et la mise en route d’un traitement antibiotique adapté (fig. 5).
La prise en charge doit être rapide lorsqu’une articulation se modifie après une plaie datant de quelques jours. Il faut également y penser après une luxation dorsale interphalangienne proximale ouverte sous la forme d’une plaie palmaire, devant conduire à un nettoyage chirurgical, même après réduction aux urgences.

Fasciite nécrosante

La fasciite nécrosante est une infection extrêmement sévère, souvent localisée au membre supérieur (voir le dossier « Infections nécrosantes des tissus mous », La Revue du Praticien n° 2, tome 73, février 2023). Il s’agit d’une véritable urgence médicale qui peut conduire, même si le traitement est correctement mis en route, à des troubles fonctionnels, à une amputation, voire au décès du patient. C’est une infection bactérienne liée au streptocoque bêta-hémolytique du groupe A, parfois associé à des infections multibactériennes. L’infection du tissu sous-cutané et des fascias s’étend rapidement aux muscles environnants, aux nerfs, à la graisse et aux vaisseaux sanguins qui thrombosent en peu de temps, entraînant une nécrose extensive.9
À l’origine de cette pathologie gravissime, on retrouve souvent une plaie bénigne évoluant rapidement en un œdème douloureux, l’apparition de bulles violacées et de phlyctènes hémorragiques. Au stade tardif apparaissent une anesthésie et des crépitements liés aux gaz développés dans les tissus. Dès la suspicion de cette infection, la prise en charge chirurgicale est une extrême urgence. Les tissus infectés doivent être largement excisés. L’aspect peropératoire est caractéristique, avec des suffusions purulentes diffuses le long des fascias, une thrombose des vaisseaux sous-cutanés accompagnée d’une nécrose de la graisse et de la peau. La prise en charge en réanimation est systématique. Les débridements doivent être éventuellement répétés toutes les vingt-quatre ou quarante-huit heures en fonction de la progression de la maladie, accompagnés d’une antibiothérapie intraveineuse efficace contre le streptocoque et à très fortes doses.

Infections rares et diagnostics différentiels

D’autres infections sont beaucoup plus rares : Mycobacterium tuberculosis (ostéomyélite ou arthrite septique), mycobactéries atypiques10 chez les patients travaillant en milieu aquatique (aquarium) ou animal ; infections fongiques (ténosynovite ou ostéomyélite par aspergillose ou candidose) chez les patients immunodéprimés ; infections herpétiques causées par un contact direct avec le virus chez les populations parfois exposées (dentiste, infirmière…).11
D’autres pathologies non septiques sont traitées parfois à tort par des antibiotiques ou par un acte chirurgical :
  • le tophus goutteux en poussée inflammatoire, surtout s’il est fistulisé. Néanmoins, l’aspect est différent et le produit d’écoulement est blanc crayeux ;
  • les dépôts digitaux de calcinose de la sclérodermie ou du syndrome de CREST (Calcinosis, Raynaud’s phenomenon, Esophageal dysmotility, Sclerodactyly, Telangiectasia) où il peut exister des poussées inflammatoires avec évacuation de la calcification sous la forme d’une pâte blanchâtre ;
  • les poussées de chondrocalcinose : expression sous forme d’une suspicion d’arthrite infectieuse. La radiographie montre parfois des signes de chondrocalcinose articulaire, permettant la mise en route d’une corticothérapie, contre-indiquée en cas d’infection, mais qui permet de résoudre la poussée inflammatoire de chondrocalcinose ;
  • les tumeurs cutanées peuvent se surinfecter ou entraîner un aspect d’ulcère : basocellulaire, spinocellulaire, épidermoïde viro-induit ;
  • les phénomènes de Raynaud sévères sur les artérites distales peuvent donner des nécroses cutanées distales se surinfectant. Le problème est résolu grâce au traitement de l’artérite et, parfois, au débridement chirurgical.

Facteurs favorisants et prévention

Certaines pathologies constituent des facteurs favorisant ces infections : diabète, maladie systémique, mauvaise hygiène cutanée, onychophagie, immunodépression pathologique ou médicamenteuse.
La meilleure prévention reste la bonne hygiène cutanée.12

Un traitement chirurgical s’impose dans la plupart des cas

Toute infection cutanée de la main peut entraîner des conséquences graves. Le traitement précoce peut être médical, mais, dans la grande majorité des cas, une prise en charge chirurgicale s’impose.
Il est difficile de rattraper le retard diagnostique et thérapeutique en cas de mauvaise évaluation du stade infectieux, ce qui a des conséquences sur l’avenir fonctionnel de la main et met en cause la responsabilité médicale du praticien. 
Références
1. Dimitrios A, Flevas S, Syngouna E, Fandridis S, Tsiodras A, Mavrogenis F. Infections of the hand: An overview. EFORT Open Reviews 2019;4:183-93.
2. Gundlach BK, Sasor SE, Chung KC. Hand infections: Epidemiology and public health burden. Hand Clin 2020;36(3):275-83.
3. Teo WZW, Chung KC. Hand infections. Clin Plastic Surg 2019;46:371-81.
4. Houshian S, Seyedipour S, Wedderkopp N. Epidemiology of bacterial hand infections. Int J Infect Dis 2006;10:315-9.
5. Stevens DL, Bisno AL, Chambers HF, et al. Infectious diseases society of America. Practice guidelines for the diagnosis and management of skin and soft-tissue infections. Clin Infect Dis 2005;41:1373-406.
6. Paval P, Khan W, Haddad B, Mahapatra AN. Bite injuries to the hand: Review of the literature. Open Orthop J 2014;8:204-8.
7. Westling K, Farra A, Cars B, et al. Cat bite wound infections: A prospective clinical and microbiological study at three emergency wards in Stockholm, Sweden. J Infect 2006;53:403-7.
8. Goldstein EJ, Citron DM, Wield B, et al. Bacteriology of human and animal bite wounds. J Clin Microbiol 1978;8:667-72.
9. Schecter W, Meyer A, Schecter G, Giuliano A, Newmeyer W, Kilgore E. Necrotizing fasciitis of the upper extremity. J Hand Surg Am 1982;7:15-20.
10. Bilolikar VK, Ilyas AM. Mycobacterial infections of the hand. Hand (NY) 2022;17(4):772-9.
11. Elhassan BT, Wynn SW, Gonzalez MH. Atypical infections of the hand. J Hand Surg Am 2004;4(1):42-9.
12. Suchomel M, Eggers M, Maier S, Kramer A, Dancer SJ, Pittet S. Evaluation of World Health Organization: Recommended hand hygiene formulations. Emerg Infect Dis 2020;26(9):2064-8.

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Résumé

Les infections de la main et des doigts sont très fréquentes. Elles résultent de l’inoculation d’un germe à travers la barrière cutanée. Elles vont du simple panaris à la gravissime fasciite nécrosante. Certaines infections, comme celles faisant suite aux morsures, ont des caractéristiques propres dont dépend la prise en charge. Si elle peut être médicale au stade initial, il est important de ne pas méconnaître le moment du traitement chirurgical sous peine de voir survenir des complications graves responsables de séquelles fonctionnelles et esthétiques. Le retard à la prise en charge ne peut être rattrapé. Toute lésion infectieuse peut être potentiellement grave et, au moindre doute, doit être prise en charge dans un service adapté.