Parmi les facteurs qui caractérisent la pratique clinique en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, deux d’entre eux occupent une place particulière : le changement d’expression symptomatique en fonction du niveau de développement de l’enfant et l’intrication entre le fonctionnement de l’enfant et celui des environnements dans lesquels il évolue. Ces deux facteurs impliquent une approche multidimensionnelle de la prise en charge, qui s’organise souvent autour de l’axe psychothérapique en raison du rôle secondaire joué par la psychopharmacologie par rapport aux prises en charge chez l’adulte. Il est difficile de résumer l’ensemble des approches psychothérapiques et des différents modèles théoriques utilisés en pédopsychiatrie. L’objectif plus modeste de cet article est de présenter uniquement quelques-unes des principales innovations développées ces dernières années, et en particulier les guidances parentales, la méditation de pleine conscience, les psychothérapies focalisées sur le traumatisme (« eye movement desensitization and reprocessing » [EMDR]) et les psychothérapies délivrées par internet. Nous terminerons avec quelques réflexions sur les facteurs de changement en psychothérapie.
Psychothérapies et alliance thérapeutique
Pour commencer, il est d’abord nécessaire de proposer une définition générale du concept de psychothérapie. Au-delà des différences de modèles et de pratiques, toutes les approches convergent sur l’idée que la psychothérapie est un processus fondé sur l’établissement d’une relation interpersonnelle, dans le cadre d’un contrat de soins, dont l’objectif est d’apporter des modifications au niveau des émotions, des cognitions, des attitudes et des comportements du sujet ayant conduit à la recherche d’aide. Cette définition introduit immédiatement une spécificité de la psychothérapie chez l’enfant : le fait que la relation interpersonnelle, comme le contrat de soins, impliquent l’entourage et obligent à réfléchir à la nature de l’alliance thérapeutique avec l’enfant et la famille et à la manière de la construire et la soutenir. Le travail psychothérapique en pédopsychiatrie, en effet, ne peut pas se concevoir sans une prise en compte indispensable des connaissances et des attentes que les parents ont vis-à-vis de leur enfant. Il ne s’agit pas d’adhérer directement à la demande explicite des parents mais de développer avec eux une alliance qui implique une information et une coconstruction permanentes. L’un des grands changements auxquels nous avons assisté ces dernières années dans le domaine des psychothérapies de l’enfant est le développement progressif d’approches focalisées qui posent de manière explicite la question de la formalisation des objectifs thérapeutiques et leur partage avec l’enfant-l’adolescent et sa famille. Il s’agit de construire de manière collaborative un projet thérapeutique qui inclut l’explicitation d’objectifs et la définition des méthodes et tâches spécifiques employées pour les aborder : les participants impliqués dans la thérapie, la durée et la fréquence des séances, le focus des séances et la manière de travailler, l’évaluation des changements ou des processus visés et l’accord sur tout ce qui concerne le travail à réaliser en dehors des séances. Ce changement ne concerne pas uniquement les approches cognitivo-comportementales, depuis toujours orientées vers cette approche collaborative, mais également les approches d’orientation psychodynamique, par exemple les thérapies basées sur la mentalisation (TBM) [ensemble de prises en charge psychothérapiques empiriquement fondées, ayant comme objectif spécifique d’accroître la capacité du patient et du thérapeute à mentaliser ensemble, c’est-à-dire à comprendre l’expérience humaine comme étant sous-tendue par des états mentaux relevant des besoins, émotions, motivations et intentions de chacun]. La littérature scientifique récente a montré jusqu’à quel point le focus sur l’alliance de travail permettait d’augmenter le sentiment d’autonomie et la motivation de l’enfant et de sa famille et contribuait fortement au résultat des interventions, probablement davantage que la nature des interventions elles-mêmes.1 Il a été également montré que ce focus partagé sur les objectifs thérapeutiques et les méthodes de travail permet aussi aux enfants et adolescents d’être mieux engagés dans les prises de décision et de travailler de manière plus collaborative vers les objectifs fixés. L’ajustement entre les attentes exprimées par les enfants-les familles et les connaissances du thérapeute concernant les meilleures stratégies à mobiliser est donc au cœur de cette alliance de travail, dans lequel le thérapeute devient « un facilitateur avec une expertise ».2 Cela demande aux thérapeutes, à côté de leur domaine principal de compétence, d’avoir une connaissance approfondie d’un ensemble de techniques thérapeutiques qui pourront éventuellement être mobilisées en fonction des situations. La traditionnelle contraposition entre approches psychodynamiques orientées vers l’introspection et les approches cognitivo-comportementales orientées vers le changement des structures cognitives et émotionnelles ne se pose plus en termes de supériorité d’efficacité présupposée de l’une ou de l’autre approche (qui tendent à converger dans des pratiques composites) mais en fonction des objectifs posés, des leviers disponibles et de la temporalité des interventions.3 Par ailleurs, comme les enfants diffèrent dans leur capacité à articuler leurs pensées et leurs émotions, les différentes approches varient dans les supports qu’elles proposent pour aider l’enfant à s’exprimer. Si l’utilisation du jeu est un moyen privilégié d’échange avec l’enfant, notamment dans les thérapies psychodynamiques, tout support peut être utilisé : instruments de musique, sable, peinture, pâte à modeler, marionnettes, jeux de société, schémas imagés (comme le thermomètre des émotions), bandes dessinées, voire livres d’explications pour aider l’enfant à comprendre les enjeux de certains troubles spécifiques (on parle alors de bibliothérapie). Ce n’est qu’à l’adolescence que la parole devient un support plus important, bien que les médiations restent longtemps un moyen pour accompagner la verbalisation.
Dans les paragraphes suivants, nous allons d’abord présenter les différentes manières d’envisager l’implication des parents dans la prise en charge de l’enfant, puis nous présenterons quelques innovations récentes dans les approches psychothérapiques en pédopsychiatrie.
Dans les paragraphes suivants, nous allons d’abord présenter les différentes manières d’envisager l’implication des parents dans la prise en charge de l’enfant, puis nous présenterons quelques innovations récentes dans les approches psychothérapiques en pédopsychiatrie.
Guidance parentale : entre psychoéducation et psychothérapie des parents
Le terme anglais de « parental guidance » a été introduit dans les années 1960 pour désigner un courant de la psychologie du développement qui s’est donné comme objectif d’apporter de l’aide psychologique et des conseils éducatifs aux parents en vue d’une meilleure adaptation par rapport aux difficultés rencontrées dans l’apprentissage du « métier de parent », en particulier face aux comportements problématiques manifestés par leurs enfants. La guidance parentale se définit tantôt comme du soutien et du conseil éducatif, tantôt comme un véritable travail psychothérapique chez les parents. Ces deux composantes de la guidance parentale se retrouvent dans les deux principaux modèles de guidance : les programmes d’entraînement aux habiletés parentales (PEHP) [d’inspiration cognitivo-comportementale] et la guidance interactive (d’inspiration psychodynamique).
Programmes d’entraînement aux habiletés parentales
Ils s’appuient sur l’idée que les parents sont les principaux agents de la socialisation des enfants et les mieux placés pour les soutenir dans leur développement. A contrario, les pratiques parentales négatives et les comportements négatifs des enfants se renforcent mutuellement dans un « cycle coercitif » de contrôle réciproque. Inspirés des principes du conditionnement opérant et de l’analyse comportementale appliquée, ces programmes ont pour but d’améliorer la qualité de la relation parent-enfant et diminuer la fréquence et l’intensité des comportements perturbateurs (tels que l’agressivité, l’hyperactivité, les crises de colère et la désobéissance). Les parents sont encouragés à adopter des pratiques comme le renforcement positif des comportements recherchés ou le retrait de l’attention pour les comportements inappropriés tout en améliorant leur sensibilité à l’égard de l’enfant, la qualité de leur supervision et leurs habiletés dans la résolution de problèmes. Les programmes sont généralement dispensés par des thérapeutes (psychologues ou travailleurs sociaux) à des familles individuelles ou à des groupes de familles en dehors de la présence de l’enfant. Un programme typique de formation consiste en un cycle de 10 à 20 sessions hebdomadaires, avec des parties psychoéducatives et des parties davantage interactives avec des mises en situation. Certains programmes, comme l’« incredible years parent training » (IYPT) ou le « positive parenting program » (Triple P), ont une visée de prévention primaire des comportements perturbateurs ; d’autres programmes s’adressent davantage à des populations cliniques, tels que le programme de Russell Barkley pour les enfants ayant un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) avec des comportements opposants, ou le programme d’Haim Omer sur la résistance non violente pour les enfants violents et autodestructeurs. Les programmes d’entraînement aux habiletés parentales ont fait l’objet de nombreuses études d’évaluation d’efficacité, en particulier auprès de parents d’enfants ayant des troubles externalisés. Ils sont maintenant utilisés auprès de parents d’enfants avec d’autres problèmes tels que l’anxiété, l’énurésie ou les troubles du spectre de l’autisme. Les limites de ces programmes sont surtout liées aux manques de connaissances sur les mécanismes du changement et l’absence d’études sur l’efficacité à long terme. Par ailleurs, ces programmes peuvent être plus difficiles à mettre en œuvre lorsque l’engagement des parents est plus compliqué à obtenir en raison d’une psychopathologie parentale, d’une capacité cognitive limitée ou de conflits importants au niveau du couple parental.
Guidance interactive
C’est une forme de psychothérapie parents-enfant d’inspiration psychodynamique qui se fonde sur l’observation et l’analyse des interactions entre l’enfant et ses parents pour permettre aux parents de prendre conscience de leurs compétences et de leurs ressources ainsi que des capacités et besoins de leur enfant. À partir d’une attention particulière portée aux comportements, cognitions et émotions des parents et de l’enfant, ce traitement vise à développer la sensibilité parentale, à favoriser des comportements interactifs appropriés aux besoins développementaux de l’enfant et à modifier les patterns interactifs dysfonctionnels en lien avec les problèmes ayant motivé la consultation. Le rôle du thérapeute est d’observer et d’interpréter l’interaction entre l’enfant et le parent. Il peut partager avec le parent certaines de ses réflexions sur le comportement de l’enfant et, ce faisant, lui proposer une autre façon de voir l’enfant. Cette technique aide les parents à résoudre les problèmes liés à leur propre expérience d’enfance afin de rétablir un lien de sécurité avec l’enfant et une meilleure communication. L’objectif est de promouvoir la relation parent-enfant afin de faciliter le développement de l’enfant, soutenir ses besoins d’attachement et l’aider à développer une meilleure régulation émotionnelle.4
Une évolution majeure de la guidance parentale a été favorisée ces dernières années par l’introduction de l’utilisation de la technique vidéo. Que ce soit dans la guidance interactive proposée par l’équipe de Genève de Sandra Rusconi Serpa ou la méthode « paediatric autism communication therapy » (PACT) de Catherine Aldred et Jonathan Green pour les enfants avec autisme, ces formes de guidance interactives utilisent le système du feedback vidéo. Des sessions de jeu entre parent et enfant de quelques minutes sont filmées par le thérapeute, puis visionnées ensuite avec le parent. Lors du visionnage des vidéos, le thérapeute aide le parent à identifier les épisodes d’interaction réciproque et à réfléchir à ce qu’il a fait pour que cela fonctionne. Lors de cet échange fondé sur un questionnement socratique, le parent et le thérapeute réfléchissent ensemble à l’établissement d’objectifs personnalisés afin de soutenir le parent dans l’interaction avec son enfant. Dans le cas spécifique des enfants avec autisme, les professionnels guident et forment les parents à repérer les signes de communication et d’interaction sociale de leur enfant et à développer l’attention conjointe, la communication non verbale et verbale et des activités sociales réciproques.
Une évolution majeure de la guidance parentale a été favorisée ces dernières années par l’introduction de l’utilisation de la technique vidéo. Que ce soit dans la guidance interactive proposée par l’équipe de Genève de Sandra Rusconi Serpa ou la méthode « paediatric autism communication therapy » (PACT) de Catherine Aldred et Jonathan Green pour les enfants avec autisme, ces formes de guidance interactives utilisent le système du feedback vidéo. Des sessions de jeu entre parent et enfant de quelques minutes sont filmées par le thérapeute, puis visionnées ensuite avec le parent. Lors du visionnage des vidéos, le thérapeute aide le parent à identifier les épisodes d’interaction réciproque et à réfléchir à ce qu’il a fait pour que cela fonctionne. Lors de cet échange fondé sur un questionnement socratique, le parent et le thérapeute réfléchissent ensemble à l’établissement d’objectifs personnalisés afin de soutenir le parent dans l’interaction avec son enfant. Dans le cas spécifique des enfants avec autisme, les professionnels guident et forment les parents à repérer les signes de communication et d’interaction sociale de leur enfant et à développer l’attention conjointe, la communication non verbale et verbale et des activités sociales réciproques.
Deux modèles qui ne s’opposent pas
À première vue, ces deux modèles de guidance pourraient apparaître comme opposés dans leurs méthodes et dans leurs objectifs : d’un côté, l’approche éducative et comportementale des programmes d’entraînement aux habiletés parentales viserait l’acquisition de compétences parentales, et de l’autre côté la guidance interactive, en raison de son approche psychothérapique, viserait un changement interne aux personnes. Mais à une lecture plus approfondie, cette dichotomie ne tient pas. En effet, dans un cas comme dans l’autre, l’acquisition de compétences sans transformation personnelle de l’expérience de la parentalité n’aurait pas d’efficacité. Dans les deux cas, une plus grande réflexivité parentale (la capacité à se représenter les états mentaux de l’enfant pour mieux comprendre ses comportements) accompagne le processus de changement de la fonction parentale comme évoqué dans les modèles plus récents sur le développement de la mentalisation et l’efficacité des psychothérapies.5
Méditation de pleine conscience chez l’enfant et l’adolescent
Les enfants et les familles peuvent être soumis à des nombreux facteurs de stress qui peuvent les conduire à adopter des stratégies d’adaptation inefficaces. Les capacités à gérer le stress sont encore plus fragiles dans les contextes sociaux défavorisés. L’une des réponses qui ont été proposées ces dernières années pour améliorer la réponse au stress et réduire les symptômes d’anxiété chez les enfants et les adolescents est la pratique de la méditation de pleine conscience (mindfulness). La pratique de pleine conscience est fondée sur la conviction que la souffrance humaine existe parce que nous avons tendance à ne pas apprécier ou accepter la nature impermanente de nos expériences. Nous avons une tendance naturelle à tenter de prolonger ou d’intensifier les expériences agréables et de minimiser ou d’arrêter les expériences désagréables. Les traditions bouddhistes identifient ce désir de changer nos expériences actuelles comme une source de détresse, et elles enseignent que le soulagement peut être trouvé par l’acceptation du moment présent. Cette capacité à accepter les sensations, les pensées et les sentiments dans le moment présent, sans essayer de les changer, est cultivée dans la tradition bouddhiste par des pratiques de méditation, y compris la méditation de pleine conscience. La pleine conscience désigne une attention particulière et intentionnelle au moment présent, sans jugement. L’enseignement de la pleine conscience vise à renforcer la capacité innée d’un individu à être conscient de ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur de lui avec une curiosité ouverte et sans jugement. En particulier, la pratique de la pleine conscience offre aux enfants et aux adolescents de multiples occasions de prendre conscience de leurs pensées et de leurs sentiments. Cette prise de conscience peut permettre aux enfants de réagir de manière réfléchie plutôt que de réagir de manière impulsive ou d’adopter des comportements nuisibles. Observer le moment présent et reconnaître ses pensées, ses émotions et ses sensations peut conduire à une capacité accrue de régulation émotionnelle et à une moindre susceptibilité à se sentir dépassé ou préoccupé par des pensées ruminantes.
Les deux principaux programmes de pleine conscience à avoir été adaptés aux enfants et aux adolescents sont le programme MBSR (mindfulness based stress reduction, ou réduction du stress basée sur la pleine conscience) et le programme MBCT (mindfulness-based cognitive therapy ou thérapie cognitive basée sur la pleine conscience). Il s’agit de programmes d'apprentissage expérientiel qui comprennent des sessions de groupe hebdomadaires de pratique formelle de pleine conscience (respiration, scan corporel, méditation assise, mouvement et marche) et une pratique régulière à la maison (où on invite les participants à apporter intentionnellement une conscience aux activités de la vie quotidienne). Pour être plus appropriés au développement des enfants, les programmes proposent des adaptations, avec notamment :
– une diminution de la durée des pratiques de pleine conscience avec des activités adaptées à l’âge (exercices de respiration, utilisation d’images mentales spécifiques et de métaphores), tout en se concentrant davantage sur la répétition du contenu pour permettre plus de pratique ;
– une attention portée davantage aux expériences sensorielles plutôt qu’aux concepts plus abstraits, avec l’utilisation d’un langage plus concret ;
– l’implication des parents dans l'intervention pour favoriser la généralisation à la vie quotidienne de l’enfant.
Plusieurs études ont examiné l’entraînement à la méditation de pleine conscience auprès de populations cliniques, notamment d’enfants et/ou d’adolescents souffrant de troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, d’anxiété et de troubles du comportement perturbateurs, avec des résultats positifs.6 Plus récemment, les stratégies de pleine conscience ont été intégrées dans plusieurs modèles d’intervention psychothérapiques fondés sur l’acquisition de compétences, comme dans la thérapie comportementale dialectique (TCD) ou la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), notamment chez les adolescents ayant des troubles de la régulation des émotions et du comportement. Au-delà des interventions sur des populations cliniques d’enfants, l’approche de pleine conscience a été également adaptée pour être implémentée en contexte scolaire, avec des résultats positifs en termes de réduction des symptômes d’anxiété et de dépression et d’amélioration de l’adaptation en situation sociale.
Au vu de l’impact positif de la pratique de la pleine conscience sur la symptomatologie anxiodépressive et sur le bien-être émotionnel et comportemental des enfants, il apparaît pertinent d’inclure l’utilisation des approches fondées sur la pleine conscience dans la pratique clinique de routine et inclure une formation d’introduction à la pleine conscience dans les études des professionnels de santé.
Les deux principaux programmes de pleine conscience à avoir été adaptés aux enfants et aux adolescents sont le programme MBSR (mindfulness based stress reduction, ou réduction du stress basée sur la pleine conscience) et le programme MBCT (mindfulness-based cognitive therapy ou thérapie cognitive basée sur la pleine conscience). Il s’agit de programmes d'apprentissage expérientiel qui comprennent des sessions de groupe hebdomadaires de pratique formelle de pleine conscience (respiration, scan corporel, méditation assise, mouvement et marche) et une pratique régulière à la maison (où on invite les participants à apporter intentionnellement une conscience aux activités de la vie quotidienne). Pour être plus appropriés au développement des enfants, les programmes proposent des adaptations, avec notamment :
– une diminution de la durée des pratiques de pleine conscience avec des activités adaptées à l’âge (exercices de respiration, utilisation d’images mentales spécifiques et de métaphores), tout en se concentrant davantage sur la répétition du contenu pour permettre plus de pratique ;
– une attention portée davantage aux expériences sensorielles plutôt qu’aux concepts plus abstraits, avec l’utilisation d’un langage plus concret ;
– l’implication des parents dans l'intervention pour favoriser la généralisation à la vie quotidienne de l’enfant.
Plusieurs études ont examiné l’entraînement à la méditation de pleine conscience auprès de populations cliniques, notamment d’enfants et/ou d’adolescents souffrant de troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, d’anxiété et de troubles du comportement perturbateurs, avec des résultats positifs.6 Plus récemment, les stratégies de pleine conscience ont été intégrées dans plusieurs modèles d’intervention psychothérapiques fondés sur l’acquisition de compétences, comme dans la thérapie comportementale dialectique (TCD) ou la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), notamment chez les adolescents ayant des troubles de la régulation des émotions et du comportement. Au-delà des interventions sur des populations cliniques d’enfants, l’approche de pleine conscience a été également adaptée pour être implémentée en contexte scolaire, avec des résultats positifs en termes de réduction des symptômes d’anxiété et de dépression et d’amélioration de l’adaptation en situation sociale.
Au vu de l’impact positif de la pratique de la pleine conscience sur la symptomatologie anxiodépressive et sur le bien-être émotionnel et comportemental des enfants, il apparaît pertinent d’inclure l’utilisation des approches fondées sur la pleine conscience dans la pratique clinique de routine et inclure une formation d’introduction à la pleine conscience dans les études des professionnels de santé.
Psychothérapies focalisées sur le traumatisme : l’EMDR chez l’enfant et l’adolescent
Le domaine du psychotraumatisme a connu ces dernières années un développement théorique et thérapeutique très important chez l’enfant et l’adolescent. D’un côté, la littérature scientifique a mis en évidence l’impact des événements traumatiques sur le développement de la personnalité chez l’enfant. De l’autre côté, la vague d’attentats terroristes auxquels la France a été confrontée a obligé les pouvoirs publics à développer des dispositifs spécialisés en mesure de prendre en charge les enfants et adolescents ayant été exposés à ces événements et ayant un trouble de stress post-traumatique. Ce dernier est une réaction psychologique consécutive à une situation durant laquelle l’intégrité physique ou psychologique du patient, ou celle de son entourage, a été menacée ou effectivement atteinte (notamment en cas de torture, viol, accident grave, mort violente, maltraitance, négligence de soins dans la petite enfance, attachement insécure, agression, maladie grave, naissance, guerre, attentat, accouchement). Les capacités du sujet sont alors débordées, avec une réaction immédiate caractérisée par une peur intense (effroi), un sentiment d’impuissance ou un sentiment d’horreur et un ensemble de symptômes d’apparition plus tardive tels que les reviviscences, l’évitement, les altérations négatives persistantes des cognitions et de l’humeur et l’hyperréactivité. Si les thérapies cognitivo-comportementales centrées sur le trauma (« trauma-focused » [CBT]) sont considérées comme les traitements de choix du trouble de stress post-traumatique, la thérapie EMDR a été proposée comme une alternative intéressante chez les enfants et les adolescents, notamment en raison d’un moindre recours à la verbalisation du traumatisme, plus difficile à obtenir chez les enfants.
L’EMDR (en français « désensibilisation et reprogrammation par les mouvements oculaires ») est une technique psychothérapeutique brève du trouble de stress post-traumatique fondée sur l’idée que les pensées, sentiments et comportements négatifs présents dans ce trouble sont le résultat de souvenirs traumatiques non traités. La thérapie EMDR repose sur le constat que le simple fait de parler d’un traumatisme n’est pas suffisant pour le dépasser. Une personne traumatisée ne souhaite d’ailleurs pas évoquer le cœur de la scène traumatique dans la crainte d’être sur-traumatisée. L’EMDR se fonde donc sur un protocole sécurisant accompagnant le patient dans son rappel du traumatisme. Le traitement implique une procédure standardisée qui consiste à se concentrer simultanément sur des associations spontanées qui impliquent tous les registres représentatifs, images, pensées, émotions et perceptions corporelles traumatisantes ; et sur une stimulation bilatérale qui se présente le plus souvent sous la forme de mouvements oculaires répétés. Dans ce protocole psychothérapeutique, l’efficacité propre des mouvements oculaires bilatéraux (ou dans celle d’autres stimulations sensorielles bilatérales alternées) repose sur un modèle neurologique dans lequel l’activation alternée des hémisphères cérébraux faciliterait un travail de reconnexion des étapes du traitement de l’information (émotionnels, mnésiques, comportementaux) qui ont été dissociés par le traumatisme. Si des multiples méta-analyses ont montré une certaine efficacité de l’EMDR pour le traitement du trouble de stress post-traumatique, les résultats sont encore provisoires en raison du nombre limité d’études et de leur faible qualité méthodologique. Par ailleurs, l’EMDR serait davantage efficace dans les stress uniques par rapport aux stress répétés, qui incluent souvent une dimension relationnelle.7
L’EMDR (en français « désensibilisation et reprogrammation par les mouvements oculaires ») est une technique psychothérapeutique brève du trouble de stress post-traumatique fondée sur l’idée que les pensées, sentiments et comportements négatifs présents dans ce trouble sont le résultat de souvenirs traumatiques non traités. La thérapie EMDR repose sur le constat que le simple fait de parler d’un traumatisme n’est pas suffisant pour le dépasser. Une personne traumatisée ne souhaite d’ailleurs pas évoquer le cœur de la scène traumatique dans la crainte d’être sur-traumatisée. L’EMDR se fonde donc sur un protocole sécurisant accompagnant le patient dans son rappel du traumatisme. Le traitement implique une procédure standardisée qui consiste à se concentrer simultanément sur des associations spontanées qui impliquent tous les registres représentatifs, images, pensées, émotions et perceptions corporelles traumatisantes ; et sur une stimulation bilatérale qui se présente le plus souvent sous la forme de mouvements oculaires répétés. Dans ce protocole psychothérapeutique, l’efficacité propre des mouvements oculaires bilatéraux (ou dans celle d’autres stimulations sensorielles bilatérales alternées) repose sur un modèle neurologique dans lequel l’activation alternée des hémisphères cérébraux faciliterait un travail de reconnexion des étapes du traitement de l’information (émotionnels, mnésiques, comportementaux) qui ont été dissociés par le traumatisme. Si des multiples méta-analyses ont montré une certaine efficacité de l’EMDR pour le traitement du trouble de stress post-traumatique, les résultats sont encore provisoires en raison du nombre limité d’études et de leur faible qualité méthodologique. Par ailleurs, l’EMDR serait davantage efficace dans les stress uniques par rapport aux stress répétés, qui incluent souvent une dimension relationnelle.7
Psychothérapies délivrées par internet
Si différentes thérapies (et en particulier les thérapies cognitivo-comportementales [TCC]) ont démontré une certaine efficacité pour traiter différents troubles somatiques et psychiatriques chez l’enfant et l’adolescent (comme les troubles somatoformes et les troubles anxiodépressifs), seule une petite proportion d’enfants et d’adolescents atteints de ces troubles peuvent en bénéficier en raison des difficultés d’accès à ces thérapies. L’utilisation des technologies de l’information a permis ces dernières années d’augmenter considérablement la diffusion de ces thérapies, qui sont actuellement désignées sur le terme de TCC, délivrées par internet (TCCI). Les TCCI sont des interventions d’auto-assistance avec un contenu du traitement diffusé par le biais d’un site web sous forme de textes écrits, de fichiers audio et/ou de vidéos. Les participants ont accès aux modules de traitement de manière consécutive pendant une période de temps prédéfinie et peuvent être accompagnés d’un thérapeute par des messages en ligne ou par des échanges téléphoniques ou par téléconsultation. Les TCCI présentent plusieurs avantages par rapport aux traitements traditionnels, en particulier le fait d’être dispensées sans tenir compte des contraintes géographiques et de disponibilité. S’il existe des preuves substantielles de l’efficacité des TCCI chez les adultes, les données d’efficacité chez les enfants et les adolescents sont encore limitées et nécessitent des adaptations importantes pour tenir compte de facteurs tels les niveaux de lecture, les capacités cognitives de l’enfant et la motivation et l’implication des parents dans le traitement.8 Mais il est fort probable qu’avec d’autres modalités innovantes comme la télésanté et la réalité virtuelle, ces nouvelles psychothérapies connaîtront une expansion importante dans les années à venir.
Les mécanismes plus que les méthodes
Cette brève présentation de quelques innovations psychothérapiques en pédopsychiatrie donne un aperçu sur la diversité des approches proposées en termes de modèles et de pratiques. Cette diversité pose la question des ingrédients à la source de l’efficacité thérapeutique. Les études sur l’efficacité des psychothérapies ont montré que les facteurs spécifiques à chaque modèle expliquent une partie mineure de l’effet thérapeutique, qui est davantage associé à l’alliance, à l’effet placebo ou à d’autres facteurs extérieurs à la thérapie. En ce sens, il est davantage pertinent de se poser la question des mécanismes de changement plutôt que celle de l’efficacité des méthodes. La question pourrait être reformulée de la manière suivante : comment les patients (à tout âge) apprennent-ils (ou pas) de la relation thérapeutique ? Les développements conceptuels les plus récents approchent cette question sous l’angle de la confiance et de la vigilance épistémique.5 Il s'agit d'un ensemble de mécanismes cognitifs développés durant l’évolution avec une fonction adaptative qui permet d’accepter une nouvelle information en considérant son contenu mais également l’autorité de la source. Si une personne fait confiance à la source de l’information, elle sera prête à interpréter son contenu comme pertinent à soi et applicable à sa propre compréhension du monde sans avoir besoin de traiter par elle-même cette information. Dans le cadre de la psychothérapie, si le patient perçoit le thérapeute comme une source d’information pertinente pour soi, il peut alors développer une certaine « confiance épistémique » qui lui permet de généraliser à l’extérieur de la thérapie les apprentissages réalisés en séance. La confiance épistémique étant essentielle à l’effet thérapeutique, comment les thérapeutes peuvent-ils approcher la question de leur « crédibilité » aux yeux de patients qui, pour certains, souffrent de troubles de la personnalité et, pour d’autres, évoluent dans des milieux hostiles aux états mentaux conférant une vigilance épistémique rigide, inflexible et chronique ? Les thérapies fondées sur la mentalisation approchent cette question par le biais de l’expérience subjective du sujet : c’est en s’engageant avec l’expérience subjective du sujet que le thérapeute peut espérer restaurer un degré de confiance épistémique. Cet engagement et ce dévouement à tenter de comprendre la subjectivité du patient sont susceptibles d’amener ce dernier à reconsidérer sa perception de lui-même et des autres et ses relations aux autres comme autant de possibilités de découvrir des éléments utiles et satisfaisants à sa vie. Nous faisons l’hypothèse que l’expérience d’être compris par autrui, plus précisément l’expérience soutenue de ressentir sa subjectivité en train d’être pensée par son thérapeute, ouvre une voie plus large qu’on pourrait appeler l’« autoroute épistémique » : la possibilité d’internaliser sur la base de l’expérience des nouvelles connaissances, à la fois pertinentes à soi et généralisables au monde. Il est question de rouvrir l’esprit à une pédagogie naturelle, constamment potentialisée dans les champs interpersonnels et sociaux. L’expérience d’être pensé et compris par l’autre porte une atteinte durable aux croyances rigides et inflexibles et permet la réémergence de la capacité à apprendre dans le monde interpersonnel et social. C’est cette réémergence de la capacité à apprendre de son expérience qui est au cœur du succès psychothérapeutique durable.
Références
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2. Law D, Wolpert M (editors). Guide to using outcomes and feedback tools with children, young people and families. Formally known as COOP (Children and young peoples’ improving access to psychological therapies outcomes oriented practice). Londres : CORC Ltd., 2014.
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8. MacDonell KW, Prinz RJ. A review of technology-based youth and family-focused interventions. Clin Child Fam Psychol Rev 2017;20:185-200.
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8. MacDonell KW, Prinz RJ. A review of technology-based youth and family-focused interventions. Clin Child Fam Psychol Rev 2017;20:185-200.
Dans cet article
- Psychothérapies et alliance thérapeutique
- Guidance parentale : entre psychoéducation et psychothérapie des parents
- Méditation de pleine conscience chez l’enfant et l’adolescent
- Psychothérapies focalisées sur le traumatisme : l’EMDR chez l’enfant et l’adolescent
- Psychothérapies délivrées par internet
- Les mécanismes plus que les méthodes