Deux grands cadres à identifier pour une prise en charge spécifique et souvent urgente
Les néphropathies glomérulaires représentent environ 10 % des causes d’insuffisance rénale aiguë de l’adulte. Si cette proportion est faible, la reconnaissance des causes est primordiale puisqu’elles nécessitent une prise en charge spécifique et souvent urgente. De façon schématique, les insuffisances rénales aiguës d’origine glomérulaire peuvent présenter deux grands tableaux clinico-biologiques : le syndrome néphritique aigu et la glomérulonéphrite rapidement progressive.Le syndrome néphritique aigu associe une insuffisance rénale aiguë organique, une oligurie, avec un aspect « bouillon sale » des urines. Les signes de rétention sodée sont au premier plan, avec un syndrome œdémateux généralisé et une hypertension artérielle souvent sévère pouvant entraîner des signes de défaillance cardiaque.Les glomérulonéphrites rapidement progressives se caractérisent par une insuffisance rénale s’installant en quelques semaines, avec une hématurie marquée rarement macroscopique, une protéinurie modérée d’origine glomérulaire (albuminurie d’environ 1 g/24 h) et une pression artérielle souvent normale. Les principaux examens complémentaires en cas de glomérulonéphrite rapidement progressive sont résumés dans le tableau 1. Il existe souvent, histologiquement, des lésions extracapillaires avec diverses causes selon l’aspect des dépôts d’immunoglobulines en immunofluorescence (tableau 2).

Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse

Les glomérulonéphrites post-infectieuses sont des glomérulonéphrites secondaires à des mécanismes immunologiques causées par des infections bactériennes non rénales (à la différence des pyélonéphrites aiguës). La forme la plus classique est la glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique de l’enfant, mais elle est souvent remplacée par des formes touchant l’adulte âgé avec des comorbidités, et d’origine staphylococcique.1

Glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique

Le diagnostic de glomérulonéphrite survient dans les suites d’une infection streptococcique. Il s’agit typiquement d’une angine à streptocoque précédant de 7 à 15 jours ou d’un impétigo précédant de 4 à 6 semaines l’atteinte rénale. Un syndrome néphritique aigu s’installe brutalement avec au premier plan un tableau de rétention hydrosodée. Les examens biologiques notent une hématurie, macroscopique dans 30 % des cas. Il existe une protéinurie composée d’albumine (< 3 g/24 h). En cas de suspicion, sont demandés la recherche d’anticorps antistreptococciques (ASLO) [positive chez 80 % des cas] et le dosage du complément (baisse du CH50, du C3 et un C4 normal ou peu abaissé). Une biopsie rénale n’est effectuée que si le tableau n’est pas typique, en cas de doute, ou si l’insuffisance rénale continue d’évoluer. L’examen en microscopie optique montre une glomérulonéphrite avec une prolifération endocapillaire aiguë touchant les cellules mésangiales et une infiltration du mésangium par des cellules circulantes. Il existe des dépôts immuns granuleux sur le versant externe de la membrane basale glomérulaire qui sont appelés des humps. L’examen en immunofluorescence met en évidence des dépôts glomérulaires de C3 et d’immunoglobulines (Ig) de type G. En cas d’infection steptococcique bien documentée, un traitement par pénicilline (macrolide en cas d’allergie) pour traiter l’infection et pour prévenir la contamination des proches peut être indiqué. Le traitement de la glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique est principalement symptomatique (hospitalisation en cas d’hypertension artérielle sévère ou d’insuffisance cardiaque) : traitement de la surcharge hydrosodée (diurétiques de l’anse) et blocage du système rénine-angiotensine en cas de protéinurie abondante. Chez la majorité des patients, l’évolution est favorable, avec une augmentation de la diurèse en moins d’une semaine, une disparition de l’insuffisance rénale et de l’hypertension artérielle en quelques jours. Les glomérulonéphrites aiguës post-streptococciques ne sont responsables que de 1 % d’insuffisance rénale terminale après un suivi de plus de 15 ans.2

Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse non streptococcique

Chez l’adulte, elles touchent en particulier les immunodéprimés avec des germes, des sites et des durées d’infection variables. Dans les pays développés, l’incidence est estimée à 6 et 0,3 par 100 000 patients/années respectivement chez les adultes et les enfants.3 Chez les adultes, les infections à staphylocoque sont les plus fréquentes avec des infections cutanées, des voies aériennes supérieures, du poumon, stomatologiques et des voies urinaires.3 Il existe une prédominance masculine de 1,4 à 3. Des antécédents d’immunosuppression sont présents dans environ 50 % des cas (diabète, alcoolisme, antécédents carcinologiques, etc.).3 Les manifestations cliniques sont le plus souvent un syndrome néphritique aigu avec une rétention hydrosodée marquée. La protéinurie est le plus souvent de l’ordre de 1 g/j, mais un tiers des patients ont un syndrome néphrotique. Tous les patients ont une hématurie microscopique (macroscopique chez 40 %) et 60 % ont une leucocyturie. La manifestation extrarénale le plus fréquente est le purpura (20 % des cas). Les symptômes extrarénaux sont nombreux en cas d’endocardite aiguë ou subaiguë ou d’infection de shunt ventriculo-atrial. Une hypocomplémentémie est présente chez 60 % des patients, avec une diminution du C3 associée ou non à une diminution du C4. Ces anomalies se normalisent en 2 mois, sauf s’il persiste une infection. Les germes en cause sont extrêmement variables,4 avec des streptocoques dans les pays en développement et des staphylocoques dorés dans les pays développés. Les bactéries à Gram négatif représentent 10 % des causes de glomérulonéphrite post-infectieuse (Escherichia coli le plus souvent). La biopsie rénale montre en microscopie optique une glomérulonéphrite proliférative endocapillaire diffuse avec de nombreux polynucléaires neutrophiles intracapillaires.3 Les proliférations extracapillaires sont beaucoup plus rares ainsi que les glomérulonéphrites membrano-prolifératives, surtout lors des infections ventriculo-atriales ou de shunt. En immunofluorescence, il existe des dépôts granuleux de complément dans le mésangium et les parois vasculaires glomérulaires avec une prédominance de C3 et dans 50 % des cas des dépôts d’Ig qui prend typiquement un aspect en ciel étoilé. À côté du traitement symptomatique de la surcharge, des troubles hydro-électrolytiques, le premier traitement est l’éradication de l’infection. La recherche du site doit être complète (cardiaque, dentaire et sinusien). Le traitement repose sur une antibiothérapie adaptée, et si nécessaire un geste chirurgical.4 Environ 30 % des patients adultes gardent une dysfonction rénale et 15 % évoluent vers l’insuffisance rénale chronique terminale. Les facteurs de mauvais pronostic sont l’âge avancé, l’existence d’un diabète, l’importance de l’insuffisance rénale, les lésions chroniques, en particulier tubulo-interstitielles.4

Glomérulonéphrite rapidement progressive (GNRP)

GNRP avec dépôts linéaires d’immunoglobuline : vascularite à anticorps anti-membrane glomérulaire

La définition de la vascularite à anticorps anti-membrane basale glomérulaire (anti-MBG) est une vascularite touchant les capillaires glomérulaires et/ou pulmonaires avec la présence d’anticorps anti-MBG.5 L’atteinte pulmonaire provoque des hémorragies pulmonaires graves et l’atteinte rénale provoque une glomérulonéphrite nécrosante et à croissants. Le syndrome de Goodpasture associe les deux atteintes. La fréquence des vascularites à anti-MBG est estimée à 0,5 à 1 cas par million d’habitants par an. Il existe deux pics d’incidence (3e et 7e décennies) sans prédominance sexuelle. Les patients développent des auto-anticorps contre le domaine non collagénique 1 de la chaîne a3 de collagène de type IV (COL4A3 NC1) exprimée dans quelques membranes basales spécialisées dont le glomérule et l’alvéole pulmonaire.6 Des agents environnementaux ont été mis en cause : des cas ont été publiés en relation avec une infection virale, un traitement par lithotritie, par D-pénicillamine, une exposition à des agents chimiques, tels que des solvants organiques et la fumée de cigarette.C’est une urgence diagnostique et thérapeutique. Le tableau typique est un syndrome pneumo-rénal. La plupart des patients signalent des prodromes tels que de la fatigue et un malaise général. La pression artérielle est en général normale. Les symptômes de l’atteinte pulmonaire comprennent une toux, une dyspnée, une hémoptysie, des douleurs thoraciques et de l’hypoxie. Le tableau néphrologique est celui d’une insuffisance rénale rapidement progressive, voire aiguë. La protéinurie est généralement modeste, mais il peut exister un syndrome néphrotique. Il existe dans la quasi-totalité des cas une hématurie souvent macroscopique. La radiographie thoracique montre une atteinte bilatérale avec des images alvéolaires constituées de nodules denses de 1 à 4 mm, de répartition bilatérale et symétrique. La tomodensitométrie thoracique peut montrer l’importance des lésions. En cas de doute, la pratique d’un lavage bronchoalvéolaire peut être indiquée. La recherche en urgence d’anticorps anti-MBG est primordiale. La gravité et le pronostic sont corrélés avec le niveau d’anti-MBG. La biopsie rénale est systématique et montre généralement une atteinte extensive de tous les glomérules (en tout cas > 80 %) sous la forme d’une glomérulonéphrite extracapillaire et des nécroses du floculus plus ou moins étendues. La corrélation est bonne entre le pourcentage d’atteinte glomérulaire et le pronostic. L’immunofluorescence est typique, avec un dépôt linéaire d’IgG (et souvent de C3) le long des capillaires glomérulaires associé à des dépôts de fibrine dans la chambre urinaire. Le traitement standard comporte l’association de fortes doses de stéroïdes, de cyclophosphamide et des échanges plasmatiques, mais son efficacité est souvent modeste sur le plan rénal lorsque le patient est en insuffisance rénale avancée.6 Le risque vital pulmonaire justifie à lui seul le traitement.

GNRP avec dépôts granuleux d’immunoglobulines

Il s’agit d’un groupe hétérogène comprenant des pathologies multiples. On peut très schématiquement proposer les cadres nosologiques du lupus systémique, des cryoglobulinémies, et du purpura rhumatoïde. La description de chacune de ces maladies dépasse le cadre de cette revue et nous ne ferons qu’évoquer les formes rénales.

Lupus systémique

Le lupus est l’archétype de la maladie auto-immune pouvant affecter tous les organes. En France, son incidence et sa prévalence sont estimées à 5 et 40 pour 100 000 avec une prédominance féminine nette (d’un facteur 9). La prévalence de l’atteinte rénale au moment du diagnostic de lupus est de 15 % (protéinurie > 0,5 g/24 h, anomalies du sédiment urinaire, élévation de la créatininémie). Ce n’est que dans 1 à 2 % des cas que le lupus est responsable d’une insuffisance rénale aiguë grave. Les signes cliniques et d’atteinte rénale lupique peuvent être dissociés rendant impossible d’établir un diagnostic précis de l’atteinte rénale sans biopsie rénale. Il faut rechercher les anomalies immunologiques (anticorps anti-ADN natif, baisse du complément).En cas d’insuffisance rénale aiguë, la biopsie met souvent en évidence une glomérulonéphrite proliférative endo- et extracapillaire, volontiers associée à des lésions nécrotiques (classe IV),7 définie comme une néphropathie lupique diffuse avec des lésions extracapillaires actives intéressant 50 % des glomérules ou plus. En immunofluorescence, on note constamment des dépôts glomérulaires de fibrine d’IgG et de C1q, très évocateurs du diagnostic. Le traitement des formes graves repose classiquement sur l’administration de bolus de stéroïdes suivie d’une corticothérapie par voie orale et de bolus de cyclophosphamide pendant 6 mois.8 Un traitement par mycophénolate mofétil peut également être utilisé.

Cryoglobulinémie

Elle est définie par la présence, dans le sérum, d’immunoglobulines précipitant à basse température et se dissolvant lors du réchauffement. Cette anomalie est souvent asymptomatique mais peut se révéler par une vascularite des vaisseaux de petit calibre. La cryoglobuline peut donner des manifestations systémiques (vascularite cutanée, articulaire, neurologique), et rénales, sous la forme d’une glomérulonéphrite membranoproliférative. L’identification de la cryoglobuline passe par la mise en évidence d’un cryoprécipité lorsqu’on met le sérum à une température de 4 °C. Puis sont réalisées une quantification de la cryoglobuline (en g/L) et une caractérisation de la composition (IgG, d’IgM ou d’IgA, et composé monoclonal avec prédominance de chaînes légères kappa ou lambda). Selon cette composition, elles sont divisées en trois classes (tableau 3) :9 cryoglobulines de type I, composant monoclonal, le plus souvent de type IgM ; cryoglobulines de type II, composant monoclonal (le plus souvent de type IgM, possédant une activité facteur rhumatoïde ou anticorps anti-IgG) et une partie polyclonale, faite surtout d’IgG ; cryoglobulines de type III, composées uniquement d’immunoglobulines polyclonales. Les causes des cryoglobulinémies varient selon leur type. Les cryoglobulinémies de type I (6 à 25 %) sont en rapport avec une maladie hématologique. Les types II et III sont appelés aussi les cryoglobulinémie mixtes. Pour les cryoglobulines de type II, près de 60 à 90 % sont secondaires à une infection virale chronique en particulier liée à l’hépatite C. On trouve aussi d’autres pathologies infectieuses (hépatite B, infection par le virus de l’immunodéficience humaine, endocardite subaiguë, surinfection de shunt, syphilis, glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique), des hémopathies malignes (lymphomes B de bas grade, leucémies lymphoïdes chroniques, maladie de Waldenström et lymphomes du manteau). Elles peuvent aussi être présente en cas de syndrome de Gougerot-Sjögren, la cirrhose biliaire primitive, le lupus, les thyroïdites auto-immunes et la polyarthrite rhumatoïde.Les atteintes sont nombreuses. L’atteinte cutanée est la plus fréquente, sous la forme d’un purpura vasculaire survenant par poussées et souvent déclenché par le froid, l’orthostatisme ou l’effort physique, le syndrome de Raynaud, les ulcérations digitales distales, les ulcères suspendus supramalléolaires ; la biopsie cutanée montre une vascularite leucocytoclasique. L’atteinte articulaire avec des arthralgies bilatérales, symétriques et intermittentes, ou de réelles arthrites. La neuropathie périphérique se présente comme des polyneuropathies distales, des mononévrites, ou des multinévrites. L’incidence de la néphropathie est évaluée entre 2 et 50 % parmi les patients ayant une vascularite secondaire à une cryoglobulinémie mixte.10 Le tableau clinique est variable, nous ne verrons ici que les insuffisances rénales aiguës. Il peut exister un réel syndrome néphritique aigu. Dans la majorité des cas, l’hypertension artérielle est sévère et résistante aux traitements. Dans tous les cas, l’hématurie, micro- ou macroscopique, est constante. Au plan immunologique, l’hypocomplémentémie fréquente prédomine sur la fraction C4 et CH50, témoignant d’une activation de la voie classique du complément. Au plan histologique, la cryoglobulinémie mixte est une glomérulonéphrite à complexes immuns, prenant dans la grande majorité des cas la forme d’une glomérulonéphrite membrano-proliférative. En microscopie optique, on observe une prolifération des cellules mésangiales ainsi que des dépôts endomembraneux et mésangiaux avec un aspect de double contour. La formation de croissants épithéliaux, signant la prolifération cellulaire extracapillaire, est observée dans 15 % des cas. La glomérulonéphrite de la cryoglobulinémie est caractérisée par une hypercellularité endocapillaire importante, constituée de macrophages. Elle s’accompagne dans près de 50 % des cas de thrombus intracapillaires obstruant la lumière vasculaire avec nécrose fibrinoïde et infiltrat à polynucléaires neutrophiles. En immunofluorescence, les dépôts endomembraneux et les thrombus intraluminaux (véritables « bouchons ») fixent les sérums anti-IgG et anti-IgM, et les fractions C3 et C4. Pour les cryglobulines de type I, l’étude en immunofluorescence montre que les dépôts sont constitués exclusivement de l’immunoglobuline monoclonale qui compose le cryoprécipité. En l’absence de traitement spécifique, la néphropathie évolue souvent par poussées itératives, associant signes extrarénaux et aggravation de la fonction rénale, pouvant aboutir à l’insuffisance rénale terminale. Le traitement des cryoglobulinémies de type I repose sur la prise en charge de l’hémopathie sous-jacente visant à la disparition du composé monoclonal, soit par une chimiothérapie classique, soit par rituximab. Pour les cryoglobulinémies de type II, la prise en charge est mixte, causale (souvent antivirale) et immunologique, en particulier avec l’utilisation du rituximab.10

Purpura rhumatoïde

Vascularite systémique des vaisseaux de petit calibre en rapport avec des dépôts immuns prédominants d’IgA, il est caractérisé par l’association de signes cutanés, articulaires et gastro-intestinaux, par poussées successives. Une atteinte rénale est parfois associée. La fréquence de cette atteinte est extrêmement variable selon les séries. Le purpura rhumatoïde peut se manifester à tout âge (de 5 mois à 89 ans), mais atteint principalement l’enfant entre 3 et 15 ans. Chez l’enfant, l’incidence annuelle de cette maladie est de l’ordre de 6 à 22 cas pour 100 000 enfants par an et chez l’adulte de l’ordre de 0,1 pour 100 000 adultes.12 Le diagnostic repose sur une association extrêmement évocatrice de signes cliniques. En 2010, l’European League Against Rheumatism a proposé une définition pour distinguer le purpura rhumatoïde des autres vascularites : chez un enfant ayant un purpura, au moins un des quatre critères suivants doit être présent : douleurs abdominales ; présence d’IgA à l’histologie ; arthrite ou arthralgie ; atteinte rénale. Brièvement, l’atteinte cutanée quasi constante se caractérise par un purpura vasculaire symétrique, non prurigineux, prédominant aux zones de pression et aux extrémités ; les manifestations articulaires se traduisent par des oligo-arthralgies d’horaire inflammatoire touchant principalement les chevilles et les genoux ; les manifestations digestives sont des douleurs de type colique voire des hémorragies digestives parfois gravissimes engageant le pronostic vital. Il n’existe aucun signe biologique spécifique de la maladie, avec un taux sérique d’IgA élevé dans 60 % des cas. La biopsie cutanée en peau lésée montre une vascularite leucocytoclasique des vaisseaux dermiques, avec en immunofluorescence des dépôts granuleux d’IgA polyclonale, de C3 et fibrinogène. Une atteinte rénale survient dans 20 à 54 % des cas de purpura rhumatoïde chez l’enfant et dans 45 à 85 % des cas chez l’adulte. Il peut s’agir d’une insuffisance rénale aiguë principalement sous la forme d’une glomérulonéphrite rapidement progressive. L’hématurie, le plus souvent microscopique, est le signe le plus constant  ; peut s’y associer une protéinurie de débit variable, pouvant être néphrotique.11, 13, 14 La néphropathie du purpura rhumatoïde est une néphropathie glomérulaire à dépôts d’IgA avec des dépôts de fibrine. Les lésions histologiques sont surtout de glomérulonéphrites prolifératives diffuses endo- et extra-capillaires. Le traitement curatif pour des formes avec insuffisance rénale aiguë propose une prise en charge de type « vascularite à ANCA » (v. infra)

GNRP sans dépôts d’immunologlobulines : vascularite à ANCA

Les glomérulonéphrites rapidement progressives sans dépôts d’immunoglobulines ou glomérulonéphrites extracapillaires pauci-immunes compliquent soit une micropolyangéite, soit une granulomatose avec polyangéite (syndrome de Wegener), soit une granulomatose éosinophile avec polyangéite (syndrome de Churg et Strauss).15

Micropolyangéite

Les vascularites nécrosantes de type micropolyangéite surviennent entre 40 et 60 ans, avec une légère prédominance masculine. Les atteintes sont nombreuses, avec une prédominance pour les signes rénaux et pulmonaires (dyspnée, hémoptysie avec syndrome alvéolaire à la radiographie). Il existe souvent une asthénie, une perte de poids, de la fièvre, des arthralgies, un purpura et une atteinte neurologique. L’atteinte rénale se traduit par une glomérulonéphrite rapidement progressive. Au plan histologique, les micropolyangéites font partie des vascularites associées aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) caractérisées par une vascularite nécrosante des petits vaisseaux et pas ou peu de dépôts immuns. Dans la peau, il existe une vascularite leucocytoclasique. Dans le rein, il peut exister des croissants. Le traitement par stéroïdes et cyclophosphamide, ou actuellement le rituximab ont modifié le pronostic avec une survie à 1 et 5 ans respectivement égale à 82 % et 76 %.16, 17 Une insuffisance rénale terminale survient dans environ 30 % des cas avec, dans ce cas, une mortalité de 50 %. Le traitement d’attaque repose principalement sur le cyclophosphamide, les stéroïdes et parfois l’adjonction d’échanges plasmatiques. Le traitement de maintenance est important en raison du risque de rechute avec une supériorité du rituximab.18

Granulomatose avec polyangéite

C’est une vascularite auto-immune des petits vaisseaux dont les manifestations cliniques comprennent une vascularite nécrosante systémique, une inflammation granulomateuse nécrosante et une glomérulonéphrite nécrosante. L’incidence annuelle de granulomatose avec polyangéite est de 5 à 10 cas par million d’habitants, sans prédominance de sexe ; le pic d’incidence se situe dans la 7e décennie de la vie. Il a été rapporté des associations avec des causes infectieuses, environnementales, toxiques ou pharmacologiques et une part possible de prédisposition génétique.19 Il faut noter la pollution, le tabac, des toxines ou des chimiques inhalés, l’exposition à des métaux comme le mercure ou le plomb, des médicaments (antibiotiques comme céfotaxime, minocycline), des antithyroïdiens, des anti-tumor necrosis factor, la clozapine, l’allopurinol, etc.). Les patients dont la granulomatose est cliniquement active peuvent avoir des signes généraux. Les signes cutanés sont un purpura, des ulcères cutanés et/ou de la gangrène et, de façon plus évocatrice, des ulcères buccaux, des lésions granulomateuses orales, et des atteintes oculaires variées. Les atteintes oto-rhino-laryngées sont fréquentes, avec des sécrétions nasales tachées de sang, des croûtes nasales, ou une ulcération nasale. Une tomodensitométrie sinusienne sans injection peut aider au diagnostic. L’atteinte rénale se présente comme une glomérulonéphrite rapidement progressive sans particularité. Le diagnostic se fait sur l’ensemble de la clinique, la positivité des ANCA de type protéinase 3 et la présence d’un granulome. Le traitement se différencie entre induction et maintenance. Les traitements proposés sont schématiquement les mêmes que ceux des micropolyangéites (v. supra). Le traitement de maintenance est très important, puisque l’incidence des rechutes est importante.

Granulomatose éosinophile avec polyangéite

C’est l’une des vascularites les plus rares touchant les vaisseaux de petit et moyen calibre. Elle se caractérise par rapport aux autres vascularites par la présence d’un asthme sévère et d’une hyperéosinophilie.20 Sa prévalence varie de 10,7 à 13 cas/million d’habitants, avec une incidence annuelle de 0,5 à 6,8 nouveaux cas/million d’habitants. Elle peut se produire à tous les âges, avec un âge moyen au moment du diagnostic de 48 ans, sans prédominance sexuelle. Elle se caractérise par la présence d’une vascularite nécrosante avec des infiltrats éosinophiles dans les tissus et des granulomes. Une caractéristique est son association chez environ 30 à 40 % des patients à des ANCA de type myéloperoxydase. L’hyperéosinophilie est souvent supérieure à 1 500/mm3. Divers agents environnementaux ont été impliqués dans l’apparition d’une granulomatose éosinophile avec polyangéite, y compris des agents infectieux, des médicaments, une désensibilisation ou une vaccination. Le traitement de la granulomatose éosinophile avec polyangéite repose principalement sur les corticoïdes et, si nécessaire, sur des médicaments immunosuppresseurs, en particulier le cyclophosphamide.
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Résumé

Dix pour cent des insuffisances rénales aiguës de l’adulte sont d’origine glomérulaire. Elles nécessitent une prise en charge urgente spécifique. Les tableaux sont le syndrome néphritique aigu et la glomérulonéphrite rapidement progressive. La glomérulonéphrite aiguë associe une insuffisance rénale aiguë organique avec une rétention sodée au premier plan. Les germes retrouvés sont les streptocoques, les staphylocoques et parfois Escherichia. coli. Le traitement est l’éradication de l’infection. Les glomérulonéphrites rapidement progressives se caractérisent par une insuffisance rénale s’installant en quelques semaines, avec une hématurie marquée, une protéinurie modérée et une pression artérielle souvent normale. Les principaux examens complémentaires dépendent du contexte mais doivent comprendre l’étude du complément et les anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA). Il existe des lésions extracapillaires avec des dépôts variables d’immunoglobulines.