Objectifs

Connaître l’histoire politique et sociale qui a mené à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse de 1975
Préciser les modalités réglementaires
Décrire les étapes de la prise en charge
Argumenter les principes des techniques proposées
Préciser les complications possibles et les répercussions de l’interruption volontaire de grossesse
Identifier les facteurs de risque de récidive d’interruption volontaire de grossesse

L’avortement a été autorisé en France par le vote du texte provisoire de la loi Veil n° 75-17 du 17 janvier 1975 pour cinq ans, en donnant la liberté fondamentale aux femmes de choisir l’issue de leur grossesse jusqu’à la dixième semaine, dans des conditions sanitaires sécurisées. Cette loi de santé publique a mis fin à des complications gravissimes, voire mortelles, pour les femmes (une femme par jour mourait des complications d’un avortement clandestin en France avant 1975) et a réduit la mortalité néonatale par voie de conséquence. C’est en 1979 que le vote de cette loi a été définitif en dépénalisant ainsi l’avortement.
Parmi les temps forts de la lutte féministe et sociale pour le droit à l’avortement en France, on retiendra les événements suivants :

  • en 1971, Le Nouvel Observateur publie le manifeste des 343, rédigé par Simone de Beauvoir, qui affichait publiquement avoir avorté ;
  • en novembre 1972, le procès de Bobigny, dont la défense a été assurée par la célèbre avocate Gisèle Halimi, sera le premier temps législatif vers la dépénalisation de l’avortement. Par l’acquittement d’une jeune femme mineure et de quatre autres femmes, dont sa mère, complices de la pratique de l’avortement, la loi de 1920 condamnant aux fers le recours et la pratique de l’avortement ne sera plus applicable ;
  • en février 1973, Le Monde publie à son tour le manifeste des 331 médecins qui déclaraient pratiquer ou encourager la pratique des avortements ; à partir d’avril 1973 et jusqu’au vote de la loi en 1975, le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) participe à la diffusion de la méthode de Karman. Cette méthode d’aspiration endo-utérine, toujours utilisée aujourd’hui, met fin aux manœuvres abortives dangereuses qui consistaient à infecter l’utérus pour déclencher une fausse couche dont les conséquences participaient à la dangerosité du geste en plus de son illégalité (Marie-Louise Giraud est la dernière femme guillotinée en 1943 pour avoir pratiqué 27 avortements).

Progressivement depuis cette première loi de 1975, de nombreuses évolutions législatives ont permis de simplifier, allonger et renforcer le droit à l’avortement et à la contraception, notamment :

  • l’allongement du délai de 10 à 12 semaines de grossesse en 2001 puis de 12 à 14 semaines de grossesse (soit 16 semaines d’aménorrhée) en mars 2022 (loi n°2022-295) ;
  • la suppression de la notion de détresse pour la femme le 21 janvier 2014 par amendement dans le cadre de la loi sur l’égalité femmes-hommes ;
  • la suppression du délai de réflexion pour toutes les femmes quel que soit leur âge depuis mars 2022 (la suppression de 2016 ne concernait que les femmes majeures, les mineures devaient jusqu’à mars 2022 respecter un délai de 48 heures entre l’entretien psychosocial et l’interruption volontaire de grossesse [IVG]) ;
  • la suppression de l’obligation d’autorisation parentale pour les mineures depuis 2001, avec l’introduction du recours à un adulte référent pour l’accompagner dans son parcours si l’autorisation parentale ne peut être obtenue ;
  • la gratuité de l’ensemble des actes afférents à l’IVG (l’IVG n’était pas prise en charge par l’Assurance maladie en 1975, puis remboursement partiel en 1982, puis 2013 et 2016) ;
  • la participation des sages-femmes à la prise en soin de l’IVG, dans un premier temps médicamenteuse uniquement (2016) puis instrumentale dans le cadre d’une expérimentation de trois ans pour, à terme, être autorisée quel que soit le terme par la loi de mars 2022 (décret d’application en attente).

Les avancées législatives en matière de contraception intéressent essentiellement les jeunes femmes, mineures dans un premier temps (2013 puis 2020) puis jusqu’à 26 ans depuis janvier 2022, avec l’accès gratuit à toutes les contraceptions remboursables par l’Assurance maladie jusqu’à 26 ans mais aussi des consultations de santé sexuelle pour toutes les personnes, tous genres confondus, une fois par an jusqu’à 26 ans (décret n°2022-258 du 23 février 2022).
En 2021, 222 100 IVG ont été pratiquées en France, les trois quarts d’entre elles par méthode médicamenteuse : il s’agit d’un acte fréquent, qui concerne une femme sur trois dans sa vie. Malgré quelques variations annuelles, le taux de recours moyen est assez stable, autour de 15 ‰ femmes de 15 à 49 ans, avec de grandes variabilités régionales. La tranche d’âge la plus représentée est celle des 20-29 ans. Les mineures et les femmes de plus de 42 ans sont les femmes qui avortent le moins. Trois IVG sur quatre sont pratiquées chez des femmes ayant une contraception médicalement instaurée. Ce constat traduit l’intérêt d’une information exhaustive sur la contraception visant à permettre aux femmes de choisir la contraception la plus adaptée à leurs besoins du moment. L’ensemble des contraceptions est accessible aux femmes, quels que soient leur âge et leur parité, sous réserve de contre-indications médicales. Le souhait d’un partage de la charge contraceptive avec les hommes est de plus en plus présent mais se heurte encore à des méthodes non validées en France, pourtant à l’étude (contraception hormonale par testostérone, contraception thermique) et de plus en plus médiatisées. Les préservatifs internes et externes restent les seuls moyens de se protéger des infections sexuellement transmissibles (IST), en plus d’être contraceptifs.
L’analyse des circonstances de survenue d’une grossesse non prévue est l’occasion, au cours de la prise en soin d’une demande d’IVG, de permettre à la femme de choisir la contraception ultérieure la mieux adaptée à cette période de sa vie sexuelle. Une grossesse initialement désirée peut aussi donner lieu, dans certaines circonstances, à une interruption, le projet de grossesse n’étant pas, ou plus, en adéquation avec un projet parental.
Il faut souligner que la loi du 4 juillet 2001 a par ailleurs légalisé la stérilisation masculine ou féminine à visée contraceptive (antérieurement considérée comme une mutilation sexuelle), a supprimé l’obligation d’autorisation parentale pour la délivrance de la contraception aux mineures et a introduit l’obligation de trois séances d’information sur la sexualité et la vie affective dans les établissements scolaires (primaire, collège et lycée) aujourd’hui réalisées en partie par des étudiant(e)s en santé dans le cadre du service sanitaire.

Modalités réglementaires

Actuellement, l’IVG est possible, sans condition, jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse, soit 16 semaines d’aménorrhée (SA).
L’IVG instrumentale ou médicamenteuse est réalisée dans un établissement de santé ou un centre de santé ; l’IVG médicamenteuse est aussi possible hors établissement de santé mais sous certaines conditions :

  • par un médecin ou une sage-femme expérimentés, conventionnés avec un établissement de santé ;
  • jusqu’à 9 SA depuis l’état d’urgence sanitaire de la pandémie de Covid-19 et entériné par la loi de mars 2022 ;
  • dans un rayon permettant de gagner ou joindre rapidement un établissement de santé habilité à prendre en soin les complications d’une IVG ;
  • en présentiel mais aussi tout ou partie en téléconsultation, au choix de la femme et du professionnel de santé la prenant en soin.

Aucun délai n’est requis entre la consultation de demande d’interruption et sa confirmation écrite lors d’une deuxième consultation. En pratique, ces deux temps se font le même jour si le professionnel sollicité pour ces deux temps est le même et si la femme a pris sa décision d’avorter. L’IVG médicamenteuse peut commencer immédiatement au décours ou être différée jusqu’à 9 SA au maximum ; l’IVG instrumentale nécessite la plupart du temps une prémédication et donc quelques heures à quelques jours (16 SA au maximum) selon les centres et les disponibilités respectives de la femme et du lieu de soins.
Un entretien psychosocial est systématiquement proposé à la femme avant et après l’IVG. Cet entretien est facultatif, à l’exception de la jeune fille mineure, pour laquelle l’entretien pré-IVG est obligatoire et donne lieu à une attestation écrite. Il peut être réalisé par une personne formée au conseil conjugal et familial.
Le médecin doit s’efforcer d’obtenir une autorisation parentale pour la jeune fille mineure. Si celle-ci ne peut être obtenue, la mineure doit être accompagnée d’une personne majeure de son choix (adulte référent).
L’interruption volontaire de grossesse est prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie pour tous les actes afférents. Le dépistage des IST et notamment de Chlamydia trachomatis (recommandations de la Haute Autorité de santé [HAS] de septembre 2018) et de Neisseria gonorrhoeae par PCR sera pris en charge à compter de janvier 2023 au même titre que les dépistages sanguins des IST dans tous les laboratoires (projet de loi de finance de la Sécurité sociale 2022).

Modalités de réalisation

L’interruption volontaire de grossesse se déroule en quatre temps :

  • la demande, au cours de laquelle la femme reçoit les informations nécessaires sur les méthodes d’IVG, la legislation en vigueur et les complications éventuelles ;
  • la confirmation écrite du choix d’avorter et de la méthode choisie par la patiente ;
  • l’IVG elle-même ;
  • la consultation de suivi entre quatorze et vingt et un jours après le geste.

L’interruption volontaire de grossesse peut être pratiquée :

  • par méthode instrumentale (aspiration ou dilatation extraction entre 14 et 16 SA, avec anesthésie locale ou générale) ;
  • par méthode médicamenteuse, avec ou sans hospitalisation jusqu’à 9 SA.

Les différentes méthodes sont exposées à la femme lors de la première consultation afin de lui permettre un choix éclairé en fonction du terme de la grossesse, des contre-indications et des possibilités de chaque centre. Cette consultation est l’occasion de proposer, en plus de l’examen clinique et du recueil des antécédents médico-­chirurgicaux personnels et familiaux (penser au risque familial thromboembolique et cardiovasculaire pour la prescription de contraception), un dépistage des IST et du cancer du col de l’utérus. Il est aussi recommandé d’aborder systématiquement le sujet des violences potentiellement subies, permettant à la femme de s’exprimer si elle le souhaite, maintenant ou lors d’une autre consultation (importance de savoir qu’il existe des lieux où cette parole peut être déposée et accompagnée).
Dans le même temps, un dossier-guide précisant l’ensemble des modalités ainsi que la législation, disponible en version papier ou en ligne sur www.sante.gouv.fr , doit être remis à la femme.
Un entretien psychosocial est toujours proposé à la femme avant et après l’interruption volontaire de grossesse ; il est facultatif pour la femme majeure et reste obligatoire pour la jeune fille mineure.
Le médecin ou la sage-femme doit s’efforcer d’obtenir le consentement de l’un ou l’autre des parents ou du représentant légal pour la mineure. Si celle-ci désire garder le secret ou en cas de refus, elle se fait alors accompagner par une personne majeure de son choix. La mineure doit être conseillée sur le choix de cette personne majeure qui n’engage pas sa responsabilité civile ou pénale mais a un rôle d’accompagnement et de soutien psychologique sans aucune autorité parentale.
Le médecin ou la sage-femme consulté(e) peut faire valoir sa clause de conscience ; dans ce cas, il se doit d’en informer la femme au plus vite pour ne pas retarder sa démarche. Le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse est puni par la loi Neiertz nº 93-121 du 27 janvier 1993 étendu au délit d’entrave numérique en mars 2017.
L’interruption volontaire de grossesse peut être réalisée entre la confirmation de la demande et 16 SA, permettant ainsi aux femmes d’interrompre leur grossesse sans attendre si leur choix est fait, mais aussi pour celles dont la décision n’a pas encore été prise, de bénéficier de plusieurs consultations et d’un ou plusieurs entretiens avec une personne habilitée au conseil conjugal et familial, un assistant social ou un psychologue afin de les accompagner dans leur réflexion. Les recommandations de la HAS de 2021 ont aussi permis aux femmes souhaitant avorter par médicaments de recevoir les deux molécules simultanément et de les prendre, non plus obligatoirement devant le médecin ou la sage-femme, mais à domicile, au moment choisi, tout en respectant un intervalle de vingt-quatre à quarante-huit heures entre les deux prises, délai optimal pour le succès de cette méthode.
Les conditions d’accès à l’interruption volontaire de grossesse restent aujourd’hui inégales sur le territoire français (métropole et outre-mer) et rendent le parcours quelquefois difficile pour la femme : délais de rendez- vous trop longs (5 jours au maximum recommandés par la HAS), éloignement géographique, ensemble des méthodes pas toujours proposé, interruption volontaire de grossesse jusqu’à 16 SA non réalisée dans l’ensemble des centres.
Jusqu'à aujourd'hui, ni la HAS ni le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) n’a formulé de recommandations pour la pratique depuis le vote de la loi du 2 mars 2022 allongeant le délai de 14 à 16 SA pour l’IVG. La pratique de la dilatation-extraction entre 14 et 16 SA repose sur la littérature internationale et les pratiques des pays limitrophes, dont les Pays-Bas et la Grande-Bretagne où cette pratique est courante jusqu’à 22 SA et 24 SA respectivement. À ce jour, les deux tiers des IVG réalisées entre 14 et 16 SA en France le sont par cette méthode. Un tiers des centres ont opté pour la méthode médicamenteuse à ces termes, méthode qui s’apparente à celle de l’interruption médicale de grossesse (qui, elle, n’a pas de limite de terme).

Interruption volontaire de grossesse instrumentale

Elle est possible jusqu’à 16 SA. Il s’agit d’obtenir une vacuité utérine au moyen d’une aspiration (électrique ou manuelle) endo-utérine après dilatation du col utérin et introduction d’une curette d'aspiration. La dilatation utérine préalable est possible au moyen de dilatateurs médicamenteux (200 mg de mifépristone et/ou 400 µg de misoprostol) associés à une dilatation mécanique (bougies de Hegar) jusqu’à la charnière suffisante pour permettre l’introduction de la curette d'aspiration (charnière de 6 à 14 mm de diamètre selon le terme et la capacité de dilatation du col).
Un contrôle de la vacuité utérine est réalisé soit par un échoguidage du geste en fin d’intervention, soit par un contrôle macroscopique du produit d’expulsion au décours de l’intervention.
Ce geste instrumental de courte durée (quelques minutes) peut être réalisé après anesthésie locorégionale du col utérin (injection de 10 à 20 mL de lidocaïne 1 % dans le cul-de-sac cervicovaginal ou injection traçante dans le canal cervical) ou bien sous anesthésie générale.
La méthode de dilatation-extraction concerne essentiellement les termes entre 14 et 16 SA insuffisament accessibles à la seule aspiration et nécessitant le recours à la fragmentation fœtale avec une pince de préhension type McClintock.
Une prémédication est fréquemment utilisée avec des antalgiques de niveau 1 ou 2 plus ou moins associés à un anxiolytique. Le protoxyde d’azote (MEOPA) est de plus en plus souvent administré, en association avec l’anesthésie locale.
La prévention de l’allo-immunisation anti-Rhésus D est réalisée lorsque la femme est Rhésus négatif par 200 µg d’immunoglobulines humaines anti-D (Rhophylac).
L’antibioprophylaxie n’est plus recommandée par le CNGOF et a laissé place au dépistage systématique par PCR de Chlamydia trachomatis et de Neisseria gonorrhoeae dont le traitement est réalisé en cas de positivité avant l’IVG, ou à son décours si les résultats ne sont pas connus le jour de l’intervention ; l’absence de réception des résultats ne doit pas retarder le geste. Le traitement du ou des partenaires est, lui aussi, systématiquement proposé ; il repose à ce jour, en première intention, comme pour la femme, sur la prise de doxycycline 100 mg deux fois par jour par voie orale pendant sept jours pour Chlamydia trachomatis et de ceftriaxone 500 mg en une seule injection intramusculaire (IM) ou intraveineuse (IV) pour Neisseria gonorrhoeae.
Une prescription d’antalgiques de niveau 1 ou 2 est recommandée après le geste.
La contraception post-interruption volontaire de grossesse est abordée au cours des consultations préalables à l’IVG et peut être commencée dès le jour du geste. Si le choix de la femme est celui d’un dispositif intra-utérin ou d’un implant sous-cutané, ceux-ci peuvent être posés le jour-même en fin d’intervention. Si le choix se porte sur une contraception orale, percutanée ou vaginale, celle-ci est à débuter le jour de l’interruption. En l’absence de contraception, une nouvelle grossesse peut démarrer rapidement ; le jour de l’interruption correspond au premier jour du cycle suivant.
Une consultation de suivi entre le 14e et le 21e jour après le geste est proposée afin de s’assurer de l’absence de complication tant médicale que psychologique et de refaire le point sur la contraception en cours ou à venir.

Interruption volontaire de grossesse médicamenteuse

Elle est recommandée jusqu’à 9 SA (63 jours) par l’association d’une antiprogestérone (mifépristone) et d’une prostaglandine (misoprostol) selon des schémas différents avant 7 SA (49 jours) et entre 7 et 9 SA. Cette méthode n’est pas recommandée par la HAS à ce jour au-delà de 63 jours, bien qu’elle le soit par le CNGOF et qu’elle soit pratiquée par certains centres au-delà de 9 SA, y compris jusqu’à 16 SA.
La prévention de l’allo-immunisation anti-Rhésus D et la contraception sont également envisagées, au même titre que pour l’IVG instrumentale.
L’IVG médicamenteuse peut démarrer avant même que le groupe Rhésus soit connu, selon les dernières recommandations de la HAS. La prescription de celui-ci et des immunoglobulines en cas de négativité du Rhésus suffit, leur réalisation revient à la femme dans un deuxième temps et avant soixante-douze heures après le début du saignement. Le risque d’allo-immunisation est infime avant 9 SA et ne justifie donc pas le retard de l’IVG pour connaître le Rhésus.
Les contraceptions peuvent être commencées dès le jour de la prise de prostaglandines, à l’exception du dispositif intra-utérin, qui est posé après vérification de la vacuité utérine dès le 10e jour après l’IVG ; dans ce cas, le recours à une contraception locale ou autre est souhaitable dans l’intervalle.
Il n’y a pas d’indication à l’antibioprophylaxie pour les IVG médicamenteuses.
Les recommandations de la HAS de 2021 ont supprimé l’obligation de prise de la mifépristone devant le médecin ou la sage-femme, permettant l’autonomie de la femme quant au lieu et au moment de la prise de la mifépristone.
Le recours à la téléconsultation est aussi une solution pour les femmes qui souhaitent rester au domicile ou sur leur lieu de travail par exemple, en s’aménageant un espace de confidentialité sans avoir à se déplacer jusqu’à un cabinet médical, un centre de santé sexuelle ou un établissement de santé.
Jusqu’à 7 semaines d’aménorrhée, le protocole est le suivant :

  • prise de 200 ou 600 mg de mifépristone par voie orale ;
  • puis prise de 400 µg de misoprostol par voie orale, sub­linguale ou buccale vingt-quatre à quarante-huit heures après la prise de mifépristone. Cette prise donne lieu ou non à une hospitalisation de quelques heures selon les modalités définies préalablement.

L’administration concomitante à la prise de misoprostol d’antalgiques de niveau 1 ou 2 permet d’anticiper la survenue et l’intensité de douleurs en lien avec la contraction utérine et l’expulsion. Seule la consultation de suivi réalisée entre le 14e et le 21e jour permet de confirmer l’efficacité de la méthode par dosage de l’hormone chorionique gonadotrope [hCG] dans le sang (moins de 20 % du taux initial au 14e jour) ou dans les urines (autotest hCG disponible en établissements de santé mais pas en officine dont le seuil de positivité est à 1 000 UI/mL). L’échographie post-IVG est à réserver aux échographistes habitués au suivi des IVG médicamenteuses afin d’éviter une sur interprétation d’images rétentionnelles vectrices d’aspirations post-IVG médicamenteuses excessives.
Le protocole entre 7 et 9 semaines d’aménorrhée repose sur :

  • la prise de 200 mg de mifépristone ;
  • suivie de la prise de 800 µg de misoprostol vingt-quatre à quarante-huit heures après la mifépristone avec ou sans hospitalisation.

Le reste de la prise en soin est identique quant à l’antalgie, au suivi et au lieu de réalisation.

Le choix

Le choix de l’une ou l’autre des méthodes d’interruption volontaire de grossesse dépend de la femme, des contre-indications, des possibilités du centre, du médecin ou de la sage-femme.
Il n’existe pas de supériorité d’une méthode par rapport à une autre ; leurs différences étant vécues par certaines comme des avantages et par d’autres comme des inconvénients. Les deux méthodes ont la même finalité : interrompre la grossesse ; les moyens pour y parvenir sont différents.
Le choix de réaliser ou non une interruption volontaire de grossesse doit précéder celui de la méthode et non l’inverse. La problématique réside dans la survenue d’une grossesse non désirée ; l’interruption volontaire de grossesse en est la solution, quelle que soit la méthode :

  • quelles sont les différences entre interruption volontaire de grossesse chirurgicale et interruption volontaire de grossesse médicamenteuse (tableau 1) ?
  • quelles sont les différences entre l’anesthésie locale et l’anesthésie générale dans l’interruption volontaire de grossesse chirurgicale (tableau 2) ?
  • quelles sont les différences entre l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse avec et sans hospitalisation (tableau 3) ?

Complications de l’interruption volontaire de grossesse

L’avortement comporte des risques de complications très faibles dans les pays dans lesquels la loi l’y autorise. Dans les pays ayant légiféré, le taux de mortalité varie de 0 à 1,3 pour 100 000 avortements contre 5,1 à 7,3 pour 100 000 accouchements sur les mêmes périodes et dans les mêmes pays.
Le risque de complications est principalement en rapport avec le terme de la grossesse et l’expérience de la personne qui pratique le geste ; l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse comporte moins de risques que l’interruption volontaire de grossesse instrumentale (non opérateur-dépendante, terme plus précoce, pas de risque anesthésique, moindre risque infectieux).

Complications à court et moyen termes

Le taux de mortalité est de 0,6 pour 100 000 avortements sous anesthésie générale, soit 4 fois plus que sous anesthésie locale.
Le risque hémorragique est lui aussi plus important en cas d’anesthésie générale et augmente avec l’âge gestationnel : il survient dans l’heure qui suit l’évacuation par atonie utérine ou rétention ovulaire, nécessitant une injection d’utérotonique ou une réaspiration en cas de non-réponse aux utérotoniques.
Les lésions cervicales sont, la plupart du temps, sans conséquence ou résolues par une simple suture hémo­statique (de 0,10 à 1,18 % selon l’Organisation mondiale de la santé). En cas de faux trajet dans le col, un guidage échographique s’impose avant toute tentative d’aspiration pour s’assurer du positionnement intra-utérin de la canule.
La perforation utérine est d’autant plus rare que l’expérience est grande et augmente avec la multiparité. Le geste aspiratif doit être immédiatement arrêté, confirmé par un échoguidage. Si aucune aspiration intrapéritonéale n’a été faite, une antibioprophylaxie suffit, et la plaie utérine cicatrisera spontanément. En cas de doute sur une lésion intrapéritonéale, une cœlioscopie exploratrice s’impose.
La fréquence des infections post-interruption volontaire de grossesse varie en fonction de l’évaluation du risque infectieux préalable, d’où l’intérêt du dépistage systématique de Chlamydia trachomatis couplé au traitement du ou des partenaires pour en réduire le risque.
Le « syndrome du 3e-5e jour », associant une réaction fébrile brève, des douleurs pelviennes et l’expulsion de caillots sanguins, cède spontanément avec des antalgiques, sans recours à une antibiothérapie. Méconnu, il peut être considéré comme une infection génitale haute qui justifierait une antibiothérapie la plus précoce possible.
La rétention trophoblastique complique 0,75 % des interruptions volontaires de grossesse instrumentales ; son expression clinique consiste en des métrorragies plus ou moins associées à des douleurs pelviennes, sans fièvre en l’absence de complication infectieuse. L’échographie faite par un échographiste entraîné et à distance suffisante (14 jours au minimum pour ne pas surestimer cette complication en lui associant les rétentions hématiques d’expulsion spontanée progressive jusqu’aux premières règles suivant l’interruption) confirme le diagnostic. La prescription de prostaglandines ou d’utérotoniques suffit dans la plupart des cas. Dans le cas contraire, une réaspiration est proposée.
La rétention ovulaire est exceptionnelle et opérateur-­dépendante. Elle survient exceptionnellement en cas de grossesse multiple méconnue.
Le cas très particulier de la grossesse intra-utérine associée à une grossesse extra-utérine (GEU) ou bien de la grossesse môlaire justifie le recours à une échographie de datation rigoureuse associée à une exploration des annexes permettant d’éliminer ces situations exceptionnelles mais aussi de mettre en évidence une anomalie utérine (utérus bicorne, cloison, myome déformant la cavité utérine, placenta accreta…). En cas de doute sur une grossesse môlaire, une cinétique de l’hCG et l’examen anatomopathologique du produit d’aspiration s’imposent.
La généralisation de l’échographie de datation pré-­interruption volontaire de grossesse (non obligatoire) a limité ces risques et permet, entre autres, la confirmation du terme à plus ou moins cinq jours et de son évolutivité. Cependant, lors d’un diagnostic précoce de la grossesse, l’échographie n’est pas recommandée si le seuil d’hCG est inférieur à 1 500 mUI/mL. Dans ce cas, et si la femme souhaite faire l’IVG rapidement, l’IVG sur grossesse de localisation indéterminée est possible en l’absence de facteur de risque de GEU et avec un suivi de la cinétique de l’hCG plus précoce, à savoir à J0 et J7 de la prise de mifépristone. Une décroissance de 50 % de l’hCG est attendue ; dans le cas contraire, la recherche d’une GEU s’impose.

Cas particulier de l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse

Le risque hémorragique est supérieur compte tenu de la non-maîtrise du moment de l’expulsion, avec une fréquence de 0,4 à 2 %. Les patientes sont informées de la nécessité d’une consultation en urgence en cas d’hémorragie, l’aspiration en urgence étant la solution radicale. Des antécédents d’hémorragie génitale, de troubles de la coagulation ou des difficultés de compréhension des informations sont des contre-indications à l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse.
La rétention partielle ou complète (fréquence de 3 à 5 % selon les cohortes), voire la grossesse évolutive (1 % des cas), est plus fréquente avec l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse et justifient le caractère obligatoire de la consultation de suivi, seul garant du succès de la procédure. La poursuite de la grossesse au-delà des 16 SA ne peut pas donner lieu à une interruption volontaire de grossesse en France, et le risque malformatif n’est pas exclu, même s’il est faible.

Complications à long terme

La majorité des études internationales sur les séquelles à long terme en matière de fertilité, de grossesse extra-­utérine, de fausse couche spontanée ou de prématurité ne montre aucune différence pour les femmes ayant eu ou n’ayant pas eu recours à une interruption volontaire de grossesse.

Complications psychologiques

Les complications psychologiques de l’interruption volontaire de grossesse sont rares elles aussi. La revue de la littérature montre que le taux de complications psychologiques chez les femmes y ayant eu recours est semblable à celui des femmes ayant mené une grossesse à terme.
La survenue d’une grossesse non désirée représente une charge psychique dans la vie d’une femme, mais la perspective d’une interruption volontaire de grossesse comme solution à cette problématique procure un sentiment de soulagement pour la majorité des femmes. Une minorité de femmes présente une tristesse, des regrets et un sentiment de culpabilité. Ces sentiments sont renforcés ou apaisés en fonction de la prise en soin des femmes dans les centres d’interruption volontaire de grossesse et du regard de l’entourage sur cette décision.

Facteurs de risque de répétition d’interruptions volontaires de grossesse

Une femme sur trois a une interruption volontaire de grossesse dans sa vie ; une femme sur quatre en aura deux ; et seules 10 % des femmes auront plus de deux interruptions au cours de leur vie. Il n’existe pas d’égalité entre les femmes et les couples face à la fertilité. Le jeune âge, la précarité, l’emprise, les difficultés d’accès à l’information et aux soins sont autant de facteurs favorisant la répétition de grossesses non désirées.
C’est par cette répétition que certaines femmes arrivent à se saisir de l’intérêt d’une prise en soin psychologique qui, plus qu’une contraception mal observée ou inadaptée, leur permet de mettre en lumière leur relation à la maternité quelquefois inscrite dans une histoire transgénérationnelle. 

Points forts
Interruption volontaire de grossesse

POINTS FORTS À RETENIR

Le terme autorisé par la loi pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse en France est de 14 semaines de grossesse, soit 16 semaines d’aménorrhée.

L’interruption volontaire de grossesse peut être réalisée par un médecin ou une sage-femme, par méthode médicamenteuse, avec ou sans hospitalisation sous conditions, ou bien par méthode instrumentale, sous anesthésie locale ou générale.

L’interruption volontaire de grossesse est un acte fréquent, qui concerne toutes les femmes en âge de procréer, tous niveaux socio-économiques confondus.

Les complications post-interruption volontaire de grossesse sont très peu fréquentes dans les pays où la loi l’autorise.

Favoriser l’accès à la contraception et l’adapter aux besoins et à la demande des femmes est un des leviers contribuant à la diminution du nombre de grossesses non désirées.

Pour en savoir plus

Loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement https://vu.fr/LEtm
Site ministériel sur l’IVG : https://ivg. gouv.fr/
Dossier guide IVG disponible sur https://vu.fr/CmHo
Recommandations de la Haute Autorité de santé disponibles sur https://vu.fr/DVnW
Recommandations de bonne pratique HAS. Septembre 2019. Contraception chez la femme après une interruption volontaire de grossesse (IVG). https://vu.fr/vrGi
Recommandations pour la pratique clinique du Collège national des gynécologues et obstétriciens français disponibles sur https://vu.fr/ZhvB

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