La chirurgie des cancers des voies aérodigestives (VADS) date de plusieurs siècles. Depuis les lambeaux brachiaux de Tagliacozzi au XVIe siècle (
Utilisation historique des lambeaux
Mutilante par nature, la chirurgie carcinologique réalise une amputation partielle ou totale d’organe responsable d’atteintes fonctionnelles plus ou moins sévères. Jusqu’au milieu du XXe siècle, le temps chirurgical de reconstruction après exérèse tumorale était dissocié de la chirurgie carcinologique.
Historiquement, les lambeaux locaux ou régionaux permettaient une reconstruction par des tissus environnants, comme le lambeau frontal pour les reconstructions de la pyramide nasale (
Développement des greffes de tissus vascularisés dans les années 1980
Le développement des lambeaux libres, c’est-à-dire la greffe de tissus vascularisés, a constitué dans les années 1970 un tournant, avec des premières applications en ORL dans les années 1980. Le lambeau antébrachial, dit « chinois »,1 puis de péroné2 ont permis de reconstruire des pharynx, des langues et des mandibules amputés. Initialement réservée à certains centres, l’utilisation de ce type de chirurgie s’est progressivement étendue, avec le développement de l’amplification microscopique. Plus tard, le concept de perforantes vasculaires a permis de prélever des zones moins mutilantes comme dans le lambeau antérolatéral de cuisse,3 versatile et plastique, idéal notamment pour la reconstruction des pertes de substances de la langue (
Reconstructions assistées par ordinateur
Depuis une dizaine d’années, le développement de la chirurgie assistée par ordinateur (CAO) permet de prévoir, en préopératoire, les reconstructions mandibulaires et maxillaires au plus près de l’anatomie : soit en conformant des pièces de titane anatomiques, soit en planifiant la conformation de lambeaux libres. Pour la reconstruction de la mandibule, une segmentation des fragments osseux est planifiée avec le chirurgien ; un guide de coupe et des plaques d’ostéosynthèse en titane sont ensuite imprimées en 3D (
Des progrès dans la réanimation musculaire faciale
Des progrès ont été également réalisés dans le domaine de la réanimation faciale après sacrifice du nerf facial. Nombreuses sont les techniques de réanimation musculaire (technique de trans- fert du muscle temporal de Labbé), d’anastomose nerveuse entre les nerfs VII et XII, ou plus récemment la réalisation de greffon libre de nerf thoraco-dorsal vascularisé.
L’alternative de l’épithèse
Lorsque la chirurgie de reconstruction est limitée par le terrain du patient, vasculaire notamment, ou retardée pour le suivi carcinologique, la solution de l’épithèse (par prothèse faciale ou prothèse maxillo-faciale) est une alternative. Un travail spécialisé des plus méticuleux permet l’obtention de prothèses, généralement en silicone, fixées par l’intermédiaire d’implants ou collées au patient (
Précocité et amélioration des traitements pour éviter les chirurgies trop mutilantes
En parallèle, les progrès de la radiothérapie ont permis d’améliorer l’efficacité des traitements et de diminuer les effets indésirables, offrant une alternative thérapeutique aux chirurgies trop mutilantes.
Avant tout, la prévention et le dépistage, même s’ils restent trop modestes en France aujourd’hui, permettent de prendre en charge des cancers à des stades moins avancés.
1. Yang GF, Chen PJ, Gao YZ, Liu XY, Li J, Jiang SX, et al. Forearm free skin flap transplantation: A report of 56 cases.Br. J Plast Surg 1981;50:162-5.
2. Hidalgo DA. Fibula flap: A new method of mandibular reconstruction. Plast and Reconst Surg 1989;84:71-8.
3. Koshima I, Fukuda H, Yamamoto H, Moriguchi T, Soeda S, Ohta S. Free anterolateral thigh flaps for reconstruction of head and neck defects. Plast Reconstr Surg 1993;92:421-8.
Dans cet article
- Utilisation historique des lambeaux
- Développement des greffes de tissus vascularisés dans les années 1980
- Reconstructions assistées par ordinateur
- Des progrès dans la réanimation musculaire faciale
- L’alternative de l’épithèse
- Précocité et amélioration des traitements pour éviter les chirurgies trop mutilantes