Les laits de croissance sont destinés aux enfants à partir de l’âge de 1 an. Ils existent depuis plus de trente ans mais suscitent encore de nombreux débats. D’aucuns prétendent qu’il s’agit de purs produits commerciaux destinés à enrichir les industriels, alors que d’autres soulignent leur intérêt en prévention de certaines carences, notamment martiales. L’objectif de cet article est de développer des arguments scientifiques pour répondre à cette controverse.

Laits de croissance, 2e âge ou de vache : quels contenus ?

La composition des laits de croissance est proche de celle des laits 2e âge. Ils s’en distinguent par une concentration un peu plus élevée des principaux nutriments qu’ils contiennent, mais la majorité d’entre eux ne sont supplémentés ni en acide docosahexaénoïque ni en acide arachidonique. En revanche, ils sont clairement différents du lait de vache natif, qu’ils sont censés remplacer. En effet, ils sont 20 fois plus riches en fer, de surcroît 5 fois plus assimilable, respectivement 8 et 5 fois plus riches en acides linoléique et α-linolénique (les deux acides gras essentiels) et 13 fois plus riches en vitamine D.1 Accessoirement, ils sont aussi appauvris en protéines, sodium et calcium, mais ces modifications n’ont pas de réel intérêt (tableau 1).

Principal intérêt : une source de fer

L’intérêt majeur, sinon unique, des laits de croissance est incontestablement leur contenu en fer. Les 11 études randomisées et contrôlées qui ont comparé le statut martial de jeunes enfants consommant du lait de croissance ou du lait de vache ont montré que l’évolution de la ferritinémie, d’une part, et de l’hémoglobinémie, d’autre part, du « groupe lait de croissance » était significativement meilleure dans respectivement 82 % et 45 % des cas.2, 3 Une de ces études comportait un troisième groupe d’enfants, ingérant deux portions quotidiennes de produits carnés à la place du lait de croissance. L’évolution de la ferri­tinémie de ce groupe était identique à celle du « groupe lait de croissance » et significativement meilleure que celle du « groupe lait de vache ».4
En se fondant sur ces résultats, la Société française de pédiatrie recommande la consommation d’au moins un biberon de lait de croissance par jour qui, associé à la portion quotidienne de produits carnés, permet d’assurer les besoins recommandés en fer absorbé.2 En l’absence de consommation de viande, au moins 300 mL/j sont nécessaires pour satisfaire les besoins en fer. Le lait de croissance doit être poursuivi jusqu’à ce que l’enfant soit en mesure d’ingérer 100 à 150 g de produits carnés par jour, en deux portions quotidiennes, soit le plus souvent bien au-delà de l’âge de 3 ans.2 Comme l’illustrent les équivalences nécessaires pour apporter les 0,7 mg/j de fer absorbé recommandés entre 1 et 6 ans2 (tableau 2), la consommation de lait de croissance est le moyen le plus simple de couvrir ces besoins.
Le lait de croissance contribue également à répondre aux besoins en acides gras essentiels, mais d’autres apports alimentaires sont presque toujours nécessaires, dans la mesure où les enfants devraient consommer 850 mL de lait de croissance par jour pour combler la totalité de leurs besoins.1
Enfin, l’enrichissement en vitamine D des laits de croissance ne dispense pas de sa supplémentation, qui doit être systématique.

Les laits de croissance aromatisés et sucrés sont-ils délétères ?

Beaucoup de laits de croissance sont aromatisés par de la vanilline et/ou sucrés afin de masquer leur goût métallique et permettre ainsi aux enfants de ne pas les rejeter, à un âge où leur répertoire gustatif se rapproche de celui des adultes. De nombreux pédiatres constatent que les enfants habitués à boire du lait de croissance ont du mal à accepter, ultérieurement, le goût des laits ordinaires. Aucune inquiétude, l’important est qu’ils continuent à consommer suffisamment de lait, et peu importe s’ils préfèrent l’aromatiser et le sucrer pour y parvenir. En revanche, contrairement à une idée largement répandue, le sucrage ne favorise ni l’appétence future pour la saveur sucrée ni l’obésité.
Toutefois, l’essor de la phobie du sucre, notamment pour les plus jeunes, a conduit les industriels à proposer des laits de croissance ni aromatisés ni sucrés. Les familles qui font ce choix courent cependant le risque que leur enfant refuse rapidement de consommer du lait de croissance, du fait de son goût désagréable. Une carence martiale pourrait alors s’installer, dont les conséquences seraient bien plus préoccupantes que les dangers hypothétiques de l’aromatisation et du sucrage.

Le coût des laits de croissance : un frein pour les familles défavorisées ?

Les laits de croissance sont plus onéreux que le lait de vache, mais la différence est faible. Leur surcoût quotidien s’élève à environ 20 centimes d’euro pour un biberon de 250 mL/j.1 Les prix du lait de croissance varient toutefois considérablement d’une enseigne à l’autre et beaucoup d’entre elles proposent régulièrement des promotions. Il est donc possible de se procurer du lait de croissance à un prix raisonnable, en étant perspicace.
Si ce coût plus élevé est régulièrement mis en exergue par les professionnels qui ne sont pas convaincus de l’intérêt des laits de croissance, les parents, même les plus défavorisés, ne s’en préoccupent que très rarement, si l’avantage pour l’enfant leur est bien expliqué. Ceci d’autant plus que le lait de croissance demeure le moyen le plus économique d’apporter du fer correctement assimilable. En effet, seuls les produits carnés contiennent du fer dont la biodisponibilité est également bonne, mais leur coût est proportionnellement bien plus élevé (tableau 2).

Recommandés par la société française de pédiatrie

Les données scientifiques, et aussi la pratique de terrain, soutiennent clairement l’intérêt des laits de croissance pour prévenir la carence martiale chez les enfants après l’âge de 1 an. Leur consommation est donc justifiée, comme le recommande la Société française de pédiatrie2, pour combattre la plus fréquente des maladies nutritionnelles de la planète.5 
Références
1. Tounian P, Javalet M, Sarrio F. Alimentation de l’enfant de 0 à 3 ans. Masson, coll. Pédiatrie au quotidien ; 3e édition, 2017.
2. Tounian P, Chouraqui JP. Fer et nutrition. Arch Pediatr 2017;24 (suppl 5):5S23-5S31.
3. Akkermans MD, Eussen SR, van der Horst-Graat JM, van Elburg RM, van Goudoever JB, Brus F. A micronutrient-fortified young-child formula improves the iron and vitamin D status of healthy young European children: a randomized, double-blind controlled trial. Am J Clin Nutr 2017;105:391-9.
4. Szymlek-Gay EA, Ferguson EL, Heath AL, Gray AR, Gibson RS. Food-based strategies improve iron status in toddlers: a randomized controlled trial12. Am J Clin Nutr 2009;90:1541-51.
5. Dupont C. Prévalence de la carence en fer. Arch Pediatr 2017;24(Suppl 5):5S45-48.

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