Le virus de l’hépatite A est considéré comme une des causes les plus fréquentes d’hépatite aiguë infectieuse dans le monde. Il circule dans le sang sous forme quasi enveloppée, enfermé dans des vésicules membranaires, mais est excrété dans les selles sous forme non enveloppée, particulièrement résistante dans le milieu extérieur : il est transmis par voie féco-orale par contact direct avec un sujet infecté, ou par ingestion d’aliments contaminés par des matières fécales ou un préparateur infecté. Les lésions hépatiques surviennent après 2 à 6 semaines d’incubation, elles sont concomitantes des répon- ses immunes et se résolvent spontanément en quelques semaines. La présentation clinique dépend de l’âge, le plus souvent asymptomatique avant cinq ans, elle est symptomatique dans 70-80 % des cas après l’adolescence. La mortalité, estimée à 0,1-0,3 % des cas symptomatiques avant 40 ans, atteint 1,8-5,4 % après 50 ans.1
Une part importante de la population n’est pas immunisée
La séroprévalence est étroitement associée aux indicateurs socio- économiques.Dans les pays les plus pauvres, le virus de l’hépatite A affecte essentiellement les jeunes enfants sans produire de symptômes, et la séroprévalence dépasse 50 % à l’âge de 5 ans. Avec l’amélioration des indicateurs économiques, des zones de transition épidémiologiques sont définies avec une séroprévalence qui atteint 50 % à l’âge de 20 ans : l’incidence des infections symptomatiques augmente, les épidémies sont fréquentes, parfois massives, et touchent le plus souvent les enfants.Dans les pays riches, une part très importante de la population n’est pas immunisée : en France, plus de 50 % des adultes sont toujours séronégatifs à l’âge de 50 ans, et des données similaires sont trouvées dans l’ensemble des pays industrialisés.2 Le risque épidémique y est réel, et la morbidité augmente car l’infection survient chez des sujets plus âgés. Le point de départ épidémique peut être alimentaire : la mondialisation rend possible l’introduction d’aliments contaminés produits en zone d’endémie et leur distribution à large échelle dans une population non immune. La transmission épidémique peut également être interhumaine après introduction du virus, le plus souvent à la suite d’un voyage, au sein de groupes à risque tels que les toxicomanes ou les homosexuels masculins. Chez ces derniers, des épidémies sont rapportées depuis les années 1980. Souvent difficiles à maîtriser, elles sont associées à des pratiques telles le sexe oro-anal ou digito-anal et impliquent une proportion importante de sujets infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), qui pourrait amplifier le risque de transmission en raison d’une excrétion fécale prolongée.3
28 000 décès en 2010
L’hépatite A reste une cause significative de morbidité et de mortalité dans le monde, avec 13,7 millions d’infections symptomatiques et 28 000 décès estimés en 2010.4 Il existe pourtant des vaccins efficaces et sûrs disponibles depuis les années 1990. Il s’agit de vaccins inactivés, seuls disponibles en France, ou de vaccins vivants atténués. Ils sont utilisables dès l’âge de 1 an, pour éviter l’interférence avec les anticorps maternels, avec un schéma à 2 doses séparées de 6 à 12 mois, pouvant aller à 4 ou 5 ans. En effet, chez le sujet sain, le taux de séroconversion est supérieur à 95 % 1 mois après la 1re dose et atteint 100 % après la 2e dose. Un titre protecteur supérieur à 20 mUI/mL est maintenu au-delà de 30 ans chez plus de 90 % des sujets, il n’y a donc pas de rappel proposé.5 En cas d’infection par le VIH ou de cirrhose décompensée, le pourcentage de séroconversion est globalement inférieur à 70 %, avec des durées de séroprotection raccourcies ; une surveillance du titre ou des rappels doivent être envisagés.
Qui vacciner ?
Les stratégies vaccinales découlent du rapport coût-efficacité et sont adaptées à l’épidémiologie loco-régionale.5 L’Organisation mondiale de la santé recommande la vaccination universelle des très jeunes enfants dans les zones de forte incidence. Dans les pays ou régions ayant adopté cette stratégie comme Israël ou l’ouest des États-Unis, une réduction spectaculaire de l’incidence de l’hépatite A, bénéficiant à toutes les classes d’âge, a été observée. Des stratégies à une seule dose ont également montré leur efficacité, comme en Argentine ou au Nicaragua. Dans la plupart des pays de faible endémie, la vaccination est ciblée sur des groupes à risques : à risque accru d’infection, à risque de développer des formes sévères ou à risque de transmettre l’infection (v. tableau ). En raison de la longue phase d’incubation, le vaccin est également efficace en prophylaxie post-exposition : il doit être administré dans les 14 jours à compter du début des signes du cas index aux personnes vivant sous le même toit, ou à l’ensemble des sujets non immuns d’une communauté à risque pour juguler une situation épidémique. Quand des sujets séropositifs pour le VIH sont concernés, le délai entre les deux doses vaccinales peut être raccourci à 2 ou 3 mois pour augmenter plus rapidement le pourcentage de séroconversion.En 2015-2017, une épidémie d’une ampleur sans précédent a touché la population des homosexuels masculins de Taïwan, puis celles de nombreux pays européens, dont la France, avec une même souche virale montrant le rôle des voyages internationaux et de la diffusion au sein du réseau homosexuel. Les outils d’épidémiologie moléculaire sont fiables et permettent de déterminer les sources d’infection et de tracer les routes de transmission. En revanche, cette épidémie a révélé plusieurs défaillances : la méconnaissance d’une partie des médecins de l’épidémiologie du virus de l’hépatite A et des recommandations vaccinales ; l’absence de données de séroprévalence et de taux de couverture vaccinale de cette population, qui s’est avéré en tout état de cause insuffisant ; et la difficulté pour les pouvoirs publics à mettre en place une information et une vaccination de masse ciblées, dans un contexte de pénurie vaccinale, dont les causes peuvent être multiples, comme rappelé sur le site* de l’Ordre des pharmaciens. La production de nos vaccins est essentiellement européenne mais soumise à une complexification des traitements administratifs pré- et post-autorisation de mise sur le marché propres à chaque pays et au durcis- sement des inspections, garants de la qualité du médicament. En cas d’incident sur un site de production, comme ce fut le cas en 2015 dans l’usine GSK de Rixensart en Belgique où est produit Havrix, l’impact est alors majeur sur l’approvisionnement. À la durée de production habituellement longue (6 à 24 mois) s’ajoute le temps de requali- fication du site par les autorités sanitaires. L’Agence nationale de sécurité du médicament coordonne la gestion de ces tensions d’approvisionnement avec, pour le vaccin contre l’hépatite A, la mise en place de mesures de contingentement, la réduction du schéma vaccinal à une seule dose et l’importation de spécialités alternatives aux vaccins habituellement distribués. En l’absence de stock ou avec un stock limité, l’accroissement de la demande en réponse à la situation épidémique a été problématique. Par ailleurs, il n’existe pas encore d’outil sérologique standardisé pour distinguer immunité naturelle et vaccinale. Cet outil offrirait une image séro-épidémiologique plus précise qui, associée à une meilleure sensibilisation des soignants et à un approvisionnement vaccinal sans failles, contribuerait à maîtriser le risque épidémique.
* www.ordre.pharmacien.fr ou http://bit.ly/2BtCd5Q
Références
1. Lemon SM, Ott JJ, Van Damme P, Shouval D. Type A viral hepatitis: A summary and update on the molecular virology, epidemiology, pathogenesis and prevention. J Hepatol 2017. [Epub ahead of print]
2. Carrillo-Santisteve P, Tavoschi L, Severi E, et al. Seroprevalence and susceptibility to hepatitis A in the European Union and European Economic Area: a systematic review. Lancet Infect Dis 2017;17:e306-e19.
3. Lin KY, Chen GJ, Lee YL, et al. Hepatitis A virus infection and hepatitis A vaccination in human immunodeficiency virus-positive patients: A review. World J Gastroenterol 2017;23:3589-606.
4. Havelaar AH, Kirk MD, Torgerson PR, et al. World Health Organization Global estimates and regional comparisons of the burden of foodborne disease in 2010. PLoS Med 2015;12:e1001923.
5. WHO position paper on hepatitis A vaccines - June 2012. Wkly Epidemiol Rec 2012;87:261-76
2. Carrillo-Santisteve P, Tavoschi L, Severi E, et al. Seroprevalence and susceptibility to hepatitis A in the European Union and European Economic Area: a systematic review. Lancet Infect Dis 2017;17:e306-e19.
3. Lin KY, Chen GJ, Lee YL, et al. Hepatitis A virus infection and hepatitis A vaccination in human immunodeficiency virus-positive patients: A review. World J Gastroenterol 2017;23:3589-606.
4. Havelaar AH, Kirk MD, Torgerson PR, et al. World Health Organization Global estimates and regional comparisons of the burden of foodborne disease in 2010. PLoS Med 2015;12:e1001923.
5. WHO position paper on hepatitis A vaccines - June 2012. Wkly Epidemiol Rec 2012;87:261-76