À retenir
Le développement de l’intelligence artificielle est enjeu cardinal pour l’avenir de notre système de santé.
Une réglementation excessive de l’IA en santé se révélerait non éthique ; elle encouragerait, en pratique, le recours à des solutions de médecine algorithmique conçues hors de l’Union européenne qui échapperaient à notre régulation éthique.
Ce risque de « fuite » de notre système de santé induit aussi un danger de délitement du pacte de solidarité fondant notre assurance maladie ; si l’innovation en IA est bloquée en France, seules les personnes ayant les revenus les plus élevés auront accès à l’innovation en médecine algorithmique élaborée hors d’Europe.
Une initiative au plus haut niveau national et européen doit être prise dans les meilleurs délais pour encourager l’élaboration de recommandations de soft law permettant de guider un développement éthique et efficace médicalement de l’IA. Les « 5 clés de régulation de l’IA et de la robotisation en santé » et le prototype de norme de bonne application de l’IA aux données génomiques développé avec l’institut Imagine constituent des exemples en ce sens.
Avec l’élargissement du devoir d’information du médecin, le principe de garantie humaine de l’IA est la seule norme à inscrire au niveau législatif. Il ne faut sans doute pas aller plus avant dans sa définition : trop préciser reviendrait à bloquer l’innovation. La soft law permettra de guider la mise en œuvre pratique de ce principe.
Le développement opérationnel de l’IA doit pouvoir être centré sur les champs de compétitivité réels de la France au niveau international. Ces domaines se concentrent sur l’IA de pointe sur des spécialités bien identifiées. Trois domaines d’actions prioritaires devraient être identifiés dans les prochains mois pour éviter la dispersion des moyens.
Dans ces priorités, la technique d’entraînement d’algorithmes par reconnaissance d’image est la voie la plus immédiatement opérationnelle. Les potentialités ouvertes en radiologie, en ophtalmologie, en oncologie ou en dermatologie sont majeures. La création annoncée d’un Health Data Hub est une perspective très positive pour avancer en ce sens en constituant une infrastructure technologique appropriée permettant notamment les croisements sécurisés entre bases de données médico-administratives et entrepôts de données cliniques.
Le projet de création d’un écosystème d’IA en radiologie est une initiative très forte à encourager. Cette mise en mouvement d’acteurs d’un champ professionnel pour porter une dynamique française en IA est un exemple à suivre et à amplifier.
L’accompagnement à la transformation des professions de la santé doit être un enjeu prioritaire. L’adaptation des formations médicales (initiale et continue) doit pouvoir être mise en œuvre dès 2019. L’engagement, à l’initiative de la Conférence des doyens et du GIP UNESS,* de la création dès 2019 d’un module de sensibilisation à l’IA de tous les étudiants en médecine, est une avancée essentielle. De même, l’inscription dès l’année prochaine de l’IA comme orientation prioritaire du développement professionnel continu est une étape majeure. Une véritable stratégie d’ensemble pour l’accompagnement du changement associé à l’IA pour les métiers du champ sanitaire et médico-social doit pouvoir être élaborée dans les meilleurs délais. L’idée d’une responsabilité sociétale des entreprises digitales est également un levier utile.
Les gains d’efficience susceptible d’être générés sur les fonctions supports grâce au déploiement de l’IA doivent faire l’objet d’une stratégie de mobilisation et d’accompagnement. Ces marges de manœuvre permettront de mieux soutenir une dynamique de financement de l’innovation au sein de notre système de santé.