Le rendez-vous de liaison, créé par la loi santé au travail d’août 2021, consiste en une rencontre sans échange d’information médicale entre l’employeur et le salarié absent depuis au moins trente jours. Il associe le service de prévention et de santé au travail (SPST) et est mené durant la suspension de contrat de travail que constitue l’arrêt maladie. Il s’inscrit dans une stratégie globale de maintien en emploi et fait partie de l’arsenal des outils mobilisables pour prévenir la désinsertion professionnelle.
Le rendez-vous de liaison est une nouveauté introduite par la loi santé au travail d’août 2021.1 C’est une rencontre sans échange d’information médicale entre l’employeur et son salarié absent, associant le service de prévention et de santé au travail (SPST), durant la suspension du contrat de travail que constitue l’arrêt maladie.
Plus l’arrêt se prolonge, plus le risque est grand que les choses aient beaucoup changé en l’absence du salarié : nouvelle organisation du travail, nouveaux encadrants, nouvelles procédures, nouveaux collègues… La question du maintien du lien avec le salarié pendant un long arrêt maladie est souvent délicate pour l’entreprise. Entre nécessité d’organiser le travail et respect du collaborateur qui fait face à la maladie, il est parfois difficile pour l’employeur de choisir la meilleure façon de communiquer. Trop souvent, l’employeur hésite à prendre des nouvelles de son collaborateur, craignant (comme cela a pu être parfois le cas) que cet appel soit interprété comme une tentative d’évaluer son état de santé ou de connaître la date de son retour. De son côté, le salarié peut traduire le silence de son employeur comme un manque d’intérêt à son égard et très mal le vivre. Pourtant, garder des liens (bienveillants) avec son entreprise et anticiper le retour au travail sont des éléments cruciaux du maintien en emploi (MEE). C’est pour tenter de pallier ces difficultés que le législateur a encadré la possibilité d’un rendez-vous de liaison qui soit propice à une bonne préparation du retour au travail tout en préservant les intérêts du salarié.

Une volonté forte de prévenir la désinsertion professionnelle

Pour renforcer la prévention en santé au travail, la loi du 2 août 2021 a créé un nouveau « rendez-vous de liaison », pour les salariés en arrêt de travail de plus de trente jours. Il s’inscrit dans un ensemble de mesures visant à lutter contre la désinsertion professionnelle. En effet, la loi comprend un titre entier sur quatre dédié à «mieux accompagner certains publics, notamment vulnérables ou en situation de handicap, et lutter contre la désinsertion professionnelle ». À ce titre, la question de la désinsertion professionnelle et de sa prévention apparaît dans 14 occurrences de la loi et le terme de « maintien dans l’emploi » 6 fois. Outre le rendez-vous de liaison et parmi les mesures phares de MEE, citons par exemple l’accès au dossier médical partagé (DMP) par le médecin du travail après accord express du salarié, la visite médicale de mi-carrière qui doit désormais être organisée pour tous les salariés dans l’année civile de leurs 45 ans, ou encore la création d’une cellule dédiée à la prévention de la désinsertion professionnelle dans chaque SPST interentreprises. Par ailleurs, à compter de 2024, des informations réciproques entre les SPST et l’Assurance maladie seront transmises concernant les arrêts maladie d’assurés à risque de désinsertion, les actions menées de MEE, le poste et les conditions de travail. Ces dispositions montrent la considération que le législateur accorde à la question du MEE, devenue un enjeu de santé publique.
Le cadre du rendez-vous de liaison est ainsi posé par le nouvel article L1226-1-3 du code du travail,2 créé par la loi du 2 août 2021 entré en vigueur le 31 mars 2022. L’article D1226-8-1 du code du travail précise que cela concerne tous les arrêts d’au moins trente jours ; la durée d’arrêt de travail de plus de trente jours peut être continue ou discontinue. Cette mesure concerne tous les types d’arrêts de travail pour maladie, que celle-ci soit d’origine professionnelle ou non.

Outils pour faciliter la reprise du travail

Il est démontré que plus les arrêts de travail durent, plus la reprise est difficile pour le salarié.3, 4 L’idée est de faciliter cette reprise en déployant, dès que possible, tous les outils aidant au MEE pour anticiper et prévenir le risque de désinsertion professionnelle. Le rendez-vous de liaison a également pour objectif de maintenir le lien entre le salarié et l’employeur. L’absence de contact entre l’entreprise et le salarié en arrêt, de même que l’absence d’anticipation de la reprise de travail sont en effet des facteurs pronostiques défavorables pour une reprise du travail réussie.3 Il est important d’insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une visite médicale. Cet échange est l’occasion d’aborder différents sujets entre l’employeur et le salarié, mettant à part tout élément médical. Pendant cette rencontre, le salarié doit être informé du fait qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP), d’une visite de préreprise et de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail proposées par le médecin du travail.
La visite de préreprise est, quant à elle, une visite organisée avec un médecin ou un infirmier du travail pour préparer le retour en poste (à partir de trente jours d’arrêt désormais).
La visite de reprise a lieu dans les huit jours qui suivent le retour au travail. En cas d’arrêt pour maladie non professionnelle, elle n’est désormais plus obligatoire en deçà de soixante jours d’arrêt maladie, ce qui conforte l’importance de bien préparer le retour en amont de la reprise effective du travail (sachant qu’en cas d’arrêt pour accident de travail, la visite de reprise reste obligatoire après trente jours d’arrêt).
Parmi les actions de PDP faisant l’objet d’une information lors du rendez-vous de liaison, deux sont notamment prévues dans l’article L323-3-1 du code de la Sécurité sociale :
– l’essai encadré permettant au bénéficiaire de tester, pendant l’arrêt de travail, au sein de son entreprise ou d’une autre entreprise, la compatibilité d’un poste de travail avec son état de santé tout en bénéficiant de ses indemnités journalières (article D323-6 du code de la Sécurité sociale) ;
– la convention de rééducation professionnelle ayant pour objectif de se réhabituer à son poste d’origine ou d’apprendre un nouveau métier grâce à des formations dans le cadre d’une convention conclue entre l’employeur et l’Assurance maladie avec maintien de la rémunération antérieure du salarié (dont une partie est prise en charge par l’Assurance maladie).

Obligation pour l’employeur d’informer le salarié

L’employeur est obligé d’informer le salarié par tout moyen de la possibilité de bénéficier d’un rendez-vous de liaison. Il lui rappelle l’objectif de ce rendez-vous et précise bien qu’il ne s’agit pas d’une obligation mais bien d’une opportunité. Les modalités de cette information ne sont pas précisées par la loi, mais elles doivent permettre à l’employeur d’en garder la trace en cas de litige ultérieur.

Place des services de prévention et de santé au travail

La loi prévoit que le rendez-vous de liaison se fasse en association avec le service de prévention et de santé au travail. Le mot « associé » n’a pas été choisi par hasard : cela ne veut pas dire que le SPST y est systématiquement et physiquement présent, ni que seul le médecin peut y être, ou que cela doit être en temps réel… L’idée est d’avoir une coordination d’acteurs dans une logique de reprise du travail, mais sans volet médical à ce stade (il viendra plus tard lors des visites de préreprise et de reprise). Le SPST peut y être associé en amont, en aval, pendant… Tout membre de l’équipe pluridisciplinaire, notamment un membre de la cellule de PDP, peut y participer.
Le SPST doit ainsi être prévenu huit jours avant la date du rendez-vous, et un de ses membres peut y participer – en présentiel ou à distance (concrètement, cela signifie qu’il faut que l’employeur respecte un délai de huit jours avant la réunion afin d’informer le SPST de la tenue de celle-ci même si ce délai n’est qu’indicatif en l’absence de toute disposition légale le confirmant).
Si le SPST peut assister au rendez-­vous lorsque la situation du salarié le nécessite, sa présence n’est cependant pas obligatoire. L’implication du service peut également prendre la forme de la préparation de documents informatifs (prospectus, par exemple) sur le rôle de la cellule de PDP, sur les visites de préreprise et, plus largement, sur les outils à disposition du salarié en faveur du maintien en emploi.

Libre arbitre du salarié

Si l’employeur a l’obligation d’informer le salarié de l’existence de ce rendez-vous, en revanche, le salarié a le droit de refuser son organisation. En regard, il peut aussi solliciter lui-même un rendez-vous. Le refus du salarié de se rendre à ce rendez-vous de liaison ne constitue pas une faute et ne peut faire l’objet d’une sanction. Il existe certaines circonstances qui pourraient en effet inciter le salarié à ne pas répondre à cette invitation : par exemple lorsque les relations avec son employeur sont très conflictuelles.

Organisation, déroulement et issue du rendez-vous de liaison

Le ministère du Travail précise que la durée d’arrêt de travail de trente jours au-delà de laquelle ce rendez-vous doit être proposé est continue ou discontinue. Mais, comme la période d’appréciation n’est pas précisée et au regard de l’objectif de ce rendez-vous, on imagine très bien qu’il ne sera diligenté que si les périodes d’arrêt discontinues n’ont pas été entrecoupées de périodes longues de reprise.
Le rendez-vous de liaison est organisé à l’initiative du salarié ou de l’employeur.
Lorsque le salarié sollicite ou accepte le rendez-vous de liaison, l’employeur dispose d’au minimum huit jours et d’au maximum quinze jours pour l’organiser.
Les personnels des SPST chargés de la prévention des risques professionnels ou du suivi individuel de l’état de santé participent si besoin au rendez-vous de liaison. Le référent handicap, obligatoire dans les entreprises de plus de 250 salariés, peut également assister à ce rendez-vous de liaison, sous réserve de l’accord du salarié.
Enfin, ce rendez-vous peut s’effectuer en distanciel ou en présentiel.

Rôle du médecin traitant dans le processus de reprise du travail

Un arrêt maladie qui se prolonge nécessite un véritable processus de suivi professionnel pendant la période d’arrêt maladie.5 Le médecin traitant a toute sa place dans ce processus et notamment dans l’information qu’il peut délivrer au patient sur la possibilité de bénéficier, dès trente jours d’arrêt de travail, d’un rendez-vous de liaison avec son employeur et/ou d’une visite de préreprise avec un professionnel de santé au travail (figure).
Son rôle est évidemment plus large dans ce processus : il est un acteur incontournable du maintien en emploi, en coordination avec les autres intervenants, comme le souligne la recommandation de bonne pratique publiée par la Haute Autorité de santé en 2019.3

Maintenir le lien employeur-salarié pendant un arrêt de travail prolongé

La possibilité inscrite dans la loi d’un rendez-vous de liaison entre l’employeur et le salarié met fin à quelque chose de très important : la réticence qu’avaient les employeurs à maintenir un lien avec leur salarié durant la suspension du contrat de travail. Ce contact maintenu pendant un arrêt de travail prolongé, à condition que le salarié l’accepte, ainsi que la mobilisation précoce des outils de maintien en emploi, sont des facteurs reconnus de prévention de la désinsertion professionnelle.6
Il faut néanmoins être vigilant dans l’évaluation de ce nouveau dispositif sur les éventuels effets pervers redoutés par certains : une pression informelle de la part de l’employeur pour obtenir des informations sensibles sur la santé du salarié mais aussi une pression quant à l’échéance de la reprise du travail.
Références
1. Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, Journal officiel n° 0178 du 3 août 2021. https://vu.fr/ChKS
2. Article L1226-1-3 du code du travail. Version en vigueur depuis le 31 mars 2022. https://vu.fr/wTov
3. Santé et maintien en emploi : prévention de la désinsertion professionnelle des travailleurs. Recommandation de bonne pratique. Haute Autorité de santé. Mis en ligne le 15 février 2019. https://vu.fr/BfZz
4. Hoefsmit N, Houkes I, Nijhuis FJ. Intervention characteristics that facilitate return to work after sickness absence: A systematic literature review. J Occup Rehabil 2012;22(4):462-77.
5. Lacoste-Mary V. Des mains inutiles aux mains d’or : pour une refonte de la procédure de l’inaptitude sur le poste de travail. Revue de droit sanitaire et social 2020, p. 1188.
6. Dujin A. Le maintien dans l’emploi des salariés ayant connu la longue maladie. Quelle place dans les stratégies des grandes entreprises en France et en Allemagne ? Pratiques et Organisation des Soins 2011;1(42):19-26.

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Résumé

Les arrêts de travail prolongés peuvent s’accompagner d’un risque de perte d’emploi. Dans la stratégie globale de maintien en emploi, l’importance d’un plan de retour au travail concerté entre le travailleur, le médecin du travail, l’employeur et le médecin traitant a été soulignée dans les recommandations de la Haute Autorité de santé sur le maintien en emploi. Dans l’arsenal des outils mobilisables pour prévenir la désinsertion professionnelle, le législateur a ajouté la possibilité d’un rendez-vous de liaison, rendez-vous non médical, entouré de garanties pour éviter tout abus, entre l’employeur et le salarié, afin, d’une part, d’informer précocement ce dernier des outils de maintien en emploi et, d’autre part, de garder un lien avec son entreprise.