La borréliose de Lyme est la principale zoonose vectorielle en France : on compte de 25 000 à 70 000 cas par an. En raison des difficultés diagnostiques, des tableaux clinques hétérogènes et de sa médiatisation, certaines fausses idées se sont répandues, notamment sur sa biologie, sa transmission et sa prise en charge. Démêlons le vrai du faux.

Due à une bactérie spirochète du genre Borrelia burgdorferi, la borréliose de Lyme est transmise par une tique dure Ixodes ricinus  (fig. 1) et les principaux réservoirs sont les petits rongeurs et les cervidés. L’homme est un hôte accidentel se contaminant lors d’une exposition aux piqûres de tiques dans les milieux boisés, végétalisés et humides (forêts, prairies, jardins).1

Son incidence oscille entre 41 et 104 cas pour 100 000 habitants en France. On constate une augmentation constante depuis 20112 probablement du fait d’une meilleure sensibilisation des médecins à son diagnostic et du réchauffement climatique augmentant la période annuelle d’exposition aux tiques. Il existe des disparités régionales avec des taux d’incidence plus élevés dans l’est et le centre du territoire métropolitain (fig. 2). Depuis janvier 2009, une surveillance continue a été mise en place par Santé publique France. L’INRAE a aussi mis en ligne un programme de recherche participative baptisé CiTIQUE-Tracker.

L’exposition aux piqûres de tiques est un élément capital pour poser le diagnostic. Certains tableaux cliniques sont évocateurs, avec une évolution en trois phases :

  • la phase localisée précoce, ou érythème migrant (EM, fig. 3), apparaissant dans les 3 à 30 jours suivant la piqûre de tique ;
  • la phase disséminée précoce, dans les 6 premiers mois, avec comme signes principaux les arthrites, le lymphocytome cutané bénin (fig. 4) et les méningo-radiculites dont la paralysie faciale  ;
  • puis la phase disséminée tardive au-delà de 6 mois, avec des atteintes beaucoup plus rares comme l'acrodermatite chronique atrophiante (ACA, fig. 5), les arthrites et l’encéphalomyélite chronique progressive.

Cette maladie ayant eu un fort écho médiatique, certaines idées reçues restent à combattre. Faisons le point.

« Les tiques tombent des arbres »

FAUX.

Les tiques vivent à moins d’un mètre du sol, dans un milieu tempéré et humide.

« Les tiques mangent une fois par an »

VRAI.

Une tique fait un repas sanguin lors de chaque changement de stade, environ une fois par an. Ainsi, une tique repue ne repiquera pas tout de suite.

« La meilleure façon d’extraire la tique, c’est de l’étouffer avec des produits chimiques »

FAUX.

L’utilisation de substances chimiques est à proscrire car elle favorise la régurgitation et la transmission de pathogènes. 

L’extraction mécanique au tire-tique est recommandée, avec un mouvement de rotation, suivie d’une désinfection locale.

« Si l’on se fait piquer par une tique, le risque de développer une maladie est important »

FAUX.

La probabilité de transmission d’une maladie après une piqûre de tique est proportionnelle à la durée d’attachement, notable après 24 heures. Néanmoins, cette probabilité reste faible : inférieur à 5 %, même dans des zones hyperendémiques ou lors d’un attachement prolongé.3 C’est pour cela qu’une antibioprophylaxie post-piqûre de tique n’est pas recommandée en France quelle que soit la durée d’attachement, le nombre de piqûres ou les comorbidités, et ce d’autant que le risque de développer tout de même une borréliose de Lyme après une antibioprophylaxie n’est pas nul non plus. 

Inspecter régulièrement l’apparition d’un érythème migrant et consulter au moindre signe clinique (radiculalgie hyperalgique, paralysie faciale…) sont donc des réflexes importants afin de traiter le plus précocement possible et obtenir ainsi une guérison plus rapide.

« L’érythème migrant est inconstant »

VRAI.

L’EM est pathognomonique de la BL (fig. 3), mais il survient dans 30 à 77 % des cas, dans les 3 à 30 jours, au site de la piqûre de tique initiale. C’est une macule érythémateuse, annulaire d’évolution centrifuge mesurant jusqu’à 30 cm de diamètre, indolore, unique, et disparaissant spontanément en 6 semaines en l’absence de traitement. Rebman et al. décrivent un prurit dans 50 % des cas, une sensibilité cutanée dans 30 %, ou des vésicules dans 9 %.4 Parfois, les EM sont multiples, à distance du point de piqûre, correspondant à une dissémination hématogène (phase disséminée précoce). Attention : un érythème apparaissant immédiatement après une piqûre de tique, sans intervalle libre de quelques jours, correspond à une inflammation locale post-piqûre et non à un EM, et ne nécessite donc pas d’antibiothérapie.

« La sérologie n’est pas fiable avant 6 semaines »

VRAI.

La séroconversion IgG se fait en 6 semaines environ : il y a donc un risque de faux négatif avant 6 semaines. Le diagnostic de l’EM est donc uniquement clinique.

La sérologie gagne en sensibilité au cours du temps, pour atteindre plus de 90 % à partir de 6 à 8 semaines d’évolution. Ainsi, une sérologie de Lyme négative au stade tardif (évolution des symptômes supérieure à 6 mois) doit faire remettre en cause l’hypothèse de BL.

Attention : après un traitement efficace, des taux élevés d’anticorps peuvent perdurer plusieurs années après la guérison ; ils ne doivent pas conduire à reprendre le traitement.

« La borréliose de Lyme est une maladie à déclaration obligatoire »

FAUX.

Cette maladie ne répond pas aux critères de la déclaration obligatoire car c’est une maladie sans contamination interhumaine, avec une définition trop ou pas assez stricte, et sans menace de santé publique imminente et grave.

« Parmi les consultations pour suspicion de BL, seules 10 à 15 % sont réellement des BL »

VRAI.

Les diagnostics différentiels ou associés sont donc à considérer surtout en l’absence de manifestations cliniques typiques et/ou en cas de sérologie négative : maladies rhumatologiques inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathie, SAPHO, etc.), auto-immunes (syndrome de Gougerot-Sjögren, lupus disséminé, sclérodermie etc.), neurodégénératives (sclérose latérale amyotrophique, sclérose en plaques, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, etc.), syndrome d’apnées obstructives du sommeil, syndromes post-infectieux (post-Covid, post-virus d’Epstein-Barr, douleurs post-zostériennes, etc.) et autres syndromes fonctionnels (fibromyalgie, syndrome du côlon irritable, fatigue chronique, etc.).

« La borréliose de Lyme se transmet de la mère à l’enfant »

FAUX.

S’il existe une transmission avérée des anticorps anti-Borrelia de la mère à l’enfant, il n’existe pas à ce jour de cas décrits de BL néonatale. Néanmoins, il existe un unique cas de mort fœtale in uteroBorrelia aurait été retrouvée en post-mortem dans les tissus fœtaux. Aucun risque malformatif n’a été mis en évidence. En revanche, une femme enceinte atteinte de BL sera plus à risque de fausses couches spontanées, justifiant donc un traitement antibiotique sans attendre.

« La borréliose de Lyme est une maladie sexuellement transmissible »

FAUX.

À ce jour, la transmission sexuelle n’est pas démontrée.

« On ne guérit jamais complètement de la borréliose de Lyme »

FAUX.

Après une antibiothérapie avec la bonne molécule, à la bonne dose et la bonne durée (encadré ci-dessous), l’évolution est favorable, même si la guérison complète peut prendre plusieurs mois, voire années concernant les neuroborrélioses. Une borréliose qui n’évolue pas favorablement doit faire rechercher un diagnostic différentiel associé. En cas de doute, le patient doit être adressé à un centre de référence.

« Borrelia peut s’enkyster et devenir insensible aux antibiotiques »

FAUX.

Borrelia, comme toutes les bactéries, ne peut pas s’enkyster. Ce qui est pris pour des kystes sont en fait des formes déficientes, arrondies, qui n’ont été produites qu’in vitro dans des conditions extrêmes. Ces formes n’ont jamais été mises en évidence chez l’homme ou chez des animaux infectés naturellement.

« Borrelia en phase de croissance stationnaire est moins sensible aux antibiotiques »

VRAI.

C’est en partie pour cela que les doses antibiotiques recommandées sont élevées. Le respect des posologies est primordial car elles permettent de détruire Borrelia dans ces conditions. L’adaptation des posologies au poids du patient permet d’éviter un éventuel sous-dosage (encadré).

« Les symptômes persistants post-Lyme sont dus à la persistance de Borrelia »

FAUX.

À ce jour, aucune étude n’a démontré la persistance de Borrelia sous une forme vivante et capable de se multiplier dans les tissus après une antibiothérapie telle que préconisée dans les recommandations. 

La physiopathologie de ces symptômes persistants est encore mal connue : dysrégulation des réponses inflammatoires, processus auto-immuns, neuro-inflammation cérébrale chronique. La prise en charge globale de ces symptômes persistants requiert le recours à une équipe pluridisciplinaire en centres de référence des maladies vectorielles à tiques (liste sur https ://crmvt.fr/). 

Encadre

Antibiothérapie : pas plus de quatre semaines !

Il est primordial de proposer une antibiothérapie uniquement quand on dispose de réels arguments pour le diagnostic de BL.

La molécule et la durée de l’antibiothérapie varient selon les formes.

Dans les formes précoces, le traitement repose sur deux semaines d’antibiothérapie orale, alors que dans les formes tardives, le traitement est prolongé à 3, voire 4 semaines (tableau).

La doxycycline est privilégiée en première intention en l’absence de contre-indication. Elle présente par ailleurs l’intérêt d’être active sur d’autres maladies à tiques.

Pour les NBL, la doxycycline per os est aussi efficace que la ceftriaxone dont les effets indésirables, en lien avec son administration parentérale et son large spectre, doivent faire peser la balance bénéfice-risque avant toute utilisation. Seule l’atteinte du système nerveux central fait discuter l’utilisation de la ceftriaxone en intraveineuse, ou le doublement de posologie de la doxycycline afin d’obtenir une concentration suffisante dans les tissus lésés, en tenant compte de la barrière hémato-encéphalique.

En cas de poids supérieur à 70 kg, les doses doivent être adaptées en mg/kg afin d’éviter un sous-dosage potentiel.

Au-delà de 4 semaines de traitement, il n’y a pas d’argument pour continuer l’antibiothérapie quel que soit le résultat clinique, sauf dans les formes articulaires. Comme de rares échecs microbiologiques ont été identifiés (persistance de Borrelia dans le tissu synovial après une antibiothérapie adaptée), une seconde cure est recommandée en l’absence de guérison, avec l’antibiotique non utilisé précédemment (ceftriaxone ou doxycycline selon le schéma initial). Après cette seconde cure, les études suggèrent une éradication de la bactérie, se traduisant par une évolution clinique parfois longue mais favorable.

D’après
Raffetin A, Hansmann Y, Sauvat L, et al. Borréliose de Lyme.  Rev Prat 2023;73(2);187-96.
Anses. Mieux connaître et combattre les agents pathogènes transmis par les tiques.  28 février 2024.
Références : 
1. Santé publique France. Surveillance du vecteur de la borréliose de Lyme, Ixodes ricinus, en Alsace de 2013 à 2016. 6 septembre 2019.
2. Santé publique France. Borréliose de Lyme : données épidémiologiques 2020. 4 novembre 2021.
3. Nadelman RB, Nowakowski J, Fish D, et al. Prophylaxis with single-dose doxycycline for the prevention of Lyme disease after an Ixodes scapularis tick bite.  N Engl J Med 2001;345(2):79-84.
4. Rebman AW, Yang T, Mihm EA, et al. The presenting characteristics of erythema migrans vary by age, sex, duration, and body location.  Infection 2021;49(4):685-92.

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