Quatre siècles d’histoire de la médecine du travail
La médecine du travail est une discipline récente mais héritière d’un long passé ponctué d’hommes illustres, d’initiatives novatrices et de conflits sociaux.
Héritage du XVIIe siècle
Parmi les médecins ayant suspecté des origines professionnelles à certaines affections, on peut citer le médecin provençal Arnaud de Villeneuve (XIIIe siècle) ou Jean Fernel, médecin de Henri II, mais c’est indiscutablement Bernardino Ramazzini (1633-1714), professeur de médecine à Padoue, qui fut le grand précurseur de la notion de « pathologie professionnelle ». Il a apporté une description des maladies des artisans et proposé d’améliorer les conditions de travail en se déplaçant sur les lieux professionnels. Son ouvrage De morbis artificum diatriba a été publié à Padoue en 1700, puis traduit en français, commenté et enrichi par Antoine François Fourcroy en 1777. En revanche, l’enseignement de la médecine du travail est resté, en France comme dans d’autres pays, discret jusqu’au début du XXe siècle.
Premier institut de médecine du travail à Lyon en 1930
À Paris, en 1920, le Pr Léon Bernard a créé un cours supérieur d’hygiène en prenant possession de la chaire d’hygiène ; il a réservé, dans cet enseignement, une place à la pathologie professionnelle et à l’hygiène industrielle. En 1925, l’institut de médecine sociale est fondé à Lille, associant médecine légale et médecine du travail. Le premier institut de médecine du travail est apparu à Lyon en 1930. Les médecins qui suivaient ces enseignements étaient des médecins de compagnies d’assurances, des « médecins hygiénistes » des houillères ou des « médecins d’usines », en nombre limité il est vrai, et parfois plus avec un objectif de préservation de la ressource en main-d’œuvre que de prévention des risques professionnels.
Dans le même temps, la formation continue des médecins sur la prise en charge des affections professionnelles connaissait un frémissement et, en août 1937, à Berlin, une des séances du « congrès pour le perfectionnement médical » a été pour la première fois consacrée à la « médecine industrielle ».
Dans le même temps, la formation continue des médecins sur la prise en charge des affections professionnelles connaissait un frémissement et, en août 1937, à Berlin, une des séances du « congrès pour le perfectionnement médical » a été pour la première fois consacrée à la « médecine industrielle ».
Naissance du médecin du travail en 1946
Ainsi, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la médecine du travail était née, enseignée, parfois promue, mais non encore obligatoire.
Elle le deviendra à la Libération par la loi Croizat du 11 octobre 1946 relative à l’organisation des services médicaux du travail : « ces services seront assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de médecin du travail et dont le rôle exclusivement préventif consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d’hygiène du travail, les risques de contagion et l’état de santé des travailleurs ».
La dénomination des services médicaux du travail a par la suite évolué pour devenir « services de santé au travail » en 2002, puis « services de prévention et de santé au travail » (SPST) en 2021.
Elle le deviendra à la Libération par la loi Croizat du 11 octobre 1946 relative à l’organisation des services médicaux du travail : « ces services seront assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de médecin du travail et dont le rôle exclusivement préventif consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d’hygiène du travail, les risques de contagion et l’état de santé des travailleurs ».
La dénomination des services médicaux du travail a par la suite évolué pour devenir « services de santé au travail » en 2002, puis « services de prévention et de santé au travail » (SPST) en 2021.
Évolution des missions et des intervenants
Cette évolution des termes, induite par des réformes successives, reflète l’évolution des missions mais également des acteurs.
D’une approche exclusivement médicale à ses débuts, fondée sur la surveillance de l’état de santé, et avec l’objectif unique de prévenir l’altération de la santé du fait du travail, la santé au travail a vu ses missions s’élargir peu à peu. Les SPST ont toujours pour mission principale, et non plus exclusive, d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail.
D’une approche exclusivement médicale à ses débuts, fondée sur la surveillance de l’état de santé, et avec l’objectif unique de prévenir l’altération de la santé du fait du travail, la santé au travail a vu ses missions s’élargir peu à peu. Les SPST ont toujours pour mission principale, et non plus exclusive, d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail.
Préservation de la santé des travailleurs
Les SPST conduisent les actions de santé au travail dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ; ils apportent leur aide à l’entreprise, de manière pluridisciplinaire, pour l’évaluation et la prévention des risques professionnels ; ils conseillent les employeurs et les travailleurs sur la prévention des risques professionnels, la qualité de vie au travail, la prévention des addictions ou le harcèlement sexuel ou moral…
Les objectifs principaux sont ainsi de prévenir les risques professionnels et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien en emploi des travailleurs.
Les objectifs principaux sont ainsi de prévenir les risques professionnels et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien en emploi des travailleurs.
Objectifs de santé publique pour le maintien en emploi
Par ailleurs, les SPST doivent contribuer à la réalisation d’objectifs de santé publique afin de préserver, au cours de la vie professionnelle, un état de santé du travailleur compatible avec son maintien en emploi (actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, dont des campagnes de vaccination et de dépistage, actions de sensibilisation aux bénéfices de la pratique sportive…).
Place de l’infirmier de santé au travail
La surveillance de l’état de santé des salariés n’est ainsi qu’une partie des missions des SPST. Ce suivi de santé peut être délégué en tout ou partie par le médecin du travail à un infirmier diplômé d’État de santé au travail (IDEST), sous réserve qu’il ait bénéficié d’une formation adéquate. Les salariés non exposés à des risques particuliers peuvent être suivis exclusivement par des IDEST, à la condition que ces derniers puissent recourir à l’avis du médecin du travail en cas de nécessité.
Si des préconisations doivent être faites à l’employeur pour adapter un poste de travail, elles doivent être formulées par le médecin du travail, qui peut se faire aider de l’équipe pluridisciplinaire pour l’analyse du poste et la mise en œuvre.
Les salariés exposés à des risques particuliers (notamment les substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, les rayonnements ionisants, le travail en milieu hyperbare) doivent bénéficier d’une visite d’aptitude réalisée par le médecin du travail.
La périodicité des visites, longtemps annuelle, est désormais définie par les conditions de travail et les caractéristiques du salarié. En l’absence d’exposition à des risques spécifiques, le suivi doit avoir lieu au moins tous les cinq ans, avec une possibilité de délégation totale à un IDEST. Le médecin du travail peut toutefois décider d’une périodicité plus rapprochée, et recevoir lui-même les travailleurs, s’il l’estime nécessaire.
Pour les risques particuliers évoqués plus haut, le pas de visite est de deux ans, une visite sur deux pouvant être déléguée à un IDEST.
Enfin, tout salarié a le droit de demander une consultation avec le médecin du travail, même en dehors des visites obligatoires que sont les visites d’embauche, les consultations périodiques ou les consultations après un arrêt maladie de plus de soixante jours (30 jours en cas d’accident de travail).
Les IDEST ont ainsi pris un rôle de plus en plus important en santé au travail.
Si les infirmiers d’entreprise étaient déjà prévus dans le décret d’application de la loi Croizat, leur rôle concernait essentiellement les soins en cas d’accident et le secourisme. Ils étaient peu présents dans les SPST, avec des fonctions d’auxiliaire du médecin du travail. Il a fallu attendre 2011 pour que soit enfin encadrée par la loi la pratique des consultations infirmières en santé au travail (« entretiens infirmiers »). Leurs possibilités d’action, non en tant que palliatifs d’une pénurie médicale mais comme professionnels de santé au travail à part entière, se sont peu à peu élargies et les périmètres de délégation de la part des médecins du travail ont été récemment augmentés.
Pour autant, l’évolution de la périodicité du suivi médical – devenu suivi de santé depuis la loi d’août 2016 – au cours des vingt dernières années a aussi été motivée en grande partie par la démographie des médecins du travail. Il y avait ainsi 5 890 médecins du travail en 2008, mais seulement 4 812 en 2022, alors que la population salariée est passée sur la même période de 26 à 27,6 millions (source Insee). Les différentes voies de reconversion successives (1998, 2002) vers la médecine du travail organisées après la disparition du certificat d’études spécialisées (CES) en 1991 et le dispositif de reconversion par la création du statut de collaborateur médecin depuis 2012 n’ont pas permis d’inverser cette tendance.
Si des préconisations doivent être faites à l’employeur pour adapter un poste de travail, elles doivent être formulées par le médecin du travail, qui peut se faire aider de l’équipe pluridisciplinaire pour l’analyse du poste et la mise en œuvre.
Les salariés exposés à des risques particuliers (notamment les substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, les rayonnements ionisants, le travail en milieu hyperbare) doivent bénéficier d’une visite d’aptitude réalisée par le médecin du travail.
La périodicité des visites, longtemps annuelle, est désormais définie par les conditions de travail et les caractéristiques du salarié. En l’absence d’exposition à des risques spécifiques, le suivi doit avoir lieu au moins tous les cinq ans, avec une possibilité de délégation totale à un IDEST. Le médecin du travail peut toutefois décider d’une périodicité plus rapprochée, et recevoir lui-même les travailleurs, s’il l’estime nécessaire.
Pour les risques particuliers évoqués plus haut, le pas de visite est de deux ans, une visite sur deux pouvant être déléguée à un IDEST.
Enfin, tout salarié a le droit de demander une consultation avec le médecin du travail, même en dehors des visites obligatoires que sont les visites d’embauche, les consultations périodiques ou les consultations après un arrêt maladie de plus de soixante jours (30 jours en cas d’accident de travail).
Les IDEST ont ainsi pris un rôle de plus en plus important en santé au travail.
Si les infirmiers d’entreprise étaient déjà prévus dans le décret d’application de la loi Croizat, leur rôle concernait essentiellement les soins en cas d’accident et le secourisme. Ils étaient peu présents dans les SPST, avec des fonctions d’auxiliaire du médecin du travail. Il a fallu attendre 2011 pour que soit enfin encadrée par la loi la pratique des consultations infirmières en santé au travail (« entretiens infirmiers »). Leurs possibilités d’action, non en tant que palliatifs d’une pénurie médicale mais comme professionnels de santé au travail à part entière, se sont peu à peu élargies et les périmètres de délégation de la part des médecins du travail ont été récemment augmentés.
Pour autant, l’évolution de la périodicité du suivi médical – devenu suivi de santé depuis la loi d’août 2016 – au cours des vingt dernières années a aussi été motivée en grande partie par la démographie des médecins du travail. Il y avait ainsi 5 890 médecins du travail en 2008, mais seulement 4 812 en 2022, alors que la population salariée est passée sur la même période de 26 à 27,6 millions (source Insee). Les différentes voies de reconversion successives (1998, 2002) vers la médecine du travail organisées après la disparition du certificat d’études spécialisées (CES) en 1991 et le dispositif de reconversion par la création du statut de collaborateur médecin depuis 2012 n’ont pas permis d’inverser cette tendance.
Prévention primaire des risques professionnels et promotion de la santé
L’action en milieu de travail occupe une part désormais prépondérante des SPST, dans une perspective de prévention primaire des risques professionnels et de promotion de la santé.
Initialement réalisée par le seul médecin du travail, qui doit y consacrer le tiers de son temps depuis 1979, elle est effectuée également depuis 2004 par des intervenants en prévention des risques professionnels dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires qui sont animées et coordonnées par le médecin du travail. Si la responsabilité de l’évaluation et de la gestion des risques professionnels repose, in fine, sur l’employeur, les SPST peuvent apporter leur aide et leur expertise dans ce domaine. C’est particulièrement utile dans les petites ou très petites entreprises qui n’ont pas toujours les compétences pour mener à bien cette mission.
La prévention primaire des risques professionnels reste en effet d’actualité, car ceux-ci sont encore très présents. L’enquête SUMER (Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) contribue tous les sept ans, depuis 1994, à l’amélioration de la connaissance des expositions professionnelles et au suivi de leur évolution.1 La dernière enquête de 2017 montrait que la plupart des expositions aux contraintes physiques avaient baissé entre 1994 et 2017, à l’exception du bruit. L’exposition à au moins un produit chimique concernait encore un tiers des salariés en 2017, un niveau toutefois légèrement inférieur à celui de 1994, et 1,8 million de personnes étaient exposées à au moins un produit cancérogène. L’intensité du travail a augmenté depuis vingt ans, même si elle s’est stabilisée entre 2010 et 2017, et les marges de manœuvre favorisant l’autonomie au travail étaient en recul en 2017.
Initialement réalisée par le seul médecin du travail, qui doit y consacrer le tiers de son temps depuis 1979, elle est effectuée également depuis 2004 par des intervenants en prévention des risques professionnels dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires qui sont animées et coordonnées par le médecin du travail. Si la responsabilité de l’évaluation et de la gestion des risques professionnels repose, in fine, sur l’employeur, les SPST peuvent apporter leur aide et leur expertise dans ce domaine. C’est particulièrement utile dans les petites ou très petites entreprises qui n’ont pas toujours les compétences pour mener à bien cette mission.
La prévention primaire des risques professionnels reste en effet d’actualité, car ceux-ci sont encore très présents. L’enquête SUMER (Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) contribue tous les sept ans, depuis 1994, à l’amélioration de la connaissance des expositions professionnelles et au suivi de leur évolution.1 La dernière enquête de 2017 montrait que la plupart des expositions aux contraintes physiques avaient baissé entre 1994 et 2017, à l’exception du bruit. L’exposition à au moins un produit chimique concernait encore un tiers des salariés en 2017, un niveau toutefois légèrement inférieur à celui de 1994, et 1,8 million de personnes étaient exposées à au moins un produit cancérogène. L’intensité du travail a augmenté depuis vingt ans, même si elle s’est stabilisée entre 2010 et 2017, et les marges de manœuvre favorisant l’autonomie au travail étaient en recul en 2017.
Collaborations médecin traitant et médecin du travail
Les relations entre médecin traitant et médecin du travail ont parfois été marquées par une mauvaise connaissance de leurs missions réciproques, voire par de la suspicion.2-4 Le médecin du travail est pourtant, comme son confrère, astreint au secret médical et il ne peut donner d’informations à l’employeur sur l’état de santé d’un salarié. Il ne peut efficacement réaliser ses missions que s’il dispose de suffisamment de données, et la collaboration entre ces spécialistes doit se concevoir en termes de parcours de soins du patient/salarié.
Trois dispositifs récents peuvent y contribuer :
– le partage d’informations, avec l’accord du salarié, bien sûr, au travers du dossier médical partagé (DMP). Depuis le 31 mars 2022, la loi permet que le médecin du travail chargé du suivi de l’état de santé d’une personne puisse accéder à son dossier médical partagé et puisse l’alimenter, sous réserve de son consentement et de son information préalables sur les possibilités de restreindre l’accès au contenu. Une récente recommandation de la Haute Autorité de santé précise d’ailleurs les éléments du dossier médical en santé au travail qui peuvent alimenter le DMP.5 Cela peut permettre au médecin de soins de mieux appréhender les risques professionnels auxquels son patient est soumis ;
– la visite de fin de carrière, instaurée en 2018 mais précisée récemment. Elle concerne les salariés ayant été exposés aux risques particuliers mentionnés plus haut, car ces expositions peuvent engendrer des effets différés qui ne deviendront visibles qu’après la retraite. Cette visite est réalisée par le médecin du travail, qui doit alors identifier et estimer le niveau d’exposition, actuelle ou passée, à diverses nuisances qui justifieraient une surveillance spécifique au long cours de l’état de santé, ciblée sur les pathologies susceptibles de se développer. Il propose alors au médecin traitant une conduite à tenir adaptée, en prenant en compte les recommandations de bonne pratique en vigueur, qui peut s’inscrire dans le cadre du suivi post-professionnel, encore insuffisamment développé. Ce dispositif nécessite toutefois la reconstitution de la carrière professionnelle du salarié et l’identification de ses expositions passées à risque d’effets différés. Le médecin du travail doit alors souvent se fonder sur ses connaissances des risques professionnels, la traçabilité des expositions, pourtant inscrite dans la réglementation, manquant souvent, en particulier pour les plus anciennes ;
– la visite de préreprise, qui peut être demandée par le salarié, le médecin traitant, le médecin-conseil ou le médecin du travail. Lors de cette visite, le médecin du travail fait le point avec le salarié sur les difficultés éventuelles à anticiper lors de la reprise. Il peut ensuite recommander des aménagements et adaptations du poste de travail, des préconisations de reclassement ou orienter vers des formations professionnelles en vue de faciliter le reclassement ou la réorientation professionnelle du salarié. C’est une étape fondamentale dans le cadre de la prévention de la désinsertion professionnelle, en particulier pour les pathologies chroniques.6
Trois dispositifs récents peuvent y contribuer :
– le partage d’informations, avec l’accord du salarié, bien sûr, au travers du dossier médical partagé (DMP). Depuis le 31 mars 2022, la loi permet que le médecin du travail chargé du suivi de l’état de santé d’une personne puisse accéder à son dossier médical partagé et puisse l’alimenter, sous réserve de son consentement et de son information préalables sur les possibilités de restreindre l’accès au contenu. Une récente recommandation de la Haute Autorité de santé précise d’ailleurs les éléments du dossier médical en santé au travail qui peuvent alimenter le DMP.5 Cela peut permettre au médecin de soins de mieux appréhender les risques professionnels auxquels son patient est soumis ;
– la visite de fin de carrière, instaurée en 2018 mais précisée récemment. Elle concerne les salariés ayant été exposés aux risques particuliers mentionnés plus haut, car ces expositions peuvent engendrer des effets différés qui ne deviendront visibles qu’après la retraite. Cette visite est réalisée par le médecin du travail, qui doit alors identifier et estimer le niveau d’exposition, actuelle ou passée, à diverses nuisances qui justifieraient une surveillance spécifique au long cours de l’état de santé, ciblée sur les pathologies susceptibles de se développer. Il propose alors au médecin traitant une conduite à tenir adaptée, en prenant en compte les recommandations de bonne pratique en vigueur, qui peut s’inscrire dans le cadre du suivi post-professionnel, encore insuffisamment développé. Ce dispositif nécessite toutefois la reconstitution de la carrière professionnelle du salarié et l’identification de ses expositions passées à risque d’effets différés. Le médecin du travail doit alors souvent se fonder sur ses connaissances des risques professionnels, la traçabilité des expositions, pourtant inscrite dans la réglementation, manquant souvent, en particulier pour les plus anciennes ;
– la visite de préreprise, qui peut être demandée par le salarié, le médecin traitant, le médecin-conseil ou le médecin du travail. Lors de cette visite, le médecin du travail fait le point avec le salarié sur les difficultés éventuelles à anticiper lors de la reprise. Il peut ensuite recommander des aménagements et adaptations du poste de travail, des préconisations de reclassement ou orienter vers des formations professionnelles en vue de faciliter le reclassement ou la réorientation professionnelle du salarié. C’est une étape fondamentale dans le cadre de la prévention de la désinsertion professionnelle, en particulier pour les pathologies chroniques.6
Sous-déclaration de nombreuses maladies professionnelles
Enfin, la reconnaissance du caractère professionnel de nombreuses maladies reste encore très sous-estimée. Près des deux tiers des troubles musculosquelettiques correspondant à un tableau de maladie professionnelle ne sont ainsi pas déclarés.7 En 2001, l’Institut national de veille sanitaire estimait que 8 à 14 % des cas incidents de cancers de la vessie en France chez les sujets masculins étaient attribuables à des facteurs professionnels, ce qui représentait 625 à 1 110 cas incidents,8 alors que seulement 9 cas de cancer de la vessie avaient fait l’objet d’une reconnaissance en maladie professionnelle dans le régime général en 2000.
C’est le reflet d’un manque de volonté, parfois, des patients de déclarer leur maladie professionnelle mais également du manque de sensibilisation des médecins à ces maladies.
La France est, en effet, l’un des pays d’Europe où l’enseignement de la santé au travail dans le deuxième cycle des études médicales est le plus faible.9
C’est le reflet d’un manque de volonté, parfois, des patients de déclarer leur maladie professionnelle mais également du manque de sensibilisation des médecins à ces maladies.
La France est, en effet, l’un des pays d’Europe où l’enseignement de la santé au travail dans le deuxième cycle des études médicales est le plus faible.9
Améliorer l’efficacité de la médecine du travail
Une meilleure collaboration entre les médecins du travail et les autres spécialistes devrait accroître la prévention de la désinsertion professionnelle, favoriser le maintien en emploi et contribuer à une meilleure reconnaissance des effets des expositions professionnelles.
Références
1. Memmi S, Rosankis E, Sandret N, Duprat P, Léonard M, Morand S, et al. L’évolution des expositions des salariés aux risques professionnels sur les vingt dernières années : les premiers résultats de l’enquête Sumer 2017. Arch Mal Prof Environ 2020;81(1):69.
2. van Weel C, Orbon K, van der Gulden J, Buijs P, Folgering H, Thoonen B, et al. Occupational health and general practice: From opportunities lost to opportunities capitalised? Med Lav 2006;97(2):288-94.
3. Stratil J, Rieger MA, Voelter-Mahlknecht S. Optimizing cooperation between general practitioners, occupational health and rehabilitation physicians in Germany: A qualitative study. Int Arch Occup Environ Health 2017;90(8):809-21.
4. Anema JR, Jettinghoff K, Houtman I, Schoemaker CG, Buijs PC, van den Berg R. Medical care of employees long-term sick listed due to mental health problems: A cohort study to describe and compare the care of the occupational physician and the general practitioner. J Occup Rehabil 2006;16(1):41-52.
5. Catégories d’informations susceptibles d’être intégrées dans le volet santé au travail du dossier médical partagé. Haute Autorité de santé, 22 mars 2023. https://vu.fr/MhCjl
6. Santé et maintien en emploi : prévention de la désinsertion professionnelle des travailleurs. Haute Autorité de santé, 15 février 2019. https://vu.fr/FPbxG
7. Riviere S, Martinaud C, Roquelaure Y, Chatelot J. Estimation de la sous-déclaration des troubles musculo-squelettiques dans onze régions françaises en 2011. Arch Mal Prof Environ 2018;79(3):405-6.
8. Imbernon E. Estimation du nombre de cas de certains cancers attribuables à des facteurs professionnels en France. Institut de veille sanitaire (InVS) 2003. 28 p.
9. Gehanno JF, Bulat P, Martinez-Jarreta B, Pauncu EA, Popescu F, Smits PBA, et al. Undergraduate teaching of occupational medicine in European schools of medicine. Int Arch Occup Environ Health 2014;87(4):397-401.
2. van Weel C, Orbon K, van der Gulden J, Buijs P, Folgering H, Thoonen B, et al. Occupational health and general practice: From opportunities lost to opportunities capitalised? Med Lav 2006;97(2):288-94.
3. Stratil J, Rieger MA, Voelter-Mahlknecht S. Optimizing cooperation between general practitioners, occupational health and rehabilitation physicians in Germany: A qualitative study. Int Arch Occup Environ Health 2017;90(8):809-21.
4. Anema JR, Jettinghoff K, Houtman I, Schoemaker CG, Buijs PC, van den Berg R. Medical care of employees long-term sick listed due to mental health problems: A cohort study to describe and compare the care of the occupational physician and the general practitioner. J Occup Rehabil 2006;16(1):41-52.
5. Catégories d’informations susceptibles d’être intégrées dans le volet santé au travail du dossier médical partagé. Haute Autorité de santé, 22 mars 2023. https://vu.fr/MhCjl
6. Santé et maintien en emploi : prévention de la désinsertion professionnelle des travailleurs. Haute Autorité de santé, 15 février 2019. https://vu.fr/FPbxG
7. Riviere S, Martinaud C, Roquelaure Y, Chatelot J. Estimation de la sous-déclaration des troubles musculo-squelettiques dans onze régions françaises en 2011. Arch Mal Prof Environ 2018;79(3):405-6.
8. Imbernon E. Estimation du nombre de cas de certains cancers attribuables à des facteurs professionnels en France. Institut de veille sanitaire (InVS) 2003. 28 p.
9. Gehanno JF, Bulat P, Martinez-Jarreta B, Pauncu EA, Popescu F, Smits PBA, et al. Undergraduate teaching of occupational medicine in European schools of medicine. Int Arch Occup Environ Health 2014;87(4):397-401.
Dans cet article
- Quatre siècles d’histoire de la médecine du travail
- Évolution des missions et des intervenants
- Prévention primaire des risques professionnels et promotion de la santé
- Collaborations médecin traitant et médecin du travail
- Sous-déclaration de nombreuses maladies professionnelles
- Améliorer l’efficacité de la médecine du travail