Les causes de brûlures chez les sujets à peau noire sont similaires à celles des Caucasiens, à l’exception des brûlures causées par les ultraviolets (soleil) car la pigmentation de leur peau leur offre une meilleure photoprotection. Les effets cutanés et systémiques à la phase aiguë de la brûlure sont les mêmes, ainsi que la prise en charge. On peut néanmoins rencontrer des difficultés dans l’évaluation de la profondeur des brûlures, voire de l’étendue, car le derme apparaît plus blanc, et l’érythème ne se traduit que par un aspect plus foncé ou grisâtre de la peau, plus visible à jour frisant (fig. 1).
Une plus grande perception de la douleur et du prurit est évoquée.1
L’incidence de cicatrices hypertrophiques et de chéloïdes après brûlure est plus élevée sur peau noire. La fréquence des chéloïdes serait de 1 à 14 % toutes populations confondues et de 16 % dans la population africaine.2
Les chéloïdes sont des tumeurs à surface lisse, infiltrée, érythémateuse ou pigmentée, ayant tendance à l’extension, souvent prurigineuses et douloureuses spontanément ou au contact. Les cicatrices hypertrophiques se différencient de la chéloïde par le fait qu’elles ont tendance à régresser spontanément et qu’elles ne s’étendent pas au-delà des limites de la cicatrice.
Les brûlures profondes (2e degré profond ou stade 2B) et les retards de guérison (fermeture de la plaie après le 21e jour) évoluent souvent vers une cicatrisation anormale de type hypertrophie et plus rarement chéloïde. En outre, la phase inflammatoire proliférative semble plus longue et plus intense qu’en peau blanche. La survenue de cicatrices rétractiles articulaires nous semble, en revanche, moins fréquente.
Des troubles pigmentaires sont classiquement observés : hyperpigmentation pour les brûlures superficielles et hypopigmentation pour les brûlures profondes.
La survenue de cancers épidermoïdes (spinocellulaires) sur d’anciennes cicatrices de brûlures est décrite également sur peau foncée (2 %) et doit toujours être évoquée devant une ulcération de survenue tardive (ulcère de Marjolin).3

Traitement des cicatrices hypertrophiques

La pressothérapie précoce, par pansements, attelles, masques ou vêtements compressifs, dès la fermeture des plaies, selon la tolérance, est essentielle.4 Une compression minimale de 15 à 20 mmHg est nécessaire, et doit être maintenue le plus longtemps possible, 23 heures sur 24 (fig. 2).
Les gels, les pansements et les vêtements à base de silicone sont recommandés pour leur effet bénéfique sur l’hypertrophie, la pigmentation, l’hydratation et l’élasticité de la peau ainsi que sur le confort du patient par diminution de la douleur et du prurit.
Le massage diminue le risque d’adhérences profondes, mais son efficacité dans la prévention des cicatrices pathologiques est controversée. L’endermologie (dépresso-massage) a un effet sur les adhérences. La kinésithérapie précoce et tardive améliore surtout la mobilité articulaire et le bien-être physique et mental du patient. L’hydrothérapie sous forme de douches filiformes à forte pression est aussi indiquée après cicatrisation complète en centres de cure thermale.5
L’involution ou la stabilisation de l’hypertrophie est habituelle, avec ou sans traitement, après 12 à 24 mois d’évolution post-brûlure. En cas de persistance, l’infiltration de la partie indurée des cicatrices hypertrophiques par des corticoïdes type acétonide de triamcinolone (Kenacort) ou bétaméthasone, à raison d’une fois toutes les 2 à 4 semaines associée ou non à un anesthésique local de type lidocaïne, est souvent efficace (de 50 à 100 %). Le risque de récidive est de 9 à 50 %. Une cryothérapie, très légère pour éviter la dépigmentation, par application d’azote liquide ou de neige carbonique, est conseillée avant l’injection qui se fait avec une aiguille Luer-Lock 25G ou au Dermojet. Les anesthésiques locaux, Emla ou Versatis – hors autorisation de mise sur le marché (AMM) –, réduisent la douleur. Les effets indésirables sont la résorption du dérivé cortisoné (passage systémique), l’atrophie cutanée, la dépigmentation, l’apparition de télangiectasies et l’atrophie graisseuse en cas d’injection extracicatricielle.
Les injections de 5-fluoro-uracile (5-FU), de bléomycine ou de vérapamil sont des alternatives ou des traitements adjuvants à l’infiltration par corticoïdes. Elles n’ont pas prouvé leur supériorité.
En présence de cicatrices rétractiles invalidantes, une correction chirurgicale par plastie en Z, une greffe dermo-épidermique ou un lambeau doit être envisagée, même à un stade précoce, afin de réduire la tension au niveau des berges de la cicatrice avec un traitement adjuvant (sutures sous-cutanées, « taping », silicone, hydratation). Si la cicatrice hypertrophique ne pose pas de limitation fonctionnelle ou de disgrâce majeure, on attend 12 à 24 mois avant de procéder à une exérèse simple de la cicatrice avec fermeture primaire ou une excision en plusieurs étapes pour les placards fibreux plus importants avec resurfaçage par une greffe simple, une greffe dermo-épidermique autologue ou un substitut cutané. L’expansion tissulaire (ballons) reste une excellente technique notamment pour les cicatrices du cuir chevelu.

Traitement des chéloïdes

Les chéloïdes sont souvent impressionnantes, évolutives et ont un impact physique et psychosocial non négligeable. La pressothérapie est le maître mot de leur prise en charge (fig. 3).
Les signes fonctionnels sont présents dans plus de 50 % des cas, surtout dans le cas de chéloïdes évolutives : douleur parfois intense, allodynie, prurit et hypersensibilité. On utilise le silicone, l’hydrothérapie, les émollients à base de polidocanol, de même que les anesthésiques locaux (Emla, Versatis [hors-AMM]) ou les injections de corticoïdes type acétonide de triamcinolone (Kenacort) associé ou non à un anesthésique local. L’aplanissement des chéloïdes à la suite de l’injection de corticoïde dans la lésion permet ensuite leur maquillage.
L’interventionnisme sur la chéloïde doit être extrêmement réfléchi et plus encore dans le cas particulier de la peau noire car le risque de récidive est quasi inéluctable, plus de 50 à 100 %, parfois plusieurs années plus tard, la chéloïde étant une maladie fibro-inflammatoire chronique. Elle ne peut s’envisager sans un programme de prévention des rechutes et nécessite une surveillance prolongée (plusieurs années). Les diverses méthodes sont généralement combinées et comprennent l’injection intralésionnelle de corticoïdes (ou de 5-FU, bléomycine, interféron α2b, vérapamil...), la cryothérapie (par application d’azote ou de neige carbonique) ou la cryochirurgie (Cryo Shape) ainsi que la chirurgie intra- ou extralésionnelle (controverses).6, 7 La cryothérapie et les corticoïdes favorisent une dépigmentation secondaire. La chirurgie est envisagée en cas de chéloïde volumineuse à développement vertical et en cas d’échec des autres traitements. Une infiltration par corticoïde en peropératoire est parfois effectuée. La brachythérapie (iridium) peropératoire et la radiothérapie sont utilisées, mais sont controversées. Le laser ne peut être envisagé que par des mains extrêmement expérimentées vu le large spectre d’absorption de la mélanine (de 400 à 1 200 nanomètres [nm]). Seuls les lasers émettant dans les infrarouges (1 200 nm) peuvent être utilisés sur une peau de phototype élevé. Une hyperpigmentation secondaire post-laser est classique.

Traitement des troubles pigmentaires

Les cicatrices doivent avant tout bénéficier d’une protection solaire puissante à large spectre contre les rayons ultraviolets de type B (indice de protection solaire 50+) et ceux de type A ou du port de vêtements foncés à tissage serré pendant un minimum de 2 ans.
Les troubles pigmentaires sont particulièrement invalidants chez les brûlés à peau noire. Les hypopigmentations ou hypochromies se rencontrent lors de brûlures profondes et sont souvent mal vécues. On peut observer une repigmentation progressive des zones dépigmentées après plusieurs mois (fig. 4). Le maquillage de celles-ci permet une vie sociale acceptable. Les « boutiques exotiques » et les pharmacies disposent de toute une gamme de produits dont le pouvoir couvrant est important. Si la dépigmentation est définitive (après 4 ans), une greffe autologue de mélanocytes peut être envisagée ou un tatouage auprès de tatoueurs médicaux expérimentés.
Pour les zones hyperpigmentées, souvent secondaires à des brûlures superficielles, nous disposons de produits dépigmentants de marques variées (acide kojique, acide azélaïque). L’hydroquinone associée ou non avec un corticoïde peut être prescrite en formule magistrale, mais l’application doit en être limitée, l’hydroquinone pouvant engendrer une ochronose (pigmentation bleu-noir) exogène et les corticoïdes une fragilisation cutanée ainsi qu’une résorption systémique. L’usage de l’acide rétinoïque est controversé car il peut provoquer des hyperpigmentations réactionnelles. Des micropeelings aux alpha- hydroxyacides (AHA, acides de fruits) sont également prescrits.8
Références
1. Mauk MC, Smith J, Weaver MA, et al. Pain and itch outcome trajectories differ among European American and African American survivors of major thermal burn injury. Pain 2017;158:2268-76.
2. Rockwell WB, Cohen IK, Erlich HP. Keloid and hypertrophic scars. A comprehensive review. Plast Reconstr Surg 1989;84:827-37.
3. Jellouli-Elloumi A, Kochbati L, Dhraief S, et al., Cancers sur cicatrices de brûlure : 62 cas. Ann Dermatol Venereol 2003;130:413-6.
4. Monstrey S, Middelkoop E, Vranckx JJ, et al. Updated scar management practical guidelines: non-invasive and invasives measures. J Plast Reconstr Aesthet Surg 2014;67:1017-25.
5. Moufarrij S, Deghayli L, Raffoul W, et al. How important is hydrotherapy? Effects of dynamic action of hot spring water as a rehabilitative treatment for burn patients in Switzerland. Ann Burns Fire Disasters 2014;27:184-91.
6. Petit A. Comment améliorer la prise en charge des chéloïdes en 2016. Hôpital universitaire Saint-Louis, Lariboisière, Fernand-Widal, Journées dermatologiques de Paris 2016.
7. Cogrel O. Intralesional corticosteroid injections for pre-sternal Keloids. Ann Dermatol Venereol 2015;152:707.
8. Rubal S. Conseil officinal appliqué à la dermatologie et à la cosmétique des peaux hyperpigmentées. Thèse, 2013, université de Rouen, UFR de médecine et de pharmacie. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00917127/document

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