L’obésité de l’enfant étant une maladie à forte prédisposition génétique dont l’expression survient dans un environnement offrant une nourriture abondante et favorisant la sédentarité, les résultats de la prise en charge sont conditionnés par la capacité du jeune et de sa famille à modifier sur le long terme son mode de vie.1

Principes de la prise en charge

La réduction des ingesta spontanés et l’augmentation de l’activité physique restent les principes de prise en charge classiquement proposés, associés le plus souvent à une prise en charge psychologique (tableau).

Réduction des ingesta : difficile au long cours

La réduction des ingesta entraîne une stimulation de l’appétit et son maintien sur le long terme requiert une motivation solide et constante pour ne pas céder à la faim permanente.2 Un accompagnement rapproché est donc indispensable, car une quelconque perturbation (cause psychologique, événement de vie, etc.) est susceptible de détourner cette volonté et de provoquer une reprise pondérale rapide. Chez l’enfant plus grand et l’adolescent plus autonome, cette reprise pondérale malgré tous les efforts fournis peut alors aggraver le sentiment d’échec et de mésestime de soi, ce qui participe en partie à la stigmatisation particulièrement prégnante dans cette population.3

Choisir une activité physique adaptée à chaque enfant

L’activité physique repose sur trois principes :
– l’accroissement de l’activité physique permet d’augmenter la dépense énergétique quotidienne mais aussi d’offrir à l’enfant un autre centre d’intérêt que la nourriture ;
– les efforts d’intensité modérée mais prolongés sont ceux qui induisent l’oxydation lipidique la plus élevée ;
– les difficultés qu’ont les personnes en situation d’obésité à se mouvoir en public sont un véritable frein qui doivent rendre réalistes les suggestions proposées pour accroître l’activité physique.
Le développement de programmes d’activité physique adaptée spécifiques dans les centres sportifs accueillant des jeunes en situation d’obésité est probablement un axe de développement important dans la prise en charge et l’offre de soins.

Un soutien psychologique indispensable

Enfin, le soutien psychologique fait partie intégrante de la prise en charge thérapeutique. Il doit à la fois stimuler en permanence la motivation de l’enfant et l’aider à maîtriser les sentiments de frustration qu’entraînent les modifications de comportement préconisées.

Développer des parcours de soins spécifiques en ville

Les Réseaux de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique (RéPPOP) proposent un accompagnement en ville. Cependant, le manque d’adhésion des jeunes et de leur famille sur le long terme est responsable d’un taux de perdus de vue conséquent.
Le développement de parcours de soins spécifiques en ville pourrait être une perspective intéressante pour la prise en charge de ces enfants, en particulier en cas d’obésité complexe. Tel est l’objectif du parcours expérimental Obepedia dans le cadre de l’article 51 mis en place depuis 2020 en France. Il propose une prise en charge intensive et régulière pendant deux ans avec plusieurs professionnels de proximité autour de l’enfant et sa famille, définis selon les besoins identifiés pour une offre la plus adaptée possible. Si cette expérimentation de prise en charge de proximité démontre son efficacité avec une stabilisation de la corpulence, voire une amélioration, d’autres parcours à l’identique pourront être développés pour aider à limiter l’évolution pondérale au cours de l’enfance et tenter d’éviter le développement d’une obésité sévère à l’âge adulte.

Des médicaments pour les obésités génétiques

Actuellement, quelques molécules ciblant les obésités génétiques existent.

La leptine recombinante agit contre l’hyperphagie

Les rares patients déficitaires en leptine sont traités par leptine recombinante, avec un effet bénéfique largement démontré sur le poids et l’hyperphagie.4

L’agoniste de MC4R diminue la prise alimentaire

L’agoniste de MC4R (récepteur de type 4 aux mélanocortines) [setmélanotide] cible les situations rares d’obésité par interruption de la voie leptine-mélanocortines (déficit en POMC [proopiomélanocortine] et LEPR [leptin receptor, ou récepteur de la leptine]) et, plus récemment, les patients ayant un syndrome de Bardet-Biedl (BBS).
Chez des patients âgés de plus de 12 ans atteints d’obésité par déficit en POMC ou LEPR, il a été montré que l’administration de cet agoniste hautement sélectif induit une diminution de la prise alimentaire, avec une perte de poids de plus de 10 % après un an de traitement.5, 6 Au cours des essais thérapeutiques, aucun effet indésirable cardiovasculaire ou sur l’humeur n’a été décrit chez ces patients ; les deux effets indésirables constants décrits sont une hypermélanodermie et des réactions locales transitoires au niveau du site d’injection.7 Récemment, la description des deux premiers patients traités depuis sept ans en continu par cette molécule a montré son efficacité persistante sur le poids et l’absence d’autres effets indésirables à long terme ainsi que l’amélioration nette de la qualité de vie.8 Ces résultats permettent d’envisager ce traitement dans le futur chez les enfants ayant des obésités par variants homozygotes et probablement hétérozygotes et plaident en faveur d’une optimisation du diag­nostic génétique des obésités monogéniques.
Dans le syndrome BBS, le défaut d’adressage de LEPR au pôle des cellules hypothalamiques impliquées dans le contrôle de la prise alimentaire explique en grande partie l’hyperphagie et l’obésité décrites chez ces patients. Le setmélanotide a montré un effet bénéfique sur l’hyperphagie et peut, depuis 2022, être administré pour limiter l’évolution pondérale.9 Certains mécanismes moléculaires étant communs à d’autres formes génétiques d’obésité, cette molécule pourrait avoir des indications plus larges comme le syndrome de Prader-Willi (SPW) en cas de variant du gène MAGEL 2 impliqué dans les neurones à POMC.

Des recherches sur l’ocytocine

Les patients atteints de SPW ont une réduction significative du nombre de neurones produisant de l’ocytocine au niveau hypothalamique et une diminution de l’ocytocine circulante. Plusieurs caractéristiques du syndrome, telles que l’hyperphagie, l’obésité et les troubles des interactions sociales, pourraient être en lien avec ces anomalies. Les études d’intervention récentes ont montré que l’administration d’ocytocine nasale pouvait améliorer les paramètres relationnels et l’hyperphagie chez des adultes et adolescents atteints de SPW.10 De même, l’administration intranasale d’ocytocine améliore les troubles de la succion et les interactions sociales des nourrissons avec un SPW.
D’autres molécules sont en cours d’évaluation dans le SPW pour limiter l’hyperphagie et l’évolution pondérale11, 12 dans l’optique d’une prise en charge personnalisée dès le plus jeune âge en complément des autres traitements, comme l’hormone de croissance par exemple.13

Pas encore de médicaments en pratique courante contre l’obésité commune en pédiatrie

Chez l’enfant en situation d’obésité commune, il n’existe pas encore de médicaments utilisés en pratique courante. Cependant, des perspectives se dessinent.

La piste des agonistes du GLP-1

Les agonistes du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) sont actuellement une thérapeutique médicamenteuse d’avenir chez l’adulte et probablement l’enfant. Le GLP-1 est une entérohormone produite par le tube digestif connue pour son effet incrétine dans le traitement du diabète de type 2 mais aussi pour son effet anorexigène par action sur l’hypothalamus via le nerf vague. Les analogues de GLP-1 sont donc actuellement développés dans l’obésité pour renforcer le signal de satiété chez les patients.14 Les effets indésirables sont principalement digestifs, à l’initiation du traitement (nausées, douleurs abdominales), et justifient d’augmenter progressivement la dose. Le liraglutide est ainsi autorisé dès l’âge de 12 ans mais sans remboursement actuellement dans l’indication de l’obésité (tableau).
De même, des co-agonistes couplant les analogues du GLP-1 avec d’autres molécules comme le GIP (polypeptide insulinotrope glucose-dépendant) sont probablement des thérapeutiques d’avenir du fait de leur effet cumulatif potentiel sur la perte de poids.16

Études en cours pour d’autres molécules innovantes

D’autres molécules sont développées comme le sémaglutide en une injection par semaine, avec une efficacité notable sur la perte de poids chez les adultes en situation d’obésité (environ 15 % de perte de poids).15 Des études sont en cours chez les adolescents.
Le développement rapide de ces molécules et l’absence d’effets indésirables graves amènent à penser qu’ils feront bientôt partie de l’arsenal thérapeutique chez les enfants en situation d’obésité à partir de 12 ans (voire de 6 ans pour le setmélanotide).

La chirurgie bariatrique s’intègre dans un parcours de soins spécifique

Actuellement, le recours à la chirurgie bariatrique peut être proposé pour certains adolescents souffrant d’obésité sévère dans le cadre d’un parcours de soins spécifique au sein d’un centre spécialisé de l’obésité (CSO) à compétence pédiatrique selon les recommandations de la Haute Autorité de santé. L’efficacité de la chirurgie bariatrique n’est plus à démontrer sur l’évolution pondérale et les complications (syndrome d’apnées du sommeil, qualité de vie, etc.). Cependant, son efficacité à long terme reste à confirmer.17 L’impact psychologique et le risque de décompensation dans les années qui suivent la chirurgie incitent à repérer les meilleurs candidats pour cette prise en charge. De plus, l’évolution moins favorable après la chirurgie en cas de variants homozygotes ou hétérozygotes sur la voie leptine-mélanocortines ou en cas d’obésité syndromique incite à la prudence dans ces situations et à rechercher systématiquement une cause génétique au développement précoce d’une obésité massive.18, 19
Enfin, dans les situations extrêmes d’adiposogynécomastie, de tablier abdominal ou de verge enfouie avec une souffrance psychologique importante, une chirurgie esthétique peut être proposée après évaluation médicale et psychologique.

La modulation du microbiote séduisante mais sans résultats à ce jour

Au cours des dix dernières années, l’implication du microbiote intestinal dans l’obésité de l’enfant a ouvert le champ de nouvelles options thérapeutiques via sa modulation. Le microbiote intestinal, dont la composition est très complexe, est constitué de quatre principales familles bactériennes (ou phyla) : Firmicutes, Bacteroidetes, Proteobacteria, Actinobacteria. Il joue un rôle important dans le métabolisme énergétique, en particulier au niveau colique, avec la production locale d’acides biliaires secondaires ou d’acides gras à chaîne courte. L’appauvrissement de la biodiversité du microbiote intestinal chez les personnes consommant un régime riche en lipides, sucres et protéines animales a ainsi été associé à une augmentation de l’incidence de l’obésité, des maladies coronariennes et du syndrome métabolique. Chez l’enfant en situation d’obésité, des différences de composition et de fonctionnement du microbiote intestinal ont aussi été décrites, comme une augmentation de certaines espèces bactériennes pro-inflammatoires ou des modifications du métabolisme des acides biliaires participant à l’insulinorésistance. La modulation du microbiote des patients en situation d’obésité via des pré- ou probiotiques, voire des symbiotiques associant les deux, est donc actuellement une perspective thérapeutique séduisante même si, à ce jour, la majorité des résultats obtenus le sont avec des modèles animaux et que les études pédiatriques restent limitées, avec des résultats contradictoires.20

Combinaisons de solutions à évaluer

Le développement rapide de nouvelles molécules ciblant l’hypothalamus et l’hyperphagie quelle que soit l’origine de l’obésité incite à penser qu’elles pourront aider à prévenir l’évolution pondérale pendant l’enfance et le développement d’obésités sévères à l’âge adulte. L’évaluation multidisciplinaire de chaque enfant permet de proposer un plan personnalisé selon les situations et l’évolution de chaque enfant. Ce plan peut inclure une prise en charge classique (combinaison diététique, activité physique, prise en charge psychologique) et/ou l’intégration dans des parcours de soins spécifiques et/ou un traitement médicamenteux et, si nécessaire, la chirurgie bariatrique en cas d’échec. La combinaison de ces différentes alternatives est discutée dans certaines situations en raison de leur probable effet cumulatif sur la perte de poids.
Enfin, le développement de scores de prédiction intégrant un ensemble de facteurs pour chaque individu (génétique, environnement familial, composition du microbiote et/ou biomarqueurs) pourrait aider à terme à prédire la réponse de chaque enfant aux différentes prises en charge possibles et à les adapter. 

Références

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8. Kühnen P, Clement K. Long-term MC4R agonist treatment in POMC-deficient patients. N Engl J Med 2022;387(9):852‑4.
9. Haws RM, Gordon G, Han JC, Yanovski JA, Yuan G, Stewart MW. The efficacy and safety of setmelanotide in individuals with Bardet-Biedl syndrome or Alström syndrome: Phase 3 trial design. Contemp Clin Trials Commun 2021;22:100780.
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19. Campos A, Cifuentes L, Hashem A, Busebee B, Hurtado-Andrade MD, Ricardo-Silgado ML, et al. Effects of heterozygous variants in the leptin-melanocortin pathway on roux-en-y gastric bypass outcomes: A 15-year case-control study. Obes Surg 2022;32(8):2632‑40.
20. Akagbosu CO, Nadler EP, Levy S, Hourigan SK. The role of the gut microbiome in pediatric obesity and bariatric surgery. Int J MolSci 2022,23,15421.

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Résumé

Les progrès dans la compréhension des mécanismes à l’origine de l’obésité de l’enfant ouvrent des perspectives thérapeutiques pour la prise en charge dès l’enfance et une possible prévention de l’obésité massive. Véritable maladie des centres régulateurs du poids, avec une forte composante génétique, les prises en charge classiques intégrant la diététique et l’activité physique ont montré leurs limites, voire leur inefficacité, à long terme chez les enfants les plus à risque de développer une obésité sévère. Le développement de nouvelles molécules ciblant les formes génétiques d’obésité avec interruption de la voie leptine-mélanocortines et des agonistes du GLP-1 dans les formes plus communes constitue une perspective majeure. Enfin, la modulation du microbiote par des facteurs alimentaires et/ou de type préprobiotique pourrait aussi être une perspective séduisante, qui mérite d’être confirmée. Ces progrès récents permettent donc d’entrevoir le développement d’une véritable médecine de précision dans l’obésité de l’enfant pouvant éviter l’aggravation inéluctable de la prise de poids, en particulier chez les enfants les plus prédisposés, et le développement d’une obésité massive à l’âge adulte.