1 - Les perturbateurs endocriniens (PE) ont considérablement fait évoluer notre manière d’envisager la toxicologie et les relations entre l’environnement et la santé. Ces substances ont des cibles moléculaires dans le système endocrinien, mais le délai est parfois très long entre le début de l’exposition et la manifestation de leurs impacts. La vulnérabilité de l’organisme cible est au moins aussi importante que les caractéristiques de l’exposition. L’étude des PE nécessite une bonne connaissance des mécanismes moléculaires et une bonne compréhension des processus physiopathologiques. Les points les plus saillants de l’analyse sont les suivants.
2 - Il est de plus en plus évident que les PE contribuent à augmenter le risque d’un grand nombre de pathologies chroniques non transmissibles comme certains cancers, les maladies métaboliques et l’obésité, les maladies neurologiques, développementales ou dégénératives, les pathologies de la reproduction, de l’immunité, etc. Il y a de plus en plus d’arguments en faveur d’un rôle des PE dans des maladies infectieuses, notamment au travers de l’immunosuppression qui joue aussi un rôle dans la mauvaise réponse à la vaccination.
3 - Les PE ne sont que l’un des déterminants des maladies que nous venons d’évoquer et il est nécessaire d’avoir une vision intégrée de l’ensemble des déterminants dans le cadre de l’exposome* humain. La part respective de chaque déterminant dans la genèse d’une pathologie donnée est plus difficile à mettre en évidence malgré le développement des méthodes d’évaluation de l’impact sanitaire.
4 - La perturbation endocrinienne comme paradigme. Plusieurs classes de substances ont des impacts sur le système nerveux, le système immunitaire et le métabolisme. Ces substances peuvent aussi être des PE, mais, souvent, on ne peut incriminer la modification du système endocrinien. Dans les trois systèmes cités, la communication entre cellules est très présente et pourrait être perturbée, sans nécessairement qu’une perturbation hormonale soit en cause. Malgré tout, les similitudes sont assez fortes avec la perturbation endocrinienne, qui sert de paradigme pour d’autres toxicités associées à la perturbation de la communication physiologique.
5 - L’étude des PE a mis en exergue l’importance de l’état de l’organisme cible dans les phénomènes de toxicité et, en particulier, la vulnérabilité de certaines étapes du développement, comme la période fœtale et la petite enfance. Les expositions qui ont lieu à ces moments critiques peuvent augmenter les risques de pathologies plus tard dans la vie, voire pour les générations suivantes. Le rôle des mécanismes épigénétiques dans ces effets différés semble primordial, bien que des incertitudes persistent. Il est possible que l’épigénotoxicité soit tout aussi importante que la génotoxicité parmi les grands mécanismes de toxicité.
6 - La formalisation des mécanismes de toxicité sous forme d’adverse outcome pathways est parfaitement bien adaptée au cas des PE, dont la définition est par essence mécanistique. Ces PE sont à présent reconnus comme des substances à haut potentiel de risque par les agences sanitaires. Après s’être longtemps appuyées sur des tests de laboratoire fondés sur la détection d’impacts toxiques distaux (cancer, toxicité rénale, hépatique, etc.), ces dernières se servent de plus en plus de tests expérimentaux et computationnels révélant des étapes mécanistiques (génotoxicité, mutagenèse, perturbation endocrinienne, etc.). Cette évolution est appelée à s’amplifier. Ceci illustre la complémentarité entre toxicologie mécanistique et toxicologie réglementaire du XXIe siècle.
* Exposome : ensemble des expositions qui peuvent influencer la santé humaine tout au long de la vie.
* Exposome : ensemble des expositions qui peuvent influencer la santé humaine tout au long de la vie.