1 Le gradient social de santé est certain : la morbi-mortalité des personnes en situation de précarité est plus élevée. Les inégalités sociales en santé, partiel­lement évitables, doivent entraîner des réflexions et actions politiques (accès aux soins), éthiques mais aussi des pratiques de soins adaptées.
2 S’il n’y a pas de pathologie spécifique de la précarité, celle-ci a des conséquences multiples sur la santé, en particulier sur les plans cardiovasculaire, respiratoire, psychiatrique, cancéreux, nutritionnel, infectieux, métabolique, dermatologique, buccodentaire, des conduites addictives, ou encore des grossesses. Certaines sous-populations (femmes enceintes, gens du voyage, mineurs non accompagnés, migrants, sans-abris, personnes âgées) ont des vulnérabilités spécifiques. Les polypathologies chroniques déséquilibrées sont fréquentes.
3 Lors de l’interrogatoire, repérer la fragilité sociale fait partie intégrante des missions du soignant. Il évalue les conditions de logement et d’alimentation, la situation financière et d’emploi, l’entourage relationnel et l’intégration sociale, les conditions d’accès aux soins et la couverture maladie, le vécu migratoire.
4 Le rapport au temps des plus démunis est souvent déstructuré : coupés de leur passé, « bloqués » dans un présent, sans perspective d’avenir, tout est ressenti comme urgent. L’adhésion à des projets de soins s’inscrivant dans le temps est difficile : ruptures de suivi, rendez-vous non honorés, consultations inadaptées aux urgences. Instaurer un cadre bienveillant, souple et peu contraignant (sans rendez-vous) facilite l’accompagne­ment médico-socio-administratif.
5 L’intrication médico-sociale et le barrage de la langue rendent les consultations souvent complexes et chronophages. Une attitude d’écoute et d’empathie, l’interprétariat ou la présence d’un tiers permettent d’analyser la situation, de bâtir une relation de confiance et de limiter le renoncement et la rupture des soins. L'unité de lieu et de temps des soins est capitale.
6 Les soins, les traitements et les conseils sont particulièrement personnalisés et adaptés au patient et à ses conditions de vie. Les soins techniques sont parfois laissés au second plan initialement, mais parallèlement les stratégies opportunistes pour dépister, prévenir et éduquer à la santé sont gagnantes.
7 Tous les moyens sont mis en œuvre et répétés, les solutions choisies sont discutées avec le patient. L’humilité est une attitude nécessaire. Face à ces situations déroutantes, le soignant peut éprouver un sentiment d’échec, d’impuissance ou de découragement. Trouver les ressources pour persévérer est utile au soignant et à l’équipe.
8 Le travail en collaboration multidisciplinaire étroit est indispensable. Il nécessite une fine connaissance des structures, réseaux et partenaires associatifs.
9 Cette prise en charge relève de tous les profes­sionnels de santé, même si certains lieux d’accueil spécifiques sont nécessaires tels que les permanences d’accès aux soins de santé (PASS), les équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP), les lits halte soins santé (LHSS).
10 Les PASS sont des dispositifs au service des patients en situation précaire, avec ou sans couverture maladie. Elles sont un des recours pour les médecins ou les associations qui se sentiraient démunis ou isolés face à un patient en situation de précarité.