L’ostéite du pied chez le diabétique est une complication fréquente des ulcérations du pied, elle serait présente dans près de 60 % des plaies.1 Elle est la conséquence directe de la neuropathie diabétique qui entraîne une insensibilité du pied permettant aux plaies d’être indolores et d’évoluer défavorablement en dehors de toute surveillance régulière et d’une décharge stricte. La prise en charge chirurgicale de ces plaies infectées doit être bien codifiée afin d’éviter ou de limiter au maximum les amputations qui restent encore trop fréquentes actuellement, avec une incidence de 252/100 000 diabétiques en 2013.2 Cette prise en charge chirurgicale doit se réaliser idéalement par des chirurgiens habitués à ce type de pathologie et travaillant en étroite relation avec les diabétologues au sein d’une équipe multidisciplinaire de podo-diabétologie.
Une infection de contiguïté
L’infection osseuse du pied diabétique est une infection de contiguïté, c’est-à-dire débutant par une plaie superficielle avec dissémination progressive vers la profondeur. Elle est liée à la neuropathie et aggravée par une artériopathie associée qui est trouvée dans près d’un tiers des cas. Cela souligne la nécessité d’un bilan régulier à la recherche d’une neuropathie débutante par le test au monofilament et une recherche des pouls périphériques avec une surveillance accrue des pieds neuropathiques. L’infection osseuse est parfois présente dans le contexte d’une plaie aiguë mais le plus souvent observée sur une plaie chronique dont l’absence de cicatrisation, malgré une prise en charge adaptée comprenant décharge et soins locaux de qualité, doit faire évoquer le diagnostic.
Cette infection osseuse peut être une ostéite pure en cas d’infection de la phalange distale sur un orteil en marteau ou un orteil trop long, ou sur un pied déformé avec saillie osseuse que l’on peut observer dans le cadre de la neuro-arthropathie de Charcot.
Le plus souvent il s’agit d’une ostéo-arthrite, principalement retrouvée sur les articulations interphalangiennes et métatarso-phalangiennes, liée à un hyper-appui localisé. Plus rarement, les articu-lations du médio- et de l’arrière-pied sont le siège d’une ostéo-arthrite liée à une neuro-arthropathie de Charcot classée Sanders II ou III (fig. 1 ).
Cette infection osseuse peut être une ostéite pure en cas d’infection de la phalange distale sur un orteil en marteau ou un orteil trop long, ou sur un pied déformé avec saillie osseuse que l’on peut observer dans le cadre de la neuro-arthropathie de Charcot.
Le plus souvent il s’agit d’une ostéo-arthrite, principalement retrouvée sur les articulations interphalangiennes et métatarso-phalangiennes, liée à un hyper-appui localisé. Plus rarement, les articu-lations du médio- et de l’arrière-pied sont le siège d’une ostéo-arthrite liée à une neuro-arthropathie de Charcot classée Sanders II ou III (
Quel bilan ?
En cas de suspicion d’infection osseuse, un bilan est indispensable. Il doit comprendre un examen de la plaie avec recherche d’un contact osseux qui signe quasiment le diagnostic. Il n’y a aucun intérêt à faire un prélèvement superficiel de la plaie du fait d’une contamination extrêmement fréquente faussant les résultats bactériologiques. Un bilan vasculaire à la recherche d’une artériopathie associée, une recherche des comorbidités en particulier cardiaque et rénale et la prise d’un traitement anticoagulant sont nécessaires avant toute chirurgie. Une artériopathie sévère nécessite une prise en charge avant toute chirurgie. Les modalités de cette prise en charge sont discutées entre chirurgiens vasculaires et radiologues vasculaires.
Le bilan d’imagerie doit toujours comporter des radiographies standard avec différentes incidences. La présence d’une déminéralisation associée à des appositions périostées et une ostéolyse signe quasiment une ostéite. Si les radiographies sont « normales », elles doivent être répétées après 15 à 20 jours. Une imagerie par résonance magnétique peut être utile car toute anomalie osseuse n’est pas synonyme d’infection osseuse et il n’est pas toujours facile de faire la différence entre neuro-arthropathie de Charcot et infection osseuse.
C’est à l’issue de ce bilan que les modalités de la prise en charge optimale de l’infection osseuse du pied diabétique peuvent être discutées entre diabétologues et chirurgiens et que l’on peut espérer voir diminuer le taux d’amputation. Seule exception à cette prise en charge différée, les cellulites graves rapidement évolutives avec signes infectieux généraux qui nécessitent une prise en charge chirurgicale urgente.
Le bilan d’imagerie doit toujours comporter des radiographies standard avec différentes incidences. La présence d’une déminéralisation associée à des appositions périostées et une ostéolyse signe quasiment une ostéite. Si les radiographies sont « normales », elles doivent être répétées après 15 à 20 jours. Une imagerie par résonance magnétique peut être utile car toute anomalie osseuse n’est pas synonyme d’infection osseuse et il n’est pas toujours facile de faire la différence entre neuro-arthropathie de Charcot et infection osseuse.
C’est à l’issue de ce bilan que les modalités de la prise en charge optimale de l’infection osseuse du pied diabétique peuvent être discutées entre diabétologues et chirurgiens et que l’on peut espérer voir diminuer le taux d’amputation. Seule exception à cette prise en charge différée, les cellulites graves rapidement évolutives avec signes infectieux généraux qui nécessitent une prise en charge chirurgicale urgente.
Quel traitement de l’infection osseuse ?
Le traitement de l’infection osseuse du pied diabétique est discuté.3-5
Traitement médical
Le traitement médical peut s’envisager en l’absence de nécrose des parties molles, il associe une anti-biothérapie prolongée et adaptée, des soins locaux et une décharge stricte du membre infecté (Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical reste néanmoins le traitement le plus fréquent, il doit chercher à être conservateur dans la plupart des cas et doit permettre de traiter l’infection osseuse mais aussi l’infection et la nécrose des parties molles. Il faut se méfier, entre autres dans les maux perforants plantaires, de l’atteinte des tendons avec de véritables tableaux de phlegmon des fléchisseurs des orteils.Le traitement chirurgical conservateur permet en outre un diagnostic bactériologique de meilleure qualité par des prélèvements profonds au contact de l’ostéite, après une excision limitée des tissus nécrotiques et des tissus infectés. La guérison de l’infection et la cicatrisation de la plaie sont obtenues dans près de 80 % des cas. La résection ostéo-cartilagineuse est adaptée à la destruction osseuse et à l’os dévascularisé.
La résection osseuse doit éviter d’entraîner un report des pics de pression sur les articulations voisines et éviter les saillies osseuses résiduelles. L’amputation est limitée à l’infection osseuse avec nécrose des parties molles en regard, du fait de l’absence de couverture de l’os résiduel. La fermeture de la plaie, à condition d’avoir fait une détersion de qualité, est parfaitement envisageable. Elle permet une cicatrisation plus rapide sans augmenter le risque d’échec précoce ou de récidive.7 Cette attitude est la nôtre actuellement, elle est réalisable aisément dans les infections chroniques à condition d’y associer un drainage les premiers jours. Au geste chirurgical doit être associé systématiquement une antibiothérapie adaptée aux germes retrouvés en profondeur et de durée prolongée idéalement de 4 à 6 semaines. Enfin, une décharge jusqu’à cicatrisation complète, en règle de 3 à 4 semaines, est indispensable.
Quel type de chirurgie ?
En fonction de la localisation de l’infection, les gestes chirurgicaux sont un peu différents. Les pertes de substance des parties molles peuvent bénéficier après détersion chirurgicale de l’utilisation des pansements modernes permettant la cicatrisation et de la thérapie à pression négative.
Ostéite de la dernière phalange
En cas d’ostéite de la dernière phalange, une résection de l’os infecté de distal à proximal est réalisée en conservant l’orteil sauf sur orteil manifestement plus long, auquel cas une amputation distale de l’orteil est préférable pour éviter le risque de récidive. En cas d’orteil en marteau, ce qui est le plus fréquent, on n’hésite pas à faire une ténotomie du long fléchisseur pour permettre la correction de la déformation.
Ostéo-arthrites des interphalangiennes
Les ostéo-arthrites des interphalangiennes sont traitées par une résection articulaire a minima avec, là encore, la conservation de l’orteil dont l’intérêt est non seulement esthétique mais évite la déformation des orteils adjacents.
Ostéo-arthrites métatarso-phalangiennes
Les ostéo-arthrites métatarso-phalangiennes nécessitent la plupart du temps une résection de la tête métatarsienne (fig. 2 ) car celle-ci est le plus souvent de qualité médiocre avec un cartilage qui se décolle de l’os sous-chondral et l’os lui-même a un aspect de sucre mouillé. La résection sur la base de la phalange est souvent très limitée car l’atteinte osseuse est plus modérée. Si l’os est de bonne qualité, on peut se contenter d’une simple synovectomie associée à une ablation du cartilage avec régularisation de la tête métatarsienne, ce qui permet encore plus de limiter les risques de transfert d’appui sur les têtes voisines.
Médio-pied
L’ostéite et les ostéo-arthrites du médio-pied, liées aux déformations du pied dans le cadre d’une neuro-arthropathie de Charcot, peuvent bénéficier de différents traitements chirurgicaux. Le plus simple consiste à réséquer la saillie responsable du conflit, il s’agit d’une ostectomie (fig. 3 ). Elle permet de traiter l’infection et la cause. Elle s’envisage idéalement sur un pied de Charcot au stade chronique avec déformation fixée. En cas d’ostéo-arthrite sur pied de Charcot avec articulation infectée hypermobile, on préfère une chirurgie d’excision de l’infection osseuse associée à une stabilisation articulaire afin d’obtenir un pied stable et plantigrade. Cette stabilisation peut se faire soit par un fixateur externe circulaire, soit avec une synthèse interne. Les modalités de ces traitements sont variables selon les habitudes des équipes chirurgicales, la chirurgie se faisant en un ou deux temps, le premier temps traitant l’infection, le second la déformation. Cette chirurgie nécessite des équipes habituées à la prise en charge des pieds diabétiques. Elle n’est pas dénuée de complications (échec de fusion avec pseudarthrodèse, nouvelle infection, ou fracture du matériel). Elle permet d’éviter des amputations du médio-pied qui sont difficilement appareillables, voire des amputations au niveau de la jambe.
Arrière-pied
À l’arrière-pied, l’ostéite du calcanéum bénéficie d’un curetage de l’os infecté. Dans les formes évoluées avec destruction importante, une résection partielle peut être nécessaire. Plus rarement, si les parties molles sont de bonne qualité, une greffe osseuse secondaire peut s’envisager. La résection partielle a l’avantage de permettre une couverture de l’os plus aisée. En effet, la plus grande difficulté de cette localisation vient des lésions de la coque talonnière dont le traitement est difficile avec un risque important de nouvelle ulcération.
Les infections osseuses peuvent atteindre, dans le cas d’une ostéo-arthropathie de Charcot de la cheville, les malléoles ou le bord externe du pied, voire plus rarement entraîner une ostéo-arthrite tibio-talienne ou sous-talienne. Le traitement consiste là encore à débrider la plaie infectée et à exciser l’os infecté mais aussi à réaligner la cheville pour permettre la disparition de l’appui inadapté et permettre des appuis de meilleure qualité grâce à une pan-arthrodèse de l’arrière-pied dont l’ostéosynthèse par clou transplantaire est la technique la plus utilisée (fig. 4 ).
Les infections osseuses peuvent atteindre, dans le cas d’une ostéo-arthropathie de Charcot de la cheville, les malléoles ou le bord externe du pied, voire plus rarement entraîner une ostéo-arthrite tibio-talienne ou sous-talienne. Le traitement consiste là encore à débrider la plaie infectée et à exciser l’os infecté mais aussi à réaligner la cheville pour permettre la disparition de l’appui inadapté et permettre des appuis de meilleure qualité grâce à une pan-arthrodèse de l’arrière-pied dont l’ostéosynthèse par clou transplantaire est la technique la plus utilisée (
Quand l’amputation reste-t-elle indiquée ?
Les amputations restent une possibilité du traitement chirurgical des infections osseuses du pied diabétique. Les indications doivent être bien posées et actuellement elles sont surtout réservées aux nécroses tissulaires ne permettant pas de faire une chirurgie conservatrice, aux artériopathies non traitables et aux échecs du traitement conservateur. À l’avant-pied, elles sont source de transfert d’appui avec risque de nouvelle ulcération ultérieure et de nouvelle amputation.8 Au médio-pied, les amputations sont difficilement appareillables et entraînent volontiers un équin, malgré quelques artifices techniques. Elles sont trop souvent responsables de nouvelles ulcérations liées aux défauts d’appui. L’amputation de jambe permet un meilleur appareillage tout en permettant une remise en charge rapide et une marche correcte, en théorie au moins. Néanmoins, chez le patient âgé, les conséquences ne sont pas négligeables avec principalement des difficultés à mettre correctement le manchon et l’emboîture de la prothèse, des blessures sur le moignon par modification du galbe des parties molles avec conflit sur la prothèse et des risques de chute sur le moignon lorsqu’il retire sa prothèse.
PRENDRE EN CHARGE EN MILIEU SPÉCIALISÉ
L’infection osseuse du pied diabétique est fréquente chez le patient neuropathique. Par une surveillance accrue des patients à risque, on peut espérer une diminution des plaies du pied et de leurs complications. Avec une prise en charge chirurgicale adaptée, conservatrice la plupart du temps, associant exérèse des tissus infectés avec résection osseuse a minima et gestes techniques de prévention des récidives on devrait permettre, en dehors d’artériopathie sévère, de faire drastiquement baisser les amputations chez le diabétique pour ostéite. C’est l’intérêt d’une prise en charge en milieu spécialisé avec une équipe multidisciplinaire.
Encadre
L’ostéite du pied diabétique peut aussi se traiter sans chirurgie
— que l’atteinte osseuse soit limitée et peu destructrice ;
— qu’il n’y ait pas de séquestres osseux, inaccessibles aux antibiotiques ;
— que les parties molles autour de l’os soient viables ;
— que le patient puisse tolérer 6 semaines d’antibiotiques ;
— que la décharge de la plaie soit parfaite et le patient observant ;
— que les germes responsables de l’ostéite aient été identifiés avec une biopsie osseuse.
Si toutes ces conditions sont remplies, on peut proposer 6 semaines d’une antibiothérapie à bonne diffusion osseuse (rifampycine en bithérapie, sulfaméthoxazole/triméthoprime [Bactrim], quinolones…) avec une surveillance radiologique.
Références
1. Ha Van G. Le pied diabétique. Issy-Les-Moulineaux : Masson, 2008.
2. Fosse-Edorth S, Mandereau-Bruno L, Hartemann-Heurtier A. Les hospitalisations pour complications podologiques chez les personnes diabétiques traitées pharmacologiquement en France en 2013. Bull Epidemiol Hebd 2015;34-35:638-44.
3. Ha Van G, Siney H, Danan JP, Sachon C, Grimaldi A. Treatment of osteomyelitis in the diabetic foot. Contribution of conservative surgery. Diabetes Care 1996;19:1257-60.
4. Lazaro-Martinez JL, Aragon-Sanchez J, Garcia-Morales E. Antibiotics versus conservative surgery for treating diabetic foot osteomyelitis : a randomized comparative trial. Diabetes Care 2014;37:789-95.
5. Allahabadi S, Haroun KB, Musher DM, Lipsky BA, Barshes NR. Consensus on surgical aspects of managing osteomyelitis in the diabetic foot. Diabet Foot Ankle 2016;7:30079.
6. Senneville E, Lombart A, Beltrand E, et al. Outcome of diabetic foot osteomyelitis treated nonsurgically. A retrospective cohort study. Diabetes Care 2008;31:637-42.
7. Garcia-Morales E, Lazaro-Martinez JL, Aragon-Sanchez J, Cecilia-Matilla A, Garcia-alvarez Y, Beneit-Montesinos JV. Surgical complications associated with primary closure in patients with diabetic foot osteomyelitis. Diabet Foot Ankle 2012;3:19000.
8. Thorud JC, Jupiter DC, Lorenzana J, Nguyen TT, Shibuya N. Reoperation and reamputation after transmetatarsal amputation : A systematic review and meta-analysis. J Foot Ankle Surg 2016;55:1007-12.
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