Un avis spécialisé doit être demandé si au bout de 15 jours la cicatrisation n’apparaît pas acquise
On estime à environ 500 000 le nombre de brûlures survenant chaque année en France. En 2011, 11 824 séjours hospitaliers pour brûlures ont été recensés par le rapport 2011 de l’Institut de veille sanitaire, dont 45 % en centre de brûlés. Une large majorité de patients ont donc été traités en ville. Si ce type de prise en charge est parfaitement compatible avec les brûlures bénignes, il est important de pouvoir diag­nostiquer correctement la gravité des brûlures afin de décider du mode de prise en charge et du traitement les plus appropriés aux lésions constatées. En effet, les brûlures mal prises en charge sont susceptibles d’entraîner des séquelles somatiques et psychologiques importantes.

Évaluer la gravité de la brûlure

Le diagnostic de gravité est un diagnostic clinique. Il prend en compte la profondeur des lésions, leur surface, ainsi que les critères de gravité associés aux brûlures.1, 2 À l’issue du diagnostic, le choix du mode de prise en charge – en hospitalisation ou en ambulatoire – est effectué.

Profondeur des brûlures


La brûlure du premier degré atteint les couches superficielles de l’épiderme. Elle se manifeste par une rougeur et une douleur au niveau des zones brûlées. La lésion évolue vers la guérison sans séquelles après desquamation.
La brûlure du deuxième degré superficiel atteint la jonction entre le derme et l’épiderme et endommage partiellement la couche basale, qui contient les cellules souches épidermiques. Cliniquement, une brûlure du deuxième degré superficiel se caractérise par la présence de phlyctènes. Leur ablation met en évidence un fond rose foncé ou rouge, extrêmement douloureux et suintant (fig. 1). Un test clinique simple, le test à la vitropression, permet de confirmer le second degré superficiel : il est considéré comme positif lorsqu’une pression digitale sur la lésion entraîne un blanchiment suivi d’une recoloration rapide (fig. 2), ce qui signifie que le réseau vasculaire dermique superficiel est intact. Ce type de brûlure cicatrise en moins de 10 jours, habituellement sans séquelles. Une dyschromie peut survenir dans les mois suivant la cicatrisation, favorisée par l’exposition solaire.
La brûlure du deuxième degré profond atteint le sein du derme. Les phlyctènes sont présentes de façon inconstante, leur fond est rosé, voire blanchâtre, et suintant (fig. 3). La douleur est également très vive. En revanche, le test à la vitropression est négatif : le blanchiment et la recoloration sont retardés, voire absents, ce qui indique que le réseau vasculaire dermique a été lésé. Lorsque la brûlure atteint profondément le derme, les follicules pileux se détachent à la traction. La durée de cicatrisation des brûlures du deuxième degré profond est supérieure à 10 jours et peut atteindre plusieurs semaines, voire plusieurs mois selon la profondeur de l’atteinte. La couche basale épidermique étant totalement détruite, la cicatrisation s’effectue à partir des cellules de type épidermique constituant les annexes épidermiques (follicules pileux, glandes sébacées et sudoripares) situées au sein du derme. Cette cicatrisation prolongée entraînera inéluctablement des séquelles : anomalies de coloration cutanée (dyschromie), anomalies de texture cutanée (aspect plissé, piqueté...), cicatrices hypertrophiques et/ou rétractiles. Il est donc préférable de traiter chirurgicalement ces lésions lorsque le délai de cicatrisation est trop long.
La distinction entre deuxième degré superficiel et profond est parfois difficile à effectuer pour un évaluateur peu expérimenté. De plus, un diagnostic fiable est plus difficile à obtenir dans les 48 premières heures suivant la brûlure, en raison notamment d’une vasoconstriction précoce des vaisseaux sanguins cutanés dans les heures suivant le traumatisme.
Il existe un autre piège diagnostique : après quelques jours d’évolution, les brûlures du deuxième degré superficiel et profond se recouvrent d’un enduit jaunâtre opaque, appelé communément « fibrine » (fig. 3). Ces brûlures peuvent alors être confondues avec des brûlures du troisième degré. Pourtant, cet enduit est humide et souple, et la plaie douloureuse. Cet enduit de fibrine se déterge progressivement, ce qui permet de juger de l’évolution de la cicatrisation.
Les brûlures du troisième degré ne posent pas de difficulté diagnostique. Dans ce type de lésion, la totalité du derme est détruite. La brûlure est blanche, brunâtre, voire noire en cas de carbonisation. La lésion est sèche, froide, cartonnée, indolore (fig. 4). Les follicules pileux se détachent. La cicatrisation spontanée de ces brûlures du troisième degré est impossible. Le traitement chirurgical est obligatoire.

Surface et critère de gravité des brûlures

L’évaluation de la surface brûlée selon la règle des 9 de Wallace3 ou par référence à la paume des mains, ainsi que celle des critères de gravité sont décrites dans l’article précédent (v. p. 1 078).

Traitement hospitalier ou ambulatoire ?


Les critères d’hospitalisation d’un patient brûlé dans un centre de brûlés à la phase aiguë de la brûlure4 sont également décrits dans l’article précédent (v. p. 1 078). Dans tous les autres cas, la prise en charge ambulatoire est possible.
À la phase secondaire, il est nécessaire de recourir à l’hospitalisation en cas de surinfection des brûlures ou en cas d’absence de cicatrisation après 15 jours d’évolution, afin de réaliser les greffes cutanées.

Quel traitement en ambulatoire ?

Pansement


Le pansement initial s’effectue si possible en consultation hospitalière, afin d’assurer une antalgie correcte, d’établir un diagnostic initial et de déterminer le lieu et les modalités de prise en charge des brûlures. Ce pansement est habituellement le plus douloureux, car il nécessite le nettoyage des lésions et l’ablation des phlyctènes. Le nettoyage s’effectue par savonnage au savon antiseptique, habituellement la chlorhexidine moussante, et rinçage au sérum physiologique.
Le topique le plus communément utilisé en pansement initial est la sulfadiazine argentique. Son intérêt principal est de prévenir l’infection de la brûlure. En pratique, la pommade est utilisée pour imprégner des compresses stériles qui sont appliquées directement sur la plaie. Le pansement est renouvelé tous les jours.
Lorsque la plaie est propre et la brûlure du deuxième degré, les topiques contenant de l’acide hyaluronique permettent de stimuler la cicatrisation. Ils s’appliquent sur un tulle gras et doivent être utilisés en quantité suffisante afin d’éviter l’adhérence du pansement à la plaie. Ils se renouvellent toutes les 48 heures. En cas de brûlure du deuxième degré superficiel de petite surface, les pansements hydrocolloïdes minces sont indiqués. Très conformables, ils sont particulièrement adaptés aux localisations en zone de mobilité et aux enfants. Ils sont renouvelés fréquemment en phase précoce, en raison d’un suintement abondant de la plaie, puis à saturation les jours suivants, jusqu’à cicatrisation.
Lorsque la brûlure du deuxième degré se recouvre d’un enduit fibrineux, il est important d’effectuer autant que possible une détersion mécanique à la compresse lors du pansement, afin d’accélérer la détersion de la plaie. Lorsque la brûlure est détergée, sa profondeur peut alors être réévaluée et le type de pansement réadapté.
Dans les brûlures du deuxième degré superficiel, l’épidermisation est déjà en cours lorsque l’enduit fibrineux se déterge. Il est alors intéressant de la stimuler par l’utilisation de corticoïdes locaux de classe 2 sous forme de crème appliquée sur un tulle gras, sauf en cas de suspicion d’infection. Les corticoïdes ont pour effet d’accélérer l’épidermisation en fin de cicatrisation. Une voire deux applications espacées de 48 heures permettent de cicatriser totalement la plaie.
Lorsque l’épidermisation est acquise, l’épiderme est rosé, mat, encore très fin et fragile. Il faut alors impérativement laisser la zone fraîchement cicatrisée à l’air libre, sans pansement mais avec application régulière de crème hydratante, afin que l’épiderme réépaississe et que la couche cornée se reconstitue. Une erreur fréquemment commise est de continuer l’application de pansements sur la zone, évaluée comme non cicatrisée en raison de sa couleur, ce qui entraîne une macération et la lyse de l’épiderme nouvellement formé.
Enfin, lorsque la plaie est cicatrisée en quasi-totalité, hormis quelques pastilles éparses, les pansements siliconés micro-adhérents permettent de laisser à l’air la surface cicatrisée et de traiter les plaies restantes sans traumatiser la peau encore fragile lors du retrait du pansement.
Les brûlures du deuxième degré profond peuvent cicatriser spontanément, mais un délai de cicatrisation trop long entraîne l’apparition de séquelles de brûlures. C’est pourquoi une greffe cutanée doit être réalisée si la cicatrisation n’est pas acquise 15 jours après la brûlure en zone mobile, ou 21 jours dans les autres localisations.5
Dans certaines lésions du deuxième degré profond, l’épidermisation se trouve bloquée dans sa progression par un tissu de granulation en relief, appelé bourgeon hypertrophique. Ce bourgeon doit être affaissé afin de permettre à l’épidermisation de progresser. Les corticoïdes locaux permettent de réduire l’épaisseur du bourgeon et stimulent l’épidermisation finale.
Les brûlures du troisième degré sont des lésions en attente de chirurgie. Elles sont traitées par topiques antiseptiques type sulfadiazine argentique ou gel de polyvidone iodée afin d’éviter la colonisation bactérienne voire l’infection cutanée, qui pourraient entraîner un échec des greffes cutanées.

Mesures associées


La prise en charge de la douleur doit distinguer la douleur de fond et la douleur aiguë lors du pansement. La douleur de fond est traitée par antalgiques de palier 2, en association avec la prise de paracétamol. Un anxiolytique est fréquemment prescrit transitoirement le soir afin d’atténuer les troubles du sommeil. La douleur aiguë lors du pansement est traitée par morphiniques d’action rapide.
En cas de brûlure des membres inférieurs, l’œdème causé par la lésion entraîne une gêne au retour veineux, à l’origine de douleurs à la station debout, d’une réduction de la déambulation et d’un retard de cicatrisation. Une anticoagulation préventive par héparine de bas poids moléculaire ainsi qu’une contention veineuse par bandes élastiques doivent être prescrites pendant la durée de la cicatrisation.
La nutrition est également un facteur important de cicatrisation. Un apport calorique et protéique suffisant doit être assuré. Des compléments nutritionnels oraux peuvent être prescrits.
Le rôle des soignants en ville est également d’exercer une surveillance de la plaie et du patient : recherche de signes de surinfection de la plaie (rougeur, chaleur, œdème périphérique, sécrétions odorantes…), évaluation de l’état général du patient (fièvre, humeur dépressive, inappétence, amaigrissement…).
Après cicatrisation, les consignes à délivrer au patient sont l’éviction solaire au niveau des zones brûlées pendant 1 à 2 ans afin d’éviter une hyperpigmentation résiduelle et l’hydratation cutanée par émollients neutres pendant plusieurs mois. En cas de brûlure du deuxième degré profond, le port de vêtements compressifs sur mesure est indiqué afin de minimiser le développement de cicatrices hypertrophiques au niveau des zones brûlées. Ces cicatrices apparaissent préférentiellement en cas de durée de cicatrisation longue, chez les sujets jeunes à peau mate ou noire et dans certaines localisations anatomiques : ceinture scapulaire, région présternale, ceinture pelvienne, zones de traction cutanée importante (zones articulaires). Si les cicatrices siègent en zone mobile, une rééducation est également prescrite afin de limiter les rétractions à l’origine de séquelles fonctionnelles invalidantes.

SUIVRE L’ÉVOLUTION

La majorité des brûlures peuvent être traitées en ville. Cependant, ce type de prise en charge nécessite un diag­nostic de gravité fiable, un traitement adapté et un suivi régulier de l’évolution des lésions. Au moindre doute et impérativement en cas de cicatrisation non acquise après 15 jours, il est indispensable d’adresser les patients en centre spécialisé afin d’éviter l’apparition de séquelles importantes et potentiellement évitables.
Références
1. Carsin H, Le Bever H, Bargues L, Stephanazzi J. Brûlure. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Urgences, 24-116-E-15, 2006.
2. Société française d’étude et de traitement de la brûlure. Estimation de la gravité de la brûlure : surface et profondeur de la brûlure. Référentiels et recommandations de la SFETB, 2006.
3. Wallace AB. The exposure treatment of burns. Lancet 1951;1:501-4.
4. Société française d’étude et de traitement de la brûlure. Critères d’hospitalisation d’un brûlé dans un centre de brûlés. Référentiels et recommandations SFETB, 2006.
5. Lakhel A, Pradier JP, Brachet M, et al. Chirurgie des brûlures graves au stade aigu. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris) Techniques chirurgicales - Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, 45-157, 2008.

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Résumé

La grande majorité des brûlures sont bénignes et peuvent donc être traitées en ville. Il est cependant important de pouvoir diagnostiquer correctement la gravité des brûlures afin de décider du mode de prise en charge et du traitement les plus appropriés aux lésions constatées. Les critères diagnostiques, les critères d’hospitalisation, les modalités des soins locaux ainsi que les indications du traitement chirurgical sont détaillés.