Les techniques d’épuration extrarénale sont fréquemment utilisées pour suppléer la fonction rénale en cas d’insuffisance rénale aiguë. On distingue deux situations suivant la présence ou non de complications de l’insuffisance rénale mettant en jeu le pronostic vital.
L’épuration extrarénale doit être débutée en urgence en cas de complications de l’insuffisance rénale aiguë mettant en jeu le pronostic vital1 comme l’œdème aigu du poumon résistant au traitement diurétique, l’hyperkaliémie supérieure à 6 mmol/L associée à des anomalies de l’électrocardiogramme, l’acidose métabolique grave (pH < 7,15), l’acidose lactique à la metformine, l’hypermagnésémie supérieure à 4 mmol/L associée à une aréflexie tendineuse et les complications de l’urémie telles que la péricardite, l’encéphalopathie ou l’hémorragie digestive (v. figure). Dans une étude rétrospective finlandaise conduite à partir des données de 17 services de soins intensifs, le risque de décès à 90 jours était près de 4 fois plus important lorsque l’épuration extrarénale avait été débutée plus de 12 heures après l’apparition d’une complication de l’insuffisance rénale aiguë par rapport au début d’une épuration extrarénale dans les 12 heures. Ces situations font consensus mais restent cependant minoritaires.
En l’absence de complications de l’insuffisance rénale, le moment idéal pour débuter une épuration extrarénale reste incertain.
L’épuration extrarénale doit être débutée en urgence en cas de complications de l’insuffisance rénale aiguë mettant en jeu le pronostic vital1 comme l’œdème aigu du poumon résistant au traitement diurétique, l’hyperkaliémie supérieure à 6 mmol/L associée à des anomalies de l’électrocardiogramme, l’acidose métabolique grave (pH < 7,15), l’acidose lactique à la metformine, l’hypermagnésémie supérieure à 4 mmol/L associée à une aréflexie tendineuse et les complications de l’urémie telles que la péricardite, l’encéphalopathie ou l’hémorragie digestive (v. figure). Dans une étude rétrospective finlandaise conduite à partir des données de 17 services de soins intensifs, le risque de décès à 90 jours était près de 4 fois plus important lorsque l’épuration extrarénale avait été débutée plus de 12 heures après l’apparition d’une complication de l’insuffisance rénale aiguë par rapport au début d’une épuration extrarénale dans les 12 heures. Ces situations font consensus mais restent cependant minoritaires.
En l’absence de complications de l’insuffisance rénale, le moment idéal pour débuter une épuration extrarénale reste incertain.
Définitions d’une épuration extrarénale « précoce » ou « tardive
Dans la littérature, différents paramètres (créatininémie, urémie, diurèse) et valeurs seuils, souvent choisis de façon arbitraire, ont été utilisés pour définir une épuration extrarénale « précoce » ou « tardive ». Dans les études plus récentes, c’est la classification KDIGO (Kidney Disease Improving Global Outcomes)(v. p. 152)qui est employée pour définir la sévérité de l’insuffisance rénale au moment de l’instauration de l’épuration extrarénale. Des recommandations françaises d’experts proposent de définir une initiation « précoce » de l’épuration extrarénale si elle est débutée au stade KDIGO 2 ou dans les 24 heures suivant le diagnostic d’une insuffisance rénale aiguë dont la réversibilité semble peu probable. Une initiation « tardive » est définie par l’initiation de l’épuration extrarénale à plus de 48 heures de la survenue d’une insuffisance rénale aiguë au stade KDIGO 3 ou en cas de survenue de complications de l’insuffisance rénale aiguë.
Rationnel d’une épuration extrarénale « précoce » ou « tardive
Il existe un rationnel physiologique pour débuter précocement une épuration extrarénale lorsqu’une récupération rapide de la fonction rénale est peu probable. Ainsi une épuration précoce permet de faciliter le contrôle de la balance hydrosodée, diminue l’exposition du patient aux toxines urémiques et prévient l’hyperkaliémie et l’acidose. Néanmoins, plusieurs points ne plaident pas en faveur d’un début précoce de l’épuration extrarénale. Le traitement nécessite la pose d’un cathéter de dialyse, qui représente un risque d’infection supplémentaire pour le patient. L’anticoagulation du circuit sanguin, systémique par héparine ou régionale par citrate, présente le risque d’accidents hémorragiques dans le premier cas et de désordres électrolytiques dans le second. L’épuration extrarénale expose les patients aux risques d’instabilité hémodynamique et de modifications rapides de l’osmolarité qui compromettent les chances de récupération de la fonction rénale et possiblement de survie du patient.
Balance hydrosodée positive
Les études observationnelles ont permis de mettre en évidence une relation entre la mortalité et l’existence d’une balance hydrique positive. Chez les patients ayant une insuffisance rénale aiguë, une balance hydrosodée positive pourrait être un argument d’initiation de l’épuration extrarénale.6 Cependant, les effets d’une telle stratégie n’ont pas encore été suffisamment évalués. Un algorithme précisant les indications d’initiation d’une épuration extrarénale est proposé à la figure ci-contre.En conclusion, une épuration extrarénale doit être débutée au plus vite en cas de complication de l’insuffisance rénale aiguë mettant en jeu le pronostic du patient. Dans les autres cas, les données de la littérature sont discordantes en raison de l’hétérogénéité des études. La prise en compte de l’évolution attendue de la fonction rénale à court terme est probablement intéressante pour prendre la décision de débuter une épuration extrarénale, mais reste à démontrer.
Études rétrospectives
La plupart des études rétrospectives ont montré une augmentation du risque de décès chez les patients épurés tardivement par rapport aux patients épurés de façon précoce. Cependant, une valeur sanguine d’urée ou de créatinine plus élevée pour le groupe tardif au moment du début de l’épuration extrarénale peut aussi être en rapport avec une insuffisance rénale aiguë plus sévère, elle-même associée à un pronostic plus défavorable. Cela introduit un biais en défaveur des groupes tardifs. Pour pallier ce problème, une nouvelle définition du moment de l’instauration du traitement par épuration extrarénale a été utilisée. Les patients ont été classés comme débutant une épuration extrarénale de façon « précoce » ou « tardive » en fonction du délai entre le moment où les patients remplissaient un critère et le début de l’épuration extrarénale. Ainsi dans une récente étude brésilienne, les patients qui avait atteint le stade KDIGO 3 étaient classés dans le groupe épuration extrarénale « précoce » si une épuration extrarénale était débutée dans les 24 heures ou « tardive » dans les autres cas. Chez les patients dont la fonction rénale de base était normale, la mortalité était plus basse dans le groupe épuration extrarénale « précoce ».2Essais cliniques
Plusieurs essais ont été conduits pour tenter d’établir les circonstances optimales pour débuter une épuration extrarénale en l’absence d’indication conventionnelle. Leurs résultats sont discordants et difficiles à comparer. En effet, ces études ont été réalisées chez des patients, avec des causes d’insuffisance rénale et des définitions différentes des groupes « tardif » et « précoce ». À titre d’exemple, citons les résultats des deux derniers essais cliniques publiés en 2016.L’essai monocentrique allemand ELAIN3 conduit dans une unité de soins intensifs post-chirurgie cardiaque a inclus 231 patients avec une insuffisance rénale aiguë de stade KDIGO 2 et une élévation du biomarqueur de lésion rénale NGAL (Neutrophil Gelatinase-Associated Lipocalin). Pour les patients du groupe « précoce », une épuration extrarénale devait être débutée dans les 12 heures du stade KDIGO 3 ou en cas de complication, d’urémie supérieure à 35 mmol/L ou d’oligurie. Dans cette étude, la mortalité observée à 90 jours fut moindre dans le groupe « précoce » (39 %) en comparaison au groupe « tardif » (53 % ; p = 0,03).L’essai français multicentrique AKIKI4 a inclus 620 patients de soins intensifs atteints d’insuffisance rénale aiguë de stade KDIGO 3. Dans le groupe « précoce », une épuration extrarénale était débutée dans les 6 heures. Dans le groupe « tardif », l’épuration extrarénale était débutée uniquement en cas de complication, d’urémie supérieure à 40 mmol/L ou d’oligo-anurie de plus de 3 jours. Aucune différence de mortalité à 60 jours ne fut observée entre les deux groupes (48 % vs 49 % ; p = 0,79).Dans une récente méta-analyse, il n’est pas observé de différence significative entre une stratégie d’épuration extrarénale « précoce » ou « tardive » avec la limite d’interprétation de l’hétérogénéité des études analysées.Prédiction du besoin d’épuration extrarénale
L’évolution prévisible à court terme de la fonction rénale semble un élément important dans la décision de débuter l’épuration extrarénale. En effet, il apparaît inutile, voire délétère, de débuter une épuration extrarénale chez un patient ayant de fortes chances de récupérer rapidement. On peut ainsi remarquer que dans l’essai AKIKI4 seuls 51 % des patients du groupe « tardif » ont été traités par épuration extrarénale. Cela suggère qu’autant de patients ont été exposés inutilement aux risques potentiels de l’épuration extrarénale dans le groupe « précoce ». La mortalité des patients du groupe « tardif » non épurés étaient de 37 % contre 61 % en cas de recours à l’épuration extra-rénale. L’inclusion de patients qui n’avaient finalement pas besoin d’épuration extrarénale s’est faite au bénéfice de la stratégie « tardive » et possiblement au détriment de la stratégie « précoce ». L’évolution de l’insuffisance rénale aiguë dépend de la présence d’une insuffisance rénale chronique préexistante, de la cause et de la sévérité des lésions tissulaires qui pourrait être évaluée à l’aide de biomarqueurs.Balance hydrosodée positive
Les études observationnelles ont permis de mettre en évidence une relation entre la mortalité et l’existence d’une balance hydrique positive. Chez les patients ayant une insuffisance rénale aiguë, une balance hydrosodée positive pourrait être un argument d’initiation de l’épuration extrarénale.6 Cependant, les effets d’une telle stratégie n’ont pas encore été suffisamment évalués. Un algorithme précisant les indications d’initiation d’une épuration extrarénale est proposé à la figure ci-contre.En conclusion, une épuration extrarénale doit être débutée au plus vite en cas de complication de l’insuffisance rénale aiguë mettant en jeu le pronostic du patient. Dans les autres cas, les données de la littérature sont discordantes en raison de l’hétérogénéité des études. La prise en compte de l’évolution attendue de la fonction rénale à court terme est probablement intéressante pour prendre la décision de débuter une épuration extrarénale, mais reste à démontrer.Références
1. Gibney N, Hoste E, Burdmann EA, et al. Timing of initiation and discontinuation of renal replacement therapy in AKI: unanswered key questions. Clin J Am Soc Nephrol 2008;3:876-80.
2. Leite TT, Macedo E, Pereira SM, et al. Timing of renal replacement therapy initiation by AKIN classification system. Crit Care 2013;17:R62.
3. Zarbock A, Kellum JA, Schmidt C, et al. Effect of early vs delayed initiation of renal replacement therapy on mortality in critically ill patients with acute kidney Injury: the ELAIN randomized clinical trial. JAMA 2016;315:2190-9.
4. Gaudry S, Hajage D, Schortgen F,et al. Initiation strategies for renal-replacement therapy in the intensive care unit. N Engl J Med 2016;375:122-33.
5. Wierstra BT, Kadri S, Alomar S, Burbano X, Barrisford GW, Kao RL. The impact of "early" versus "late" initiation of renal replacement therapy in critical care patientswith acute kidney injury: a systematic review and evidence synthesis. Crit Care 2016;20:122-35.
6. Schetz M, Forni LG, Joannidis M. Does this patient with AKI need RRT? Intensive Care Med 2016;42:1155-8.
2. Leite TT, Macedo E, Pereira SM, et al. Timing of renal replacement therapy initiation by AKIN classification system. Crit Care 2013;17:R62.
3. Zarbock A, Kellum JA, Schmidt C, et al. Effect of early vs delayed initiation of renal replacement therapy on mortality in critically ill patients with acute kidney Injury: the ELAIN randomized clinical trial. JAMA 2016;315:2190-9.
4. Gaudry S, Hajage D, Schortgen F,et al. Initiation strategies for renal-replacement therapy in the intensive care unit. N Engl J Med 2016;375:122-33.
5. Wierstra BT, Kadri S, Alomar S, Burbano X, Barrisford GW, Kao RL. The impact of "early" versus "late" initiation of renal replacement therapy in critical care patientswith acute kidney injury: a systematic review and evidence synthesis. Crit Care 2016;20:122-35.
6. Schetz M, Forni LG, Joannidis M. Does this patient with AKI need RRT? Intensive Care Med 2016;42:1155-8.