En 2019, quatre méthodes de mesure de la pression artérielle peuvent être utilisées par les médecins. Deux méthodes sont utilisées au cabinet : la mesure clinique conventionnelle et la mesure, moins connue, sans surveillance. Deux méthodes sont utilisées en dehors du cabinet : l’automesure tensionnelle et la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA). Toutes ces méthodes partagent un certain nombre de critères de qualité qui doivent être respectés. Au cabinet, il faut préférer l’utilisation d’un tensiomètre électronique, la mesure auscultatoire étant recommandée uniquement en cas de doute sur la fiabilité de la mesure électronique (arythmie, prééclampsie, enfant). Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients, qui peuvent différer également selon la question posée (dépistage d’une hypertension ? diagnostic d’une hypertension ? surveillance d’un traitement antihypertenseur ? recherche de complications ?) et le contexte (âge du patient, autonomie, troubles cognitifs, anxiété, etc.).

Mesure de la pression artérielle au cabinet (mesure clinique conventionnelle)

La mesure au tensiomètre électronique est la méthode privilégiée pour mesurer la pression artérielle en consultation, elle permet de réaliser le dépistage, le diagnostic et le suivi des patients hypertendus. Ces mesures doivent respecter des conditions et règles rappelées dans le tableau 1.1, 2 Les mesures de la pression artérielle au cabinet sont souvent effectuées de manière incorrecte, ce qui peut conduire à une surestimation de la vraie pression artérielle du patient et conduire à des traitements inutiles. Chez les personnes à risque d’hypotension orthostatique (sujets âgés ou diabétiques), la pression artérielle doit également être mesurée après 1 et 3 minutes d’orthostatisme. L’hypotension orthostatique est définie comme une baisse de la pression artérielle systolique (PAS) ≥ 20 mmHg ou de la pression artérielle diastolique (PAD) ≥ 10 mmHg dans les 3 minutes suivant la position debout ; elle est associée à un risque accru de mortalité et d'événements cardiovasculaires.

Mesure de la pression artérielle au cabinet, sans surveillance

L’utilisation d’un tensiomètre électronique « automatique » permet de réaliser des mesures multiples de la pression artérielle, réalisées au cabinet médical mais sans surveillance, dans le but d’éviter l’effet « blouse blanche ». Les mesures sont similaires, voire inférieures, à celles fournies par la MAPA diurne ou par l’automesure à domicile. Cette méthode a été utilisée dans l’essai clinique SPRINT3 qui a montré le bénéfice d’un objectif de pression artérielle inférieur à 130/80 mmHg et a conduit à définir, dans les recommandations américaines, ce nouveau seuil pour le diagnostic d’hypertension. Cependant, les mesures conventionnelles de PAS seraient supérieures en moyenne de 10 mmHg à celles obtenues sans surveillance. Ainsi il est difficile de conclure sur le réel intérêt de cette méthode de mesure en l’absence de corrélation connue avec les autres méthodes de mesure de la pression artérielle et avec les événements cardiovasculaires. De plus, cette méthode n’est pas optimale pour la pratique clinique de routine et nécessite des réaménagements des locaux, aussi bien dans les cabinets médicaux que chez les pharmaciens.

Automesure tensionnelle

L’automesure tensionnelle se définit par la mesure consciente et volontaire de la pression artérielle par le sujet lui-même, en général à son domicile. Le patient doit avoir été informé et éduqué à l’automesure. Les mesures doivent respecter un certain nombre de critères résumés dans le tableau 2. Si le patient ne peut effectuer l’automesure, elle peut être réalisée par un aidant selon le même protocole. Comparées aux mesures au cabinet médical, les valeurs obtenues en automesure sont généralement inférieures. Le seuil diagnostique pour l’hypertension est ≥ 135/85 mmHg (tableau 3). L’usage des appareils de mesure au poignet n’est pas recommandé. Pour interpréter une campagne d’automesure, un minimum de 15 mesures consécutives est requis selon des critères du tableau 2.

Mesure ambulatoire de la pression artérielle

La MAPA fournit la moyenne des mesures réalisées automatiquement par un appareil portatif, généralement pendant 24 heures (1 mesure toutes les 15 minutes le jour et 1 mesure toutes les 30 minutes la nuit). Un minimum de 70 % de mesures utilisables est requis pour une MAPA valide. Les valeurs de MAPA sont, en moyenne, inférieures aux valeurs de pression artérielle obtenues au cabinet, et il existe différents seuils (tableau 3).

Avantages et inconvénients de la MAPA et de l’automesure

V. tableau 4.
Les mesures de pression artérielle obtenues par l’automesure ou la MAPA sont mieux corrélées à l’atteinte des organes cibles4 et prédisent mieux la morbidité et la mortalité cardiovasculaire5, 6 que les mesures de consultation. De plus, l’automesure permet d’améliorer l’observance du traitement et le contrôle de la pression artérielle.7 La MAPA permet une analyse du cycle nycthéméral sur 24 heures, et différents paramètres ont été identifiés comme étant de mauvais pronostic : baisse insuffisante ou au contraire trop importante de la pression artérielle nocturne, grande variabilité de la pression artérielle, etc.8 L’automesure et la MAPA permettent le diagnostic d’hypertension « blouse blanche » (pression artérielle élevée en consultation mais normale en automesure ou en MAPA) et d’hypertension masquée (pression artérielle normale au cabinet, mais élevée en automesure ou en MAPA). Le risque cardiovasculaire est plus faible en cas d’hypertension « blouse blanche » (où il est proche de la normotension) et ne nécessite donc pas de traitement antihypertenseur (sauf autres anomalies associées). L’atteinte des organes cibles et les événements cardiovasculaires sont plus élevés dans l’hypertension masquée que chez les sujets normotendus ou que chez les sujets toujours hypertendus.6, 9 Ainsi, il est suggéré de considérer une hypertension masquée, chez l’hypertendu traité, comme une hypertension non contrôlée, et d’adapter le traitement antihypertenseur en conséquence.

Impliquer les patients dans leur prise en charge

la mesure clinique conventionnelle réalisée par le médecin au cabinet permet le dépistage de l’hypertension artérielle. L’automesure permet de confirmer le diagnostic, et il est recommandé de la réaliser avant de débuter un traitement antihypertenseur ou d’en modifier la posologie. L’automesure permet également d’éliminer une hypertension « blouse blanche », de suivre le contrôle tensionnel d’une hypertension traitée, et de suivre les patients ayant une hypertension « blouse blanche », qui sont plus à risque de devenir un jour réellement hypertendus. L’automesure implique les patients dans leur prise en charge, ce qui peut contribuer à améliorer l’observance et le contrôle tensionnel, en association avec les autres interventions (éducation thérapeutique, respect des règles hygiéno-diététiques).10 La MAPA peut être utile pour poser le diagnostic d’hypertension en l’absence d’automesure, pour évaluer la pression artérielle nocturne (qui a une valeur pronostique), en cas de suspicion d’hypotension ou de grande variabilité, et en cas d’hypertension résistante.
Ainsi, l’automesure tensionnelle est la méthode à privilégier. Les patients font ce choix eux-mêmes car ils sont de plus en plus nombreux à acheter des tensiomètres, de leur propre initiative. Avec une disponibilité accrue et un coût de plus en plus faible, cette tendance devrait se confirmer. Le médecin doit les accompagner dans leurs choix en leur enseignant la pratique de la méthode de mesure et en les prévenant de la variabilité tensionnelle qui conduit à raisonner sur les moyennes des résultats de mesure. L’utilisation d’outils d’aide à l’interprétation des résultats peut également être utile.11 
Références
1. Williams B, Mancia G, Spiering W, et al. 2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hypertension. Eur Heart J 2018;39:3021-104.
2. Société française d’hypertension artérielle. Mesure de la pression artérielle. Recommandation, décembre 2018. http://www.sfhta.eu ou http://bit.ly/2O4vvrV
3. SPRINT research group, Wright JT Jr, Williamson JD, et al. A randomized trial of intensive versus standard blood-pressure control. N Engl J Med 201526;373:2103-16.
4. Bliziotis IA, Destounis A, Stergiou GS. Home versus ambulatory and office blood pressure in predicting target organ damage in hypertension: a systematic review and meta-analysis. J Hypertens 2012;30:1289-99.
5. Ward AM, Takahashi O, Stevens R, Heneghan C. Home measurement of blood pressure and cardiovascular disease: systematic review and meta-analysis of prospective studies. J Hypertens 2012;30:449-56.
6. Banegas JR, Ruilope LM, de la Sierra A, et al. Relationship between Clinic and Ambulatory Blood-Pressure Measurements and Mortality. N Engl J Med 2018;378:1509-20.
7. McManus RJ, Mant J, Haque MS, et al. Effect of self-monitoring and medication self-titration on systolic blood pressure in hypertensive patients at high risk of cardiovascular disease: the TASMIN-SR randomized clinical trial. JAMA 2014;312799-808.
8. Parati G, Stergiou G, O'Brien E, et al. European Society of Hypertension practice guidelines for ambulatory blood pressure monitoring. J Hypertens 2014;32:1359-66.
9. Bobrie G, Chatellier G, Genes N, et al. Cardiovascular prognosis of “masked hypertension” detected by blood pressure self-measurement in elderly treated hypertensive patients. JAMA 2004;291:1342-9.
10. Tucker KL, Sheppard JP, Stevens R, et al. Self-monitoring of blood pressure in hypertension: a systematic review and individual patient data meta-analysis. PLoS Med 2017;14:e1002389.
11. Postel-Vinay N, Bobrie G, Ruelland A, et al. Automated interpretation of home blood pressure assessment (Hy-Result software) versus physician's assessment: a validation study. Blood Press Monit 2016;21:111-7.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Résumé

La mesure de la pression artérielle au cabinet du médecin est la méthode classique pour dépister l’hypertension. Elle doit être confirmée par des mesures réalisées en dehors du cabinet par automesure tensionnelle ou par mesure ambulatoire de la pression artérielle. Toutes les méthodes de mesure de la pression artérielle nécessitent le respect de règles standardisées. L’automesure tensionnelle est facilement disponible et peu coûteuse, et les patients l’utilisent même en dehors de tout encadrement médical. C’est une méthode utile pour dépister l’hypertension « blouse blanche » et l’hypertension masquée et pour adapter les traitements. Après un enseignement de la méthode au patient, l’automesure lui permet de devenir acteur de sa prise en charge, ce qui peut améliorer son observance des traitements.