Les migrants primo-arrivants peuvent avoir une vulnérabilité particulière aux maladies infectieuses en lien avec l’épidémiologie dans leur pays d’origine mais aussi avec leurs conditions de migration et de vie en France. Un risque épidémique est possible dans certaines conditions, comme cela a été observé à Calais et à Paris (épidémies de grippe, de rougeole et de varicelle dans les camps). À ce risque, il faut confronter une couverture vaccinale inégale d’une population à l’autre et souvent incomplète en raison des différences existantes entre les calendriers vaccinaux des pays d’origine. Ils sont en règle générale moins complets que celui en vigueur en France et s’arrêtent souvent à l’âge de 2 ans, conférant ainsi une protection insuffisante chez les jeunes et les adultes. Les calendriers vaccinaux des différents pays peuvent être consultés sur le site de l’Organisation mondiale de la santé.*

En cas de statut vaccinal connu mais incomplet

Dans les rares cas où le statut vaccinal est connu (carnet de vaccination du pays d’origine disponible), la stratégie de rattrapage vaccinal proposé dans le calendrier vaccinal français doit être appliquée (tableau 1), en respectant les règles de base du rattrapage : toutes les doses de vaccins reçues comptent indépendamment le délai écoulé depuis la dernière dose reçue si les intervalles minimaux entre les doses ont été respectés, et aucune association vaccinale n’est déconseillée en dehors de la co-administration des vaccins vivants viraux.

En cas de statut vaccinal inconnu

Le rattrapage vaccinal chez les personnes dont le statut vaccinal est inconnu doit, le plus souvent, être mis en œuvre en l’absence de preuves vaccinales. En l’absence de recommandations officielles, les pratiques des médecins français sont variables et vont d’une reprise complète de primovaccination à l’utilisation de sérologies pré- ou post-vaccinales et la réalisation de rappels uniques. Des recommandations sont en cours d’élaboration sous l’égide de la Haute Autorité de santé et de la Société de pathologie infectieuse de langue française et devraient être rendues publiques fin 2019. Dans l’attente, plusieurs approches sont acceptables (tableau 2).

Diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche

Pour le tétanos, la plus simple consiste à faire un rappel unique dTPCa/DTPCa (selon l’âge). Les rappels suivants sont ensuite réalisés selon le calendrier vaccinal en fonction de l’âge. Cette approche est acceptable, car des données d’études interventionnelles ont montré que pour la majorité des migrants ce rappel unique est suffisant pour obtenir une réponse anamnestique contre le tétanos. Une autre approche consiste à reprendre une primovaccination complète, ce qui revient, pour le tétanos, à effectuer une première dose de dTPCa/DTPCa, puis deux rappels dTP/DTPCa à M2 et M8. Cette approche est recommandée par plusieurs pays. Bien qu’elle implique pour beaucoup des doses excédentaires, sa tolérance est satisfaisante, les risques de réactions hyperimmunes se limitant le plus souvent à des œdèmes étendus du bras qui régressent sans séquelles. La réaction d’Arthus est rare et le plus souvent d’évolution favorable. Cette stratégie permet, en outre, de s’assurer d’une immunisation complète. La dernière approche consiste à utiliser des sérologies pré- ou post-vaccinales. Le dosage des anticorps antitétaniques prévaccinaux permet d’identifier les personnes déjà immunes (taux > 1 UI/mL). Ces dernières relèvent le plus souvent d’un rappel unique, sauf quand elles se souviennent avoir été vaccinées dans les 5 dernières années, auquel cas aucune injection n’est réalisée. Si le taux est faible, il n’est pas possible de différencier les personnes correctement primovaccinées ayant perdu leur immunité (probablement majoritaires) et celles n’ayant jamais été vaccinées. Un dosage de ces mêmes anticorps 1 mois après un rappel permet un diagnostic immunologique plus précis. Si le taux d’anticorps est supérieur à 1 UI/mL, on peut conclure à une réponse anamnestique et à l’absence de besoin de rappels supplémentaires. S’il est inférieur à 0,1 UI/mL, une primovaccinaton complète est recommandée. Entre les deux, une seconde dose est probablement suffisante.

Rougeole-oreillons-rubéole

Deux doses de ROR sont effectuées à 1 mois d’intervalle chez les personnes nées après 1980 et chez les femmes en âge de procréer. La sérologie de la rougeole ne doit pas être utilisée car son corrélat de protection n’a pas été démontré. Par ailleurs, l’administration d’un rappel inutile chez une personne immune n’est pas dangereuse. La sérologie de la rubéole peut avoir un intérêt chez la femme en âge de procréer. En l’absence de signe clinique évocateur d’une immuno­dépression, on n’attend pas le résultat de la sérologie du virus de l’immunodéficience humaine et du bilan de santé pour vacciner. S’ils ne sont pas administrés le même jour, l’usage veut de respecter un délai de 4 semaines entre l’administration de deux vaccins vivants (rougeole et varicelle, par exemple). En pratique, cette habitude ne repose pas sur des données très solides, et un délai plus court est acceptable.

Autres vaccins

Les autres vaccins peuvent être réalisés le même jour ou à n’importe quel intervalle. La prévalence élevée de l’hépatite B chez les enfants et adultes migrants justifie la réalisation d’une sérologie préalable à la vaccination pour ne pas méconnaître une infection chronique par le virus de l’hépatite B ou une immunité acquise rendant la vaccination inutile. Un rattrapage du vaccin contre le méningocoque C, souvent non fait dans les pays d’origine, est réalisé jusqu’à l’âge de 24 ans inclus. Il en est de même pour le vaccin contre le papillomavirus chez les jeunes femmes jusqu’à 19 ans et les jeunes hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes jusqu’à 26 ans. La vaccination contre la varicelle doit être envisagée chez les jeunes adultes en l’absence de notion de varicelle dans l’enfance (situation fréquente en zone tropicale), le plus souvent après réalisation d’une sérologie qui confirme l’absence d’immunité acquise. La vaccination contre l’hépatite A, non remboursée sauf situations particulières (pathologie hépatique chronique), est également souhaitable chez les enfants et adultes migrants non immuns (situation rare, car l’infection est courante en zone tropicale et se contracte tôt dans l’enfance). Le vaccin BCG est proposé jusqu’à l’âge de 15 ans si le dépistage de l’infection tuberculeuse latente est négatif. Pour les tout-petits, les vaccinations contre Haemophilus influenzae B (combiné) et le pneumocoque sont également envisagées.
Aucune donnée de tolérance connue ne justifie de se limiter à l’administration de deux vaccins à l’occasion d’une consultation. Il faut cependant tenir compte de l’acceptabilité du patient dans le nombre de vaccins que l’on décide de réaliser (pas plus de 4 injections en général).
* http://apps.who.int http://bit.wly/2IQjC8H

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