La mucoviscidose est la maladie autosomique récessive la plus fréquente dans la population caucasienne. La majorité des cas sont diagnostiqués dans l’enfance, avec une incidence de 1 cas pour 3 200 naissances. Toutefois, les cas découverts à l’âge adulte sont de plus en plus souvent observés. Ainsi, le nombre de patients diagnostiqués après 18 ans est passé de 2,8 % en 1982 à 7 % en 2013 d’après le rapport de la Cystic Fibrosis Foundation.1 La mucoviscidose n’est donc plus désormais une maladie exclusivement pédiatrique. La transplantation pulmonaire et les nouvelles thérapies ciblant les mutations font que 55 % de la population touchée par la maladie est actuellement composée par des adultes.2
L’atteinte rhinosinusienne au cours de la mucoviscidose est observée cliniquement ou radiologiquement dans près de 100 % des cas.3 Les sinus se comportent comme un réservoir de bactéries responsable de poussées de rhinosinusites aiguës et d’exacerbations infectieuses pulmonaires guidant le pronostic de la maladie.
L’atteinte rhinosinusienne au cours de la mucoviscidose est observée cliniquement ou radiologiquement dans près de 100 % des cas.3 Les sinus se comportent comme un réservoir de bactéries responsable de poussées de rhinosinusites aiguës et d’exacerbations infectieuses pulmonaires guidant le pronostic de la maladie.
Caractéristique de la rhinosinusite au cours de la mucoviscidose
Les patients adultes suivis pour mucoviscidose depuis l’enfance bénéficient habituellement de contrôles réguliers en oto-rhino-laryngologie permettant d’identifier et de traiter les manifestations rhinologiques de la pathologie. Les symptômes sont dominés par l’obstruction nasale et les rhinorrhées mucopurulentes. Ces symptômes sont souvent peu rapportés par les patients car jugés comme habituels. Des troubles de l’odorat peuvent être décrits à type d’hyposmie ou de cacosmie en cas de surinfection bactérienne sinusienne. Un signe particulier, l’hypertélorisme, peut parfois attirer l’attention ; cet élargissement de la racine du nez traduit l’éclatement des os propres sous la pression de l’accumulation du mucus dans l’ethmoïde. L’évolution est perannuelle avec des fluctuations en fonction des phases de poussées inflammatoires.
L’examen nasofibroscopique note le plus souvent un œdème muqueux diffus, des sécrétions mucopurulentes très épaisses (du fait de la déshydratation du mucus) ou parfois des polypes inflammatoires bilatéraux(fig. 1) . Le contexte clinique permet toutefois d’éliminer le diagnostic de polypose nasosinusienne qui répond à des mécanismes physiopathologiques différents dominés par l’infiltration inflammatoire riche en polynucléaires éosinophiles. La polypose nasosinusienne est par ailleurs fréquemment associée à un asthme (40 % des cas) ou à une intolérance aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (15 % des cas), ce qui n’est pas observé dans la rhinosinusite associée à la mucoviscidose.
Le bilan clinique est complété par une tomodensitométrie qui montre des opacités sinusiennes plus ou moins diffuses. Une des particularités des patients suivis pour mucoviscidose est d’avoir des variations de pneumatisation des sinus (en particulier une hypoplasie des sinus frontaux) ou des distensions muqueuses des sinus maxillaires(fig. 2) avec refoulement médian des cornets inférieurs.4 En cas de céphalées persistantes, des complications à type de poches muqueuses ethmoïdo-frontales appelées mucocèles doivent être recherchées.
L’examen nasofibroscopique note le plus souvent un œdème muqueux diffus, des sécrétions mucopurulentes très épaisses (du fait de la déshydratation du mucus) ou parfois des polypes inflammatoires bilatéraux
Le bilan clinique est complété par une tomodensitométrie qui montre des opacités sinusiennes plus ou moins diffuses. Une des particularités des patients suivis pour mucoviscidose est d’avoir des variations de pneumatisation des sinus (en particulier une hypoplasie des sinus frontaux) ou des distensions muqueuses des sinus maxillaires
Quand penser à une mucoviscidose tardive ?
Le diagnostic de mucoviscidose à manifestation tardive chez un adulte ayant une rhinosinusite chronique doit être évoqué lorsque des infections bronchiques à répétition y sont associées. L’implication dans ces infections bronchiques et sinusiennes d’agents pathogènes particuliers (Staphylococcus aureus, Achromobacter xylosoxidans, Burkholderia cepacia et surtout Pseudomonas aeruginosa) est caractéristique.5 La suspicion de mucoviscidose est renforcée en cas d’antécédent personnel de pancréatite, souvent sans insuffisance exocrine, ou d’azoospermie obstructive chez un homme (contexte de stérilité). Des antécédents familiaux d’infections bronchiques précoces ou de mucoviscidose sont très évocateurs.
L’observation en nasofibroscopie montre des sécrétions mucopurulentes épaisses et, comme signalé plus haut, parfois des polypes.
Au moindre doute, un test de la sueur est réalisé : il peut être subnormal en cas de mutation du gène CFTR codant un canal chlore de fonctionnalité partielle. Le bilan peut être complété par la mesure de la différence de potentiel nasal transépithélial et de la mesure du monoxyde d'azote (NO) nasal et bronchique. Si ce bilan est douteux, il faut procéder au séquençage des deux gènes CFTR en cas de forte suspicion diagnostique.
Outre la polypose nasale, les autres diagnostics différentiels à citer face à une rhinosinusite œdémato-purulente chez l’adulte sont la dyskinésie ciliaire et les pathologies dysimmunitaires. Le diagnostic de dyskinésie ciliaire est évoqué devant une otite séreuse avec glu épaisse et stérilité, et confirmé sur une altération du battement ciliaire épithélial observé en microscopie optique (d’interprétation difficile en cas d’infection muqueuse concomitante) ; il est plus spécifiquement retenu sur un défaut architectural du cil analysé en microscopie électronique. Les déficits immunitaires évoqués devant une dilatation des bronches et des infections bactériennes sévères sont recherchés par le dosage des sous-classes d’immunoglobulines, par l’analyse de la réponse vaccinale antipneumococcique polysaccharidique et par l’immunophénotypage lymphocytaire.
L’observation en nasofibroscopie montre des sécrétions mucopurulentes épaisses et, comme signalé plus haut, parfois des polypes.
Au moindre doute, un test de la sueur est réalisé : il peut être subnormal en cas de mutation du gène CFTR codant un canal chlore de fonctionnalité partielle. Le bilan peut être complété par la mesure de la différence de potentiel nasal transépithélial et de la mesure du monoxyde d'azote (NO) nasal et bronchique. Si ce bilan est douteux, il faut procéder au séquençage des deux gènes CFTR en cas de forte suspicion diagnostique.
Outre la polypose nasale, les autres diagnostics différentiels à citer face à une rhinosinusite œdémato-purulente chez l’adulte sont la dyskinésie ciliaire et les pathologies dysimmunitaires. Le diagnostic de dyskinésie ciliaire est évoqué devant une otite séreuse avec glu épaisse et stérilité, et confirmé sur une altération du battement ciliaire épithélial observé en microscopie optique (d’interprétation difficile en cas d’infection muqueuse concomitante) ; il est plus spécifiquement retenu sur un défaut architectural du cil analysé en microscopie électronique. Les déficits immunitaires évoqués devant une dilatation des bronches et des infections bactériennes sévères sont recherchés par le dosage des sous-classes d’immunoglobulines, par l’analyse de la réponse vaccinale antipneumococcique polysaccharidique et par l’immunophénotypage lymphocytaire.
Comment traiter la rhinosinusite au cours de la mucoviscidose ?
L’altération de la clairance mucociliaire induite par la modification de viscosité du mucus est responsable d’une diminution de l’élimination des aéropathogènes à l’origine des infections sinusiennes et bronchiques. L’analyse des profils phénotypiques des bactéries prélevées au niveau nasal et bronchique permet de mettre en évidence des bactéries plus fréquemment résistantes aux défenses immunitaires et aux antibiotiques. Il est par ailleurs fréquemment observé chez un patient les mêmes génotypes de bactéries au niveau nasal et bronchique. Les sinus pourraient ainsi être colonisés en premier et se comporteraient comme une niche bactérienne. Ces bactéries pourraient alors migrer vers l’arbre bronchique et induire des infections à répétition, puis des colonisations.5 Outre l’amélioration des symptômes nasosinusiens, l’enjeu du traitement de la rhinosinusite chronique dans le contexte de la mucoviscidose est donc d’éradiquer ce portage bactérien nasal pour préserver l’arbre bronchique et limiter sa colonisation.
Une attention toute particulière doit être portée à la réalisation des lavages des fosses nasales. L’éducation thérapeutique du patient est importante pour assurer un soin efficace : irrigations pluriquotidiennes d’au moins 200 mL par fosse nasale de solutions salines isotoniques, utilisation de flacons en plastique ou de seringues à usage unique pour prévenir les risques d’autocontamination.
En présence de sécrétions muco- purulentes, des prélèvements bactériologiques sont nécessaires pour proposer une antibiothérapie ciblée. Des nébulisations avec embout nasal et vibrations sonores sont utiles pour augmenter la diffusion locale des antibiotiques.4
L’intérêt de l’ouverture chirurgicale des sinus est débattu en situation d’échec du traitement médical. Des approches récentes couplant une chirurgie large de drainage des sinus et un traitement médical postopératoire intensif (irrigation saline et corticothérapie locale au moins 12 mois, antibiothérapie locale en lavage ou nébulisation 6 mois et antibiothérapie par voie veineuse pendant 15 jours) ont permis d’apporter une amélioration des symptômes, une éradication des niches bactériennes sinusiennes, une diminution des infections bronchiques et des colonisations bronchiques intermittentes.5 Cette approche thérapeutique est actuellement développée pour prévenir la contamination bactérienne depuis les sinus de patients éligibles à une transplantation pulmonaire.
Une attention toute particulière doit être portée à la réalisation des lavages des fosses nasales. L’éducation thérapeutique du patient est importante pour assurer un soin efficace : irrigations pluriquotidiennes d’au moins 200 mL par fosse nasale de solutions salines isotoniques, utilisation de flacons en plastique ou de seringues à usage unique pour prévenir les risques d’autocontamination.
En présence de sécrétions muco- purulentes, des prélèvements bactériologiques sont nécessaires pour proposer une antibiothérapie ciblée. Des nébulisations avec embout nasal et vibrations sonores sont utiles pour augmenter la diffusion locale des antibiotiques.4
L’intérêt de l’ouverture chirurgicale des sinus est débattu en situation d’échec du traitement médical. Des approches récentes couplant une chirurgie large de drainage des sinus et un traitement médical postopératoire intensif (irrigation saline et corticothérapie locale au moins 12 mois, antibiothérapie locale en lavage ou nébulisation 6 mois et antibiothérapie par voie veineuse pendant 15 jours) ont permis d’apporter une amélioration des symptômes, une éradication des niches bactériennes sinusiennes, une diminution des infections bronchiques et des colonisations bronchiques intermittentes.5 Cette approche thérapeutique est actuellement développée pour prévenir la contamination bactérienne depuis les sinus de patients éligibles à une transplantation pulmonaire.
Références
1. Nick JA, Nichols DP. Diagnosis of adult patients with cystic fibrosis. Clin Chest Med 2016;37:47-57.
2. Bellis G, Dehillotte C, Lemonnier L. Registre français de la mucoviscidose. Bilan des données 2016. www.vaincrelamuco.org ou https://bit.ly/2nda0bN
3. Feuillet-Fieux MN, Lenoir G, Sermet I, et al. Nasal polyposis and cystic fibrosis(CF): review of the literature. Rhinology 2011;49:347-55.
4. Fokkens WJ, Lund VJ, Mullol J, et al. European position paper on rhinosinusitis and nasal polyps 2012. Rhinol 2012;50:1-12.
5. Aanæs K. Bacterial sinusitis can be a focus for initial lung colonisation and chronic lung infection in patients with cystic fibrosis. J Cyst Fibros 2013;12:S1-20.
2. Bellis G, Dehillotte C, Lemonnier L. Registre français de la mucoviscidose. Bilan des données 2016. www.vaincrelamuco.org ou https://bit.ly/2nda0bN
3. Feuillet-Fieux MN, Lenoir G, Sermet I, et al. Nasal polyposis and cystic fibrosis(CF): review of the literature. Rhinology 2011;49:347-55.
4. Fokkens WJ, Lund VJ, Mullol J, et al. European position paper on rhinosinusitis and nasal polyps 2012. Rhinol 2012;50:1-12.
5. Aanæs K. Bacterial sinusitis can be a focus for initial lung colonisation and chronic lung infection in patients with cystic fibrosis. J Cyst Fibros 2013;12:S1-20.