La rhinosinusite se définit comme une inflammation de la muqueuse d’un ou plusieurs sinus de la face. Chez l’enfant, le terme de rhinosinusite remplace celui de sinusite car il est exceptionnel que l’atteinte de la muqueuse sinusienne soit isolée comme dans les sinusites dentaires ou précède l’atteinte du nez comme dans les sinusites des maladies systémiques qui débutent en général chez l’adulte.
La rhinosinusite est dite aiguë si les symptômes sont récents, récidivante s’il y a eu plus de deux épisodes dans l’année, et chronique si les symptômes évoluent depuis plus de 12 semaines. Leur prise en charge a fait l’objet de recommandations qui clarifient les indications des explo­rations complémentaires, en particulier de l’imagerie,1 et des traitements médicamenteux et chirurgicaux.2

Rhinosinusite aiguë : un diagnostic clinique

Le diagnostic d’une rhinosinusite aiguë est clinique. Suivant l’intensité des symptômes, on distingue les formes simples et les formes sévères.

Rhinosinusite aiguë simple

Les principaux symptômes d’une rhinosinusite aiguë simple sont l’obstruction nasale et la rhinorrhée antérieure ou postérieure, avec souvent une toux évoluant dans un contexte fébrile. Il peut s’y ajouter des céphalées à prédominance matinale et s’accentuant au décubitus. Les douleurs à la pression des pommettes sont rares.
Les rhinosinusites aiguës simples se distinguent des rhinites aiguës par l’existence d’une fièvre, et des rhinopharyngites aiguës par la durée d’évolution des symptômes locaux et généraux supérieure à 7 ou 10 jours.
L’examen des fosses nasales est peu contributif et ne permet pas de distinguer une rhinosinusite aiguë virale, bactérienne ou allergique. Cependant, même si le tableau clinique est très évocateur de rhinosinusite aiguë, il faut toujours effectuer une rhinoscopie antérieure pour éliminer un corps étranger dont la prise en charge est bien différente. Il est aussi important d’ausculter les deux champs pulmonaires, en particulier à la recherche d’une composante asthmatique.
L’imagerie est inutile pour le diagnostic d’une rhinosinusite aiguë simple.1 En effet, la spécificité des signes tomodensitométriques n’est pas bonne, en particulier pendant la saison froide et chez les jeunes enfants. La constatation d’une opacité d’un sinus, d’un niveau liquide (fig. 1) ou d’un épaississement de la muqueuse (supérieur à 4 mm) [fig. 2] ne suffit pas au diagnostic de rhinosinusite et rend compte d’un grand nombre de traitements par excès.

Traiter les douleurs et la fièvre

Dans tous les cas, les douleurs doivent être traitées, ainsi que la fièvre si elle est mal tolérée. Les antitussifs sont contre-indiqués chez l’enfant. L’élimination des sécrétions endonasales, qui participent à l’obstruction et à la toux, se fait par le mouchage (et non par reniflement) qui peut être facilité par des instillations intranasales de sérum physiologique ou d’eau thermale, voire des lavages de nez. L’instillation répétée de sérum salé hypertonique, pour laquelle il n’y a pas de limite inférieure d’âge (alors que les vasoconstricteurs sont contre-indiqués avant 15 ans tant par voie générale que par voie locale), diminue l’œdème de la muqueuse pituitaire et améliore l’obstruction nasale.

Pas d’antibiothérapie systématique

L’antibiothérapie n’est pas systématique.2, 3 Dans beaucoup de cas en effet, en particulier dans les formes d’origine allergique ou virale, l’antibiothérapie n’améliore pas plus vite les symptômes et ne raccourcit pas l’évolution. La recommandation actuelle est de ne prescrire d’antibiotiques que dans les formes bruyantes, prolongées ou compliquées, ainsi que chez les enfants ayant des facteurs de risque particuliers tels qu’une immuno­dépression, un asthme, une mucoviscidose ou une bronchite chronique, ou en cas d’infection bactérienne concomitante, en particulier une otite moyenne aiguë. L’antibiotique choisi doit être actif sur les germes les plus fréquemment retrouvés dans les rhinosinusites de l’enfant, à savoir Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae et Staphylococcus aureus.3 L’antibiotique préconisé de première intention est l’association amoxicilline-acide clavulanique (80 mg/kg/j, en 2 ou 3 prises par jour), ou une céphalosporine de troisième génération (cefpodoxime-proxétil 8 mg/kg/j en 2 prises par jour) et, en cas d’allergie à ces molécules et chez un enfant de plus de 6 ans, la pristinamycine (50 mg/kg/j en 2 prises par jour). Si les symptômes ne s’améliorent pas au bout de 48 à 72 heures, il faut réévaluer cliniquement l’enfant, vérifier l’observance et changer l’antibiotique. La durée de l’antibiothérapie d’une rhinosinusite maxillaire aiguë de l’enfant a été fixée empiriquement à 7-10 jours (rappelons qu’il n’y a pas de sinusite frontale chez l’enfant). La réponse au traitement est habituellement rapide. La fièvre disparaît en 2 à 3 jours, la rhinorrhée et l’obstruction nasale ainsi que les troubles du sommeil qu’elles génèrent en 2 à 5 jours. La toux peut durer plus longtemps.

Rhinosinusite aiguë sévère

Dans les rhinosinusites aiguës sévères, le tableau clinique est d’emblée plus grave, avec une fièvre élevée, un mauvais état général et, ce qui oriente vers une pathologie sinusienne, un œdème des paupières. Ces formes sévères sont pratiquement toujours des ethmoïdites extériorisées avec un œdème débutant à l’angle interne de l’œil, s’étendant à la paupière supérieure, puis gagnant la paupière inférieure et parfois l’œil controlatéral (v. tableau). Les sinusites frontales et maxillaires extériorisées, quant à elles, sont exceptionnelles.
Une tomodensitométrie avec injection de produit de contraste est indiquée d’emblée si l’œil n’est pas ouvrable spontanément, s’il y a une limitation des mouvements de l’œil ou une exophtalmie, mais aussi chez l’enfant de plus de 9 ans ou en cas d’absence d’amélioration clinique après 24 heures de traitement.4 Elle confirme l’ethmoïdite et surtout recherche une complication intracrânienne, particulièrement un abcès sous-périosté intra-orbitaire (fig. 3).

Hospitaliser l’enfant

L’enfant doit alors être hospitalisé pour une antibiothérapie parentérale et une surveillance pluriquotidienne de la conscience, de la souplesse de la nuque et de l’état de l’œil (mobilité, réflexes pupillaires). Les germes le plus fréquemment en cause sont Haemophilus influenzae, Streptococcus pyogenes et Staphylococcus aureus. L’antibio­tique préconisé en première intention, et sous réserve de l’absence d’allergie aux bêtalactamines, est l’association amoxicilline-acide clavulanique 80 à 100 mg/kg/j.2 En cas de suspicion d’anaérobies (bulles d’air sur la tomo­densitométrie, odeur fétide à la ponction), on y associe 20 à 30 mg/kg/j de métronidazole. L’antibiothérapie est poursuivie par voie parentérale jusqu’à amélioration clinique nette (apyrexie, œil ouvrable). L’enfant peut alors rentrer à la maison, avec une antibiothérapie per os d’amoxicilline-acide clavulanique pendant une dizaine de jours.
L’évacuation sous anesthésie générale d’un abcès sous-périosté intra-orbitaire est indiquée d’emblée si l’abcès est volumineux, ou secondairement s’il ne se résorbe pas ou s’il augmente de volume malgré le traitement antibiotique parentéral.

Rhinosinusites récidivantes et chroniques

Une rhinosinusite est dite récidivante s’il y a plus de deux épisodes de rhinosinusite aiguë par an, avec une guérison clinique entre-temps. On parle de poussées de réchauffement sur sinusite chronique si les symptômes évoluent depuis plus de 12 semaines avec des périodes d’exacerbation et des périodes d’amélioration, mais sans retour à la normale entre les épisodes aigus.
Les symptômes les plus fréquents sont l’obstruction nasale et la rhinorrhée. Toutefois, ils ne sont pas spécifiques chez l’enfant, d’où la nécessité pour appuyer le diagnostic d’avoir des arguments cliniques et radiologiques.
La rhinoscopie antérieure, si possible toujours complétée par une fibroscopie nasale, recherche la présence de pus, se reproduisant après mouchage, d’un œdème aux méats moyens ou surtout de polypes endonasaux apparaissant sous forme de masses translucides bilatérales. La découverte de ces derniers chez un enfant doit immédiatement faire suspecter une mucoviscidose.
En l’absence d’endoscopie nasale, le praticien peut s’appuyer sur la tomodensitométrie qui montre une opacité plus ou moins complète des sinus. Mais cette image ne doit pas être interprétée sans interrogatoire et examen clinique car beaucoup d’enfants, surtout en période froide, ont ces anomalies sans avoir aucun symptôme de rhinosinusite chronique. L’imagerie a aussi un intérêt pour rechercher un facteur anatomique favorisant la rhinosinusite chronique tel qu’une déviation majeure de la cloison nasale, une cellule de Haller, une concha bullosa (fig. 4),5 ou une tumeur endonasale.
Le diagnostic différentiel est le corps étranger endonasal et la rhinite allergique.
En cas de rhinosinusite aiguë récidivante, le bilan doit comporter un interrogatoire pour rechercher un facteur favorisant tel qu’un tabagisme passif6 ou une allergie respiratoire. Il est complété par un examen oto-rhino-laryngé (recherche de polypes), un bilan allergo­logique, une pH-métrie et la recherche d’un asthme associé. Le bilan immunitaire, la recherche d’une dyskinésie ciliaire doivent être réservés à des cas particuliers.

Un traitement de plusieurs mois

Le traitement de base des rhinosinusites chroniques de l’enfant repose sur des soins endonasaux répétés plusieurs fois par jour et prolongés sur des mois : éducation du mouchage, lavages de nez qui, à la différence des instillations nasales, doivent se faire avec des volumes de liquide importants : 20 à 100 mL de sérum salé par fosse nasale. La corticothérapie intranasale est indiquée en cas de polypose nasale, ainsi qu’en cas d’allergie respiratoire. L’antibiothérapie est peu efficace et n’est réservée qu’aux poussées de réchauffement.6 Les traitements chirurgicaux sont réservés aux cas où il y a un obstacle anatomique et aux formes les plus graves.7 Ils ne dispensent pas des soins locaux.
Références
1. Société française de radiologie. Guide du bon usage des examens d’imagerie médicale 2005. www.has-sante ou http://gbu.radiologie.fr/
2. Société française d’ORL. Rhinosinusites infectieuses aiguës. Recommandations pour la pratique clinique 2017. http://www.sforl.org ou https://bit.ly/2Sqqyty
3. Smith SS, Ference EH, Evans CT, Tan BK, Kern RC, Chandra RK. The prevalence of bacterial infection in acute rhinosinusitis: a systematic review and meta-analysis. Laryngoscope 2015;125:57-69.
4. Jabarin B, Eviatar E, Israel O, Marom T, Gavriel H. Indicators for imaging in periorbital cellulitis secondary to rhinosinusitis. Eur Arch Otorhinolaryngol 2018;275:943-8.
5. Gao WX, Ou CQ, Fang SB, et al. Occupational and environmental risk factors for chronic rhinosinusitis in China: a multicentre cross-sectional study. Respir Res 2016;17:54.
6. Brook I. The role of antibiotics in pediatric chronic rhinosinusitis. Laryngoscope Investig Otolaryngol 2017;2:104-8.
7. Costa ML, Psaltis AJ, Nayak JV, Hwang PH. Medical therapy vs surgery for recurrent acute rhinosinusitis. Int Forum Allergy Rhinol 2015;5:667-73.

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Résumé Rhinosinusite de l’enfant

La rhinosinusite est une inflammation de la muqueuse des fosses nasales et d’un ou plusieurs sinus de la face. Le diagnostic des rhinosinusites aiguës simples est purement clinique, sur la persistance pendant plus de 7 à 10 jours des symptômes d’une rhinopharyngite aiguë fébrile. Les examens complémentaires (imagerie, examens microbiologiques et sanguins) sont inutiles. Le traitement fait appel aux antalgiques/antipyrétiques, aux soins locaux et parfois aux antibiotiques oraux. L’antibiothérapie est parentérale en cas d’ethmoïdite aiguë extériorisée. La tomodensitométrie détermine la taille d’un éventuel abcès intracrânien ou intra-orbitaire sous-périosté et l’indication d’une intervention chirurgicale. Les rhinosinusites chroniques sont diagnostiquées sur l’examen endonasal. L’examen tomodensitométrique vérifie le diagnostic et recherche une cause favorisante. Le traitement est fondé sur les soins locaux, et, en cas de polypose ou d’allergie, les corticoïdes intranasaux. Les indications chirurgicales sont rares.