Les infections sont parmi les premières causes d’hospitalisation et de mortalité après transplantation d’organes solides.1 Du fait du traitement immunosuppresseur administré pour éviter le rejet, la réponse immune est en effet diminuée ; les symptômes habituels peuvent être modifiés et amoindris. La progression de l’infection est généralement rapide, raison pour laquelle des procédures diagnostiques invasives sont souvent nécessaires pour identifier rapidement l’agent responsable.

Quatre types d’infection après transplantation d’organes solides

On distingue quatre types d’infection après transplantation d’organes : celles liées au donneur, celles liées au receveur, les infections nosocomiales et les infections communautaires.2
Le donneur d’organes peut avoir une infection bactérienne ou être porteur d’une infection latente qui peut être transmise au receveur. Il est recommandé d’éviter de prélever les organes d’un donneur ayant une fièvre inexpliquée, un rash, une encéphalite ou une infection sévère non traitée.2
Les receveurs sont souvent porteurs d’infections latentes qui peuvent se réactiver après la transplantation, du fait de la baisse de la réponse immunitaire due au traitement immunosuppresseur (cytomégalovirus [CMV], virus varicelle-zona [VZV], bacille de Koch [BK] ou virus de l’hépatite B, par exemple).
Les infections liées au donneur et/ou au receveur surviennent majoritairement dans les premiers mois après la greffe, notamment en cas d’absence de stra­tégie préventive (tableau 1).3,4 Ainsi, avant le don et la transplantation, outre une analyse étendue des antécédents médicaux, un bilan est réalisé à la fois chez le donneur et chez le receveur pour dépister toute infection active ou latente.2
Du fait d’hospitalisations fréquentes, des infections nosocomiales peuvent survenir.
Les infections communautaires peuvent être observées tout au long de la greffe. Il peut s’agir d’infections classiques (pneumocoque) ou d’infections opportunistes (hépatite E, aspergillose, cryptococcose, etc.).2,5

Origines bactériennes, virales, mycotiques ou parasitaires

Tout type d’infection – bactériennes, virales, mycotiques ou parasitaires – peut survenir après transplantation d’organes.

Infections bactériennes

Outre les pneumopathies qui peuvent être observées chez tout transplanté, la pyélonéphrite aiguë et l’angiocholite sont les infections les plus fréquentes après transplantation rénale et hépatique, respectivement.6
Cependant, une infection urinaire basse asymptomatique ne nécessite pas d’antibiothérapie après transplantation.7
Des infections graves comme des chocs septiques surviennent dans 6 à 23 % des cas, entraînant une mortalité allant de 2,5 (transplantation rénale) à 10 % (transplantation hépatique).6
Enfin, du fait de traitements antibiotiques fréquents, les patients transplantés peuvent développer des infections à Clostridium difficile8 ou sélectionner des bactéries multirésistantes.9

Infections virales

En plus des virus respiratoires, dont ceux de la grippe et le SARS-CoV-2, les principales infections virales observées après transplantation d’organes solides sont les infections à CMV, virus d’Epstein-Barr (EBV), virus BK (BKV), VZV, norovirus, et virus de l’hépatite E.5
Grâce à la prévention, l’incidence des infections à CMV a significativement diminué.10 Cependant, une large proportion de patients greffés continue à développer soit un syndrome à CMV (fièvre, fatigue, leuconeutropénie) [près de 37 % des cas],11 soit des maladies invasives à CMV (10 à 25 % chez les D+/R- [donneur séropositif et receveur séronégatif] et 6 à 17 % chez les receveurs CMV-séropositifs).12 Le diag­nostic repose sur la détection de l’ADN viral par une technique de polymerase chain reaction (PCR). La sérologie CMV est inutile dans ce contexte. Une recherche de l’ADN viral dans des biopsies peut être nécessaire (biopsies rectocoliques en cas de maladie digestive), la PCR périphérique pouvant être négative.13
Lorsque le donneur est séropositif pour l’EBV et le receveur séronégatif, il y a un risque important de primo-infection à EBV pouvant se compliquer d’un lymphome EBV-induit.14
Le BKV appartient à la famille des polyomavirus. Après une infection dans l’enfance par voie respiratoire (environ 80 % de la population), le virus reste en latence dans l’appareil urinaire. Sous l’effet d’un traitement immunosuppresseur, il peut se réactiver, essentiellement après transplantation rénale. Une virurie et une virémie peuvent être détectées avant l’installation d’une néphropathie à BKV dont le pronostic sur le devenir du greffon rénal est péjoratif.15 Il n’y a pas de signes cliniques. Le BKV doit donc être recherché devant toute altération de la fonction rénale chez un transplanté rénal.
Contrairement à la population non immunodéprimée, les patients transplantés peuvent présenter plusieurs épisodes de varicelle, dont certaines formes disséminées. Le zona est malheureusement une complication fréquente chez les patients transplantés, nécessitant systématiquement un traitement.
Le norovirus est une des causes de diarrhée, notamment chronique, chez les patients transplantés.16
Enfin, le virus de l’hépatite E est le virus responsable de l’hépatite virale la plus fréquente dans le monde. Contrairement aux patients immunocompétents qui ont une clairance spontanée du virus, les patients transplantés peuvent développer une hépatite chronique pouvant évoluer vers la cirrhose.17 Une recherche de l’ARN viral dans le sang et/ou dans les selles doit être réalisée chez tout patient transplanté ayant une altération, même modérée, du bilan hépatique.17
L’infection à SARS-CoV-2 est souvent grave chez les greffés qui répondent mal au vaccin et aux anticorps monoclonaux actuellement disponibles. Une prise en charge rapide avec des antiviraux est nécessaire en cas de contamination.

Infections fongiques et parasitaires

Les infections fongiques et parasitaires sont systématiquement recherchées chez des patients transplantés hospitalisés pour une infection. Les pneumocystoses, les aspergilloses, les cryptococcoses et les candidoses sont les plus fréquemment observées. D’autres peuvent être retrouvées telles que les mucormycoses, notamment chez les patients très fortement immunodéprimés.5

Efficacité de la prévention des infections

La prévention a permis de diminuer de façon très significative l’incidence et la sévérité des infections après transplantation d’organes. Elle comprend plusieurs volets.

Vaccination moins efficace mais recommandée

La vaccination est recommandée avant et après la transplantation même si la réponse vaccinale peut être réduite après transplantation (tableau 2).5
Les vaccins à partir d’organismes vivants sont contre-indiqués après la transplantation.
Concernant la grippe et le SARS-CoV-2, l’entourage du patient transplanté doit être également vacciné.
Pour les patients non ou faiblement répondeurs aux vaccins contre le SARS-CoV-2, des anticorps monoclonaux neutralisants ont été développés ; ils sont administrés régulièrement aux patients immunodéprimés avec un intérêt démontré.18 Toutefois, il n’y a plus sur le marché d’anticorps monoclonaux efficaces contre les nouveaux variants ; des essais cliniques sont en cours.

Prophylaxie pendant la période suivant la greffe

Une prophylaxie universelle consiste à délivrer un traitement préventif dans la période précoce suivant la greffe et en cas de renforcement de l’immunosuppression (traitement d’un rejet).
L’utilisation de sulfaméthoxazole et triméthoprime à faible dose pendant trois à douze mois après la transplantation permet de réduire l’incidence des infections à Pneumocystis jirovecii, Toxoplasma gondii et Nocardia.
La prévention du CMV peut reposer sur une stratégie prophylactique ou préemptive.10 La stratégie prophylactique consiste en l’administration d’un antiviral pendant trois à douze mois (en fonction du type de greffe, du statut sérologique CMV du donneur et du receveur, et de l’intensité de l’immunosuppression). La stratégie préemptive repose sur un suivi hebdomadaire des PCR à CMV pendant trois à six mois après la transplantation. Un traitement antiviral est administré en fonction d’un seuil de virémie positive préétabli.
En l’absence de traitement antiviral contre le BKV, la prévention de la néphropathie à BKV repose sur une surveillance régulière de la PCR dans le sang afin de réduire et d’adapter l’immunosuppression dès que le virus est détecté.13

Précautions en rapport avec le mode de vie

Il s’agit du lavage régulier des mains à l’eau et au savon, ou de l’utilisation de solution hydroalcoolique et du port du masque en période épidémique.
La consommation de viande insuffisamment cuite, de fruits de mer, de fruits et légumes insuffisamment lavés est également à éviter, de même que la fréquentation des lieux où le risque infectieux est important (par exemple un chantier, du fait du risque d’infection à Aspergillus).1

Prévenir les infections, fréquentes à la suite d’une greffe

Les infections sont fréquentes après transplantation d’organes. En cas d’infection, un bilan exhaustif doit être réalisé, et le centre de transplantation de référence informé. La prévention est un élément clé pour réduire l’incidence et la sévérité des complications infectieuses.
Références
1. Fishman JA. Infection in organ transplantation. Am J Transplant 2017;17(4):856-79.
2. Fishman JA. Infection in solid-organ transplant recipients. The New England Journal of Medicine 2007;357(25):2601-14.
3. Ison MG, Nalesnik MA. An update on donor-derived disease transmission in organ transplantation. Am J Transplant 2011;11(6):1123-30.
4. Wolfe CR, Ison MG, Practice ASTIDCo. Donor-derived infections: Guidelines from the American Society of Transplantation Infectious Diseases Community of Practice. Clin Transplant 2019;33(9):e13547.
5. Agrawal A, Ison MG, Danziger-Isakov L. Long-term infectious complications of kidney transplantation. Clin J Am Soc Nephrol 2022;17(2):286-95.
6. Moreno A, Cervera C, Gavalda J, Rovira M, de la Camara R, Jarque I, et al. Bloodstream infections among transplant recipients: Results of a nationwide surveillance in Spain. Am J Transplant 2007;7(11):2579-86.
7. Coussement J, Kamar N, Matignon M, Weekers L, Scemla A, Giral M, et al. Antibiotics versus no therapy in kidney transplant recipients with asymptomatic bacteriuria (BiRT): A pragmatic, multicentre, randomized, controlled trial. Clin Microbiol Infect 2021;27(3):398-405.
8. Mullane KM, Dubberke ER, Practice AICo. Management of Clostridioides (formerly Clostridium) difficile infection (CDI) in solid organ transplant recipients: Guidelines from the American Society of Transplantation Community of Practice. Clin Transplant 2019;33(9):e13564.
9. Linares L, Cervera C, Cofan F, Lizaso D, Marco F, Ricart MJ, et al. Risk factors for infection with extended-spectrum and AmpC beta-lactamase-producing gram-negative rods in renal transplantation. Am J Transplant 2008;8(5):1000-5.
10. Kotton CN, Kumar D, Caliendo AM, Huprikar S, Chou S, Danziger-Isakov L, et al. The third international consensus guidelines on the management of cytomegalovirus in solid-organ transplantation. Transplantation 2018;102(6):900-31.
11. Humar A, Limaye AP, Blumberg EA, Hauser IA, Vincenti F, Jardine AG, et al. Extended valganciclovir prophylaxis in D+/R- kidney transplant recipients is associated with long-term reduction in cytomegalovirus disease: Two-year results of the IMPACT study. Transplantation 2010;90(12):1427-31.
12. Limaye AP, Babu TM, Boeckh M. Progress and challenges in the prevention, diagnosis, and management of cytomegalovirus infection in transplantation. Clin Microbiol Rev 2020;34(1):e00043-19.
13. Kotton CN. CMV: Prevention, diagnosis and therapy. Am J Transplant 2013;13 Suppl 3:24-40; quiz.
14. Kasiske BL, Zeier MG, Chapman JR, Craig JC, Ekberg H, Garvey CA, et al. KDIGO clinical practice guideline for the care of kidney transplant recipients: A summary. Kidney international 2010;77(4):299-311.
15. Hirsch HH, Randhawa PS, Practice ASTIDCo. BK polyomavirus in solid organ transplantation-Guidelines from the American Society of Transplantation Infectious Diseases Community of Practice. Clin Transplant 2019;33(9):e13528.
16. Echenique IA, Penugonda S, Stosor V, Ison MG, Angarone MP. Diagnostic yields in solid organ transplant recipients admitted with diarrhea. Clin Infect Dis 2015;60(5):729-37.
17. Kamar N, Bendall R, Legrand-Abravanel F, Xia NS, Ijaz S, Izopet J, et al. Hepatitis E. Lancet 2012;379:2477-88.
18. Del Bello A, Marion O, Izopet J, Kamar N. Can the Covid-19 pandemic improve the management of solid organ transplant recipients? Viruses 2022;14(9).

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Résumé

Les infections sont une des premières causes d’hospitalisation après transplantation d’organes solides. On distingue celles liées au donneur, celles dues à une réactivation d’une infection latente chez le receveur, les infections nosocomiales et les infections communautaires. Les trois premières sont observées le plus souvent dans une période précoce suivant la transplantation, alors que les infections communautaires peuvent survenir à tout moment. Les infections opportunistes et certaines infections spécifiques doivent être systématiquement recherchées, rapidement et activement, en ayant recours, si nécessaire, à des méthodes invasives. La prévention permet de diminuer significativement l’incidence et la sévérité des infections. Elle comprend la vaccination, la prophylaxie universelle, la surveillance régulière et les précautions en rapport avec le mode de vie.