Le Samusocial est un ensemble d’associations qui agit sur le modèle du Samusocial de Paris dont l'activité est décrite ici à type d'exemple général.
Fondé il y a plus 25 ans par Xavier Emmanuelli, le Samusocial de Paris assure depuis sa fondation une mission de lutte contre l’exclusion, dans ses dimensions sociales et sanitaires, en allant « au-devant des personnes qui ne demandent plus rien ». C’est un groupement d’intérêt public constitué, entre autres, par la RATP, la SNCF, l’État, la Ville de Paris mais aussi l’AP-HP avec également la participation de l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France. Son budget de fonctionnement en 2018 fut de 265 millions d’euros, il compte plus de 700 agents.
Les médecins du Samusocial ont appris à collaborer avec l’ensemble des métiers et participent aujourd’hui par leur expertise à la prise en charge globale des populations concernées, qui augmentent chaque année et dont les profils se sont diversifiés. Les pratiques se sont adaptées sans déroger aux principes d’inconditionnalité, de multidisciplinarité et de retour vers le droit commun.
Le Samusocial structure ses missions autour de cinq axes principaux : rencontrer les personnes en situation de précarité ; écouter, orienter, et coordonner le parcours ; héberger et accompagner ; soigner ; et enfin observer et analyser.
Dans chacun de ces axes, la présence médicale est forte, que ce soit en ambulatoire ou en structure d’hébergement. Tous pôles confondus, les équipes soignantes sont composées de 21 médecins et 65 infirmiers.

Aller à la rencontre

Équipes mobiles d’aide

Chaque nuit, entre 6 et 8 camions (renforcés par d’autres partenaires en hiver) constituant les équipes mobiles d’aide maraudent de 20 h à 5 h du matin. Il existe aussi des maraudes de jour. Les équipes ont une mission d’évaluation sanitaire, sociale et d’orientation effectuée par un travailleur social et une infirmière. Elles peuvent joindre le médecin d’astreinte en cas de besoin et/ou si une demande de Lits halte soins santé est nécessaire. En 2018, 34 077 rencontres, 2 257 gestes infirmiers, 1 142 évaluations sociales et 9 475 accompagnements vers des structures sociales, médicosociales ou sanitaires ont été réalisés.1

Équipe mobile de lutte contre la tuberculose

Dans quelques régions, des équipes mobiles de lutte contre la tuberculose ont été créées depuis 2000 pour faire face à l’incidence spécifique de la tuberculose dans cette population et aux difficultés pour les personnes sans-abri à mener à bien leur traitement. À Paris, 1 médecin et 4 infirmiers coordonnent le suivi des patients ; en 2019, cette équipe a évalué 295 signalements et a suivi 429 patients.

Mission migrants

Créée en 2015, à la demande de l’ARS, la Mission migrants est composée d’infirmiers et d’interprètes qui vont à la rencontre des personnes migrantes sur les campements et assurent une présence quotidienne sur une halte de jour. Elle gère les pôles santé du centre d’hébergement d’urgence pour migrants d’Ivry-sur-Seine et de 3 centres d’accueil et d’examen des situations (CAES). Elle réalise des bilans infirmiers, prodigue des soins et oriente si besoin vers des structures sanitaires, aidée par les médecins rattachés à la mission. En 2018, 2 467 bilans infirmiers ont été réalisés au centre de premier accueil de la Porte de la Chapelle, puis aux CAES 75 et 92.1

Écouter et orienter : le 115

Le 115, numéro national pour toute personne en rupture d’hébergement ou en situation de détresse sociale, est départementalisé. À Paris, en 2018, le 115 a reçu 2 753 626 appels dont 417 909 demandes d’hébergement (hors renouvellements) pour 42 866 personnes différentes.1

Astreinte médicale et pôle infirmier du 115

Un médecin d’astreinte 24 h/24 régule les demandes d’admission en Lits halte soins santé et répond et à toute problématique médicale survenant dans les structures du Samusocial.

Service intégré d’accueil et d’orientation

Créé en 2010, ce service régule et centralise les places d’hébergement, soit, pour 2018, 44 079 demandes pour 9 410 personnes différentes.1

Héberger

Pôle hébergement et réservation hôtelière

En 2017, il a pris en charge quotidiennement 12 616 ménages à l’hôtel en Île-de-France, soit près de 33 500 personnes en moyenne par jour, dont 47 % sont des enfants.1

Centres d’hébergement d’urgence

Au nombre de 7, ils totalisant 466 places.1 Dans la majorité d’entre eux, des consultations médicales sont proposées.
Fin 2018, une Halte femmes (complétée par un lieu d’hygiène et de soins) a été ouverte à l’Hôtel de ville et une halte de nuit à l’Espace solidarité insertion (ESI) pour accueillir des hommes isolés ne faisant pas appel aux dispositifs de prise en charge pour personnes sans-abri. L’accès aux soins pour ces grands exclus est facilité grâce à la coordination avec l’accueil médicalisé de l’ESI.

Soigner

Espace solidarité insertion

Il se singularise par un très fort degré de médicalisation. Il propose un accueil inconditionnel. Plus des deux tiers des personnes accueillies dorment habituellement dans la rue ou dans le bois de Vincennes. Il existe un partenariat avec le recueil social de la RATP, et la Halte de nuit.
L’équipe de l’accueil médicalisé est composée de médecins généralistes (5 consultations hebdomadaires), d’une psychologue addictologue, d’infirmiers, d’aides-soignants, d’un dermatologue, d’une gynécologue. Elle permet l’accès au bus social dentaire et à une douche médicalisée, notamment pour les soins de déparasitage.
En 2018, 28 383 passages à l’accueil de jour et 2 876 consultations pour 658 personnes différentes ont été effectués : 86 % des accueillis étaient des hommes, les deux tiers avaient plus de 40 ans ; 56 % n’avaient pas de couverture sociale et les trois quarts ne connaissaient pas les dispositifs tels que les permanences d’accès aux soins de santé (PASS). Si 60 % ont consulté pour une patho­logie aiguë (principalement dermatologique et cardiovasculaire), 33,6 % avaient des pathologies chroniques, notamment liées au vieillissement et aux pathologies neuropsychiatriques, et près de 80 % de ces personnes avaient un suivi jugé inadapté, avec une incapacité à gérer le parcours de soins, même lorsqu’ils disposaient de droits sociaux.2

Lits d’accueil médicalisés

Ces 25 lits sont « dédiés à des personnes majeures sans domicile fixe, quelle que soit leur situation administrative, atteintes de pathologies lourdes et chroniques, irréversibles, séquellaires ou handicapantes, de pronostic plus ou moins sombre, pouvant engendrer une perte d’autonomie et ne pouvant être prises en charge dans d’autres structures ».3
En 2019, 29 personnes, âgées de 67 ans en moyenne, y ont été accueillies. La durée moyenne de séjour est de 29 mois.

Lits halte soins santé

Ces lits ont été créés à la suite de l’expérimentation des lits infirmiers initiée en 1993 par le Samusocial de Paris. Ces établissements médico-sociaux « accueillent des personnes majeures sans domicile fixe, quelle que soit leur situation administrative, ne pouvant être prises en charge par d’autres structures, dont la pathologie ou l’état général, somatique ou psychique, ne nécessite pas une prise en charge hospitalière ou médicosociale spécialisée mais est incompatible avec la vie à la rue. Ils ne sont pas dédiés à une pathologie donnée ».3

Un choix historique : « Ne pas créer une médecine à 2 vitesses et un hôpital pour SDF »

Le Samusocial de Paris veille à ne pas se substituer aux structures du droit commun, notamment pour les patients nécessitant une hospitalisation en service aigu ou en soins de suite-réadaptation. Mais il doit tenir compte de la collectivité, et de la promiscuité avec cette population à comorbidités lourdes et dont plus de la moitié a des troubles du comportement.
Au nombre de 170, ces lits sont répartis sur 5 centres.
L’admission se fait sur motif médical, grâce à une régulation médicale. L’accueil temporaire, d’une durée moyenne de séjour de 2 mois, peut être renouvelé en fonction des besoins médicaux.
En 2019, sur les 6 542 demandes (principalement hospitalières), 78 % étaient admissibles, mais seules 374 admissions ont été effectives, faute de places disponibles. La durée moyenne de séjour est de 9 mois.
Une consultation médicale se tient 5 jours sur 7 dans chaque centre. Il y a une présence infirmière et aide-soignante 24 h/24. Les entrées se font de jour comme de nuit (en aval des urgences et des maraudes). Le rôle du médecin est de prendre en charge la pathologie aiguë qui a motivé l’admission mais aussi de veiller à la cohérence du suivi de ces patients avec des polypathologies chroniques et une perte d’autonomie. 90 % des personnes hébergées ont une pathologie dont la prise en charge est susceptible de durer plus de 6 mois (majoritairement troubles psychiques, cognitifs, cardiovasculaires ou neurologiques).4 Des services spécialisés dans l’évaluation neuropsychiatrique sont en appui des Lits halte soins santé.
En outre, depuis 2009, le partage du Dossier patient informatisé par tous les professionnels de santé de tous les sites du Samusocial de Paris évite la multiplication des examens, facilite la coordination entre les secteurs sanitaire et médicosocial pour proposer un parcours de soins et de vie le plus adapté aux besoins et à l’autonomie de ces personnes.

Mission interface

Créée en 2017, cette équipe mobile favorise l’accès des personnes vieillissantes sans-abri aux structures de droit commun : les plus de 60 ans représentent 19 % du public des Lits halte soins santé et des centres d’hébergement d’urgence. Elle vient en aide aux structures intra- et extra-­Samusocial.

Observer et analyser

L’Observatoire du Samusocial de Paris réalise des enquêtes sur le sans-abrisme et les populations rencontrées par les équipes, dont les plus connues sont SAMENTA, HYTPEAC, ENFAMS.5, 6 Il participe à l’amélioration de leur prise en charge ainsi qu’à l’adaptation et à l’évaluation des politiques publiques de lutte contre l’exclusion.
L’Observatoire a travaillé sur des thématiques variées : le non-recours aux hébergements sociaux, les conditions de vie des adolescents dans les hôtels sociaux, la santé sexuelle des femmes hébergées en hôtel social, ou l’accès aux soins des migrants.

Des missions qui se sont multipliées

Depuis sa création, les missions confiées aux Samusociaux se sont multipliées, sans déroger aux principes de l’inconditionnalité et de « l’aller vers ».
La présence médicale reste forte, et l’efficience de la prise en charge soignante n’est plus à prouver.7
L’approche multidisciplinaire permet une évaluation et une prise en charge globale médico-psycho-sociale de publics divers : migrants, personnes vieillissantes, en situation de handicap ou de perte d’autonomie.
Le Samusocial a ainsi su s’adapter aux nouveaux profils des personnes accueillies afin de faciliter l’accès aux droits et aux soins, dans l’urgence et la réflexion. Ses actions et les recherches qu’il mène sont une plus-value incontournable aujourd’hui pour les patients, les soignants et les pouvoirs publics.
À l’heure où la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit 1 450 places supplémentaires de Lits d’accueil médicalisé et de Lits halte soins santé d’ici 2022, le Samusocial est un acteur incontournable de la réflexion autour de l’animation et de la fluidité des parcours médico­sociaux des personnes prises en charge pour un retour au droit commun et à la dignité.
Références
1. Samusocial de Paris. Rapport activité 2018. Paris 2019. www.samusocial.paris.fr
2. L’activité médicale et soin du rapport d’activité 2018 de l’ESI. Bilan de l’activité sanitaire 2018. Pôle hébergement et logement, Pôle médical et soins et Observatoire du Samusocial de Paris, juillet 2019.
3. Décret n° 2016-12 du 11 janvier 2016 relatif aux conditions techniques d’organisation et de fonctionnement des structures dénommées « lits halte soins santé » (LHSS) et « lits d’accueil médicalisés » (LAM).
4. Arnaud A, Riou F. Situations de handicap et perte d’autonomie de personnes sans domicile hébergées en CHU, LHSS ou LAM à l’automne 2016. Enquête exploratoire transversale : premiers résultats. Observatoire du Samusocial de Paris, juin 2017.
5. Samusocial de Paris. Les enquêtes de l’Observatoire du Samusocial de Paris www.samusocial.paris.fr
6. Arnaud A, Riou F, Segol É, Dion C. Handicap et perte d’autonomie chez les personnes sans domicile. Exploitation secondaire des données de l’enquête HYTPEAC. Rapport final. Observatoire du Samusocial de Paris, 31 décembre 2018.
7. Direction générale de la cohésion sociale, ministère des Solidarités et de la Santé. Enquête sur les parcours des personnes accueillies dans les lits d’accueil médicalisés (LAM) et les lits halte soins santé (LHSS). Rapport final. EY, octobre 2018.

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