Cet homme de 57 ans, alcoolique chronique, était adressé pour une suspicion de thrombophlébite du membre inférieur droit. Il avait un œdème induré du mollet droit, indolore, jaune à violet, évoquant un hématome sous-cutané et un purpura périfolliculaire pétéchial à ecchymotique sur les membres inférieurs (fig. 1 et 2). Biologiquement, il avait une anémie à 10,5 g/dL, mixte avec un syndrome inflammatoire chronique (hypoalbuminémie 22,4 g/L, CRP : 70 mg/L), une carence ferriprive (fer sérique 3,7 µmol/L et CST 11 %, ferritine normale à 245 ng/mL) et des carences vitaminiques majeures (B9 à 2,4 ng/mL). Les D-dimères étaient élevées (1 860 ng/mL). Le patient était en mauvais état général, avec une amyotrophie généralisée, un déchaussement des dents quasi complet… Le diagnostic de scorbut était confirmé par le dosage de la vitamine C, qui était inférieur à 3 µmol/ L. Un doppler veineux des membres inférieurs éliminait la phlébite et montrait une infiltration hématique sous-cutanée diffuse. Après recharge en vitamine C à 1 g/j, le purpura des membres inférieurs disparaissait rapidement et l’état du patient s’améliorait.
Le scorbut1est dû à une carence profonde en vitamine C2 (acide ascorbique) faute d’apports suffisants en légumes et fruits frais, en particulier dans les populations défavorisées ou du fait d’un alcoolisme, de brûlures étendues, du diabète, du grand âge, ou en raison d’une malabsorption digestive au niveau du grêle (maladies intestinales chroniques).3 Manger 5 fruits et légumes par jour suffit pour couvrir les besoins quotidiens (110 mg pour un adulte). On estime que 5 à 15 % de la population serait carencée. Il faut environ 3 mois sans apport pour développer un scorbut. La supplémentation se fait per os, 1 g/j pendant 15 à 21 jours, puis 500 mg/j pendant 1 mois, associée à une alimentation équilibrée. L’absorption est iléale et saturable, le risque de surdosage est rare ; l’excès est éliminé dans les urines sous forme d’acide oxalique. Les trou-bles de coagulation rentrent dans l’ordre rapidement, en quelques jours, et l’anémie se corrige dans le premier mois.
Références
1. Lamhien S, Mattioni A, Michon O. Des ecchymoses diffuses. Rev Med Interne 2016;37:437-8.
2. Fain O. Vitamine C. Rev Prat 2013;63:1091-6.
3. Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ. Manifestations dermatologiques des maladies d’organes. Dermatologie et médecine. Volume 4. Paris : Springer; 2012

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