Le sinus pilonidal (ou kyste pilonidal ou kyste sacro-coccygien) infecté (SPI) est une pathologie fréquente. Il affecterait 0,7 % de la population, avec une incidence de 25 pour 100 000. Le SPI touche plus souvent les hommes (sex-ratio 2-3/1), jeunes, entre l’âge de 15 et 30 ans. Il est exceptionnel avant la puberté et après 60 ans.1 Les principaux facteurs de risque sont résumés dans l’encadré. C’est une pathologie bénigne, mais elle peut altérer significativement la qualité de vie des patients.

Physiopathologie multifactorielle

La physiopathologie demeure imparfaitement comprise. L’hypothèse d’une maladie acquise semble aujourd’hui plus largement admise même si des facteurs génétiques sont vraisemblablement impliqués. Les follicules pileux du sillon interfessier subiraient des microtraumatismes (frottements, écrasements) qui conduiraient à la formation de fossettes cutanées. L’inclusion des poils dans le derme et l’hypoderme par ces fossettes induirait une réaction inflammatoire « à corps étranger » aboutissant à la formation d’une cavité sous-cutanée. L’infection de cette cavité serait à l’origine de l’affection. Des facteurs hormonaux joueraient également un rôle et expliqueraient que le SPI est exceptionnel avant l’âge de la puberté.
Le SPI siège le plus souvent à la partie haute du sillon interfessier sur la ligne médiane. Le diagnostic est clinique et repose sur la mise en évidence d’une ou plusieurs fossettes, avec parfois des débris pilaires. Il peut se présenter sous une forme aiguë (abcès sous tension) ou sous une forme chronique avec éventuellement des orifices fistuleux cutanés latéralisés responsables d’un écoulement intermittent (fig. 1).

Traitement du sinus pilonidal infecté : la chirurgie d’exérèse est-elle démodée ?

Le traitement du SPI est chirurgical. L’objectif est d’éradiquer la suppuration et de limiter le risque de récidive.
En cas d’abcès sous tension, une incision est réalisée en urgence, le plus souvent en consultation sous anesthésie locale, afin de drainer la collection et soulager le patient. L’antibiothérapie est réservée à des situations particulières (immunosuppression, valve cardiaque mécanique, sepsis sévère).
Le traitement chirurgical du SPI est réalisé dans un second temps, à distance de l’épisode aigu. Il est indiqué en cas d’abcès récidivants ou de suppuration chronique.
Les principaux traitements du SPI sont résumés dans le tableau 1 : on distingue classiquement l’exérèse chirurgicale avec ou sans fermeture (cicatrisation dirigée) du site opératoire et les techniques mini-invasives. Le traitement chirurgical optimal n’est pas consensuel.2,3
L’exérèse chirurgicale avec cicatrisation dirigée (fig. 2) est la technique qui offre le taux de récidive le plus faible (inférieur à 10 %), au prix cependant de soins infirmiers quotidiens (nettoyage et méchage de la plaie), d’une durée de cicatrisation longue (environ deux à trois mois) et d’une cessation d’activité parfois prolongée.1-3
Les techniques d’exérèse avec fermeture de la plaie opératoire par sutures médiane ou paramédiane (techniques de Karydakis et de Bascom), plastie (en V-Y ou Z) ou lambeau de Limberg réduisent la durée de cicatrisation. Cependant, le risque de récidive semble supérieur par rapport à l’exérèse avec cicatrisation dirigée et il existe un risque d’infection et de désunion de la suture.4
L’idée d’un traitement moins « radical » du SPI n’est pas nouvelle et s’est développée à partir des années 1960.
Quelle que soit la technique, le traitement mini-­invasif a pour objectif de simplifier les suites opératoires (moins longues, moins douloureuses, avec une durée moindre de l’arrêt d’activité), en limitant au minimum la taille des plaies opératoires, sans compromettre pour autant la guérison.

Les « anciennes » techniques mini-invasives sont quasiment abandonnées

Parmi les techniques mini-invasives les plus anciennes, on peut citer la phénolisation, le « pit picking », la mise à plat du sinus (sinusotomie ou « deroofing »), l’exérèse limitée ou sinusectomie et l’injection de colle.

Phénolisation

La phénolisation consiste en l’injection de phénol (aux propriétés kératolytiques) dans le sinus. Cette technique a été développée dans les années 1960. Le taux d’échec est relativement élevé, jusqu’à 30 % dans certaines séries, et il existe un risque de complications (brûlures, infections du site opératoire).5,6
En France, l’utilisation du phénol est interdite depuis le début des années 2000 du fait de sa toxicité.

Pit-picking

Le pit picking consiste à retirer les fossettes pilonidales et à nettoyer ou cureter le sinus. La technique a été proposée initialement par Bascom en 1980 et a évolué au fil du temps. Le pit picking peut être associé à l’injection de phénol. Une étude observationnelle récente incluant 327 patients a montré un taux de récidive à cinq ans de 62 % après pit picking, supérieur au taux de récidive après lambeau de Limberg (22 %).7 Dès lors, malgré des suites opératoires simples et la possibilité de réaliser le traitement sous anesthésie locale, le pit picking a été progressivement abandonné au profit d’autres traitements mini-invasifs.

Sinusotomie

La mise à plat du sinus ou sinusotomie est une technique ancienne, évaluée pour la première fois en 1960 par Abramson et al.8 Elle consiste à ouvrir la cavité et les trajets fistuleux pour permettre le curetage du fond de la plaie sans réaliser d’exérèse cutanée. Les résultats sont bons, avec un taux de récidive inférieur à 5 % et un taux de complications (infection, saignement, retard de cicatrisation) bas, de l’ordre de 1,5 %.9 En revanche, le délai de cicatrisation est long, avoisinant celui de la chirurgie d’exérèse avec cicatrisation dirigée. Ainsi, il est difficile de considérer cette technique comme une « vraie » technique mini-invasive.

Sinusectomie

La sinusectomie consiste à pratiquer une exérèse limitée du sinus et de ses extensions éventuelles en limitant l’ouverture cutanée. Elle a été développée durant les années 2000. Les résultats sont proches de ceux de la sinusotomie et elle pâtit des mêmes limites (délai de cicatrisation et cessation d’activité parfois prolongés).10,11

Colle biologique

L’utilisation de la colle biologique (mélange de fibrine et de thrombine) dans le SPI remonte à 2005. La colle est injectée directement dans le sinus et ses prolongements après curetage et lavage de la cavité. En se solidifiant, elle obture le sinus. La colle est principalement utilisée seule ou en combinaison avec une chirurgie d’exérèse et fermeture du site opératoire afin de combler l’espace mort sous-cutané. L’intervention est courte (environ 10 minutes) et est le plus souvent réalisée sous anesthésie générale. Le taux d’échec élevé, entre 20 et 30 %, et le coût du traitement limitent son utilisation.12 En France, l’utilisation de la colle dans cette indication est quasiment abandonnée.
Aujourd’hui, grâce aux progrès techniques, de nouveaux procédés se développent, faisant appel, entre autres, à l’endoscopie ou encore au laser (tableau 2).

« Nouvelles » techniques mini-invasives

Traitement endoscopique

La première description du traitement endoscopique du SPI (endoscopic pilonidal sinus treatment [EPSiT] ou encore video-assisted ablation of pilonidal sinus [VAAPS]) date de 2013 ; on la doit à Meinero et al.13 La technique utilise un matériel spécifique, un fistuloscope, qui est inséré dans le sinus via une fossette, un orifice fistuleux secondaire ou une incision cutanée. La première étape consiste à identifier les principaux trajets. Puis une électrode monopolaire est insérée au travers du fistuloscope pour cautériser le trajet. Les débris pilaires et nécrotiques sont ensuite évacués à l’aide d’une endo­brosse et par des irrigations abondantes du sinus (glycine/mannitol). La technique nécessite un matériel spécifique (et coûteux) ainsi qu’un praticien expérimenté. L’intervention est relativement longue comparée aux autres techniques mini-invasives (jusqu’à 60 minutes). Elle est réalisable sous anesthésie locorégionale ou générale.
Une méta-analyse incluant près de 500 patients14 a montré un taux de succès du traitement supérieur à 95 % avec cependant une durée de suivi hétérogène et parfois relativement courte (2,5 à 25 mois). Le taux de complications était bas, évalué à 1 % (hématome, infection, retard de cicatrisation et écoulements), et les douleurs postopératoires peu intenses (échelle visuelle analogique [EVA] moyenne de 1,3/10 à une semaine). La durée moyenne de cicatrisation était d’environ un mois.
Plus récemment, une autre étude a comparé le traitement endoscopique au lambeau de Limberg.15 Au terme d’un suivi de plus de deux ans, le taux de succès était inférieur à 60 % dans le groupe « traitement endoscopique » versus 94 % dans le groupe « lambeau » avec cependant un taux de complications deux fois plus élevé dans le groupe « lambeau ». Dès lors, le traitement endoscopique apparaît comme une procédure relativement sûre, mais le niveau de preuve de la littérature reste faible.

Traitement laser

Le traitement laser du SPI (sinus laser therapy [SiLaT], pilonidal disease laser treatment [PiLaT] ou sinus laser-assisted closure [SiLaC]) est l’une des techniques mini-invasives les plus récentes, datant de 2014. Le traitement laser consiste à obturer le sinus par une application radiale sur 360 ° d’une énergie laser (la pénétrance tissulaire est limitée à 2 ou 3 mm) après avoir au préalable ouvert les fossettes pilonidales (par punch à ­biopsie ou incision), cureté et lavé la cavité (fig. 3A à 3H). Le matériel employé est similaire à celui utilisé pour le traitement laser des fistules anales (procédure FiLaC). Dans la plupart des cas, l’intervention est réalisée en ambulatoire, sous anesthésie locorégionale ou générale ; elle dure une vingtaine de minutes.
Une récente revue de la littérature, incluant 10 études, soit 971 patients, a montré un taux de guérison à un an de près de 95 %.16 Un second traitement laser a été réalisé chez 21 patients en échec d’un premier traitement, augmentant le taux de succès à 96,6 %. L’EVA postopératoire médiane était de 2,2/10. Le taux de complications était de 10 % (infection, sérome, hématome), toutes jugées mineures et traitées médicalement. De surcroît, la cicatrisation est rapide après ce traitement (deux à quatre semaines) et la durée d’arrêt de travail inférieure à une semaine. Toutefois, le niveau de preuve est encore faible (études ouvertes, non contrôlées pour la plupart, effectif faible, suivi court, etc.).

Les bons résultats des techniques mini-invasives restent à confirmer

Nous assistons actuellement à un véritable essor des techniques mini-invasives pour la prise en charge du SPI, comme c’est le cas pour la chirurgie hémorroïdaire. Les raisons en sont multiples : prise en charge ambulatoire, peu ou pas d’arrêt de travail, suites opératoires simples peu ou pas douloureuses, bons résultats à court terme et absence de séquelles à long terme. Par ailleurs, les techniques mini-invasives peuvent être proposées en cas d’échec d’une chirurgie d’exérèse « classique », être tentées à nouveau après échec d’un premier traitement et n’empêchent pas le recours à une éventuelle exérèse chirurgicale ultérieure. En revanche, le niveau de preuve de la littérature est faible, et le recul reste à ce jour insuffisant pour évaluer les résultats à long terme. Par ailleurs, les indications « idéales » de chaque technique méritent d’être précisées. Ainsi, l’avenir nous dira si les bons résultats initiaux des techniques mini-invasives se confirment avec le temps. Mais une chose est sûre, la chirurgie mini-invasive du SPI est en marche ! 
Encadre

Facteurs de risque de sinus pilonidal infecté

Pilosité marquée

Peau grasse

Surpoids/obésité

Frottements répétés, station assise prolongée

Pli interfessier profond

Défaut d’hygiène

Antécédents familiaux

Références
1. de Parades V, Bouchard D, Janier M, Berger A. Pilonidal sinus disease. J Visc Surg 2013;150(4):237-47.
2. Johnson EK, Vogel JD, Cowan ML, Feingold DL, Steele SR. The American Society of Colon and Rectal Surgeons' clinical practice guidelines for the management of pilonidal disease. Dis Colon Rectum 2019;62(2):146-57.
3. Milone M, Basso L, Manigrasso M, Pietroletti R, Bondurri A, La Torre M, et al. Consensus statement of the Italian society of colorectal surgery (SICCR): Management and treatment of pilonidal disease. Tech Coloproctol 2021;25(12):1269-80.
4. Al-Khamis A, McCallum I, King PM, Bruce J. Healing by primary versus secondary intention after surgical treatment for pilonidal sinus. Cochrane Database Syst Rev 2010(1):CD006213.
5. Kayaalp C, Aydin C. Review of phenol treatment in sacrococcygeal pilonidal disease. Tech Coloproctol 2009;13(3):189-93.
6. Johnson EK, Vogel JD, Cowan ML, Feingold DL, Steel SR, Clinical Practice Guidelines Committee of the American Society of Colon and Rectal Surgeons. The American Society of Colon and Rectal Surgeons’ clinical practice guidelines for the management of pilonidal disease. Dis Colon Rectum 2019;62(2):146-57.
7. Doll D, Petersen S, Andreae OA, et al. Pit picking vs. Limberg flap vs. primary open method to treat pilonidal sinus disease - A cohort of 327 consecutive patients. Innov Surg Sci 2022;7(1):23-9.
8. Abramson DJ. A simple marsupialization technic for treatment of pilonidal sinus: Long-term follow up. Ann Surg 1960;151(2):261-7.
9. Garg P, Menon GR, Gupta V. Laying open (deroofing) and curettage of sinus as treatment of pilonidal disease: A systematic review and meta-analysis. ANZ J Surg 2016;86(1):27-33.
10. Soll C, Hahnloser D, Dindo D, Clavien PA, Hetzer F. A novel approach for treatment of sacrococcygeal pilonidal sinus: Less is more. Int J Colorectal Dis 2008;23(2):177-80.
11. Popeskou SG, Pravini B, Panteleimonitis S, Di Tor Vajana AF, Vanoni A, Schmalzbauer M, et al. Conservative sinusectomy vs. excision and primary off-midline closure for pilonidal disease: A randomized controlled trial. Int J Colorectal Dis 2020;35(7):1193-9.
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13. Meinero P, Mori L, Gasloli G. Endoscopic pilonidal sinus treatment (E.P.Si.T.). Tech Coloproctol 2014;18(4):389-92.
14. Emile SH, Elfeki H, Shalaby M, Sakr A, Giaccaglia V, Sileri P, et al. Endoscopic pilonidal sinus treatment: A systematic review and meta-analysis. Surg Endosc 2018;32(9):3754-62.
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16. Romic I, Augustin G, Bogdanic B, Bruketa T, Moric T. Laser treatment of pilonidal disease: A systematic review. Lasers Med Sci 2022;37(2):723-32.

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Résumé

Le sinus pilonidal infecté est une pathologie fréquente qui affecterait 0,7 % de la population. Son traitement est chirurgical. En France, la technique de référence est l’exérèse, avec une plaie laissée ouverte, puis une cicatrisation dirigée. Elle a l’avantage de réduire le risque de récidive, au prix cependant de soins infirmiers quotidiens, d’une durée de cicatrisation longue impliquant un arrêt d’activité prolongé. Les techniques chirurgicales de fermeture ou de plastie visant à réduire la durée des soins sont moins contraignantes pour les patients, mais elles exposent à davantage de récidives que la technique ouverte. L’objectif des techniques mini-invasives est de simplifier les suites opératoires tout en limitant le risque de récidive. Les techniques mini-invasives anciennes comme la phénolisation ou le « pit picking » exposent à un taux de récidive élevé malgré des suites simples. Aujourd’hui, de nouvelles techniques se développent, faisant appel, entre autres, à l’endoscopie ou encore au laser également utilisés pour le traitement des fistules anales. Les premiers résultats sont prometteurs, avec un taux d’échec globalement inférieur à 10 % à un an. Les complications sont rares, le plus souvent mineures, et les suites postopératoires sont simples sans nécessité de soins infirmiers. Cependant, ces résultats intéressants nécessitent d’être confirmés par des études de meilleure qualité avec un suivi prolongé.