Le prolapsus des organes pelviens est un trouble de la statique pelvienne qui concerne environ 30 % des femmes. Les prolapsus ont une présentation clinique variable, et l’hétérogénéité des symptômes rend parfois difficile le choix du meilleur traitement. Les symptômes classiques comme la pesanteur pelvienne sont souvent associés à des symptômes digestifs, urinaires ou sexuels, qui sont parfois au premier plan.1
Pathologie fonctionnelle par excellence, le prolapsus est parfois sous-diagnostiqué et sous-traité, considéré comme une fatalité, alors que son impact est péjoratif sur la qualité de vie. Le traitement de référence est chirurgical mais un traitement non chirurgical peut être envisagé, soit en raison du caractère modéré des symptômes, soit en raison du souhait, de l’âge, des antécédents chirurgicaux ou des comorbidités de la patiente. Par ailleurs, les deux stratégies, médicale et chirurgicale, ne sont pas incompatibles. Ainsi, le pessaire peut être proposé comme test diagnostique avant la chirurgie.

Traitement mécanique : dispositifs intravaginaux ou pessaires

Le pessaire est un traitement mécanique symptomatique utilisé dans le prolapsus des organes pelviens depuis l’Antiquité. Issu du latin « pessus » signifiant « pierre plate », on retrouve sa trace dans le serment d’Hippocrate : « Je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif ». Bien que peu utilisé en France, outre-Atlantique plus de 60 % des patientes choisissent le pessaire, que la plupart des médecins proposent en première intention.2

Principes, types et indications

Le pessaire, dispositif intravaginal réduisant le prolapsus, permet d’améliorer voire de supprimer les symptômes liés au prolapsus, mais également de prédire l’effet de la chirurgie sur ces symptômes, de retarder la chirurgie quand la situation l’impose, et de prévenir l’aggravation du prolapsus.3
Il existe différents modèles et tailles de pessaires, tous en silicone, permettant d’appareiller correctement jusqu’à 80 % des patientes (v. figure). Il en existe deux grandes catégories :4
– les pessaires de soutien qui reposent autour du col utérin, en arrière dans le cul-de-sac vaginal postérieur, en avant au-dessus du pubis, dans un axe horizontal. Le plus utilisé est l’anneau, en raison de son ancienneté et de son efficacité. Il est plutôt utilisé lorsque le prolapsus ne dépasse pas la vulve (stade ≤ 2), et peut être laissé en place jusqu’à 3 mois ;
– les pessaires de comblement qui remplissent l’espace intravaginal, refoulant cystocèle et rectocèle, et le bloc cervico-utérin, vers le haut. Le cube est le plus récent, et le plus utilisé du fait de sa maniabilité (mise en place quotidienne) : il possède 6 faces concaves, souples percées d’orifices, entraînant un phénomène d’aspiration sur les parois vaginales et permettant un écoulement des sérosités. Le Donut, plus gros, permet un comblement volumineux et est souvent réservé aux grands prolapsus (stade ≥ 3).
Le tableau ci-contre résume l’effet du pessaire sur la symptomatologie du prolapsus.

Cas particuliers

Dans le cas des prolapsus avec signes digestifs ou urinaires au premier plan, le pessaire peut être utilisé comme test diagnostique avant la chirurgie. Dans l’incontinence urinaire associée à un prolapsus, la pose d’un pessaire test, en réduisant la cystocèle, peut améliorer les fuites par urgenturie, diminuer la fréquence des infections urinaires, et démasquer une incontinence urinaire d’effort. Mieux comprendre le mécanisme des fuites permet d’anticiper les résultats fonctionnels, d’adapter son indication opératoire, et d’informer la patiente.
Chez la patiente ayant un désir de grossesse ultérieure, il est préférable de repousser la chirurgie au risque de voir récidiver le prolapsus lors de la grossesse suivante, et de proposer un pessaire. Cette situation est plus fréquente qu’il n’y paraît, et le pessaire est une solution temporaire satisfaisante.

Choisir le bon pessaire

Le choix du type de pessaire repose sur un examen clinique comprenant un interrogatoire précis, permettant d’évaluer l’importance du prolapsus, des symptômes, l’activité sexuelle, l’état cognitif, l’habileté manuelle, et surtout la motivation de la patiente, à un pessaire journalier ou bimestriel.
L’examen physique évalue la trophicité de la muqueuse vaginale, la mesure de l’orifice vulvovaginal (+ ou - 4 doigts), la longueur vaginale (+ ou - 6 cm), la présence d’un col utérin, la contractilité des releveurs, la présence d’une incontinence urinaire d’effort masquée.
La présence d’un hiatus large, d’un vagin court (hystérec­tomie) et atrophique, d’une incontinence urinaire d’effort démasquée par réduction du prolapsus sont des facteurs prédictifs d’échec ou de mauvaise tolérance du pessaire.
On évalue la taille adéquate du pessaire lors de l’examen clinique en mesurant la distance entre deux doigts lors du toucher vaginal (diamètre du pessaire), ou en utilisant un set de pessaires test, pouvant être fourni par le laboratoire.4
La première prescription peut être réalisée par un spécialiste (gynécologue, urologue) mais également par un médecin généraliste ou gériatre, qui serait amené à prendre en charge une patiente gênée par un prolapsus.

Mise en place

En ce qui concerne l’anneau, après lubrification, il se plie en 2 permettant son insertion en direction du sacrum, puis se déplie afin que sa partie antérieure prenne appui sur la symphyse pubienne, puis une rotation de 90° doit être effectuée pour éviter son expulsion. Le retrait est assez aisé en pinçant les deux bords de l’anneau entre deux doigts. Sa mise en place et son retrait doivent être faits par un médecin.
Le pessaire cube est souple, et doit être écrasé entre deux doigts, et enfoncé jusqu’au fond du vagin. Les faces antérieure et postérieure doivent être bien en regard de celles du vagin pour une meilleure tenue. Le retrait s’effectue en pinçant le bord pour le décoller des parois vaginales, puis en tractant sur la cordelette extériorisée à la vulve. Le cube est préférable chez les patientes autonomes pour une mise en place journalière. Une fois le pessaire introduit, la patiente réalise quelques pas, et mouvements de flexion, une manœuvre de Valsalva, afin de vérifier son confort et l’absence d’expulsion. La miction doit être aisée.
Contrairement au pessaire en forme d’anneau, le cube peut être mis et retiré par la patiente elle-même. La première mise en place doit s’effectuer au cabinet par ou avec l’aide du médecin. Il s’agit d’une consultation d’éducation thérapeutique, essentielle à l’observance du traitement. La patiente doit être informée et rassurée quant à la gestion d’éventuels événements indésirables pouvant survenir à domicile. Les informations doivent être très pratiques : le pessaire doit être lavé à l’eau et au savon puis bien séché avant sa remise en place ou son stockage. Il peut ainsi être changé quotidiennement par la patiente. On peut donner à cette occasion une fiche explicative ou orienter la patiente vers certains sites web dédiés.5

Suivi

La patiente est réévaluée de manière rapprochée à 2 ou 3 semaines, afin de faire le point sur l’efficacité (amélioration des symptômes) et la tolérance (ajustement de taille, modèle, dépistage des complications), et de réitérer les conseils de gestion. Le suivi par la suite est clinique, plus espacé (1 fois par an) et s’assure de l’absence de complications. Pour les pessaires en forme d’anneau, le changement se fait au cabinet, par le praticien tous les 2 à 4 mois.
Les complications sont peu fréquentes et rarement sévères : érosions, saignements, leucorrhées, nécessitant un retrait temporaire du pessaire et une estrogénothérapie locale. Les complications sévères à type de fistule vésico- ou rectovaginale, occlusion, compression urétérale, sont exceptionnelles. La moitié des patientes satisfaites initialement poursuivent le port du pessaire à long terme.

Rééducation périnéale

La rééducation périnéale semble offrir un bénéfice lorsque le prolapsus est modéré, en optimisant la contraction volontaire du périnée lors d’une augmentation de la pression abdominale (toux). Elle est utile en cas d’incontinence urinaire d’effort associée, lorsque l’examen clinique montre une mauvaise proprioception des muscles périnéaux. Les méthodes de biofeedback sont intéressantes : la patiente peut objectiver sa contraction périnéale, volontaire ou électrostimulée, par un contrôle visuel et sonore. La réappropriation de la commande périnéale permet de lutter contre l’aggravation du prolapsus, et en améliorer les symptômes, notamment l’hyperactivité vésicale.

Traitement médicamenteux

Traitement hormonal et trophicité vaginale

Le traitement d’une atrophie muqueuse vulvo-vaginale chez la patiente ménopausée est toujours bénéfique. L’estrogénothérapie locale prévient l’aggravation du prolapsus, en diminue les symptômes (hyperactivité vésicale et dyspareunie notamment) et améliore la tolérance du pessaire et le confort de la patiente. Le traitement se présente sous forme d’ovules ou de crème (Estriol 0,1 %) pour application vaginale et vulvaire. Les contre-indications relatives se limitent aux antécédents de cancers estrogéno-dépendants et de maladie thromboembolique active.

Traitement des facteurs favorisants

Un traitement optimal de la constipation est impératif. Les laxatifs osmotiques (lactulose, macrogols), de lest (fibres végétales) ou lubrifiants doux (paraffine) sont recommandés pour diminuer les symptômes mais également prévenir l’aggravation du prolapsus. Les laxatifs stimulants, suppositoires et lavements, doivent être utilisés avec prudence (traumatisme mécanique, irritation muqueuse).

Traitement des symptômes et complications

Les symptômes urinaires irritatifs (hyperactivité vésicale), souvent secondaires à une cystocèle, peuvent être soulagés par les anticholinergiques. Cependant, ils doivent être utilisés avec prudence car ils risquent d’aggraver une constipation préexistante, ou une dysurie. Les cystites à répétition doivent être traitées selon les recommandations mais surtout faire évoquer un résidu post-mictionnel.

Mesures préventives et hygiène de vie

L’éviction des facteurs de risque de prolapsus modifiables est essentielle. Les mesures préventives passent ainsi par une prise en charge diététique, avec perte de poids progressive, activité physique douce, lutte contre la constipation, prise en charge d’une toux chronique, éviction du port de charges lourdes et des sports à haute sollicitation abdominale. Le débat reste ouvert concernant le mode d’accouchement car l’hyperpression abdominale et les modifications hormonales pendant la grossesse sont, en elles-mêmes, néfastes pour le périnée. La rééducation post-partum aurait un rôle protecteur, de même que la prise d’un traitement hormonal substitutif de la ménopause, sans que celui-ci ne soit recommandé pour cette indication.

Un pessaire sous-utilisé

Le prolapsus est une pathologie fréquente chez la femme ménopausée, et le recours au traitement chirurgical ne devrait pas être systématique. Le traitement conservateur, incluant la correction anatomique par le pessaire, une éventuelle rééducation périnéale, un traitement hormonal local, l’optimisation du transit et la réduction des facteurs favorisants, permet de satisfaire une majorité de patientes et doit toujours être proposé. Le pessaire, sous-utilisé car mal connu, est un dispositif efficace, bien toléré, peu coûteux, responsable de peu de complications, à condition que la prise en charge médicale initiale et le suivi soient réguliers.
Références
1. Conquya S, Costab P, Haab F, Delmas v. Traitements non chirurgicaux des prolapsus. Progr Urol 2009;19:984-7.
2. Kapoor DS, Thakar R, Sultan AH, Oliver R. Conservative versus surgical management of prolapse: what dictates patient choice? Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2009;20:1157-61.
3. Technical update on pessary use. J Obstet Gynaecol Can 2013;35:664-74.
4. Berrogain N. Le traitement non chirurgical du prolapsus : quels pessaires, pour qui et comment les prescrire ? Progr Urol – FMC 2018;28:F99-F102.
5. Comment insérer un pessaire : 18 étapes. fr.wikihow.com https://fr.wikihow.com/ins%C3%A9rer-un-pessaire

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Résumé traitement non chirurgical des prolapsus génitaux

Le traitement conservateur des prolapsus des organes pelviens peut être une alternative au traitement chirurgical lorsque le prolapsus est modéré ou peu symptomatique, et chez des patientes fragiles, lorsque la chirurgie est contre-indiquée. Plusieurs mesures s’intègrent dans une prise en charge non chirurgicale. Les traitements hormonaux améliorent le confort des patientes sans que leur efficacité puisse être démontrée. Les pessaires permettent la réduction anatomique du prolapsus. En forme de cube pour un changement quotidien ou d’anneau conservé à demeure avec changement par un médecin tous les 3 mois, ils permettent d’obtenir jusqu’à 80 % de satisfaction des patientes, et sont le plus souvent associés aux estrogènes. La rééducation périnéale améliorerait les symptômes dans les formes modérées, et retarderait l’aggravation du prolapsus. Les mesures préventives sont importantes, et réunissent la lutte contre l’obésité, la constipation, la toux, et l’éviction du port de charges lourdes et de certains sports.