Impacts importants des traitements sur la fertilité
Mécanismes de la gonadotoxicité de la chimiothérapie et de la radiothérapie
La toxicité ovarienne de la chimiothérapie varie en fonction du type d’agent cytotoxique et de la dose cumulée.1 Les agents alkylants, et en particulier le cyclophosphamide, ont une forte toxicité gonadique.1 Elle dépend également de la réserve ovarienne de la patiente au moment du traitement : la toxicité est d’autant moins importante que les patientes sont jeunes (et possèdent donc une bonne réserve ovarienne) au diagnostic.
En cas de radiothérapie incluant les ovaires dans le champ d’irradiation, une atrésie folliculaire est observée de la même façon, avec une très grande gonadotoxicité.
Troubles de la fertilité accrus après traitement d’un lymphome de Hodgkin
Cependant, les traitements des lymphomes de Hodgkin ont une gonadotoxicité variable selon le type de molécules et les doses cumulées. Le protocole ABVD (doxorubicine [Adriamycine], bléomycine, vinblastine, dacarbazine) présente une toxicité ovarienne considérée comme faible. Après traitement par ABVD, les taux d’hormone antimüllérienne (AMH), qui évaluent la réserve ovarienne, reviennent aux taux d’avant traitement dans les six mois suivant la fin de la chimiothérapie.3 Les probabilités de grossesse ainsi que les délais de conception après traitement ne semblent pas non plus différents de ceux de femmes contrôles non traitées.4
En revanche, après chimiothérapie par BEACOPP (bléomycine, étoposide, doxorubicine [Adriamycine], cyclophosphamide, vincristine [Oncovin], procarbazine, prednisone) sont décrites une plus grande fréquence de troubles du cycle perdurant après la fin des traitements,5 et des réductions de taux d’AMH persistant à distance de la fin des traitements.6
Les stratégies de prise en charge récentes, avec possibilité de désescalade (ABVD après deux cures de BEACOPP) en cas de bonne réponse à la tomographie par émission de positons (TEP), ont permis de réduire la gonadotoxicité des traitements, avec un moindre risque d’insuffisance ovarienne prématurée et de réserve ovarienne basse en comparaison aux femmes traitées par six cures de BEACOPP.7
En cas de traitement de rattrapage nécessitant une greffe, le conditionnement préalable, comportant souvent de fortes doses d’agents alkylants, induit une gonadotoxicité très élevée, avec un risque d’insuffisance ovarienne définitive important.1
Méthodes de préservation de la fertilité
Stimulation ovarienne suivie du prélèvement d’ovocytes matures et de la vitrification ovocytaire
Considérée comme une technique établie de préservation de la fertilité, elle est proposée en première intention dans de nombreuses recommandations professionnelles.10
Stimulation ovarienne suivie de congélation embryonnaire
Congélation de cortex ovarien
Le tissu ovarien peut ensuite être réimplanté chez la patiente et mener à une reprise de la fonction ovarienne endocrine et exocrine avec une possibilité de grossesse naturelle.11 Les séries récentes rapportent des probabilités de grossesse de l’ordre de 30 à 40 %.11
Prélèvement d’ovocytes immatures suivi de maturation in vitro
Utilisation d’agonistes de la GnRH pendant la chimiothérapie
En pratique après traitement
Une surveillance gynécologique régulière est recommandée afin de dépister les patientes à risque d’insuffisance ovarienne ou de ménopause précoce ou, pour les plus jeunes, à risque de retard pubertaire ou d’arrêt du développement pubertaire.10 En cas d’insuffisance ovarienne prématurée, un traitement hormonal substitutif est mis en place pour pallier les risques de déminéralisation osseuse et cardiovasculaires induits par la carence hormonale.
Une évaluation régulière des marqueurs de réserve ovarienne (compte des follicules antraux par échographie pelvienne, dosage de l’AMH) est également utile. Leur interprétation doit rester prudente, les marqueurs de réserve ovarienne étant peu prédictifs de l’obtention d’une grossesse naturelle après cancer.13 Cependant, ceux-ci peuvent permettre de dépister les patientes pouvant bénéficier d’une préservation de la fertilité après traitement. En cas d’antécédent de traitement gonadotoxique, et lorsqu’une préservation de la fertilité n’a pas pu être réalisée au moment de la prise en charge initiale, une préservation de fertilité par stimulation ovarienne suivie de vitrification ovocytaire après traitement peut s’envisager.10
Il faut éviter tout pronostic définitif sur l’intégrité de la fonction ovarienne et sur la possibilité d’obtention d’une grossesse. Des reprises d’activité ovarienne parfois tardives sont observées. Une contraception doit être systématiquement envisagée chez toute femme non ménopausée au diagnostic, y compris en cas d’aménorrhée chimio-induite.14
Retentissement des traitements sur la fertilité masculine
Chez l’homme, les traitements du lymphome de Hodgkin peuvent également avoir un retentissement sur la fertilité. La chimiothérapie altère la spermatogenèse, vraisemblablement par destruction des spermatogonies (cellules souches germinales) et des spermatocytes (cellules en cours de différenciation entrées en méiose).
L’effet gonadotoxique de la chimiothérapie dépend de la nature de la molécule et de sa dose cumulative. Les chimiothérapies à haut risque d’insuffisance gonadique sont essentiellement les alkylants : ainsi, la gonadotoxicité est plutôt faible en cas de chimiothérapie ABVD, intermédiaire à élevée pour le BEACOPP et très élevée en cas de conditionnement avant greffe. Les cellules de Leydig sont le plus souvent épargnées par cette gonadotoxicité, et la fonction testiculaire hormonale persiste le plus souvent, même en cas d’atteinte de la spermatogenèse, sauf en cas de traitement à très forte gonadotoxicité comme dans le cas des conditionnements avant greffe.
Une congélation de spermatozoïdes doit être systématiquement proposée avant le début des traitements. Cette technique est possible y compris chez l’adolescent. Pour les patients pré- ou péripubères, une biopsie de tissu testiculaire est proposée en cas de traitement à forte gonadotoxicité.
Une surveillance du spermogramme doit être proposée après la fin des traitements : des récupérations de la spermatogenèse sont possibles à distance. Le bilan ne doit pas être réalisé trop précocement après la fin du traitement ou bien répété car les résultats ne sont pas définitifs.
En cas de congélation de sperme avant traitement, la prise en charge de l’infertilité repose sur des techniques d’assistance médicale à la procréation : inséminations artificielles, fécondation in vitro (FIV) assistée d’une injection intracytoplasmique d’un spermatozoïde (ICSI). Le choix parmi ces techniques repose sur les caractéristiques spermatiques initiales et sur le test de décongélation.
En cas d’échec (lié à un nombre ou une qualité insuffisante des spermatozoïdes cryoconservés ou extraits d’une biopsie) ou en l’absence de cryopréservation de sperme, le don de sperme peut être proposé, ainsi que l’adoption.
2. Velez MP, Richardson H, Baxter NN, McClintock C, Greenblatt E, Barr R, et al. Risk of infertility in female adolescents and young adults with cancer: A population-based cohort study. Hum Reprod 2021;36:1981-8.
3. Decanter C, Delepine J, Behal H, Manier S, Bruno B, Barbatti M, et al. Longitudinal study of AMH variations in 122 Adolescents and Young Adults (AYA) and non-AYA lymphoma patients to evaluate the chemo-induced ovarian toxicity to further personalise fertility preservation counselling. Human Reproduction 2021;36:2743-52.
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5. Behringer K, Thielen I, Mueller H, Goergen H, Eibl AD, Rosenbrock J, et al. Fertility and gonadal function in female survivors after treatment of early unfavorable Hodgkin lymphoma (HL) within the German Hodgkin Study Group HD14 trial. Annals of Oncology 2012;23:1818-25.
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