Cet ouvrage pluridisciplinaire, édité à l’occasion d’une exposition qui s’est tenue en 2018 au Musée royal de Mariemont en Belgique, est une petite merveille tant par la qualité de ses auteurs (plus de 25) que par sa très belle iconographie. Galien, grec né à Pergame en 129 qui fut médecin des gladiateurs (cela le familiarisa avec la traumatologie…), s’installa à Rome en 162 où son succès fut immense et où il devint même le médecin de l’empereur Marc-Aurèle (mais il soignait tout le monde, des puissants jusqu’aux esclaves), ce qui lui valut la haine féroce de certains de ses collègues. Délaissant les différents courants médicaux qui s’affrontaient, il ne se référa qu’à l’œuvre d’un seul maître, Hippocrate, dont il livrera de nombreux commentaires. Ses écrits sont considérables puisqu’à eux seuls ils représentent « près du huitième de la totalité de la littérature grecque conservée d’Homère au début du IIIe siècle de notre ère », un corpus qui s’est encore enrichi de la découverte récente d’un traité magnifique que l’on croyait disparu « Ne pas se chagriner » où Galien raconte les pertes irréparables qu’il a subies lors du grand incendie de Rome en 192 et comment il a tenté de surmonter cette épreuve. Son œuvre couvre tous les aspects de la médecine de son temps – de la pharmacologie à la physiologie, de la clinique à l’anatomie – mais elle est aussi un formidable miroir de la société romaine. La fortune critique du corpus galénique fut immense, à Alexandrie, à Byzance et dans le monde arabe qui ne cessa de le traduire et de le commenter avant de nous le transmettre. Au Moyen-Âge et jusqu’à la Renaissance, Galien incarna l’autorité médicale par excellence et son étude la voie obligée pour accéder à l’œuvre d’Hippocrate. Son étoile pâlit lorsque dans la célèbre préface de ses livres d’anatomie – De humani corporis fabrica [1543] – Vésale reprocha à ceux qui ânonnaient son enseignement de ne pas voir les erreurs flagrantes de ses descriptions anatomiques, lui qui n’avait disséqué que des singes puis extrapolé ses observations à l’homme… On ne peut que recommander la lecture d’un tel ouvrage qui contient également, pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de voir l’exposition, le catalogue de tous les objets montrés avec leur reproduction et de belles notices. Il prouve combien l’étude de la médecine antique est passionnante, continuellement confrontée à des nouvelles découvertes ou hypothèses, combien elle est le fruit d’échanges d’une très grande richesse entre des spécialistes issus de disciplines et de nationalités très diverses, combien enfin sa connaissance nous en dit beaucoup aussi sur notre façon d’exercer la médecine, combien à ce titre s’y intéresser est presque indispensable…
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