Le rétrécissement aortique lié au vieillissement est une pathologie cardiaque fréquente et grave lorsqu’il devient symptomatique. Le seul traitement efficace est un remplacement de la valve calcifiée, nécessitant une chirurgie lourde dont étaient exclus les malades à risque. L’implantation par cathétérisme d’une valve aortique (TAVI, pour transcatheter aortic valve implantation) a bouleversé la prise en charge de ces malades en ­simplifiant la procédure. Cette formidable innovation a été inventée par le Pr Alain Cribier, cardiologue interventionnel au centre hospitalier universitaire (CHU) de Rouen. Son approche percutanée débute dans les années 1980 par une dilatation de l’orifice aortique, suivie dans les années 1990 par l’introduction d’un stent pour prévenir la resténose en réalisant la mise au point d’une prothèse expansible initialement testée chez des centaines d’animaux.
La première implantation chez l’homme est réalisée le 16 avril 2002 au CHU de Rouen chez un homme en choc cardiogénique non éligible à la chirurgie. L’enthousiasme de la communauté médicale internationale a stimulé les premières études de faisabilité incluant des malades en situation compassionnelle, avec une mise en place par voie trans-septale, puis par voie intra-artérielle avec un matériel modifié par la firme Edwards. Les premières études comparant ces deux voies d’abord au niveau européen établissent l’intérêt de la TAVI et favorisent son essor dans le monde.
En 2004, la valve CoreValve vient concurrencer la première grâce à un accès artériel plus simple, et les deux valves obtiennent le marquage CE (conformité européenne) en 2007. Pour des raisons administratives, la France, pays pionnier de la TAVI, ne participe pas aux étapes successives d’amélioration technologique, toutes réalisées au Canada ou en Allemagne.

Registre FRANCE 2

Immédiatement après l’obtention du marquage CE, sous l’impulsion du Pr Bernard Guiraud-Chaumeil, alors président de la commission d’évaluation des dispositifs médicaux, la Haute Autorité de santé (HAS) considère la TAVI comme « innovante, permettant la prise en charge de patients en impasse théra­peutique ». Malgré le peu de données cliniques disponibles alors, cette institution a la hardiesse de recommander le remboursement des TAVI pour une période transitoire, avec une demande de recueil de données de tous les patients implantés en France.
Sous l’égide de la Société française de cardiologie, le registre FRANCE 2 (pour french aortic national corevalve and Edwards registry) a été mis en place sous la responsabilité des Prs Martine Gilard, cardiologue à Brest, et Marc Laskar, chirurgien à Limoges, pour suivre tous les patients implantés en France. Ce registre incluait 33 centres hospitaliers universitaires et privés ayant une activité annuelle d’au moins 2000 valves aortiques par voie chirurgicale répartis dans toutes les régions.
À partir de 2010, la pose de TAVI était prise en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie dans ces centres sous condition de l’inclusion des malades dans ce registre avec un suivi d’au moins 2 ans. Après la première échéance du 31 décembre 2011, la HAS a prolongé et élargi les critères médicotechniques d’éligibilité des établissements. Au vu des remarquables résultats de ce registre, les autorités administratives vont faciliter et pérenniser les autorisations d’activité de cardiologie interventionnelle, puisque 54 centres poseront des TAVI en 2019.
Ce registre a été une considérable réussite scientifique, illustrée par sa publication dans le New England Journal of Medicine de plus de 3 000 cas.1 Or on sait que la publication de registre par ce journal prestigieux est exceptionnelle. Il est encadré par la publication de deux études contrôlées PARTNER démontrant le bénéfice de la pose de TAVI chez les malades non opérables et chez les malades à haut risque chirurgical. La grande qualité du registre FRANCE 2 tient à son exhaustivité d’inclusion et de suivi, fournissant les informations en « vie réelle » qui complètent les résultats des études randomisées. Ce recueil a permis, au bout de quelques mois, de mettre en évidence des complications liées à un certain type de valves, qui a ainsi pu être rapidement corrigé.

Registre France TAVI

Près de 20 ans après le premier succès, cette technique est en expansion, avec une plus grande facilité de ­positionnement de la valve associée à une forte diminution du taux de complications, aboutissant à un élargissement des indications aux malades à faible risque chirurgical. Le registre FRANCE 2 a été prolongé par le registre France TAVI, qui inclut plus de 10 000 patients par an. Malgré la plus faible exhaustivité des informations d’inclusion et de suivi, ce registre confirme l’élargissement des indications et le développement de l’usage de nouvelles valves TAVI.

Pourquoi ce succès ?

Les lacunes des registres actuels éclairent les facteurs du succès de FRANCE 2. En premier lieu, une prise en charge par une société scientifique dépositaire d’une mission confiée par une autorité sanitaire qui, à cette époque, cherche à accompagner l’innovation française. En second lieu, une alliance entre des mesures coercitives et la préservation de l’indépendance médicale. L’acte n’était pas remboursé si le malade n’était pas inclus dans le registre, et il devait être pris en charge dans un centre dédié. En revanche, le libre choix de l’indication médicochirurgicale était renforcé par l’anonymat des données. Enfin, la participation financière des industriels a assuré le recueil et le suivi d’excellente qualité des inscrits. 

Référence

1. Gilard M, Eltchaninoff H, Iung B, et al. ; FRANCE 2 Investigators. Registry of transcatheter aortic-valve implantation in high-risk patients. N Engl J Med 2012;366:1705-15.

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Résumé

La mise en place par cathétérisme d’une valve aortique (TAVI) destinée à traiter les malades ayant un rétrécissement aortique a été une des plus importantes innovations médicales de notre siècle. C’est en France que le premier malade peut en bénéficier en 2002 et, pour que cette innovation puisse être prise en charge, la HAS innove en le conditionnant à son inscription dans un registre. Le registre France-TAVI, constitué sous la responsabilité de la société scientifique cardiologique va inclure plus de 3 000 cas en un peu plus de 2 ans. Sa qualité scientifique et son exhaustivité vont permettre sa publication dans le New England Journal of Medecine.