Les enjeux de l’évaluation des dispositifs médicaux
La défiance vis-à-vis des vaccins, des médicaments n’épargne pas les dispositifs médicaux. L’enquête internationale Implant Files, publiée fin 2018, dénonçait un nouveau scandale sanitaire. Malgré de nombreuses informations inexactes ou incomplètes, cette enquête journalistique a soulevé des interrogations qui justifient ce dossier dans La Revue du Praticien.
Un dispositif médical est un instrument, équipement ou logiciel destiné à être utilisé chez l’homme à des fins de diagnostic, de prévention, de contrôle ou de traitement d’une maladie ou d’une blessure. Cette définition englobe plusieurs centaines de milliers de dispositifs d’une très grande diversité, depuis les compresses jusqu’au cœur artificiel, en incluant les prothèses orthopédiques et les stimulateurs cardiaques.
Quelles que soit leur destination, qu’ils soient implantables ou non, réutilisables ou à usage unique, la préoccupation première est de définir les risques que peuvent faire courir ces dispositifs à la personne malade et son entourage. C’est la vocation du « marquage CE », obtenu auprès d’un organisme notifié sélectionné par la Commission européenne, pour vérifier les normes de fabrication afin d’offrir l’assurance d’une sécurité technique. Cette labellisation est assurée aux États-Unis par la Food and Drug Administration (FDA). L’article de Claire Oget-Gendre clarifie leur parcours en France. Les critères de labellisation de ces dispositifs varient selon leur dangerosité, répertoriée en quatre classes. Les dispositifs médicaux considérés à faible risque, comme les béquilles, sont évalués sur dossier alors que les dispositifs implantables nécessitent des évaluations techniques et cliniques. La réforme européenne des organismes notifiés qui doit progressivement se mettre en place à partir de 2023 augmente les exigences d’inscription et renforce leur surveillance. Ainsi il sera nécessaire de fournir des études cliniques préalables pour les dispositifs implantables, avec un suivi en vie réelle nécessitant un identifiant unique.
Avant la mise en place de cette réforme, qui va prendre plusieurs années, le marquage CE n’est pas considéré en France, contrairement à ce qui se passe dans la grande majorité des pays européens, comme suffisant pour une prise en charge par l’Assurance maladie. La Haute Autorité de santé (HAS) a la mission d’évaluer les dispositifs médicaux ayant obtenu le marquage CE qui aspirent à cette prise en charge par la solidarité nationale. L’évaluation des dispositifs médicaux par la HAS diffère de celle des médicaments, et la France est quasiment le seul pays qui possède un dispositif d’évaluation spécifique des dispositifs médicaux. L’évaluation d’un médicament s’opère en plusieurs étapes afin de connaître sa toxicité, la posologie d’efficacité avec le moins d’effets indésirables, et se termine par une étude contrôlée par rapport à un traitement de référence ou un placebo pour juger de son efficacité. Ces méthodes d’évaluation ne peuvent pas s’appliquer constamment aux dispositifs médicaux pour plusieurs raisons : son efficacité est liée à l’expertise de l’opérateur ; la technologie du dispositif est en constante évolution ; la population cible est parfois très restreinte ; et il est quasi impossible de mener des études contrôlées en aveugle.
Les essais cliniques classiques ne sont donc pas toujours appropriés aux dispositifs médicaux. La difficulté pour prendre en compte l’expertise de l’opérateur pour évaluer les résultats de la pose de certains dispositifs implantables peut être compensée, comme le préconise la FDA, en ne considérant que les larges études multicentriques. Alors que la composition d’un médicament reste stable, le dispositif médical évolue en permanence. Les améliorations constantes des pacemakers illustrent ces changements, avec une miniaturisation, un gain d’autonomie de sa batterie, puis une connectivité. Certains dispositifs médicaux ne s’adressent qu’a des populations très restreintes dans le domaine du handicap, d’autres sont faits sur mesure. Et enfin le tirage au sort est restreint par les choix des malades, qui souvent préfèrent le dispositif innovant. Une fois que la HAS a évalué le service médical attendu d’un dispositif médical et défini les conditions de réalisation des actes qui y sont associés, elle apprécie le bénéfice clinique et sa valeur ajoutée ou non par rapport aux autres dispositifs existants. Ce niveau d’évaluation va permettre à un organisme mixte (le Comité économique des produits de santé [CEPS]) du ministère de la Santé et du ministère des Finances de discuter avec l’industriel le prix de remboursement.
L’enquête internationale Implant Files avait clairement mis en évidence des déficiences dans le contrôle par les autorités sanitaires de nombreux pays de certains dispositifs médicaux défectueux, voire dangereux. Cette surveillance sous la responsabilité des autorités sanitaires de chaque pays est confiée en France à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). L’article de son ancien directeur, Dominique Martin, illustre les différents niveaux de surveillance avec la centralisation des données de matériovigilance, le contrôle du fonctionnement de l’organisme notifié français, l’inspection des sites de fabrication et des opérations de contrôle du marché. En cas de non-conformité, l’ANSM prend chaque année des décisions de police sanitaire, avec des sanctions financières. Bien que ce soit bien plus que ce qui se passe dans les autres pays européens, l’ANSM va mettre en place un processus obligatoire de notification des incidents graves par les professionnels de santé, les industriels et les usagers.
Les méthodes d’évaluation et de surveillance sont déjà bouleversées par le développement technologique fulgurant des dispositifs médicaux connectés, par l’apparition de dispositifs imprimés en 3D et par le développement de dispositifs destinés à délivrer localement des médicaments. Bien que ces dispositifs sauvent des vies et améliorent la qualité de vie de personnes malades ou en situation de handicap, il existe clairement un besoin de transparence sur les données industrielles et les études cliniques. Les professionnels de santé doivent aussi prendre toute leur part dans cette exigence en s’impliquant dans la matériovigilance et surtout par la participation aux registres des dispositifs innovants ou à risque. Le remboursement pourrait être conditionné à l’inclusion dans ces registres.
Un dispositif médical est un instrument, équipement ou logiciel destiné à être utilisé chez l’homme à des fins de diagnostic, de prévention, de contrôle ou de traitement d’une maladie ou d’une blessure. Cette définition englobe plusieurs centaines de milliers de dispositifs d’une très grande diversité, depuis les compresses jusqu’au cœur artificiel, en incluant les prothèses orthopédiques et les stimulateurs cardiaques.
Quelles que soit leur destination, qu’ils soient implantables ou non, réutilisables ou à usage unique, la préoccupation première est de définir les risques que peuvent faire courir ces dispositifs à la personne malade et son entourage. C’est la vocation du « marquage CE », obtenu auprès d’un organisme notifié sélectionné par la Commission européenne, pour vérifier les normes de fabrication afin d’offrir l’assurance d’une sécurité technique. Cette labellisation est assurée aux États-Unis par la Food and Drug Administration (FDA). L’article de Claire Oget-Gendre clarifie leur parcours en France. Les critères de labellisation de ces dispositifs varient selon leur dangerosité, répertoriée en quatre classes. Les dispositifs médicaux considérés à faible risque, comme les béquilles, sont évalués sur dossier alors que les dispositifs implantables nécessitent des évaluations techniques et cliniques. La réforme européenne des organismes notifiés qui doit progressivement se mettre en place à partir de 2023 augmente les exigences d’inscription et renforce leur surveillance. Ainsi il sera nécessaire de fournir des études cliniques préalables pour les dispositifs implantables, avec un suivi en vie réelle nécessitant un identifiant unique.
Avant la mise en place de cette réforme, qui va prendre plusieurs années, le marquage CE n’est pas considéré en France, contrairement à ce qui se passe dans la grande majorité des pays européens, comme suffisant pour une prise en charge par l’Assurance maladie. La Haute Autorité de santé (HAS) a la mission d’évaluer les dispositifs médicaux ayant obtenu le marquage CE qui aspirent à cette prise en charge par la solidarité nationale. L’évaluation des dispositifs médicaux par la HAS diffère de celle des médicaments, et la France est quasiment le seul pays qui possède un dispositif d’évaluation spécifique des dispositifs médicaux. L’évaluation d’un médicament s’opère en plusieurs étapes afin de connaître sa toxicité, la posologie d’efficacité avec le moins d’effets indésirables, et se termine par une étude contrôlée par rapport à un traitement de référence ou un placebo pour juger de son efficacité. Ces méthodes d’évaluation ne peuvent pas s’appliquer constamment aux dispositifs médicaux pour plusieurs raisons : son efficacité est liée à l’expertise de l’opérateur ; la technologie du dispositif est en constante évolution ; la population cible est parfois très restreinte ; et il est quasi impossible de mener des études contrôlées en aveugle.
Les essais cliniques classiques ne sont donc pas toujours appropriés aux dispositifs médicaux. La difficulté pour prendre en compte l’expertise de l’opérateur pour évaluer les résultats de la pose de certains dispositifs implantables peut être compensée, comme le préconise la FDA, en ne considérant que les larges études multicentriques. Alors que la composition d’un médicament reste stable, le dispositif médical évolue en permanence. Les améliorations constantes des pacemakers illustrent ces changements, avec une miniaturisation, un gain d’autonomie de sa batterie, puis une connectivité. Certains dispositifs médicaux ne s’adressent qu’a des populations très restreintes dans le domaine du handicap, d’autres sont faits sur mesure. Et enfin le tirage au sort est restreint par les choix des malades, qui souvent préfèrent le dispositif innovant. Une fois que la HAS a évalué le service médical attendu d’un dispositif médical et défini les conditions de réalisation des actes qui y sont associés, elle apprécie le bénéfice clinique et sa valeur ajoutée ou non par rapport aux autres dispositifs existants. Ce niveau d’évaluation va permettre à un organisme mixte (le Comité économique des produits de santé [CEPS]) du ministère de la Santé et du ministère des Finances de discuter avec l’industriel le prix de remboursement.
L’enquête internationale Implant Files avait clairement mis en évidence des déficiences dans le contrôle par les autorités sanitaires de nombreux pays de certains dispositifs médicaux défectueux, voire dangereux. Cette surveillance sous la responsabilité des autorités sanitaires de chaque pays est confiée en France à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). L’article de son ancien directeur, Dominique Martin, illustre les différents niveaux de surveillance avec la centralisation des données de matériovigilance, le contrôle du fonctionnement de l’organisme notifié français, l’inspection des sites de fabrication et des opérations de contrôle du marché. En cas de non-conformité, l’ANSM prend chaque année des décisions de police sanitaire, avec des sanctions financières. Bien que ce soit bien plus que ce qui se passe dans les autres pays européens, l’ANSM va mettre en place un processus obligatoire de notification des incidents graves par les professionnels de santé, les industriels et les usagers.
Les méthodes d’évaluation et de surveillance sont déjà bouleversées par le développement technologique fulgurant des dispositifs médicaux connectés, par l’apparition de dispositifs imprimés en 3D et par le développement de dispositifs destinés à délivrer localement des médicaments. Bien que ces dispositifs sauvent des vies et améliorent la qualité de vie de personnes malades ou en situation de handicap, il existe clairement un besoin de transparence sur les données industrielles et les études cliniques. Les professionnels de santé doivent aussi prendre toute leur part dans cette exigence en s’impliquant dans la matériovigilance et surtout par la participation aux registres des dispositifs innovants ou à risque. Le remboursement pourrait être conditionné à l’inclusion dans ces registres.