Les papillomavirus humains (ou HPV pour human papillomavirus) sont à l’origine de lésions anogénitales bénignes (condylomes vénériens), de cancers ano-génitaux (col de l’utérus, vagin, vulve, anus, pénis) et de la sphère ORL (oropharynx).
Efficacité démontrée contre le cancer du col de l’utérus
Les premiers vaccins visant à prévenir ces infections ont été mis sur le marché en 2006, sur la base de résultats ayant démontré la prévention des infections anogénitales à HPV et la prévention des lésions précancéreuses du col de l’utérus. Le développement de ce cancer, le plus fréquent de ceux induits par les papillomavirus, avait en effet l’avantage d’être bien connu, tant sur le plan clinique qu’histologique : de l’infection persistante au cancer invasif en passant nécessairement par des lésions précancéreuses, sur une localisation anatomique bénéficiant déjà d’un dépistage systématique. Désormais, les données issues d’études cliniques et de la vie réelle ont largement démontré l’efficacité de cette vaccination contre l’émergence de lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus.1
Prévention des cancers de l’oropharynx induits par les HPV : un faisceau d’arguments
Les cancers de l’oropharynx induits par les papillomavirus concernent presque exclusivement les régions des amygdales palatines et linguales (base de langue), organes lymphoïdes où le papillomavirus viendrait infecter l’épithélium au fond des cryptes. Il n’a encore jamais été démontré que les lésions précancéreuses étaient une étape de l’oncogenèse de ces cancers. L’épidémiologie plaide cependant pour une oncogenèse comportant une longue période entre infection persistante et cancer invasif. Compte tenu de l’histoire encore récente des vaccins anti-HPV et de l’absence de lésion précancéreuse dans les cancers de l’oropharynx induits par les papillomavirus, il n’existe actuellement aucune donnée quant à l’efficacité de ces vaccins sur la prévention de ces cancers. Un faisceau d’arguments permet cependant d’espérer une efficacité significative.
Des anticorps sériques mais aussi sur le site de l’infection
Premièrement, les vaccins anti-HPV induisent la présence dans le pharynx et la cavité orale d’anticorps spécifiquement dirigés contre les sérotypes oncogènes contenus dans les vaccins, en particulier les 16 et 18 : respectivement chez 93 % et 72 % des patients au septième mois après vaccination dans les échantillons de bain de bouche.2 Ces anticorps ont été retrouvés jusqu’à trente mois après la vaccination, mais avec des pourcentages moindres (respectivement 29,6 % et 4,6 % des individus).3 Bien que ces taux aient tendance à diminuer dans le temps, ils étaient corrélés aux taux sériques. Un processus vaccinal par injection permet donc d’obtenir une protection immunitaire sur le site exact de l’infection virale, alors même que celle-ci reste limitée à la muqueuse oropharyngée sans contamination virale sérique.
La vaccination anti-HPV par injection permet, par ailleurs, la production d’un taux d’anticorps sériques supérieur à celui induit par une infection virale muqueuse.
Efficacité contre les infections à HPV orales et pharyngées
Deuxièmement, la vaccination anti-HPV induit une diminution très significative des infections orales et pharyngées (l’infection étant caractérisée par la présence d’une ou plusieurs souches HPV dans des prélèvements par écouvillonnage ou gargarisme). Une revue systématique de la littérature publiée en 2021 a repris toutes les données disponibles.4 Dans les quatre études transversales, les infections orales à HPV étaient diminuées en moyenne de 83,9 % pour les sérotypes contenus dans le vaccin chez les individus vaccinés comparativement aux individus non vaccinés (0,09-0,11 % versus 0,29-1,61 %). L’efficacité vaccinale contre les infections à sérotypes oncogènes 16 et 18 était de 82,4 % six ans après la vaccination.
Sur la base de ces premiers résultats encourageants, les autorités sanitaires américaines ont élargi les indications du vaccin anti-HPV à la prévention des cancers de l’oropharynx. Cette extension n’est pas encore validée en Europe.
Schéma vaccinal contre les papillomavirus
Plusieurs modifications ont été apportées au schéma vaccinal français depuis l’introduction de cette vaccination.5
Dorénavant recommandée dès 11 ans, chez les filles et les garçons, à l’occasion du rappel diphtérie-tétanos-coqueluche-poliomyélite (et/ou du rattrapage vaccinal contre l’hépatite B ou contre le méningocoque de sérogroupe C), elle peut s’étendre jusqu’à 14 ans révolus. Le schéma vaccinal comprend deux injections successives espacées de cinq à treize mois avec le vaccin nonavalent (Gardasil 9).
À partir de 15 ans, un rattrapage est possible jusqu’à 19 ans révolus avec un schéma en trois injections successives (0, 2 et 6 mois).
Depuis le 1er janvier 2021, la vaccination a été étendue aux garçons dans le but d’augmenter le taux de couverture vaccinale, donc l’immunité collective. Pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, la vaccination est possible jusqu’à 26 ans révolus à raison de trois doses administrées selon un schéma 0, 2 et 6 mois.
Toute nouvelle vaccination doit être initiée avec le vaccin nonavalent.
L’ensemble des études montre que l’efficacité vaccinale est d’autant plus importante que la vaccination est débutée avant l’exposition au risque d’infection par le HPV, au moins avant les premiers rapports sexuels.
Un schéma vaccinal avec plusieurs injections successives représente un inconvénient évident : de nombreux individus abandonnent le parcours vaccinal sans avoir reçu toutes les doses recommandées. Cependant, il a été démontré qu’une seule injection induit déjà un taux d’anticorps anti-HPV très significativement supérieur à celui des individus non vaccinés simplement infectés, et que ce taux se maintient dans le temps. Si un schéma vaccinal complet permettrait d’induire un taux d’anticorps sériques supérieur, il n’a pas été démontré de fortes différences en matière d’efficacité vaccinale entre un schéma vaccinal complet ou incomplet : taux équivalents d’infection à HPV ou de lésions précancéreuses au niveau du col de l’utérus. Une réflexion est en cours dans certains pays pour recommander un schéma vaccinal allégé tout en ayant pour objectif une large couverture populationnelle.
Informer les familles et élargir la population vaccinée
Des données solides laissent penser que la vaccination anti-HPV ne permettrait pas seulement de prévenir les infections et les cancers de la sphère ano-génitale mais également les cancers de l’oropharynx. L’incidence de ces cancers est en constante augmentation depuis plusieurs décennies, et leur diagnostic systématique à un stade précoce par un dépistage organisé se heurte à de nombreux obstacles. Pour les populations non vaccinées, le dépistage précoce repose uniquement sur une consultation auprès d’un médecin spécialiste ORL en cas de symptômes évocateurs (gêne pharyngée ou adénopathie cervicale persistantes). La vaccination anti-HPV représente l’espoir d’une éradication future de ces cancers pour les populations en âge d’être vaccinées. Longtemps présentée comme une vaccination essentiellement destinée à protéger contre les cancers du col de l’utérus, et donc uniquement proposée aux filles, elle devrait bénéficier d’une plus large diffusion en informant enfants et parents sur son intérêt dans la prévention des cancers de l’oropharynx, qui touchent préférentiellement les hommes.
1. Lei J, Ploner A, Elfström KM, Wang J, Roth A, Fang F, et al. HPV vaccination and the risk of invasive cervical cancer. N Engl J Med 2020;383(14):1340-8.
2. Pinto LA, Kemp TJ, Torres BN, Isaacs-Soriano K, Ingles D, Abrahamsen M, et al. Quadrivalent human papillomavirus (HPV) vaccine induces HPV-specific antibodies in the oral cavity: Results from the mid-adult male vaccine trial. J Infect Dis 2016;214(8):1276-83.
3. Parker KH, Kemp TJ, Isaacs-Soriano K, Abrahamsen M, Pan Y, Lazcano-Ponce E, et al. HPV-specific antibodies at the oral cavity up to 30 months after the start of vaccination with the quadrivalent HPV vaccine among mid-adult aged men. Vaccine 2019;37(21):2864-9.
4. Nielsen KJ, Kronberg Jakobsen A, Schmidt Jensen J, Gronhoj C, von Bhuchwald C. The effect of prophylactic HPV vaccines on oral and oropharyngeal HPV infection. A systematic review. Viruses 2021;13(7):1339.
5. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2022. Juin 2022. Ministère de la Santé et de la Prévention.