Les objectifs du Plan greffe 2017-2021 n’ont pas pu être tous atteints. En effet, si les objectifs qualitatifs annoncés ont été honorés, les années 2020 et 2021 ont été marquées par la pandémie de SARS-CoV-2, impactant fortement les activités de prélèvement et de greffe d’organes et de tissus en France, mais également dans la totalité des pays au monde.1,2

Redémarrage de l’activité de transplantation après la pandémie de Covid-19

En 2021, la réorganisation des établissements de santé et la mobilisation de tous les acteurs du soin, des tutelles sanitaires, de l’Agence de la biomédecine, des sociétés savantes, des associations et des représentants d’usagers ont permis de répondre avec pertinence à la baisse du nombre de greffes, et ce, bien avant la fin de la crise. En 2021, l’activité de transplantation en France a augmenté de 19,3 % par rapport à 2020 (5 276 versus 4 410). En dépit de cette relance de l’activité, près de 950 patients sont décédés sur la liste nationale d’attente, faute de greffons disponibles, soit près de trois patients par jour. Au cours de la même période, l’activité de prélèvement de tissus est restée très dynamique malgré la crise, sans toutefois atteindre les chiffres de 2019.3

Plus de 200 millions d’euros pour le Plan 2022-2026

Le 15 mars 2022, le ministère de la Santé et des Solidarités a rendu public le Plan 2022-2026 pour le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus.4 Ce plan ambitieux, innovant et réaliste s’accompagne, pour la première fois, d’un financement spécifique en appui de la revalorisation des forfaits de prélèvement et de greffe, mais également en soutien de l’innovation organisationnelle et technique, entre autres. Il s’appuie aussi sur des objectifs qualitatifs et quantitatifs, déclinés par régions, permettant à ces dernières d’évaluer leur activité annuelle et de préconiser des mesures correctrices en cas de sortie de trajectoire (tableau et fig. 1 et 2). Au-delà de ce soutien financier qui approche les 210 millions d’euros, il s’appuie sur un pilotage opérationnel régional, au plus près des équipes.

Multiplication des sources de greffons

Pour le prélèvement, aucune source de greffon n’est laissée de côté, le plan renforce le prélèvement à partir de donneur décédé, mais aussi l’activité Maastricht III (voir « Épidémiologie de la transplantation d'organes en France » page 950), laquelle représente aujourd’hui près de 10,5 % des greffes totales.5 Il s’agit de conserver une dynamique sur le prélèvement du donneur en état de mort encéphalique, surtout dans les filières hospitalières qui ont fait l’objet d’une réorganisation pour faire face à la pandémie. Le plan prône également la relance vigoureuse de l’activité de greffe à partir de donneur vivant. En 2021, 521 greffes avec un donneur vivant ont eu lieu en France, représentant 16 % de la totalité des greffes rénales, avec une activité superposable à celle de 2019. Aujourd’hui, cette activité de greffe avec donneur vivant apporte les meilleurs résultats en matière de durée de survie du greffon rénal à dix ans. Il s’agit d’une greffe « programmable », qui doit être fortement soutenue dans les établissements, au même titre que l’activité de don croisé. Dans cette indication, le médecin traitant joue un rôle clé aux côtés des équipes spécialisées, dans l’information, puis dans la décision du patient et de ses proches, qui déterminera le choix de ce dernier d’aller vers une greffe préemptive, avant de débuter la dialyse. L’objectif de 20 % des greffes rénales réalisées à partir de donneurs vivants est inscrit dans le plan greffe à l’orée 2026. Il est atteignable si l’intégralité des acteurs se coordonne. Localement, ce soutien consiste à prioriser l’activité de prélèvement et de greffe d’organes au sein des blocs opératoires. Concrètement, dans chaque établissement, c’est l’inscription de l’activité de prélèvement et de greffe dans les projets d’établissement et les chartes de bloc qui est la meilleure traduction de cette priorité nationale, bien définie dans les lois bio­éthiques successives.6

Adaptations régionales et valorisations

Les leçons tirées de la crise montrent que chaque région a ses spécificités. Pour son pilotage territorial, le plan se fonde sur un suivi des mesures en régions avec l’appui d’un référent identifié au sein de l’Agence régionale de santé (ARS), soutien actif de l’Agence de la biomédecine représentée en région. Il renforce aussi la professionnalisation des coordinations hospitalières de prélèvement d’organes et de tissus (CHPOT), malmenées durant la pandémie, et les équipes de greffe (suivi des cohortes, éducation thérapeutique, prescription encadrée), en s’appuyant sur des infirmières en pratique avancée (IPA). Il soutient la formation des équipes médico-chirurgicales (initiale et continue), mais aussi les audits d’accompagnement des CHPOT sur le terrain. Enfin, ce plan veut actualiser la valorisation des forfaits prélèvements et greffes, et donner une meilleure lisibilité des financements, en améliorant leur traçabilité dans une démarche transparente de démocratie sanitaire, et en généralisant leur diffusion régulière, vers les référents ARS, les équipes hospitalières, pôles et services concernés, mais également vers les associations de patients.

Dynamiser la transplantation d’organes

Dans un article récent, Kerforne et al. mettent l’accent sur l’engagement et la vocation dynamique du Plan 2022-2026.7 Ils soulignent bien la nécessité de renforcer la pédagogie et la connaissance du prélèvement d’organes, de son étiologie, de sa physiopathologie et sa prise en charge spécifique en anesthésie-réanimation. Dynamiser l’activité de prélè­vement et de greffe en France, améliorer le service médical rendu aux 25 300 patients sur les listes d’attente d’organes et de tissus, sans oublier la solidarité et la générosité des donneurs et de leurs proches, c’est perpétuer « ce lien qui nous unit tous », du don à la vie. 
Références
1. Aubert O, Yoo D, Zielenski D, Cozzi E, Cardillo M, Dürr M, et al. COVID-19 pandemic and worldwide organ transplantation: A population-based study Panel. The Lancet Public Health 2021;6(10):E709-E719.
2. Legeai C, Malaquin G, Lamotte C, Antoine C, Averland B, Jasseron C, et al. Impact of coronavirus disease 2019 on organ donation and transplantation in France. Transpl Int 2021;34(1):204-6.
3. Rapport médical et scientifique 2021 de l’Agence de la biomédecine. https://rapport-annuel.agence-biomedecine.fr/4. Plan ministériel pour le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus 2022-2026. Greffes et dons d’organes : plans d’actions 2022-2026. Ministère des Solidarités et de la Santé. https://vu.fr/dysO
5. Le Dorze M, Martin-Lefèvre L, Santin G, Robert R, Audibert G, Megarbane B, et al. Critical pathways for controlled donation after circulatory death in France. Anaesth Crit Care Care Pain Med 2022;41(2):101029.
6. Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique. https://vu.fr/PJpn
7. Kerforne T, Bénard T, Allain G. Actualisation du prélèvement d’organe de patients décédés. Anesthésie et Réanimation 2022;8(4):364-72.

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