La faune sauvage européenne est assez bien connue d’un point de vue sanitaire, même si de nouvelles découvertes sont certainement encore à attendre.1, 2 Plusieurs agents pathogènes, responsables de zoonoses infectieuses, ont déjà été décrits. Dans ce contexte, on peut distinguer plusieurs schémas épidémiologiques possibles. Certains agents pathogènes zoonotiques sont propres à la faune sauvage qui en assure le maintien et explique la majeure partie des cas humains. La maladie de Lyme ou celle du Nil occidental (West Nile) en sont deux exemples classiques. D’autres agents sont actuellement présents ou ont été présents chez des animaux domestiques, puis ont été trouvés et ont circulé dans la faune sauvage. C’est le cas du virus de la rage canine, anciennement transmis aux renards roux (Vulpes vulpes) ou de la bactérie de la brucellose des petits ruminants (Brucella melitensis), bien plus récemment transmise aux bouquetins des Alpes (Capra ibex) dans le massif du Bargy en Haute-Savoie.
Un cas de figure plus original est celui des animaux exotiques de compagnie, très mal connus d’un point de vue biologique comme sanitaire et qui sont élevés au contact de leurs propriétaires en Europe.
Dans chacune de ces deux modalités, quelques exemples illustrent ces diverses situations.

Risques liés à la faune sauvage libre

Rage vulpine

Le virus de la rage vulpine (Lyssavirus, rhabdoviridés)a été présent en France de 1968 à 1998, soit pendant 30 ans. Si des dizaines de milliers de renards en sont morts, aucun cas humain autochtone n’a été déploré à partir de cette souche virale. Le virus vulpin correspond à l’adaptation au renard roux d’une souche rabique canine, probablement durant la première moitié du XXe siècle en Europe centrale. Des échanges microbiens entre animaux domestiques et animaux sauvages sont possibles, d’autant plus si les espèces sont proches d’un point de vue zoologique. Renard roux et chien domestique appartiennent tous deux à la famille des canidés. Une autre leçon à tirer de cet épisode se rapporte à la méthode de contrôle mise en œuvre et ayant conduit à son élimination : la vaccination des renards. C’était une première à l’époque. Le développement d’un vaccin contre le virus rabique capable de protéger les renards par voie orale a représenté une avancée intéressante dans ce contexte. Des capsules alimentaires recherchées par l’espèce contenant une dose de vaccin ont été distribuées de manière régulière par hélicoptère au-dessus des zones d’enzootie. À l’échelle de l’Europe occidentale, les résultats ont été rapides et spectaculaires, avec le recul puis la disparition de la maladie vulpine.

Infection par le virus du Nil occidental

Le virus du Nil occidental (Flavivirus, flaviviridés) circule depuis bien longtemps chez les oiseaux de l’Ancien Monde. Il est transmis par divers moustiques du genre Culex. Régulièrement, des cas sont identifiés, à partir du réservoir sauvage, chez des chevaux et des humains qui sont des culs-de-sac épidémiologiques. Environ 20 % des infections sont symptomatiques chez l’homme. L’émergence du virus et de la maladie associée aux États-Unis, à New York en 1999, a relancé l’intérêt pour ce virus dont l’épidémiologie n’a pas fondamentalement changé dans l’Ancien Monde mais dont la progression dans le Nouveau Monde a représenté un modèle spectaculaire d’invasion biologique. La souche virale arrivée en Amérique s’est avérée particulièrement agressive. Une lutte raisonnée contre les moustiques ne peut que favoriser la lutte contre cette arbovirose et de nombreuses autres maladies à vecteurs.

Maladie de Lyme

Cette maladie, associée à plusieurs espèces de bactéries du genre Borrelia transmises par des tiques, fait régulièrement parler d’elle. Les tiques, en partie réservoir et vectrices, se nourrissent normalement sur de petits mammifères lors du ou des deux premiers stades (larves et nymphes), c’est-à-dire à l’occasion du premier ou des deux premiers repas sanguins, puis sur de plus grandes espèces, comme des cervidés lors du troisième et dernier repas sanguin (adultes). Les humains s’exposent aux morsures de tiques à l’occasion de sorties dans la nature. Les prédateurs des rongeurs peuvent avoir un rôle bénéfique en diminuant localement le nombre et la densité des nymphes de tiques infectées. L’importance grandissante de la maladie de Lyme justifie largement qu’on utilise ces alliés naturels que sont les renards ou les mustélidés, belettes, hermines, putois, fouines et martres.

Brucellose

Les bactéries Brucella abortus et B. melitensis, responsables de différentes formes de brucellose, ont été peu à peu éliminées des élevages de bovins et de petits ruminants. La France en est aujourd’hui officiellement indemne. Deux cas humains déclarés en Haute-Savoie fin 2011 ont mis en évidence la persistance d’un foyer bovin à B. melitensis, probablement en liaison avec la persistance de la même bactérie chez des bouquetins des Alpes d’un massif de Haute-Savoie. L’enquête a montré l’extrême originalité de cette chaîne de transmission, avec une probabilité de résurgence non calculable mais certainement très faible. Les bouquetins avaient dû être contaminés par de petits ruminants avant l’éradication locale de la bactérie.

Risques liés à la faune sauvage captive

Virus VSBV

Ces toutes dernières années, trois cas humains mortels d’encéphalites dues à un nouveau virus, le variegated squirrel bornavirus (VSBV) de type 1, du genre Bornavirus, bornaviridés, ont été diagnostiqués en Allemagne.3 Leur analyse a montré que ces personnes se connaissaient et élevaient chez elles une espèce tropicale et forestière d’écureuil propre à l’Amérique centrale, l’écureuil variable (Sciurus variegatoides). Le même virus a été trouvé chez un des animaux, mais il semble délicat de savoir dans quel sens ce virus a circulé, et s’il est venu avec les écureuils. Une enquête a ensuite été réalisée chez les éleveurs d’écureuils captifs et exotiques en Allemagne et aux Pays-Bas. Les animaux ont été échantillonnés pour la recherche de Bornavirus. Quelques écureuils roux indigènes (S. vulgaris) écrasés, ramassés au bord de routes au Royaume-Uni, ont été ajoutés à l’étude. Au total, 468 animaux appartenant à 14 espèces de sciuridés ont été testés. Les analyses ont permis d’identifier 11 souches de Bornavirus,3 en Allemagne et 2 aux Pays-Bas, sur 2 espèces, 6 écureuils variables et 5 écureuils de Prévost (Callosciurus prevostii), une espèce originaire d’Asie du Sud-Est. A priori, l’origine géographique des animaux ne permet pas d’identifier une voie évidente de contamination. Dans tous les cas, ces animaux, élevés en Europe, avaient probablement eu de nombreux contacts avec d’autres espèces tout au long de leur existence.

Salmonelloses

Élever des animaux exotiques chez soi expose à plusieurs types de risques. Il y a une dizaine d’années, on a décrit une épidémie d’environ 200 cas de salmonelloses chez des éleveurs de serpents « de compagnie » au Royaume-Uni. Les mêmes personnes achetaient également des souris congelées pour nourrir leurs animaux. Il semble que ce soit la manipulation des souris lors de la décongélation, en prévision du repas des serpents, qui expliquerait les cas. La même souche bactérienne a été associée aux cas recensés. Elle n’a pas été retrouvée chez les reptiles mais bien chez les rongeurs.

SRAS

Un dernier exemple rapidement présenté, car plus lointain, peut aussi illustrer un autre schéma épidémiologique, celui du risque alimentaire avec le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), survenu d’abord en Chine entre fin 2002 et mi-2003.4 Ensuite, plusieurs pays d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord ont été touchés, avec environ 8 000 cas déclarés dont 800 décès. L’agent en cause est un nouveau coronavirus (Betacoronavirus, coronaviridés), associé initialement à un petit carnivore asiatique, localement consommé, la civette palmiste masquée (Paguma larvata). Pour satisfaire une demande croissante, en plus des captures en nature, des élevages de cette espèce avaient débuté. Les études menées semblent indiquer que la contamination humaine s’est produite au niveau des restaurants où les animaux étaient préparés. Ni les chasseurs, ni les éleveurs, ni les vendeurs, ni les consommateurs n’ont été directement touchés. À partir du premier ou des quelques premiers cas humains, l’épidémie s’est propagée uniquement par des contaminations intra-humaines. Le nombre initial de civettes infectantes est probablement très réduit.

RÉDUIRE LES RISQUES

Une constante de ces quelques exemples réside dans leur disparité et sans doute également dans la variété des mécanismes en cause et donc dans leur faible proba­bilité d’anticipation, si ce n’est que certains de ces contextes sont effectivement à risque.
La diversité des schémas épidémiologiques en œuvre rend difficile toute action préventive universelle. Néanmoins, chaque situation met en avant quelques facteurs de risque assez classiques. Il suffirait de les prendre en compte pour diminuer l’impact sanitaire et médical de tous ces épisodes. Dans le cas de la faune sauvage libre, on pourrait ne pas favoriser le développement de pratiques d’élevages (nourrisseurs à veaux en plein champ) attractives pour les espèces sauvages ou chercher à limiter l’accès de certaines ressources aux animaux de rente (points d’eau, pierres à lécher) ; le nourrissage des sangliers en nature, quels qu’en soient les motifs, ne va pas dans le bon sens. Dans le cas de la faune sauvage captive, la mode des animaux de compagnie exotiques n’apporte rien aux espèces en question et interroge sur les risques sanitaires associés, toujours inconnus ; la rapidité actuelle des échanges commerciaux et les quelques alertes déjà déclarées devraient pourtant inciter à une certaine prudence.
Références
1. Moutou F. Des épidémies, des animaux et des hommes. Paris : Le Pommier, 2015.
2. Gauthier-Clerc M, Thomas F (eds). Écologie de la santé et biodiversité. Bruxelles : De Boeck, 2010.
3. Schlottau K, Jenckel M, van den Brand J, et al. Variegated squirrel bornavirus 1 in squirrels, Germany and the Netherlands. Emerg Infect Dis 2017;23:477-81.
4. Ar Gouilh M, Moutou F. Infections zoonotiques et émergences virales. In : Mourez T, Burrel S, Boutolleau D et al. Traité de virologie médicale (2e éd). Paris : Société française de microbiologie, 2019. Sous presse.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Résumé Zoonoses infectieuses : risques liés à la faune sauvage

Les possibilités d’exposition à des agents de zoonoses infectieuses par la faune sauvage, en France et en Europe occidentale, ne sont peut-être pas les plus nombreuses. Elles existent néanmoins et peuvent être considérées selon deux contextes assez différents. Celui lié aux espèces sauvages de la faune indigène et celui lié aux espèces exotiques élevées comme animaux de compagnie. Dans le premier cas, c’est plutôt l’humain qui va au-devant du danger sanitaire, alors que dans le second cas le danger est introduit « dans la maison ». Quelques exemples illustrent ces deux cas de figure.