Pendant la pandémie de Covid-19, le port prolongé de masque, aussi bien chez les professionnels de santé que dans la population générale, a été l’une des principales mesures de protection mises en place contre l’infection. Différents types de masques ont été utilisés : chirurgicaux, FFP2 et masques « grand public ».
Les masques chirurgicaux ont une capacité filtrante de 95 à 98 % des particules de 3 µm. Ils sont à usage unique et doivent être changés toutes les quatre heures ou lorsqu’ils sont humides. Les masques FFP2 ont une capacité filtrante de 94 % des particules de 0,6 µm. Leur port ne doit pas dépasser huit heures.
Des masques réservés à un usage non sanitaire, dits « grand public », soit à usage unique soit lavables et réutilisables un nombre de fois défini par le fabricant, ont également été utilisés. Ils doivent avoir un niveau de respirabilité permettant leur port pendant quatre heures. Dans un contexte de pénurie, différents masques artisanaux en tissu ont également été utilisés par la population générale.
Conséquences du port du masque sur la peau
Après quatre à huit heures de port d’un masque, aussi bien de type chirurgical que FFP2, on observe, au niveau de la région de peau recouverte, une augmentation de plusieurs paramètres : de l’hydratation, des pertes insensibles en eau, du pH, de la rougeur, de la sécrétion de sébum et de la température cutanée.1 Ces modifications, combinées à la friction et à l’effet occlusif du masque, favoriseraient les dermatoses et en particulier les phénomènes irritatifs locaux. Par ailleurs, les anomalies de la barrière et/ou du microbiote cutané chez des patients avec dermatoses inflammatoires du visage pourraient être aggravées par le port du masque.2
Le port prolongé du masque a ainsi fait émerger des dermatoses du visage. Dans une méta-analyse publiée en 2022 regroupant 37 études observationnelles réalisées dans 17 pays différents dont la cohorte a atteint plus de 29 000 personnes, la prévalence cumulée des dermatoses faciales associées au port du masque était de 55 %.3 Il pouvait s’agir d’une apparition de novo ou de l’exacerbation d’une dermatose préexistante.
Une étude chinoise a été réalisée sur une cohorte de 404 professionnels de santé : 44 % des 129 soignants ayant une dermatose faciale préexistante (acné, dermatite séborrhéique ou rosacée) rapportaient une exacerbation avec le port du masque dont 43,6 % de ceux ayant une acné, 37,5 % de ceux ayant une dermatite séborrhéique et tous les patients avec une rosacée.2
Une étude italienne a montré une aggravation significative de l’acné et de la rosacée après six semaines de port du masque, en moyenne huit heures par jour.4
Quelles dermatoses ?
Dans la majorité des études observationnelles publiées, le diagnostic de la dermatose faciale ne reposait pas sur une évaluation dermatologique mais sur les déclarations du patient, et certaines études ne rapportent que des symptômes. Ainsi, dans une étude danoise portant sur une cohorte de plus de 10 000 professionnels de santé, 61,9 % rapportaient des symptômes cutanés avec, par ordre de fréquence : rougeurs et peau irritée (38,9 %), taches ou boutons (37,9 %), prurit (32,6 %), peau sèche et squameuse (22,9 %), marques de pression (20,5 %), peau sensible, sensation de brûlure et peau douloureuse (12,4 %), peau grasse ou collante (11,8 %).5 La prévalence cumulée associée au port du masque était de 31 % pour l’acné, 24 % pour la « dermatite faciale », 30 % pour le prurit et 31 % pour les lésions liées à la pression, dermatoses les plus fréquemment rapportées dans les études.
« Maskné », une nouvelle entité
Les poussées d’acné favorisées par le port du masque (
Des critères cliniques ont été proposés pour évoquer une « maskné » :6,7
- survenue d’une acné dans les six semaines suivant le port régulier d’un masque ou exacerbation d’une acné au niveau de la zone couverte ;
- lésions élémentaires (papules, pustules et comédons) ;
- atteinte de la zone péribuccale ;
- aggravation/développement de l’acné lors du port prolongé (plus de 4 à 6 heures par jour) et amélioration lorsque le masque n’est pas porté sur de longues périodes ;
- exclusion des diagnostics différentiels comme une dermatite périorale, une dermatite séborrhéique, une folliculite à Malassezia, une rosacée, une irritation ou un eczéma allergique de contact.
La cause de cette acné mécanique serait liée à une occlusion des follicules sébacés due à la combinaison de la pression mécanique et des frictions et à l’augmentation de la température et de l’humidité. La dysbiose cutanée favorisée par le microclimat chaud et humide à la surface de la peau et les modifications du pH secondaires au port prolongé du masque participeraient également à la survenue de cette acné ;6 le maquillage sous le masque pourrait également la favoriser.
Elle se localiserait plus souvent au niveau du menton et en péribuccal qu’au niveau des joues.6,7 La présence de comédons associés aux papules et aux pustules permet de différencier l’acné d’une poussée de rosacée.7
Rosacée
La rosacée est une dermatose chronique fréquente du visage. Des aggravations de rosacée ont été rapportées dans le contexte du port prolongé du masque.8 Une étude italienne portant sur une cohorte de 36 patients atteints de rosacée stable a révélé que leur atteinte s’est aggravée après six semaines de port du masque, porté huit heures par jour en moyenne.3
Dermite séborrhéique
La dermite séborrhéique (
Prurit
Dans une étude polonaise, 19,6 % de 2 000 étudiants rapportaient un prurit sous masque.10 La notion de peau sensible ou atopique, et la présence d’une dermatose telle que l’acné, la dermite séborrhéique ou la dermatite atopique étaient significativement associées à la survenue du prurit et notamment lors du port prolongé du masque (plus de 5 heures par jour).10
Dermatites de contact
Plusieurs études ont également rapporté la survenue de dermatites de contact surtout irritatives et, plus rarement, d’une urticaire de contact ou d’un eczéma allergique de contact.
La dermite d’irritation liée au masque se localise essentiellement sur les zones de pression – joues, arête nasale, oreilles – et apparaît après une utilisation prolongée de six heures par jour.7
L’eczéma allergique de contact dû à un des constituants du masque reste un phénomène exceptionnel ; quelques cas cliniques ont été rapportés dans la littérature : eczéma allergique de contact à la bande de mousse en polyuréthane des masques FFP2, aux accélérateurs de vulcanisation des bandes élastiques, à des conservateurs comme le formaldéhyde, à un désinfectant type ammonium quaternaire pulvérisé sur les masques, ou au nickel des parties métalliques.7,11
Facteurs de risque : d’abord la durée du port du masque
Dans les différentes études publiées, le risque de développer une dermatose faciale était fortement corrélé à la durée du port du masque.1,12 En analyse cumulée, le risque relatif de développer une dermatose faciale lors du port de masque prolongé (entre 4 et 6 heures par jour) était de 1,42 par rapport à un port de moins de quatre heures.1
Les patients avec une dermatose faciale préexistante – acné, rosacée, dermatite atopique, dermite séborrhéique ou dermite périorale – rapportaient plus souvent des symptômes cutanés.4,5,12
En revanche, le risque de dermatose faciale sous masque n’était pas statistiquement différent selon le type de masque porté – FFP2 ou chirurgical –, la zone géographique et la population concernée – professionnels de santé ou population générale.1
Quelques recommandations de prévention
Plusieurs recommandations sont proposées afin de prévenir la survenue de dermatoses faciales secondaires au port du masque :4,7
- ne pas porter le même masque plusieurs jours consécutifs et respecter les consignes du fabricant ;
- utiliser un masque de taille adaptée, en évitant les frictions/pressions prolongées sur les mêmes zones ;
- éviter le port prolongé du masque (plus de 6 heures par jour) ou l’enlever et le réajuster toutes les deux heures ;
- nettoyer la peau du visage en utilisant des produits doux, à pH proche de celui de la peau ; éviter d’utiliser de l’eau très chaude et favoriser les émollients non comédogènes au quotidien en les appliquant au moins une heure avant le port du masque ; - bannir les produits irritants ;
- dans la mesure du possible, travailler dans un environnement frais ; en cas de forte transpiration, retirer le masque quelques minutes.
Que dire à vos patients ?
Porter le masque uniquement le temps nécessaire, le changer régulièrement selon les recommandations.
Nettoyer le visage avec un produit doux et neutre, éviter les cosmétiques irritants ou comédogènes.
En cas de survenue d’une dermatose faciale, consulter un dermatologue pour un diagnostic précis et une prise en charge adaptée.
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2. Zuo Y, Hua W, Luo Y, et al. Skin reactions of N95 masks and medial masks among health-care personnel: A self-report questionnaire survey in China. Contact Dermatitis 2020;83(2):145-7.
3. Justin LYS, Yew YW. Facial Dermatoses Induced by Face Masks: A Systematic Review and Meta-Analysis of Observational Studies. Contact Dermatitis 2022;87(6):473-84.
4. Damiani G, Gironi LC, Grada A, et al. COVID-19 related masks increase severity of both acne (maskne) and rosacea (mask rosacea): Multi-center, real-life, telemedical, and observational prospective study. Dermatol Ther 2021;34(2):e14848.
5. Skiveren JG, Ryborg MF, Nilausen B, et al. Adverse skin reactions among health care workers using face personal protective equipment during the coronavirus disease 2019 pandemic: A cross-sectional survey of six hospitals in Denmark. Contact Dermatitis 2022; 86(4):266-75.
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7. Spigariolo CB, Giacalone S, Nazzaro G. Maskne: The Epidemic within the Pandemic: From Diagnosis to Therapy. J Clin Med 2022;11(3):618.
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9. Veraldi S, Angileri L, Barbareschi M. Seborrheic dermatitis and anti-COVID-19 masks. J Cosmet Dermatol 2020;19(10):2464-5.
10. Szepietowski JC, Matusiak Ł, Szepietowska M, et al. Face Mask-induced Itch: A Self-questionnaire Study of 2,315 Responders During the COVID-19 Pandemic. Acta Derm Venereol 2020;100(10):adv00152.
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12. Niesert AC, Oppel EM, Nellessen T, et al. “Face mask dermatitis” due to compulsory facial masks during the SARS-CoV-2 pandemic: data from 550 health care and non-health care workers in Germany. Eur J Dermatol 2021;31(2):199-204.