Une patiente militaire de 24 ans consulte à l’antenne médicale spécialisée du Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale. Elle a subi un traumatisme de la cheville, quinze jours plus tôt, lors d’un exercice d’aérocordage, sur descente de corde lisse d’hélicoptère. À l’arrivée au sol, elle a ressenti une vive douleur à la cheville gauche. La description du mécanisme lésionnel est difficile du fait de la cinétique élevée au moment de l’impact.
Elle a immédiatement consulté aux urgences, où la radiographie pratiquée n’a pas montré de lésion osseuse. Une immobilisation par attelle gonflable avec appui a été prescrite, ainsi qu’un arrêt de travail.
À J15, une gêne fonctionnelle importante liée à la douleur à l’appui et une sensation d’instabilité persistent. L’inspection ne met pas en évidence d’hématome mais un discret épanchement tibio-talien. La mise en compression de la syndesmose (« test de Hopkinson » ou squeeze test ;  fig. 1) déclenche une franche douleur remontant le long de la face antérieure du tiers inférieur de la jambe. Il n’existe, en revanche, pas de douleur à la palpation de l’insertion talienne du ligament tibiofibulaire antérieur (LTFA).
Une IRM confirme l’entorse grave dite « de la syndesmose », avec rupture complète du ligament tibiofibulaire antéro-inférieur (LTFAI) et de la membrane interosseuse (fig. 2 et 3), mais le ligament tibiofibulaire postéro-inférieur (LTFPI) est intact. L’absence de diastasis tibiofibulaire au bilan radiologique complémentaire classe la lésion en stade 2 (fig. 4).
Un traitement orthopédique est instauré après avis spécialisé : mise en décharge complète avec immobilisation stricte par résine, pour une durée de six semaines, suivie d’une rééducation par kinésithérapie. À trois mois, la patiente a totalement récupéré et a bénéficié d’une réathlétisation en service de médecine physique et de réadaptation.
Dans l’entorse de la syndesmose, le LTFAI est mis en contrainte par un mécanisme en flexion dorsale et rotation externe. Cette pathologie est souvent méconnue et son incidence sous-estimée (12 à 32 % chez les sportifs). Il est pourtant indispensable de la diagnostiquer car le traitement diffère de celui d’une entorse latérale de la cheville et peut être chirurgical. Un traumatisme peu précis, ou de mécanisme évocateur, la présence d’une douleur déclenchée par le squeeze test, l’absence de douleur à la palpation du LTFA sont des arguments en faveur d’une telle atteinte.1
En cas de suspicion clinique, les radiographies initiales de face et de profil, en charge, permettent de classer la lésion en cherchant un diastasis tibiofibulaire dont les critères d’interprétation sont les suivants :
– espace clair médial (normal inférieur à 4 mm) ;
– espace clair tibiofibulaire (normal entre 3 et 6 mm sur un cliché de face) ;
– superposition tibiofibulaire (normale supérieure à 5 mm sur un cliché de face stricte, ou supérieur à 1 mm sur un cliché en rotation interne de 20 ° [incidence de mortaise]).2
En cas de doute, le cliché comparatif controlatéral peut aider.
Des clichés de profil sont également nécessaires pour éliminer une fracture de la malléole postérieure du tibia, fréquemment associée à ce type de traumatisme.
L’IRM reste cependant l’examen de choix pour poser le diagnostic.2
La présence d’un diastasis classe la lésion en stade 3 (ruptures du LTFAI, de la membrane interosseuse et du LTFPI) et signe l’indication chirurgicale.
En l’absence de diastasis, la prise en charge de ces entorses n’est pas encore consensuelle (appui autorisé ou non, durée d’immobilisation, etc.) et requiert un avis ortho­pédique.3 La rééducation par kinésithérapie doit bannir le travail en rotation externe des fibulaires et le travail de proprioception en charge avant la troisième semaine. Une attelle courante gonflable limite le varus et n’est donc pas utile pour ce type d’entorse (cicatrisation ligamentaire non optimale).
La récupération fonctionnelle est plus longue qu’après une entorse latérale de cheville, et la reprise sportive ne s’envisage souvent qu’à partir du sixième mois.
Références
1. Rothenberg P, et al. Ligamentous Injuries of the Foot and Ankle. In: Miller MD, Thompson SR (éds). DeLee, Drez, & Miller’s Ortopaedic Sports Medicine (5e éd.) Philadelphia: Elsevier, 2020.
2. Mohamad M, Dubois-Ferrière V. Lésions isolées de la syndesmose tibio-fibulaire distale. Rev Med Suisse 2016;2(525):1288-93.
3. Molinier F, Andrieu M, Tourné Y. Prise en charge des lésions de la syndesmose tibiofibulaire. In: Bauer T et Lopes R. L’arthroscopie de la cheville et de l’arrière-pied. Paris: Elsevier, 2019.

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