Découverte scientifique majeure des époux Curie, le radium a soigné des patients atteints de cancer pendant des décennies, avant d’être abandonné au profit de nouvelles sources radioactives moins dangereuses. Mais son poids symbolique et son aura persistante ont conduit à des dérives mercantiles et à son utilisation dans des conditions délétères. Durant l’entre-deux-guerres, le radium a constitué un véritable phénomène de société.
Plus de cent vingt ans se sont écoulés depuis sa découverte par Marie et Pierre Curie en 1898, mais, même s’il a disparu de notre arsenal thérapeutique, le radium 226 conserve encore de nos jours une aura toute particulière.
Symbolique à plusieurs égards
De simple élément radioactif, le radium est devenu, et ce dès le début du XXe siècle, un véritable symbole. Il fut clairement l’une des découvertes majeures du début du siècle dernier, à l’égal de la machine à vapeur, du pétrole, de l’électricité, des rayons X, du cinéma... de ces découvertes qui générèrent un immense élan d’enthousiasme et qui purent même faire croire, à l’époque, qu’une science toute-puissante allait apporter une solution à tous les maux dont souffrait l’humanité.
Le radium est resté, dans l’imaginaire populaire, le symbole de l’acharnement scientifique : qui n’a pas en tête l’image d’Épinal de Marie Curie, dans le hangar vétuste et glacial qui lui servait de laboratoire, véhiculant et malaxant des quintaux de pechblende (minerai d’uranium), pour leur arracher l’extraordinaire élément dont elle pressentait la présence, ce « fabuleux métal », pour paraphraser José-Maria de Heredia (fig. 1 ).
Le radium est aussi, et c’est moins connu, le symbole du désintéressement scientifique ; en effet, peu de gens savent que Marie et Pierre Curie, tout à fait sciemment, n’ont jamais déposé le moindre brevet pour leur découverte, afin que l’utilisation du radium puisse profiter au plus grand nombre, alors même qu’un tel brevet leur aurait assuré, à l’évidence, une fortune colossale.
Le radium est également le symbole de l’efficacité des « rayons » contre le cancer : avec les « rayons de Röntgen », comme on appelait alors les rayons X, les rayons du radium ont été capables de guérir des milliers de patients cancéreux et ils ont favorisé l’émergence de la spécialité, qui reste en 2023 l’une des armes principales des cancérologues : la radiothérapie.
Le radium fut un symbole de quasi-éternité ; en regard d’une vie humaine, sa prodigieuse longévité (sa période radioactive est de 1 620 ans…) le rend presque immortel.
Enfin, le radium fut un symbole de préciosité : quel autre matériau pouvait en effet se targuer à l’époque de valoir plus de dix fois le prix du diamant le plus précieux ?
Le radium est resté, dans l’imaginaire populaire, le symbole de l’acharnement scientifique : qui n’a pas en tête l’image d’Épinal de Marie Curie, dans le hangar vétuste et glacial qui lui servait de laboratoire, véhiculant et malaxant des quintaux de pechblende (minerai d’uranium), pour leur arracher l’extraordinaire élément dont elle pressentait la présence, ce « fabuleux métal », pour paraphraser José-Maria de Heredia (
Le radium est aussi, et c’est moins connu, le symbole du désintéressement scientifique ; en effet, peu de gens savent que Marie et Pierre Curie, tout à fait sciemment, n’ont jamais déposé le moindre brevet pour leur découverte, afin que l’utilisation du radium puisse profiter au plus grand nombre, alors même qu’un tel brevet leur aurait assuré, à l’évidence, une fortune colossale.
Le radium est également le symbole de l’efficacité des « rayons » contre le cancer : avec les « rayons de Röntgen », comme on appelait alors les rayons X, les rayons du radium ont été capables de guérir des milliers de patients cancéreux et ils ont favorisé l’émergence de la spécialité, qui reste en 2023 l’une des armes principales des cancérologues : la radiothérapie.
Le radium fut un symbole de quasi-éternité ; en regard d’une vie humaine, sa prodigieuse longévité (sa période radioactive est de 1 620 ans…) le rend presque immortel.
Enfin, le radium fut un symbole de préciosité : quel autre matériau pouvait en effet se targuer à l’époque de valoir plus de dix fois le prix du diamant le plus précieux ?
Des applications médicales pendant soixante-quinze ans
La première « curiethérapie » de l’histoire date de 1901. Pierre Curie avait fourni un sachet de sels de radium à Henri Danlos, médecin de l’hôpital Saint-Louis, et celui-ci tenta de traiter non pas un cancer, mais un lupus tuberculeux. Rapidement, et surtout avec la mise au point, à la fondation Curie, des aiguilles et des tubes de radium, ce sont des milliers de patients cancéreux qui ont été traités, et souvent guéris, par le radium.
Il s’agissait initialement de tumeurs cutanées plus ou moins étendues, mais rapidement les cancers de l’utérus bénéficièrent aussi d’applicateurs spécifiques « chargés » par des tubes de radium. Les aiguilles et les tubes furent aussi utilisés pour traiter des tumeurs diverses, en particulier de la sphère ORL (fig. 2 ).
Pourtant, après des décennies d’utilisation en France un arrêté du 5 octobre 1976 mit fin à l’utilisation du radium 226. Pour être juste, il faut noter que le radium continua d’être utilisé dans de nombreux autres pays jusqu’aux années 2000 (faute d’autres radioéléments disponibles dans ces pays). Néanmoins, le radium n’avait pas démérité, loin de là ! Des milliers de patients cancéreux lui doivent la vie.
Deux raisons principales ont poussé à cet abandon du radium 226.
La première est liée aux problèmes de radioprotection que posait son utilisation : pour les scientifiques, les médecins et infirmiers, il était difficile de se protéger de son rayonnement, particulièrement pénétrant (rayonnements gamma de 0,4 à 2,5 MeV). Il fallait se positionner derrière de lourds paravents plombés, travailler vite et avec de très longs instruments pour augmenter la distance par rapport à la source radioactive et réduire les effets biologiques des radiations… De plus, avec le temps, les tubes et aiguilles pouvaient se fissurer, avec un risque de contamination par le radon, ce gaz « fils » du radium dont on connaît bien aujourd’hui la dangerosité. Le personnel scientifique et médical se faisait donc irradier, et beaucoup y ont perdu des doigts, voire la vie. Un mémorial, situé à Hambourg, rendant hommage à ces pionnières et pionniers victimes de leur dévouement professionnel, fut inauguré en 1936 : plus de 300 noms y sont gravés.
Il y eut, en parallèle, une autre raison à l’abandon progressif du radium : la mise à disposition des radiothérapeutes de nouvelles sources radioactives, directement dérivées de la découverte de la radioactivité artificielle par Irène et Frédéric Joliot-Curie en 1934. Il s’agissait de l’iridium 192, du césium 137, et de l’iode 125, pour ne citer que les principaux radio-éléments artificiels utilisés. Ces nouvelles sources offraient nombre d’avantages par rapport au radium : leurs rayonnements étaient nettement moins pénétrants, avec une protection beaucoup plus facile. De plus, elles pouvaient être miniaturisées, ce qui les rendait beaucoup mieux adaptées aux « projecteurs de source », ces appareils permettant d’envoyer automatiquement vers le patient les sources radioactives dans des tubes ou aiguilles, et de les faire revenir tout aussi automatiquement dans des containers plombés, avec une réduction presque totale de l’irradiation du personnel.
Il s’agissait initialement de tumeurs cutanées plus ou moins étendues, mais rapidement les cancers de l’utérus bénéficièrent aussi d’applicateurs spécifiques « chargés » par des tubes de radium. Les aiguilles et les tubes furent aussi utilisés pour traiter des tumeurs diverses, en particulier de la sphère ORL (
Pourtant, après des décennies d’utilisation en France un arrêté du 5 octobre 1976 mit fin à l’utilisation du radium 226. Pour être juste, il faut noter que le radium continua d’être utilisé dans de nombreux autres pays jusqu’aux années 2000 (faute d’autres radioéléments disponibles dans ces pays). Néanmoins, le radium n’avait pas démérité, loin de là ! Des milliers de patients cancéreux lui doivent la vie.
Deux raisons principales ont poussé à cet abandon du radium 226.
La première est liée aux problèmes de radioprotection que posait son utilisation : pour les scientifiques, les médecins et infirmiers, il était difficile de se protéger de son rayonnement, particulièrement pénétrant (rayonnements gamma de 0,4 à 2,5 MeV). Il fallait se positionner derrière de lourds paravents plombés, travailler vite et avec de très longs instruments pour augmenter la distance par rapport à la source radioactive et réduire les effets biologiques des radiations… De plus, avec le temps, les tubes et aiguilles pouvaient se fissurer, avec un risque de contamination par le radon, ce gaz « fils » du radium dont on connaît bien aujourd’hui la dangerosité. Le personnel scientifique et médical se faisait donc irradier, et beaucoup y ont perdu des doigts, voire la vie. Un mémorial, situé à Hambourg, rendant hommage à ces pionnières et pionniers victimes de leur dévouement professionnel, fut inauguré en 1936 : plus de 300 noms y sont gravés.
Il y eut, en parallèle, une autre raison à l’abandon progressif du radium : la mise à disposition des radiothérapeutes de nouvelles sources radioactives, directement dérivées de la découverte de la radioactivité artificielle par Irène et Frédéric Joliot-Curie en 1934. Il s’agissait de l’iridium 192, du césium 137, et de l’iode 125, pour ne citer que les principaux radio-éléments artificiels utilisés. Ces nouvelles sources offraient nombre d’avantages par rapport au radium : leurs rayonnements étaient nettement moins pénétrants, avec une protection beaucoup plus facile. De plus, elles pouvaient être miniaturisées, ce qui les rendait beaucoup mieux adaptées aux « projecteurs de source », ces appareils permettant d’envoyer automatiquement vers le patient les sources radioactives dans des tubes ou aiguilles, et de les faire revenir tout aussi automatiquement dans des containers plombés, avec une réduction presque totale de l’irradiation du personnel.
Des dérives, potentiellement mortelles
L’utilisation du radium pour traiter les cancers a donc pris fin en France dans les années 1970. Mais, en parallèle de ces traitements des cancers, quelques « marchands du temple » sans scrupules s’étaient emparés de l’extraordinaire aura du radium, et avaient inventé et vendu des potions magiques au radium supposées guérir tout et n’importe quoi. En compresses, en comprimés, en solutions, voire en suppositoires, des produits censés contenir du radium étaient vendus très cher pour traiter quasiment tous les maux : on trouvait ainsi, en vrac, Supporadol contre les hémorroïdes, Artoradine contre l’artériosclérose, Radiocrèmeline contre les maladies de peau, et même l’ancêtre du Viagra, Vigoradine, pour traiter les « faiblesses viriles prématurées »… Et la liste n’est pas limitative.
Fort heureusement pour les pauvres patients crédules qui se ruinaient pour acheter ces médications miracles, il n’y avait, la plupart du temps, pas une once de radium dans ces remèdes supposés universels. Mais il y eut au moins une exception, qui s’est révélée mortelle : Radithor.
Fort heureusement pour les pauvres patients crédules qui se ruinaient pour acheter ces médications miracles, il n’y avait, la plupart du temps, pas une once de radium dans ces remèdes supposés universels. Mais il y eut au moins une exception, qui s’est révélée mortelle : Radithor.
Radithor contenait 1 microcurie de radium
Radithor fut inventé par un charlatan du nom de William Bailey. Cette médication, si l’on ose l’appeler ainsi, se présentait comme un petit flacon de 16,5 mL, contenant – réellement – 1 microcurie de radium. Elle était censée traiter « plus de 150 maladies endocrinologiques, les troubles digestifs et l’impuissance ». Selon les mots de son inventeur, « Radithor allait permettre de fermer les asiles de fous, de guérir les analphabètes et d’éliminer les dépressions nerveuses… ». En 1927, la route de William Bailey croisa celle du millionnaire et playboy Eben Byers. Un premier flacon de Radithor se trouva soulager Byers de ses douleurs de bras ; de ce fait, Byers devint dépendant à Radithor, en but plusieurs flacons par jour, en donna à ses amis et même à son cheval… Entre 1927 et 1931, il consomma entre 1 000 et 1 500 flacons ! Mais le radium, qui se métabolise comme le calcium, se fixa sur ses os, entraînant des fractures multiples, une aplasie médullaire et une cachexie. Quand Eben Byers mourut en 1931, il ne pesait plus que 40 kg ; ses os et ses dents impressionnent encore aujourd’hui les plaques photographiques…
Des ouvrières irradiées malgré elles
Radithor fut rapidement retiré de la circulation, mais il y eut d’autres victimes de ces utilisations inappropriées du radium. Ce fut le cas des « Radium Girls »…
Ces jeunes ouvrières peignaient les cadrans de montre et de réveil avec de la peinture mêlant sulfure de zinc et sels de radium (fig. 3 ). Marie Curie avait noté la luminescence spontanée des sels de radium, et elle avait rapidement réalisé que ce rayonnement était aussi capable de rendre fluorescents certains corps irradiés : le maximum de fluorescence était obtenu avec le sulfure de zinc.
L’industrie des peintures luminescentes fut très lucrative dans les années 1920-1930. Des rangées d’ouvrières peignaient les cadrans ; pour améliorer la précision de leurs pinceaux, on leur conseillait d’affiner ceux-ci avec les lèvres. Elles se sont alors largement contaminées, et l’on a observé, en plus des aplasies médullaires, une dramatique épidémie de sarcomes osseux de la mâchoire, tumeurs tout autant gravissimes qu’exceptionnelles. Un procès retentissant eut lieu en 1927, mais les pauvres « Radium Girls » ne récupérèrent après accord « hors cour » que des indemnités misérables.
Ces jeunes ouvrières peignaient les cadrans de montre et de réveil avec de la peinture mêlant sulfure de zinc et sels de radium (
L’industrie des peintures luminescentes fut très lucrative dans les années 1920-1930. Des rangées d’ouvrières peignaient les cadrans ; pour améliorer la précision de leurs pinceaux, on leur conseillait d’affiner ceux-ci avec les lèvres. Elles se sont alors largement contaminées, et l’on a observé, en plus des aplasies médullaires, une dramatique épidémie de sarcomes osseux de la mâchoire, tumeurs tout autant gravissimes qu’exceptionnelles. Un procès retentissant eut lieu en 1927, mais les pauvres « Radium Girls » ne récupérèrent après accord « hors cour » que des indemnités misérables.
Eaux et produits de beauté radioactifs
On aurait pu penser que ces drames allaient mettre fin aux publicités vantant la radioactivité, mais ce ne fut pas le cas.
L’un des meilleurs exemples de ces autres dérives concernait les eaux radioactives. Nombre d’eaux minérales, en France particulièrement, sont de facto, et cela depuis des siècles, faiblement radioactives. Entre les deux guerres, cette radioactivité fut largement utilisée comme argument publicitaire : les étiquettes des bouteilles affichaient alors fièrement « Source radioactive ».
Au même moment, la station thermale de Plombières-les-Bains vantait ses eaux « très radioactives », tandis que celle d’Évaux-les-Bains s’était baptisée « Station du radium ».
Tout le monde n’ayant pas les moyens de se payer le voyage vers une station thermale radioactive, on inventa de quoi fabriquer son eau radioactive personnelle à la maison ; ce furent les « fontaines au radium ». Ces jolis récipients souvent métalliques contenaient dans leur fond une petite quantité de sels de radium ; on remplissait la « fontaine » d’une eau qui devenait faiblement radioactive et on en buvait un verre par jour. Ces fontaines au radium eurent un franc succès jusqu’à la fin du siècle dernier.
En parallèle, le radium s’infiltra largement dans les produits de beauté : on ne compta bientôt plus les crèmes, lotions et autres poudres se vantant d’être radioactives : Iradium, les crèmes Activa, Microradium, Radiobust, Alpha Radium… Le summum fut atteint avec les produits de la gamme Tho-Radia, dont l’indéniable succès s’est étalé sur plusieurs décennies, des années 1930 aux années 1960 (fig. 4 ). L’argument publicitaire, répété à l’envi, était de poids : « crème et poudre Tho-Radia, embellissantes parce que curatives, à base de thorium et de radium, selon la formule du Dr Alfred Curie ».
Le « Dr Alfred Curie » a bien existé, mais il n’avait strictement aucun lien, ni familial ni d’aucune sorte, avec Pierre et Marie Curie. En fait, un industriel habile avait identifié cet homonyme et lui avait fait signer un contrat. Dans les échantillons qui ont pu être récupérés, il n’y avait (ici encore fort heureusement) pas la moindre trace ni de thorium ni de radium, ou beaucoup trop peu pour un quelconque effet.
L’un des meilleurs exemples de ces autres dérives concernait les eaux radioactives. Nombre d’eaux minérales, en France particulièrement, sont de facto, et cela depuis des siècles, faiblement radioactives. Entre les deux guerres, cette radioactivité fut largement utilisée comme argument publicitaire : les étiquettes des bouteilles affichaient alors fièrement « Source radioactive ».
Au même moment, la station thermale de Plombières-les-Bains vantait ses eaux « très radioactives », tandis que celle d’Évaux-les-Bains s’était baptisée « Station du radium ».
Tout le monde n’ayant pas les moyens de se payer le voyage vers une station thermale radioactive, on inventa de quoi fabriquer son eau radioactive personnelle à la maison ; ce furent les « fontaines au radium ». Ces jolis récipients souvent métalliques contenaient dans leur fond une petite quantité de sels de radium ; on remplissait la « fontaine » d’une eau qui devenait faiblement radioactive et on en buvait un verre par jour. Ces fontaines au radium eurent un franc succès jusqu’à la fin du siècle dernier.
En parallèle, le radium s’infiltra largement dans les produits de beauté : on ne compta bientôt plus les crèmes, lotions et autres poudres se vantant d’être radioactives : Iradium, les crèmes Activa, Microradium, Radiobust, Alpha Radium… Le summum fut atteint avec les produits de la gamme Tho-Radia, dont l’indéniable succès s’est étalé sur plusieurs décennies, des années 1930 aux années 1960 (
Le « Dr Alfred Curie » a bien existé, mais il n’avait strictement aucun lien, ni familial ni d’aucune sorte, avec Pierre et Marie Curie. En fait, un industriel habile avait identifié cet homonyme et lui avait fait signer un contrat. Dans les échantillons qui ont pu être récupérés, il n’y avait (ici encore fort heureusement) pas la moindre trace ni de thorium ni de radium, ou beaucoup trop peu pour un quelconque effet.
Un phénomène de société entre les deux guerres
Pendant l’entre-deux-guerres, le radium devint un véritable phénomène de société, ayant des rapports souvent lointains avec la découverte des époux Curie. On en veut pour preuve le rôle joué par le radium dans la culture populaire de l’époque.
Se multiplièrent alors les romans, plus ou moins délirants, fondés sur le radium : Le Radium qui tue, Le Voleur de radium, La Fuite du radium, La Caverne au radium, et on en passe... L’un des plus célèbres fut probablement La Course au radium, de Paul d’Ivoi, à l’époque un concurrent de Jules Verne.
Dans L’Île aux trente cercueils, une aventure d’Arsène Lupin écrite par Maurice Leblanc et qui a fait récemment l’objet d’un remake au cinéma, la « pierre miraculeuse » qui a donné son titre au tome II se trouve être, on l’aura deviné, du radium.
Les bandes dessinées de l’époque ne furent pas en reste : Le Récif de radium, L’Affaire du radium, parmi bien d’autres…
Le radium était partout. Dans cette période de l’entre-deux-guerres et jusqu’aux années 1950-1960, les publicitaires s’en sont donné à cœur joie et se sont servis du mot radium pour vanter tout et n’importe quoi. Qu’on en juge : on trouvait le « torchon Radium », la « laine Oradium », le « coton Radium », les « cigarettes et cigarillos Radium ». La lame de rasoir « scientifique » Radium se vantait d’être « à la barbe dure ce que la faux est à l’épi ».
Le domaine alimentaire n’était pas en reste : on pouvait acheter, entre autres, du beurre Radium et du camembert Radium.
Plus surprenant, on trouvait même des préservatifs estampillés « Radium Nutex », distribués aux soldats de l’armée américaine.
Cet engouement a certes faibli de nos jours, mais pas totalement. Le radium trouve encore sa place dans certaines bandes dessinées récentes, ou dans la musique électronique dite « techno » (par exemple, au sein des œuvres du disc-jockey DJ Radium).
En cherchant bien, on trouve aussi, dans la pharmacopée homéopathique actuelle, du Radium bromatum, qui, après contrôle approfondi, ne contient – ici encore heureusement – pas la moindre trace de radium.
Malgré tout, de nos jours, si l’on excepte quelques dérives difficiles à expliquer, comme la dernière citée, le mot radium est le plus souvent utilisé pour insister sur le caractère scientifique novateur et technologiquement avancé de la chose vantée, ce qui paraît quand même plus raisonnable que dans la période où il fut présenté comme la panacée.
Se multiplièrent alors les romans, plus ou moins délirants, fondés sur le radium : Le Radium qui tue, Le Voleur de radium, La Fuite du radium, La Caverne au radium, et on en passe... L’un des plus célèbres fut probablement La Course au radium, de Paul d’Ivoi, à l’époque un concurrent de Jules Verne.
Dans L’Île aux trente cercueils, une aventure d’Arsène Lupin écrite par Maurice Leblanc et qui a fait récemment l’objet d’un remake au cinéma, la « pierre miraculeuse » qui a donné son titre au tome II se trouve être, on l’aura deviné, du radium.
Les bandes dessinées de l’époque ne furent pas en reste : Le Récif de radium, L’Affaire du radium, parmi bien d’autres…
Le radium était partout. Dans cette période de l’entre-deux-guerres et jusqu’aux années 1950-1960, les publicitaires s’en sont donné à cœur joie et se sont servis du mot radium pour vanter tout et n’importe quoi. Qu’on en juge : on trouvait le « torchon Radium », la « laine Oradium », le « coton Radium », les « cigarettes et cigarillos Radium ». La lame de rasoir « scientifique » Radium se vantait d’être « à la barbe dure ce que la faux est à l’épi ».
Le domaine alimentaire n’était pas en reste : on pouvait acheter, entre autres, du beurre Radium et du camembert Radium.
Plus surprenant, on trouvait même des préservatifs estampillés « Radium Nutex », distribués aux soldats de l’armée américaine.
Cet engouement a certes faibli de nos jours, mais pas totalement. Le radium trouve encore sa place dans certaines bandes dessinées récentes, ou dans la musique électronique dite « techno » (par exemple, au sein des œuvres du disc-jockey DJ Radium).
En cherchant bien, on trouve aussi, dans la pharmacopée homéopathique actuelle, du Radium bromatum, qui, après contrôle approfondi, ne contient – ici encore heureusement – pas la moindre trace de radium.
Malgré tout, de nos jours, si l’on excepte quelques dérives difficiles à expliquer, comme la dernière citée, le mot radium est le plus souvent utilisé pour insister sur le caractère scientifique novateur et technologiquement avancé de la chose vantée, ce qui paraît quand même plus raisonnable que dans la période où il fut présenté comme la panacée.
Retour récent et polémique
Contrairement à son « cousin » (le radium 226 de Marie et Pierre Curie), le radium 223 est un émetteur pur de rayons alpha, ce rayonnement dont on dit couramment qu’il est arrêté par une simple feuille de papier : rien à voir, donc, avec les redoutables rayonnements gamma du radium 226, ce qui confère au radium 223 un énorme avantage en matière de radioprotection. Par ailleurs, sa période très courte (11 jours) est sans commune mesure avec les 1 620 ans de son illustre « cousin ».
Tout comme le radium 226, le radium 223 se fixe sur les os, et il a donc été testé pour traiter les métastases osseuses de patients atteints de cancers prostatiques. Le produit est alors administré par voie intraveineuse. Les résultats d’un essai « pivot » (essai de phase III ALSYMPCA) furent présentés en 2013 comme une avancée majeure, avec un avantage significatif en matière de survie globale par rapport au placebo. Cet avantage en survie, bien qu’encourageant, était modeste, puisque ne dépassant pas 2,8 mois. Dans la foulée, la Food and Drug Administration (FDA) américaine valida le produit, et pas moins de 23 pays, dont un bon nombre en Europe, décidèrent de le rembourser (malgré un coût de l’injection de 5 000 à 6 000 euros, pour des cures de six injections).
La France a fait exception en décidant de ne pas rembourser ce traitement, ce qui n’a pas manqué de susciter une polémique nationale. On a ainsi vu fleurir des articles de cancérologues s’étonnant de devoir envoyer leurs patients en Belgique ou en Allemagne. Plusieurs pétitions en ligne ont été lancées par des patients et/ou des associations, et le sujet a même été abordé lors de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. En réponse, la Haute Autorité de santé (HAS) a répondu que certaines données de l’essai pivot étaient discutables, que le service médical rendu du radium 223 était minime, et qu’un autre essai avait montré une toxicité inacceptable (fractures osseuses en particulier) quand le radium 223 était associé à l’abiratérone, l’un des produits phares actuels de la cancérologie prostatique. Au moment où ces lignes sont écrites (NDLR : juin 2023), les choses en sont là.
Tout comme le radium 226, le radium 223 se fixe sur les os, et il a donc été testé pour traiter les métastases osseuses de patients atteints de cancers prostatiques. Le produit est alors administré par voie intraveineuse. Les résultats d’un essai « pivot » (essai de phase III ALSYMPCA) furent présentés en 2013 comme une avancée majeure, avec un avantage significatif en matière de survie globale par rapport au placebo. Cet avantage en survie, bien qu’encourageant, était modeste, puisque ne dépassant pas 2,8 mois. Dans la foulée, la Food and Drug Administration (FDA) américaine valida le produit, et pas moins de 23 pays, dont un bon nombre en Europe, décidèrent de le rembourser (malgré un coût de l’injection de 5 000 à 6 000 euros, pour des cures de six injections).
La France a fait exception en décidant de ne pas rembourser ce traitement, ce qui n’a pas manqué de susciter une polémique nationale. On a ainsi vu fleurir des articles de cancérologues s’étonnant de devoir envoyer leurs patients en Belgique ou en Allemagne. Plusieurs pétitions en ligne ont été lancées par des patients et/ou des associations, et le sujet a même été abordé lors de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. En réponse, la Haute Autorité de santé (HAS) a répondu que certaines données de l’essai pivot étaient discutables, que le service médical rendu du radium 223 était minime, et qu’un autre essai avait montré une toxicité inacceptable (fractures osseuses en particulier) quand le radium 223 était associé à l’abiratérone, l’un des produits phares actuels de la cancérologie prostatique. Au moment où ces lignes sont écrites (NDLR : juin 2023), les choses en sont là.
Malgré les dérives, une découverte fondamentale de Marie et Pierre Curie
La découverte et l’histoire du radium restent indissociables de l’histoire de France, et Marie Curie, si discrète et fuyant les honneurs, serait manifestement très étonnée de se voir considérée aujourd’hui comme une icône dont la renommée dépasse largement les frontières de notre pays.
Si l’on oublie toutes les dérives parfois un peu folles de l’entre-deux-guerres, qui aujourd’hui peuvent faire sourire, le bilan global du radium, avec les milliers de malades guéris de leur cancer et le fantastique élan insufflé tant à la cancérologie qu’aux sciences fondamentales, reste clairement positif. Marie et Pierre Curie, aujourd’hui au Panthéon, peuvent être fiers de leur découverte et reposer en paix.
Si l’on oublie toutes les dérives parfois un peu folles de l’entre-deux-guerres, qui aujourd’hui peuvent faire sourire, le bilan global du radium, avec les milliers de malades guéris de leur cancer et le fantastique élan insufflé tant à la cancérologie qu’aux sciences fondamentales, reste clairement positif. Marie et Pierre Curie, aujourd’hui au Panthéon, peuvent être fiers de leur découverte et reposer en paix.
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